Infections diagnostiquées chez les mineurs non accompagnés lors de consultations hospitalières au Centre de lutte antituberculeuse de la Loire, 2022-2023
// Infections diagnosed in unaccompanied minors during hospital consultations at the Loire Tuberculosis Control Center, France, 2022-2023
Résumé
Introduction –
Les mineurs non accompagnés (MNA) représentent une population à risque d'infection nécessitant un accès à des soins adaptés. Ȧ Saint-Étienne, ils sont pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de la Loire, ou accompagnés par une association humanitaire. Les centres de lutte antituberculeuse (Clat) contribuent aux missions de prévention des risques infectieux. En 2022, avec la fin des restrictions liées à la pandémie de Covid-19, les arrivées de MNA en France ont augmenté de 30,6%.
Matériel et méthode –
Il s’agit d’une étude rétrospective menée du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023, portant sur tous les MNA pris en charge par l’ASE de la Loire ou accompagnés par une association humanitaire de Saint-Étienne. Ces jeunes patients ont été reçus de façon systématique au Clat 42 par un médecin généraliste pour réaliser un bilan médical préventif destiné aux migrants primo-arrivants. Ce bilan comportait un examen clinique et des examens paracliniques (sérologies infectieuses, radiographie thoracique, examen parasitologique des selles).
Résultats –
Trois cent soixante MNA ont été inclus dans cette étude dont 343 reçus au Clat 42 par le médecin généraliste responsable de l’unité, avec un âge moyen de 15,5 ans, majoritairement de sexe masculin (93%) et originaires d’Afrique subsaharienne essentiellement (77%) et 17 MNA (pas de renseignement sur l’âge, le sexe et l’origine) ont été reçus par des médecins généralistes libéraux du Roannais. Les infections mises en évidence étaient : l’infection tuberculeuse latente (ITL) (30,2%), la schistosomiase urinaire et/ou intestinale (14%), l’hépatite virale B chronique (5,8%), l’infection de l'appareil génito-urinaire à Chlamydia trachomatis (4,1%), la tuberculose pulmonaire (1,3%) la tréponématose (1,1%), la giardiose (1,1%) et l’hépatite virale B aiguë (0,5%).
Discussion-conclusion –
Les Clat participent à la prévention et la prise en charge des infections chez les MNA, comblant le manque de soins et de dépistage. Notre étude souligne l'importance de stratégies de dépistage adaptées pour traiter les infections et prévenir leurs complications, notamment avec un bilan standardisé le plus exhaustif possible. Tout bilan médical doit être complété systématiquement par une recherche d’ITL et de bilharziose lorsque les patients sont originaires d’Afrique subsaharienne au vu de leur prévalence dans notre échantillonnage.
Abstract
Introduction –
Unaccompanied minors (UMs) represent a population at risk of infection requiring access to appropriate care. In Saint-Etienne,
they are cared by the Loire department’s child welfare, or accompanied by a humanitarian association. Tuberculosis control
centers (CLAT) contribute to infectious risk prevention missions. In 2022, with the end of restrictions related to the
COVID-19 pandemic,
the arrivals of UMs in France increased by 30.6%.
Material and method –
Retrospective study from January 1, 2022 to December 31, 2023, covering all UMs supported by the Loire department’s child welfare or accompanied by humanitarian association in Saint-Etienne. These young patients were systematically received at CLAT 42 in consultation with a general practitioner to carry out a preventive medical check-up for first-time migrants. This check-up included a clinical examination and paraclinical tests (infectious serologies, chest X-ray, parasitological stool examination).
Results –
Three hundred sixty UMs were included in this study, 343 received at CLAT 42 by the general practitioner in charge of the unit, with an average age of 15,5 years. The majority were male (93%) and mainly from sub-Saharan Africa (77%), while 17 Ums (no information on age, sex or origin) were received by general practioners in the Roanne region. The infections identified were: latent tuberculosis infection (30,2%), urinary and/or intestinal schistosomiasis (14%), chronic viral hepatitis B (5,8%), Chlamydia trachomatis infection of the genitourinary tract (4,1%), pulmonary tuberculosis (1,3%), treponematosis (1,1%), giardiasis (1,1%) and acute viral hepatitis B (0,5%).
Discussion-conclusion –
CLAT are involved in the prevention and management of infections among Ums, filling the gap in care and screening. Our study underlines the importance of appropriate screening strategies to treat infections and prevent their complications, in particular with a standardized check-up that is as exhaustive as possible. All medical check-ups should be systematically complemented by a search for latent tuberculosis infection and schistosimiasis when patients are from sub-Saharan Africa, given their prevalence in our sample.
Introduction
Selon le rapport du ministère de la Justice, avec la fin des restrictions de déplacements liées à la pandémie de Covid-19 1, l’année 2022 a vu une augmentation des arrivées des mineurs non accompagnés (MNA) en France (+30,6% par rapport à l'année 2021). Au total en 2022, en France, 14 782 nouveaux MNA étaient pris en charge par les services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). La majorité des jeunes déclaraient avoir subi des violences, tortures ou maltraitances lors de leurs parcours migratoires responsables de pathologies psychiques et physiques 2.
Un mineur non accompagné est une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Un accueil provisoire d’urgence est mis en place (« mise à l’abri ») de cinq jours maximum. L’urgence résulte de l’isolement du mineur ou de la personne se présentant comme telle. Ce temps de cinq jours permet d'évaluer la minorité et l'isolement familial. Au terme du délai de cinq jours de la phase administrative, le président du conseil départemental doit saisir le procureur de la République (c'est le début de la phase de protection judiciaire). Si la minorité ou l’isolement du jeune ne sont pas reconnus, une décision de refus de prise en charge lui est notifiée. Il est informé sur les droits reconnus aux personnes majeures en matière d'hébergement d'urgence, d'aide médicale, de demande d'asile ou de titre de séjour. Si le jeune est évalué mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, le procureur de la République ou le juge des enfants peuvent prendre une ordonnance provisoire de placement. L’accueil provisoire est alors prolongé jusqu’à ce que l’autorité judiciaire rende sa décision. Par la suite, le mineur peut être confié à l'ASE ou à un tiers. Un mécanisme de répartition géographique peut orienter le mineur vers l'ASE d'un département différent de celui de l'accueil initial 3.
L’avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) du 7 novembre 2019 relatif au bilan de santé chez les personnes se présentant comme MNA, propose le bilan à organiser, quelle que soit la situation administrative de la personne 4. Plusieurs études convergent pour établir que les enfants étrangers isolés présentent des troubles psychiques et des troubles du comportement importants et plus fréquents que leurs pairs accompagnés, et que les adolescents en population générale 5,6. La population des MNA est une population à risque d’infections pour laquelle l’accès aux soins doit être facilité et amélioré 5. Le ministère des Solidarités et de la Santé dans son instruction du 8 décembre 2020, demande aux centres de lutte antituberculeuse (Clat) de contribuer aux missions dans le domaine de la prévention des risques et notamment de participer aux rendez-vous de santé des migrants primo-arrivants 7.
Au sein du Clat de la Loire (Clat 42), unité du Service d’infectiologie du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Étienne, un bilan médical préventif destiné aux migrants primo-arrivants a été organisé en 2022 et 2023 avec l’accord du conseil départemental, pour tous les MNA présents dans la Loire, reconnus ou non administrativement.
Pour les MNA, des soins adaptés et personnalisés sont donc nécessaires avec une approche globale qui intègre tout autant la dimension psychique que la dimension épidémiologique infectieuse. Ce travail rend compte de cette dernière dimension.
Matériels et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective, monocentrique, observationnelle du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023 incluant les MNA ayant bénéficié de consultations de médecine générale pour un bilan médical préventif destiné aux migrants primo-arrivants au Clat 42 et dans le Roannais.
Depuis 2006, dans le département de la Loire, la lutte antituberculeuse a été confiée par les autorités sanitaires au CHU de Saint-Étienne. Les activités réalisées au sein du Clat 42 ont été définies selon le programme de lutte antituberculeuse et les instructions ministérielles 7,8.
Les patients de cette étude sont d’une part des MNA pris en charge par l’ASE du département de la Loire qui transmet au Clat 42 la liste des nouveaux MNA arrivés dans le département, et d’autre part des MNA non reconnus mineurs par le département et accompagnés par une association humanitaire de Saint-Étienne, l’Association Transport People And Care (ATPAC Maison Solidaire) qui prend rendez-vous au Clat 42 par téléphone pour tous ses arrivants se déclarant mineurs. Les patients de notre étude étaient en France depuis plus de six mois au moment du bilan de notre étude. À partir de mars 2023, les MNA placés par l’ASE dans le Roannais (Nord du département), vivant dans une structure avec un infirmier, n’ont plus été reçus au Clat 42, mais par des médecins généralistes en cabinet libéral dans le Roannais ; un mini-guide avec des repères sur les infections à dépister et les conduites à tenir ont été transmis préalablement par le Clat 42 à ces médecins.
Les bilans réalisés au Clat 42 comprennent pour chaque jeune, une première consultation médicale avec recueil de l’anamnèse, un examen clinique, une radiographie thoracique face et profil et des examens paracliniques avec en particulier des prélèvements microbiologiques et sérologiques en fonction de leur pays de provenance et du contexte de l’exil. Pour la recherche de la bilharziose, selon les symptômes, nous avons pu réaliser les deux examens PCR sur selles et sangs et sérologie sur sang. Au laboratoire de parasitologie-mycologie du CHU de Saint-Étienne, nous réalisons des travaux sur la sensibilité de deux matrices (selles et sang) pour la détection par PCR. La sérologie est effectuée systématiquement. Nous n’avons pas pu avoir les selles pour chaque patient car c’est un prélèvement difficile à obtenir, en particulier chez cette population de patients. Si d’autres points d’appel sont présents nous réalisons des examens complémentaires (encadré). Ces prélèvements sont analysés au sein du laboratoire du CHU de Saint-Étienne dans le Service des agents infectieux et hygiène. Une deuxième consultation médicale au Clat 42 a lieu pour expliquer les résultats au patient, prescrire les traitements anti-infectieux nécessaires, et mettre en perspective les soins et les suivis médicaux nécessaires notamment pour le calendrier vaccinal. Les diagnostics infectieux sont alors saisis dans le dossier médical du patient selon la Classification internationale des maladies, 10e révision (CIM-10).
Matrice observation clinique :
Plainte initiale ou en cours de consultation – poids, taille – tension artérielle – peau et phanères – bruits du cœur – auscultation pulmonaire – mictions – transit des selles – abdomen – aires ganglionnaires – état dentaire – otoscope tympans – vision – rachis – sommeil – cycles menstruels
Matrice des examens biologiques :
–Biologie minimale proposée : sérologie VHB, VHC, test tuberculinique sanguin par quantiféron
–Charge virale du VHB en cas de présence de l’antigène HBs et sérologie de l’agent delta
–Examen parasitologique des selles
–Proposition sérologie VIH à tous
–Pour les jeunes d’Afrique subsaharienne : tests tréponémiques et recherche par PCR de schistosome dans les excrétas et/ou sérologie schistosomiase
–Si exposition aux infections sexuellement transmissibles : sérologie VIH, tests tréponémiques, recherches urinaires par amplification génique de Chlamydia trachomatis, gonocoque
–Si signes d’appel :
–si température, asthénie : recherche de paludisme,
–si autres symptômes : prélèvement bactériologique, virologique, mycologique
Avec l’accord du représentant légal des MNA du département de la Loire, le recueil anonyme des données a été effectué par consultation rétrospective du dossier patient informatisé sur le logiciel Easily® utilisé au CHU de Saint-Étienne, et à partir du fichier des consultations définies dans l’agenda Easily® comme consultations pour bilan médical préventif destiné aux migrants primo-arrivants. Un investigateur a été chargé du recueil des données des MNA qui concernaient : âge, sexe, infections identifiées (infection tuberculeuse latente – ITL– ou maladie, virus de l’immunodéficience humaine – VIH –, virus de l’hépatite B – VHB –, virus de l’hépatite C – VHC–, infections tréponémiques…). Les données ainsi recueillies ont été analysées grâce au logiciel Excel afin de pouvoir caractériser les infections présentes dans cette population. Les fichiers créés pour ces analyses ont été placés dans une ressource partagée accessible uniquement au médecin responsable du Clat 42 et à l’investigateur.
Résultats
Pendant la période de l’étude dans le département de la Loire, 360 MNA ont été pris en charge : 17 MNA (pas de renseignement sur le sexe et l’origine) ont été reçus par des médecins généralistes libéraux du Roannais et 343 MNA ont été reçus par le Clat 42 par le médecin généraliste responsable de l’unité.
Caractéristiques démographiques
Sur les 343 patients reçus par le Clat 42, 321 étaient de sexe masculin. La moyenne d’âge déclarée était de 15,5 ans (de 13 à 18 ans). Les patients étaient essentiellement originaires d’Afrique subsaharienne (77%, 267/343). Les trois pays les plus représentés étaient la Guinée (35%, 123/343), la Côte d’Ivoire (22%, 76/343) et la Tunisie (7%, 26/343). Les pays d’origines sont résumés dans le tableau 1.
du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023
Agrandir l'imageInfections diagnostiquées
Sur 360 patients reçus par le Clat 42 et par les médecins libéraux du Roannais, 189 (52,5%) avaient un bilan de dépistage négatif concernant les infections dépistées. Parmi les MNA ayant un bilan de dépistage positif, 126 avaient 1 infection (35%), 34 avaient 2 infections (9,4%) et 11 avaient 3 infections (3%).
Les infections diagnostiquées étaient : l’infection tuberculeuse latente (ITL) (30,2% dont 40/109 ITL originaires de Guinée soit 36% et 25/109 originaires de Côte d’Ivoire soit 22%), la schistosomiase urinaire et/ou intestinale (14% dont 20/51 originaires de Guinée soit 39% et 17/51 originaires de Côte d’Ivoire soit 33%), l’hépatite virale chronique B (5,8%), l’infection à Chlamydia trachomatis de l'appareil génito-urinaire (4,1%), la tuberculose pulmonaire (1,3%), la tréponématose (1,1% dont 0,55% du pian), la giardiose (1,1%) et l’hépatite virale aiguë B (0,5%), la teigne (0,5%) (tableau 2). Aucun paludisme n’a été diagnostiqué car pas de point d’appel pour le rechercher.
Tous les patients avec une infection diagnostiquée ont été traités selon les recommandations spécifiques.
Agrandir l'imageDiscussion
Notre étude portant sur une cohorte de MNA dépistés de façon systématique pour les risques infectieux nous permet de mettre en évidence l’importance du dépistage dans cette population jeune. Globalement la population migrante est particulièrement à risque d’infections acquises dans leur pays d’origine ou sur leur parcours de migration 9. En 2023, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), 47,7% des immigrés vivant en France sont nés en Afrique, 6,2% des immigrés ont moins de 15 ans et 8,3% ont entre 15 et 24 ans 10. C’est donc un nombre important de personnes à prendre en charge de manière adaptée aux expositions.
Il existe un large éventail d’origines géographiques dans notre étude, avec principalement des jeunes provenant d’Afrique subsaharienne (plus de 75% de notre échantillonnage), mais aussi d’Asie, du Maghreb et d’Europe du Sud-Est. En France, les trois principaux pays de provenance de ces jeunes sont la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Tunisie, ce qui correspond à nos résultats 11.
La prévalence et les types d’infections étant différents entre les pays occidentaux et afro-asiatiques, les médecins qui les prennent en charge doivent être conscients de leurs besoins spécifiques en matière de santé 12. Au vu de ces différences d'origine géographique des patients MNA, il est donc nécessaire d’adapter les protocoles de dépistage en fonction de la prévalence des infections selon l’origine. De plus, l'absence de symptômes n'exclut pas nécessairement l'infection ou le portage, ce qui souligne l'importance du dépistage chez les mineurs asymptomatiques. Ces programmes sont une priorité de santé publique 13.
Les problèmes de santé de notre échantillonnage concernent des infections bactériennes, virales, fongiques et parasitaires requièrent une attention particulière pour la santé individuelle et collective. Les systèmes de santé nationaux devraient fournir des informations adéquates et des lignes directrices communes aux professionnels de la santé en ce qui concerne l'identification et la gestion des besoins sanitaires des migrants 8. Le bilan que nous avons proposé était basé sur les recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) de 2019 4. En juin 2024, un bilan a été également proposé par la Société française de pathologie infectieuse de langue française (Spilf), la Société française de pédiatrie (SFP) et la Société française de lutte contre le sida (SFLS) 14.
En France, en 2022, le taux de déclaration de la tuberculose maladie était particulièrement élevé chez les personnes provenant d’Afrique subsaharienne 15. Nos résultats sont en corrélation avec les recommandations : il est nécessaire de rechercher une tuberculose latente ; plus de 70% des jeunes viennent de pays d’endémie tuberculeuse.
Selon une étude espagnole de 2016, sur 180 immigrants d’Afrique subsaharienne entre janvier 2009 et décembre 2012, au moins une infection a été diagnostiquée chez 72,8% des patients 16. Cette étude trouve une ITL chez 60,6% de ces patients par l’intradermoréaction à la tuberculine (IDR), ce qui est plus élevé que dans notre étude avec 30,2% d’ITL par le test de libération d'interféron gamma (IGRA). Avec l’âge, la prévalence de l’ITL augmente 17. L’étude espagnole incluait des sujets qui pour 23,3% d’entre eux avaient 18 ans ou plus, alors que tous les sujets de notre étude étaient mineurs. De plus, la prévalence de l’ITL dans l’étude espagnole peut être surestimée car des résultats faussement positifs de l'IDR peuvent être observés chez les sujets ayant reçu le vaccin Bacillus Calmette-Guérin (BCG), ou infectés par d'autres mycobactéries 18.
Peu de diagnostics de parasitoses digestives hormis la schistosomiase ont été retrouvés. En effet, au CHU de Saint-Étienne, le Clat 42 a participé à des recherches ayant fait l’objet de trois thèses d’exercice qui retrouvaient 20% de diagnostics positifs par amplification génique dans une population d’Afrique subsaharienne 19.
De plus, la détection de la schistosomiase par technique sérologique permet de faciliter le diagnostic par rapport à l’examen parasitologique des selles. En effet, il est plus simple de prélever un tube de sang que de recueillir trois échantillons de selles.
La recherche de parasites digestifs comme l’anguillule et la schistosomiase est très variable d’une technique à l’autre (microscopie, PCR, sérologie), mais aussi selon l’origine des prélèvements et l’origine des patients.
Dans une étude de 2019 en Italie avec une majorité de patients d’Afrique subsaharienne, parmi les 364 migrants ayant fourni un échantillon de selles, 20,6% (n=75) présentaient au moins un parasite intestinal 20. La prévalence la plus importante en helminthe était l’ankylostome, avec six personnes atteintes (1,6%). Quatre personnes étaient positives à l’examen direct des selles en Schistosoma mansoni (1,1%). Le diagnostic par PCR des excrétas et/ou sérologie de notre série est plus performant, puisque 14% des patients ont été considérés comme infectés.
Aucun diagnostic de paludisme n’a été retrouvé dans notre étude rétrospective. On peut l’expliquer par le fait que les patients de notre étude étaient en France depuis plus de six mois au moment du bilan objet de notre étude, et que sans symptôme (tel que la fièvre) nous ne réalisons pas la recherche spécifique de paludisme. Les 180 patients de l’étude espagnole venaient juste d’arriver sur le sol européen : 2 parmi eux avaient une infection à Plasmodium falciparum 16.
Concernant les infections virales, selon l’étude du Comité pour la santé des exilés (Comede) en 2017 21, les prévalences des personnes chroniquement infectées par le VHB et le VHC sont respectivement de 6,8% et de 1,8%, ce qui est comparable à nos résultats avec 5,8% d’hépatite B chronique et 0% d’hépatite C chronique. Aucun cas de VIH n’a été retrouvé dans notre étude. Dans une population similaire de 301 MNA à Paris en 2019, une infection VIH avait été diagnostiquée 5.
Concernant la faisabilité d’un tel bilan, le suivi des jeunes au Clat 42 a pu être facilité pour la compliance aux rendez-vous de consultations grâce à l’encadrement par les éducateurs des structures de l’ASE et la motivation des accompagnants associatifs. Une deuxième consultation systématique avec leurs résultats, qu’ils soient positifs ou négatifs, a pu être réalisée pour chaque jeune. En 2024, la charge que représente ces consultations n’a plus pu être tenue, et seuls les MNA accompagnés par les associations humanitaires et les MNA en foyers habitat-jeunes continuent d’être reçus. Pour les autres MNA, les généralistes déjà impliqués dans le suivi des MNA ont reçu le mini-guide rédigé initialement pour les médecins du Roannais et mis à jour.
Selon les rapports annuels d’activité 2022 et 2023 de la Mission nationale, 411 personnes (177 en 2022 et 234 en 2023) ont été reconnues MNA par décisions judiciaires, puis confiées au département de la Loire et 247 personnes (89 en 2022 et 158 en 2023) ont été reconnues directement MNA dans le département de la Loire 11. Ainsi, le nombre de MNA déclarés pris en charge dans le département de la Loire en 2022 et 2023 a été officiellement de 658 MNA, alors que notre proposition de dépistage a concerné 360 MNA pour les deux années 2022 et 2023, avec une inclusion des MNA non encore reconnus qui n’étaient pas accompagnés sur cette période par le département. C’est là une des limites de cette action de santé publique. Nous n’avons pas eu la main sur l’exhaustivité du dépistage dans la population des MNA présents dans la Loire en 2022 et 2023.
Enfin, nous ne disposons pas d’informations précises sur leurs parcours migratoires. Toutefois, la majorité des MNA mentionnent des étapes en Italie ou en Espagne. Nous n’avons aucune donnée concernant leur prise en charge globale lors de leur passage dans ces pays.
Conclusion
Tout bilan médical doit être complété systématiquement par une recherche d’infection tuberculeuse latente et de bilharziose lorsque les patients sont originaires d’Afrique subsaharienne au vu de leur prévalence dans notre échantillonnage.
Les structures comme les centres de lutte antituberculeuse jouent un rôle dans la prévention et la prise en charge des infections chez les mineurs non accompagnés. Sans de tels dispositifs organisés en lien avec le département et les associations humanitaires, la prévention est mise en défaut et les prises en charge sont souvent trop tardives. Par conséquent, pour promouvoir le bien-être et la santé globale des mineurs non accompagnés, il est essentiel de réaliser systématiquement le dépistage des infections dans cette population à risque. Notre étude souligne l'importance de ces mesures et appelle à une amélioration continue des stratégies de dépistage et de prise en charge pour répondre aux besoins spécifiques des mineurs non accompagnés.
Une telle approche permet non seulement de traiter efficacement les infections, mais aussi de contribuer à la prévention de futures complications, améliorant ainsi la qualité de vie de ces jeunes. L’utilisation à l’échelle nationale du bilan migrant proposé par la Spilf, la SFP et la SFLS pourrait permettre d’être plus homogène et de faciliter le dépistage en dehors des centres de lutte antituberculeuse et pour l’ensemble des migrants.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
beh/2020/27/2020_27_2.html
france.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45119
exk0k3uku1u2jkk
Citer cet article
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