Prévention du cancer du col de l’utérus en France : état des lieux de la vaccination et du dépistage et analyse des disparités territoriales, 2020-2023

// Cervical cancer prevention in France: Screening and vaccination overview and analysis of territorial disparities, 2020–2023

Céline Audiger1 (celine.audiger@santepubliquefrance.fr), Laure Fonteneau1, Julie Plaine1, Guillaume Heuzé2, Olivier Catelinois3, Sophie Raguet4, Philippe Pépin5, Sophie Vaux1, Anne-Sophie Barret1, Stéphanie Barré-Pierrel1
1 Santé publique France, Saint-Maurice
2 Santé publique France - Provence Alpes Côte d'Azur-Corse, Ajaccio
3 Santé publique France - Occitanie, Montpellier
4 Santé publique France - Grand Est, Strasbourg
5 Santé publique France - Auvergne-Rhône-Alpes, Clermont-Ferrand
Soumis le : 03.10.2024 // Date of submission: 10.03.2024
Mots-clés : Cancer du col de l’utérus | Papillomavirus humain | Prévention | Vaccination | Couverture vaccinale
Keywords: Cervical cancer | Human papillomavirus (HPV) | Prevention | Vaccination | Vaccination coverage

Résumé

Le cancer du col de l’utérus (CCU) reste un problème de santé publique majeur en France, avec environ 3 100 nouveaux cas et 1 100 décès annuels. Ce cancer, lié au papillomavirus humain (HPV), est évitable grâce à la vaccination anti-HPV et au dépistage. La vaccination HPV, recommandée et remboursée depuis 2007 pour les adolescentes, et étendue aux garçons en 2021, est une mesure de prévention primaire essentielle. En complément, le dépistage régulier est recommandé pour les femmes de 25 à 65 ans dans le cadre du Programme national de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus (PNDOCCU), instauré en 2018.

En 2023, la couverture vaccinale (CV) contre les HPV était estimée à 54,6% pour au moins une dose chez les filles de 15 ans et à 44,7% pour deux doses chez celles de 16 ans. Bien que ces chiffres soient en hausse depuis plusieurs années, des disparités territoriales importantes subsistent, notamment dans le Sud de la France et les départements et régions d’outre-mer (DROM). Pour le dépistage, le taux de couverture triennal a atteint 59,5% entre 2020 et 2022, en augmentation par rapport aux périodes précédentes, mais restant en deçà des objectifs fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (70% des femmes dépistées à 35 et 45 ans) et du taux de couverture européen du dépistage du CCU acceptable (75%).

Il est nécessaire de poursuivre les efforts pour réduire ces inégalités et assurer une prévention équitable du CCU à l’échelle nationale. Le déploiement des programmes de vaccination HPV en milieu scolaire et du dépistage organisé du CCU représentent des opportunités pour mettre en œuvre des actions ciblées visant à réduire les inégalités.

Abstract

Cervical cancer (CC) remains a major public health issue in France, with approximately 3,100 new cases and 1,100 deaths annually. This cancer, linked to human papillomavirus (HPV), is preventable through vaccination and screening. HPV vaccination has been recommended for adolescent girls since 2007 and this was extended to boys in 2021. In addition, regular screening is recommended for women aged 25 to 65 as part of the National Cervical Cancer Screening Programme (PNDOCCU), which was launched in 2018.

In 2023, HPV vaccination coverage (VC) was estimated at 54.6% for 15-year-old girls with at least one dose and 44.7% for 16-year-old girls with two doses. These rates have been on the rise for the past few years, yet significant territorial disparities remain, particularly in southern France and the overseas departments. For screening, the 3-year coverage rate reached 59.5% between 2020 and 2022. Although this rate is higher than in previous periods, it still falls short of the goals set by the World Health Organization (WHO) (70% of women screened at 35 and 45 years of age) and European CC screening objectives (75% coverage).

It is important to continue efforts to reduce territorial inequalities and ensure equitable prevention of cervical cancer. The roll-out of the HPV vaccination programme in schools and the National Cervical Cancer Screening Programme represent opportunities for implementing targeted measures to reduce inequalities.

Introduction

Le cancer du col de l’utérus (CCU) demeure un problème de santé publique majeur en termes de morbidité et de mortalité chez les femmes avec environ 3 100 cas incidents 1 et 1 100 décès chaque année en France, avec des disparités régionales 2. Ce cancer, qui survient généralement plusieurs décennies après une infection par un papillomavirus humain (HPV) oncogène avec un pic d’incidence autour de 45 ans 3, est largement évitable grâce à la vaccination et au dépistage régulier. La vaccination contre les HPV constitue la principale mesure de prévention primaire, tandis que le dépistage constitue une mesure de prévention secondaire essentielle pour détecter précocement et traiter les lésions précancéreuses et cancéreuses.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a élaboré une stratégie visant à atteindre l’élimination du CCU en fixant l’objectif cible « 90-70-90 » : 90% de filles vaccinées avant l’âge de 15 ans, 70% de femmes ayant été dépistées avant l’âge de 35 ans et à nouveau avant l’âge de 45 ans, et 90% de femmes atteintes de CCU ou de lésions précancéreuses prises en charge avec un traitement 4. La stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 en France fixait, quant à elle, l’objectif d’une couverture vaccinale de 60% à l’horizon de 2023 et de 80% à l’horizon 2030, ainsi que d’une couverture de dépistage pour le cancer du col de l’utérus de 70%, tout en levant les inégalités d’accès de recours au dépistage 5.

En France, la vaccination contre les HPV est recommandée depuis 2007 aux adolescentes. La vaccination protège contre les principales souches virales responsables de CCU. Elle est recommandée entre 11 et 14 ans avec un schéma à 2 doses (6 mois à 13 mois entre les deux doses), et entre 15 et 19 ans révolus selon un schéma à 3 doses dans le cadre d’un rattrapage vaccinal 6. Depuis le 1er janvier 2021, les recommandations de vaccination contre les HPV ont également été étendues aux garçons avec remboursement, une mesure essentielle pour réduire la transmission des HPV et renforcer la prévention des cancers associés au HPV.

En complément, le dépistage régulier du CCU est recommandé aux femmes âgées de 25 à 65 ans. Un Programme national de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus (PNDOCCU) a été instauré en 2018 en France avec pour objectif de réduire l’incidence ainsi que la mortalité par CCU de 30% à 10 ans. Pour atteindre cet objectif, le PNDOCCU avait pour objectifs secondaires d’augmenter le taux de couverture de dépistage à 80%, de réduire les inégalités sociales de dépistage et d’améliorer la qualité des pratiques professionnelles. Le PNDOCCU repose sur :

un processus d’invitations et de relances à destination des femmes non à jour de leur dépistage ;

le suivi de la population cible ayant obtenu des résultats anormaux ou positifs au test de dépistage, qu’elles aient participé spontanément (dépistage spontané) ou qu’elles aient été invitées par courrier à participer (dépistage sur invitation) ;

un renforcement de l’information des professionnels de santé et des femmes ;

des actions spécifiques ou des stratégies complémentaires (soutien au dépistage, médiation sanitaire, autotests, unités mobiles, etc.) ;

et la diversification des préleveurs par la formation.

La mise en œuvre du programme en région s’appuie sur les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) 7.

La vaccination contre les HPV et le dépistage régulier du CCU sont essentiels pour réduire l’incidence et la mortalité liées au CCU, et leur mise en œuvre efficace pourrait permettre d’éliminer ce cancer à long terme.

Plusieurs études françaises et internationales ont souligné les disparités socio-économiques et territoriales en termes de couverture vaccinale contre les HPV et de dépistage du CCU 8,9. Cet article se propose de décrire et mettre en perspective les indicateurs de couverture vaccinale contre les HPV chez les jeunes filles de 15 ans (CV au moins une dose) et 16 ans (CV deux doses) en 2023 et ceux de dépistage du CCU pour la dernière période 2020-2022. Ces données sont publiées sur le portail Géodes 10. Concernant la vaccination contre les HPV, l’état des lieux porte donc sur la situation avant la mise en place de la campagne de vaccination au collège.

Méthode

La couverture vaccinale (CV) contre les HPV est estimée annuellement chez les filles âgées de 15 ans et de 16 ans par Santé publique France, à partir des données du Système national des données de santé (SNDS) 1,11. Les indicateurs calculés en routine sont la couverture vaccinale pour au moins une dose à l’âge de 15 ans et la couverture pour deux doses à l’âge de 16 ans. Ces données sont publiées chaque année sur le site de Santé publique France lors de la semaine de la vaccination 12. Les indicateurs de CV estimés en 2023 chez les adolescentes de 15 et 16 ans n’intègrent pas les vaccinations faites au collège en 5e qui concernent les filles et garçons âgés de 12 ans.

Santé publique France, responsable de l’évaluation épidémiologique des programmes de dépistage des cancers, fournit des estimations nationales et régionales du taux de couverture du dépistage du CCU chez les femmes âgées de 25 à 65 ans, basées sur le SNDS. L’indicateur « taux de couverture du dépistage triennal du CCU chez les femmes âgées de 25 à 65 ans » est le rapport du nombre de femmes de 25 à 65 ans ayant réalisé au moins un dépistage en trois ans et six mois (pour tenir compte de l’effet des invitations), sur la population des femmes de 25 à 65 ans d’après les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) (plus de détails sur la méthode sont disponibles dans le Bulletin « Dépistage des cancers » de Santé publique France de juillet 2024 13).

Résultats

En 2023, la CV contre les HPV était estimée à 54,6% pour au moins une dose chez les filles âgées de 15 ans, et de 44,7% pour les deux doses chez les filles âgées de 16 ans. La CV au moins une dose à l’âge de 15 ans a augmenté de 6,8 points en comparaison à la couverture vaccinale estimée en 2022, et de 8,8 points en comparaison à la couverture vaccinale estimée en 2021 (des jeunes filles de 15 ans en 2021). La CV deux doses chez les jeunes filles de 16 ans en 2023 a augmenté de 3,2 points en comparaison à la CV en 2022, et de 7,2 points en comparaison à la CV en 2021 (des jeunes filles de 16 ans en 2021). La CV est en constante progression depuis 2016 à la faveur de la politique vaccinale mise en place (figure 1). En outre, la CV présente une hétérogénéité territoriale marquée (tableau 1, figure 2). La CV est notamment plus faible dans le Sud de la France hexagonale ainsi que dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), tendance également observée pour les autres vaccins. Pour la dernière période observée (CV 2023), la Guadeloupe, la Guyane, et la Martinique présentaient des taux particulièrement bas en comparaison avec la moyenne nationale (tableau 1). En France hexagonale, un gradient nord-sud était observé pour la vaccination avec des CV plus élevées dans les départements du Nord, par rapport à ceux du Sud de la France. Les taux régionaux pour au-moins une dose de vaccin HPV allaient de 45,5% (Corse) à 67,7% (Bretagne) et de 36,3% (Île-de-France) à 57,6% (Bretagne) pour deux doses.

En ce qui concerne le dépistage du CCU, entre 2020 et 2022, le taux de couverture national était de 59,5%, en légère augmentation par rapport à la période précédente (58,5% pour la période 2017-2019). Depuis la mise en place du programme en 2018, ce taux a augmenté de manière constante, passant de 56,6% en 2017-2019 à 59,5% en 2020-2022. Ainsi, en comparant les périodes avant (2014-2016) et après la mise en place du programme (2020-2022), une augmentation des taux de couverture est observée dans la majorité des régions, mais des disparités régionales et départementales subsistent en France métropolitaine avec des taux allant de 53,1% en Île-de-France à 67,1% en Bretagne (tableau 1, figure 2).

Que ce soit pour les données de CV ou de dépistage, l’Île-de-France figurait parmi les régions avec les taux les plus faibles, tandis que la Bretagne se démarquait avec des taux bien plus élevés que d’autres régions.

Figure 1 : Évolution des couvertures vaccinales (%) contre les papillomavirus humains chez la jeune fille « au moins une dose » à 15 ans, France, 2012-2023
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Tableau 1 : Couvertures régionales du dépistage du cancer du col de l’utérus et couvertures vaccinales régionales contre les HPV chez les filles pour au moins une dose à 15 ans et deux doses à 16 ans (%), France, 2023
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Figure 2 : Couvertures départementales du dépistage du cancer du col de l’utérus et couvertures vaccinales départementales contre les HPV chez les filles pour au moins une dose à 15 ans et deux doses à 16 ans (%), France entière, 2023
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Discussion

Les indicateurs produits annuellement par Santé publique France indiquent que les couvertures vaccinales et les couvertures de dépistage du CCU sont en progression, mais restent encore insuffisantes. En 2023, la CV contre les HPV est estimée à 54,6% pour au moins une dose chez les adolescentes âgées de 15 ans et à 44,7% pour les deux doses chez les adolescentes âgées de 16 ans, tandis que le taux de dépistage triennal est estimé à 59,5% chez les femmes âgées de 25 à 65 ans pour la période 2020-2022. Bien qu’une évolution favorable en termes de vaccination et d’engagement dans le PNDOCCU soit observée, des disparités territoriales subsistent, et la France reste toujours en retrait des objectifs fixés par l’OMS, la France et l’Europe.

Ces deux mesures de prévention concernent des populations cibles d’âges différents (adolescentes vs femmes de 25-65 ans), mais les disparités territoriales observées peuvent refléter des freins communs. Les inégalités territoriales peuvent être intrinsèquement liées aux inégalités socio-économiques et être notamment dues à des différences d’accès à l’information et aux professionnels de santé, ou à des différences d’acceptation des interventions de santé publique. Des freins culturels, notamment autour de la sexualité, peuvent constituer une barrière importante à l’acceptation de ces interventions de santé publique 14,15. Ces inégalités pourraient limiter l’efficacité de la stratégie de prévention du CCU, particulièrement parmi les populations les plus défavorisées, souvent les plus à risque de ce type de cancer en raison d’un recours réduit à la vaccination, au dépistage, au suivi, et au traitement des lésions précancéreuses 16. L’analyse des données du Baromètre de Santé publique France 2021 a montré que la couverture vaccinale HPV était plus faible dans les populations les moins favorisées économiquement. Par exemple, la couverture vaccinale déclarée par les parents de filles âgées de 15 à 18 ans était de 58,8% (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [50,9-66,2]) lorsque les parents se considéraient à l’aise financièrement, de 25,6% [15,5-39,3] lorsqu’ils y arrivaient difficilement, et de 14,5% [5,7-32,2] lorsqu’ils « n’y arrivent pas sans dettes » 17. La vaccination dans les centres de vaccination publics, les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD), et les centres de planification familiale pourrait contribuer à corriger ces inégalités sociales de santé, en permettant aux plus défavorisées d’éviter les avances de frais.

L’augmentation de la CV a été particulièrement marquée lors de l’annonce de la loi sur l’extension de l’obligation vaccinale pour les nourrissons en 2018. Bien que cette mesure n’incluait pas la vaccination HPV, elle a été accompagnée de nombreuses actions de sensibilisation sur la vaccination, renforçant ainsi la CV 18. De plus, l’extension de la vaccination contre les HPV aux garçons et la désexualisation de cette vaccination ont pu contribuer également à une augmentation de la CV.

Enfin, le déploiement récent de la vaccination contre les HPV au collège, dont le premier bilan conduit à des résultats préliminaires encourageants en termes d’augmentation de la CV 10, et le Programme de dépistage organisé du CCU représente une opportunité majeure de renforcer la stratégie globale de prévention du CCU. Il est essentiel de suivre l’impact des programmes, ainsi que d’identifier les freins et les actions permettant de réduire les inégalités socio-économiques et territoriales. À cet égard, l’évaluation de la campagne de vaccination en milieu scolaire en 2023-2024 pourra nourrir les réflexions sur la réduction des inégalités. De nombreuses expériences internationales ont montré que les programmes de vaccination au collège permettaient d’augmenter la CV chez les adolescents avec des impacts variables en termes de réduction des inégalités. En Angleterre, le programme de vaccination scolaire a permis très rapidement d’obtenir une CV très élevée quel que soit l’indice de défavorisation sociale 19. Ce programme a également été associé à une réduction significative du nombre de lésions précancéreuses et de cas de CCU, y compris dans les groupes les plus défavorisés 20. Cependant, dans d’autres pays, comme le Canada (au Québec), certaines disparités ont persisté malgré une CV globalement élevée, nécessitant des efforts supplémentaires pour cibler les populations défavorisées 21,22.

Dans le cadre d’un projet de recherche interventionnelle (projet PrevHPV) qui a évalué l’efficacité de différentes interventions (sensibilisation des collégiens et parents, vaccination en milieu scolaire et formation des médecins généralistes) sur la vaccination contre les HPV en France, il a été décrit que la vaccination au collège était suivie d’une augmentation de la CV plus importante dans les zones les moins couvertes en médecins par rapport aux zones mieux dotées (+8,6 points vs +2,1 points de gain de CV à 2 mois post-intervention) 23. Ces données confirment le potentiel de la vaccination en milieu scolaire pour réduire les inégalités territoriales y compris en France. Dans cette étude toutefois, l’augmentation de la CV restait uniforme quel que soit l’indice de défavorisation sociale du lieu de résidence, ce qui suggère que d’autres mesures sont nécessaires pour cibler les populations les plus défavorisées. Réduire les inégalités d’accès à la vaccination contre les HPV et au dépistage du CCU nécessite une approche multidimensionnelle 24, impliquant des interventions à la fois sur les plans individuel, communautaire et structurel : interventions mobiles communautaires et ciblées 25,26, rappel et suivi personnalisé 27,28,29, assistance financière 29, programmes scolaires intégrés 27, campagnes de sensibilisation combinées 29,30, éducation et formation des professionnels de santé 30

De plus, en complément des actions permettant d’améliorer la vaccination contre les HPV, il est crucial de continuer à promouvoir le dépistage du CCU. Le dépistage reste indispensable car, bien que la vaccination offre une protection très élevée contre les infections à HPV à l’origine de CCU, elle ne couvre pas tous les types de virus responsables des cancers du col de l’utérus. De plus, la vaccination ne protège pas les femmes ayant été exposées à ces virus avant d’être vaccinées. Ainsi, le dépistage permet de détecter précocement les lésions précancéreuses et de prévenir l’évolution vers un cancer. Par ailleurs, certaines populations, notamment celles les plus défavorisées, peuvent avoir un accès limité à la vaccination, ce qui rend le dépistage d’autant plus important dans ces zones où les inégalités d’accès aux soins sont plus marquées. La vaccination et le dépistage permettent de garantir une approche de prévention globale et inclusive.

Limites

Cet article propose une analyse descriptive des indicateurs relatifs à la vaccination contre les HPV et au dépistage du CCU. Cependant, plusieurs limites doivent être soulignées pour mieux comprendre la portée des résultats et envisager les axes d’amélioration futurs.

Premièrement, l’absence de données sociales infra-départementales limite la granularité des observations, ce qui empêche de discriminer avec précision les environnements de vie, où des disparités sociales significatives peuvent exister entre quartiers ou entre communes. Ces données seraient essentielles pour affiner les analyses et mieux cibler les actions de prévention et d’information.

Deuxièmement, les données de remboursement de l’Assurance maladie, utilisées pour estimer les indicateurs de couverture vaccinale et de dépistage, ne permettent pas de prendre en compte les données individuelles telles que le niveau socio-économique ou l’accès aux professionnels de santé. Elles peuvent toutefois donner lieu à des analyses basées sur des indices tels que l’indice de défavorisation sociale ou l’accessibilité aux professionnels de santé dans la zone de résidence 9,31. Même si ces indicateurs ne permettent qu’une analyse au niveau populationnel et pas au niveau individuel, ils peuvent être utiles pour le suivi des inégalités territoriales au cours du temps. Au niveau individuel, les données longitudinales manquent actuellement pour décrire de manière détaillée le parcours des femmes en termes de vaccination, dépistage et traitement sur plusieurs années. Les bases de suivi du dépistage organisé du CCU, qui se développent, pourraient à l’avenir fournir des données individuelles précieuses, intégrant des caractéristiques géographiques et socio-démographiques.

Les limites des données du SNDS sont connues 32. En ce qui concerne la vaccination contre les HPV, elles n’incluent pas les vaccinations administrées dans les centres de vaccination ou dans le cadre de campagnes au cours desquelles le vaccin est fourni gratuitement. Toutefois, ces campagnes ont été peu fréquentes et nous supposons qu’elles n’entrainent pas de biais majeur dans les comparaisons départementales et régionales.

Ces limites soulignent la nécessité d’un suivi continu et détaillé des indicateurs territoriaux, afin d’identifier les zones de moindre couverture et d’adapter les stratégies d’intervention. Par ailleurs, les leçons tirées des expériences internationales doivent également guider l’évolution des politiques en France, tout en tenant compte des spécificités locales.

Conclusion

En conclusion, la réduction des inégalités doit être placée au cœur de nos politiques de prévention du CCU, afin de garantir à chaque femme, indépendamment de son contexte social ou géographique, un accès à des soins préventifs efficaces. Ces efforts doivent être poursuivis pour une prévention équitable et inclusive du CCU.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

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Citer cet article

Audiger C, Fonteneau L, Plaine J, Heuzé G, Catelinois O, Raguet S, et al. Prévention du cancer du col de l’utérus en France : état des lieux de la vaccination et du dépistage et analyse des disparités territoriales, 2020-2023. Bull Épidémiol Hebd. 2025;(3-4):26-32. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2025/3-4/2025_3-4_1.html