Impact d’un rappel automatique de dépistage du VIH dans un logiciel de suivi de patientèle de médecine générale en période de Covid-19
// Impact of an automated reminder for HIV testing in general practice patient monitoring software during the COVID-19 pandemic
Résumé
En 2017, la Haute Autorité de santé (HAS) a réévalué sa stratégie de dépistage du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), et en 2018, le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida) a fixé l’objectif de dépister 95% des personnes vivant avec le VIH d’ici 2030. La HAS recommande une approche par populations cibles et donne au médecin généraliste (MG) un rôle clé dans sa mise en œuvre. Il existe donc un enjeu à faciliter le dépistage VIH par les MG et à diminuer les opportunités manquées. Un pilote mené sur 10 mois en 2020 a évalué l’impact de l’affichage d’un pop-up, rappelant les fréquences de dépistage ciblé préconisées par la HAS, dans un logiciel d’aide à la prescription, sur un panel de 2 000 MG. Le pop-up s’affichait en cas d’historique d’infection sexuellement transmissible et/ou d’hépatite C et/ou de tuberculose sur les 12 derniers mois, en l’absence d’une sérologie ou d’un diagnostic VIH renseignés. L’impact était mesuré en comparant le suivi prospectif des consultations effectuées lors du « pilote » en 2020 au suivi rétrospectif des consultations effectuées sur la période « avant pilote » en 2019. Les résultats ont montré une augmentation significative des prescriptions de sérologies VIH durant le pilote malgré la pandémie de Covid-19. Les difficultés à identifier objectivement les profils patients à cibler et à mettre en place des suivis réguliers du dépistage VIH ont aussi été révélées. Cet outil représente un moyen supplémentaire pour faciliter la prescription de dépistage du VIH par les MG.
Abstract
In 2017, the French National Health Authority (HAS) reassessed its human immunodeficiency virus (HIV) screening strategy and in 2018, the Joint United Nations Programme on HIV/AIDS (UNAIDS) set the goal of screening 95% of people living with HIV by 2030. The HAS recommends an approach based on target population and gives the general practitioner (GP) a key role in its implementation. It is therefore important to facilitate HIV testing by GPs and to reduce missed opportunities. To this end, a pilot study was conducted on a panel of 2,000 GPs over a 10-month period in 2020 in order to evaluate the impact of a pop-up displayed within prescription assistance software reminding about the frequency of targeted screening recommended by the HAS. The pop-up was displayed for patients with a history of sexually transmitted infection and/or hepatitis C and/or tuberculosis in the previous 12 months and without a known HIV serology or diagnosis. The impact was measured by comparing the prospective follow-up of consultations made during the “pilot” in 2020 with the retrospective follow-up of consultations made during the ”pre-pilot” period in 2019. The results showed a significant increase in HIV serology prescriptions during the pilot study, despite the COVID-19 pandemic. Difficulties in objectively identifying target patient profiles and in organizing regular follow-ups to HIV testing were also revealed. This pop-up tool represents an additional means of facilitating the prescription of HIV testing by GPs.
Introduction
Le dépistage du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) représente un défi majeur de santé publique pour briser les chaînes de transmission et contrôler l’épidémie 1. Face à ce défi, la Haute Autorité de santé (HAS) a réévalué en 2017 sa stratégie de dépistage du VIH 2. À l’échelle internationale, afin d’adresser les inégalités d’accès aux soins et aux traitements du VIH, le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida) a fixé en 2018 l’objectif de dépister 95% des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) d’ici 2030 3. En France, la prévalence était estimée à environ 156 000 PVVIH en 2017, sur lesquels environ 16% n’auraient pas eu connaissance de leur statut 4.
Actuellement, la HAS recommande une approche par populations cibles et donne au médecin généraliste (MG) un rôle clé dans sa mise en œuvre. Elle préconise un dépistage orienté, renforcé et inscrit dans la durée sur des populations particulièrement exposées dans le cadre d’une approche globale de santé sexuelle :
–à chaque changement d’orientation de vie (couple, rupture affective, multi-partenariat) ;
–systématiquement lors du diagnostic d’une infection sexuellement transmissible (IST), hépatite B ou C (VHC), ou tuberculose (TB), d’une grossesse ou projet de grossesse, d’un viol, d’une prescription de contraception et d’une interruption volontaire de grossesse (IVG) ;
–tous les trois mois chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et les personnes transgenres ;
–tous les ans chez les personnes originaires d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes, les usagers de drogues injectables (UDI), les travailleurs et travailleuses du sexe ;
–au moins une fois entre 15 et 70 ans, particulièrement en Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, départements français d’Amérique (DFA), où la prévalence de l’infection non diagnostiquée est plus élevée, et chez les hommes 2.
Ces recommandations renforcent le consensus formalisé de 2009 pour la prise en charge de l’infection par le VIH en médecine générale et de ville où le MG joue un rôle clé dans la prévention, le dépistage et le suivi du VIH en tant que professionnel de santé de premier recours 5. Il peut ainsi informer, prévenir et sensibiliser au dépistage pour permettre un diagnostic précoce.
Depuis 2017, les nouveaux diagnostics VIH ont diminué, jusqu’à se stabiliser à environ 6 200 nouveaux cas en 2018 et en 2019 6. En 2020, avec la pandémie de Covid-19, ce nombre était estimé à 4 900, soit une diminution de 22% par rapport à 2019 6,7. Néanmoins, cette baisse du nombre de nouveaux diagnostics VIH en 2020 était liée à une diminution de 14% du recours au dépistage du VIH par rapport à 2019 8, avec une chute du nombre de tests sérologiques de 55% pendant le confinement entre février et avril 2020 9. À l’échelle européenne, l’enquête EuroTEST mesurant l’impact de la pandémie sur le taux de dépistage du VIH a mis en évidence une tendance similaire 10. Dans ce contexte, il paraît opportun de continuer à sensibiliser les MG aux recommandations de la HAS sur le dépistage du VIH des populations cibles et de développer des moyens supplémentaires pour faciliter la prescription de dépistages du VIH en médecine générale, et de cette manière diminuer les opportunités manquées 7.
Cette étude pilote avait ainsi pour objectif de mesurer l’impact d’un message pop-up, paramétré selon les recommandations de la HAS, sur la prescription de sérologies VIH par des MG exerçant en libéral en France métropolitaine.
Méthodologie
Cette étude pilote a été conçue par un comité de réflexion pluridisciplinaire expérimenté en matière de dépistage et de prise en charge du VIH.
Le panel du Health Improvement Network (THIN®) du groupe Cegedim Healthcare constitué de 2 000 MG libéraux utilisant le logiciel d’aide à la prescription Crossway® et représentatifs de la population de médecins libéraux en France métropolitaine sur leur genre, âge et région d’exercice a été utilisé pour ce pilote (tableau 1). Les informations permettant le déclenchement du pop-up étaient basées sur les dossiers médicaux des patients codés dans le logiciel Crossway® selon les codes de la Classification internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, dixième révision (CIM-10). En l’absence d’opposition du patient, l’intégralité des remboursements d’actes réalisés étaient collectés via Crossway® auprès de l’Assurance maladie sur les 12 derniers mois, en couplant les informations de la carte Vitale du patient lors de la consultation à la carte professionnelle du médecin du panel. La base de données constituée par THIN® a obtenu l’agrément de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pour la collecte de données. Les données collectées étaient anonymisées de manière non réversible et à un niveau d’agrégation en accord avec la règlementation en vigueur. Chaque patient se voyait attribuer un numéro crypté lors de sa première consultation chez un MG du panel. Ce numéro restait identique à chaque consultation, permettant ainsi un suivi longitudinal du patient, conformément au règlement général européen sur la protection des données. La législation française n’exigeait pas d’approbation éthique supplémentaire.
Lors des consultations effectuées entre le 4 février 2020 et le 30 novembre 2020, un message pop-up s’affichait et offrait la possibilité de générer instantanément une ordonnance de sérologie VIH (figure 1) pour les personnes âgées de 15 à 70 ans n’ayant pas de sérologie VIH renseignée et présentant un historique d’IST par Chlamydia trachomatis et/ou Neisseria gonorrhea et/ou syphilis, et/ou de VHC, et/ou de TB, et/ou de prescription ou de remboursement d’un traitement des classes J04AB, J04AC, J04AK, J04AM (traitement de la TB), J02AC (dérivés triazoles), J01CE (pénicillines sensibles aux bêta-lactamases pour le traitement de la syphilis), J05AB (nucléosides et nucléotides, inhibiteurs de la transcriptase inverse exclus) au cours des 12 derniers mois. Ce critère a été choisi car en l’absence du renseignement de l’orientation sexuelle et/ou de l’origine géographique des patients dans le logiciel d’aide à la prescription, il n’était pas possible de paramétrer l’affichage du pop-up sur la base de ces caractéristiques, pourtant clés dans les recommandations de la HAS.
L’impact de ce pop-up était mesuré en comparant le suivi prospectif des consultations effectuées par le panel lors du « pilote » en 2020 au suivi rétrospectif des consultations effectuées par le panel sur la période « avant pilote » équivalente en 2019. L’analyse principale comparait le nombre de prescriptions de sérologies VIH éditées entre la période « avant pilote » avec absence du pop-up, par rapport à la période « pilote » avec affichage du pop-up. Les analyses secondaires exploratoires comparaient :
–le taux de remboursement de sérologies VIH réalisées, estimé grâce à la collecte de l’historique de remboursement des actes effectués auprès des patients revus par les médecins du panel dans les sept mois suivant la fin du pilote, quelle que soit l’origine de la prescription ;
–le taux de renseignement des résultats de sérologies par les médecins du panel ;
–le taux de nouveaux diagnostics d’infection VIH posés par les MG du panel.
Les données ont fait l’objet d’une analyse statistique descriptive. Les variables quantitatives ont été exprimées par les nombres de consultations enregistrées et des pourcentages. Les sous-populations ont été comparées à l’aide du test du Chi2. Le seuil de significativité a été défini pour une valeur de p<0,05.
Résultats
Comparaison du nombre de prescriptions de sérologies VIH générées sur les périodes « avant pilote » et » pilote »
Au total, 35 911 et 27 909 consultations de patients répondant au critère d’affichage du pop-up ont été incluses pour l’analyse des périodes « avant pilote » et « pilote » respectivement (tableau 2). Lors des consultations, 1 114 prescriptions de sérologies VIH ont été générées sur la période « avant pilote », soit 3,1%, contre 1 340 sur la période « pilote », soit 4,8%. Ainsi, l’impact du pop-up dans cette analyse représentait une augmentation significative de 1,7 point du taux de prescription de sérologies VIH (p<0,001) entre les deux périodes (figure 2).
Remboursement des sérologies VIH sur les périodes « avant pilote » et « pilote »
Sur la période « avant pilote », 1 976 remboursements de sérologies VIH ont été identifiés, soit pour 5,5% des patients vus au moins une fois dans les consultations incluses dans l’analyse, contre 1 201 sur la période « pilote », soit pour 4,3% des patients. Cette différence était significative (p<0,001) (figure 2).
Renseignement des résultats négatifs des sérologies VIH par les MG du panel
Le taux de renseignement des résultats négatifs des sérologies VIH par les MG du panel dans le logiciel d’aide à la prescription était similaire sur les périodes « avant pilote » et « pilote » (figure 2).
Nouveaux diagnostics d’infection VIHpar les MG du panel
Il n’y a pas eu de différence dans le taux de nouveaux diagnostics VIH découverts par les MG du panel sur les périodes « avant pilote » (n=36 ; 0,1%) et « pilote » (n=28 ; 0,1%) (figure 2).
Par ailleurs, en raison de l’agrégation nécessaire des données recueillies pour satisfaire à la règlementation, il n’a pas été possible de déterminer quels profils de patients au sein des populations cibles ont le plus bénéficié des prescriptions de sérologies VIH via le pop-up.
Discussion
Face au défi majeur de santé publique que représente encore l’épidémie du VIH, la stratégie de dépistage du VIH en France recommandée par la HAS doit permettre d’atteindre d’ici 2030 le premier objectif des 95-95-95 (95% des personnes vivant avec le VIH dépistées, 95% des personnes dépistées mises sous traitement antirétroviral efficace et 95% de personnes sous traitement présentant une suppression virologique) fixé par l’Onusida 2,3. C’est notamment en ciblant les populations les plus exposées au VIH qu’il sera possible d’atteindre le premier objectif d’ici 2023 3. Dans cette stratégie, le MG possède un rôle clé dans l’identification des populations cibles à risque d’infection par le VIH en France et pour lesquelles un dépistage régulier est recommandé.
Afin de continuer à sensibiliser les MG aux recommandations de la HAS et pour diminuer les occasions manquées de dépistage du VIH, un besoin de faciliter la prescription de dépistages ciblés du VIH et d’aider à l’implémentation des fréquences de ces dépistages a été identifié. Ainsi, ce pilote a permis de mesurer pour la première fois l’impact d’un message pop-up auprès d’un panel de MG libéraux, paramétré pour rappeler les recommandations de fréquence de dépistage du VIH émises par la HAS et générer la prescription immédiate d’une sérologie VIH.
Au moment de la réalisation de ce pilote, seuls deux éditeurs de logiciels d’aide à la prescription nous ont offert la possibilité de paramétrer des pop-ups : CompuGroup Medical, via le logiciel Hellodoc®, et Cegedim Healthcare, via le logiciel Crossway®, utilisés respectivement par 55% et 25% des MG libéraux en France métropolitaine en 2020. L’utilisation du panel THIN® a ainsi été guidée par sa représentativité en médecins libéraux en France avec une utilisation documentée, ainsi que la possibilité de paramétrer ce pop-up en lien avec le dépistage du VIH via le logiciel d’aide à la prescription Crossway® 11. En effet, la solution Hellodoc® ne permettait pas au moment du pilote de paramétrer un tel pop-up.
Le choix de comparer deux périodes différentes dans ce pilote a été fait afin d’obtenir la meilleure puissance pour l’analyse statistique sur le critère principal. En effet, si nous avions exposé uniquement la moitié du panel au pop-up afin de comparer les résultats avec l’autre moitié non exposée, nous aurions fortement perdu en puissance et en probabilité d’observer davantage de nouveaux diagnostics VIH chez les médecins du panel.
L’analyse d’impact a montré que le pop-up permettait une augmentation significative de 1,7 point du taux de prescription de dépistage du VIH entre la période « avant pilote » et la période « pilote ». Cette performance est probablement sous-estimée en raison de la diminution de 22,5% du nombre de patients avec un diagnostic ou traitement d’IST, VHC ou TB vus en consultation par les MG du panel durant la période de pandémie de Covid-19 par rapport à la période comparée en 2019 (tableau 2, figure 2). Les rappels automatiques générés par un ordinateur ont tendance à améliorer le comportement des médecins pour la prise en charge de leurs patients, quelle que soit la condition clinique. Les plus utilisés sont les systèmes conçus pour améliorer les pratiques de prescription et prestation de soins préventifs 12. Dans le cadre de la prescription de médicaments en soins primaires, Soumerai et coll. ont montré dans une revue de la littérature de 2005 que des messages de rappel électroniques permettaient aux médecins d’omettre moins de prescriptions dans des maladies comme la pharyngite streptococcique et l’hypertension 13. Taheri Moghadam et coll. ont également montré en 2021 que les recommandations fournies par un système d’aide clinique permettaient d’améliorer la prescription de médicaments, permettant éventuellement de réduire les effets secondaires des traitements 14. Dans le cadre d’essais cliniques sur la prise en charge du VIH d’enfants infectés ou exposés à l’infection, la mise en place de rappels informatisés pour le respect des directives relatives aux soins du VIH permettrait d’augmenter la réalisation des tâches cliniques 15.
L’analyse exploratoire des remboursements de sérologies VIH a montré un taux significativement inférieur sur la période « pilote » (-1,2 point, figure 2) qui pourrait s’expliquer par la méthode utilisée pour la collecte des données. La fenêtre de recueil a été limitée à sept mois après la fin du pilote, période estimée minimale pour la récupération de ces données de remboursement. Ainsi, la collecte des données de remboursement était tributaire de la revue des patients par le MG dans les sept mois suivant la fin du pilote. L’impact de la Covid-19 s’ajoute à cette limite 9,10. Premièrement, l’accès au dépistage s’est complexifié avec la pandémie, comme l’indiquent les résultats de l’enquête « Rapport au sexe » (Eras) menée sur cette période 16 ainsi que ce qui a été mesuré en Europe 17. En effet, la pandémie de Covid-19 a perturbé le dépistage du VIH, en partie à cause des nombreuses personnes qui ont évité les services de soins pour se conformer aux efforts d’atténuation des risques liés à la Covid-19 18. Deuxièmement, une diminution du nombre de partenaires sexuels et des interactions sociales durant le confinement, identifiées dans deux enquêtes, a probablement aussi impacté la demande de dépistage initiée par le patient, probablement en raison d’une diminution d’auto-perception du risque d’infection 19,20. Enfin, ce pilote s’est déroulé sur la période la plus fortement impactée par les confinements, excluant les mois de janvier (avant le début de la pandémie Covid-19) et décembre 2020 (absence de confinement). Il est très probable que le nombre de patients fortement exposés aux IST via des partenaires multiples ait ainsi diminué durant cette période. Nous avons d’ailleurs observé une différence de -22,5% des diagnostics ou traitements d’IST, VHC et TB sur la période du pilote par rapport à 2019 (tableau 2).
L’absence de renseignement par les MG des résultats négatifs des sérologies VIH prescrites dans les fiches des patients reste à investiguer et soulève la question de la faisabilité de l’implémentation par le MG du suivi régulier des dépistages du VIH tel que recommandé par la HAS 2. Il est possible que le manque de temps en soit la cause, ainsi que l’interface du logiciel d’aide à la prescription, bien que celle-ci se veuille optimisée pour une navigation simple 21.
Par ailleurs, le paramétrage d’un pop-up suggérant la prescription d’un dépistage VIH tel que lors de notre pilote pourrait tout à fait être effectué sur les maladies indicatrices d’un sida 22. Néanmoins, cette approche ne ciblerait que les stades tardifs d’infection au VIH. Or, nous souhaitions dans ce pilote pouvoir cibler tous les stades d’infections par le VIH. Les critères objectifs nécessaires à codifier dans les logiciels d’aide à la prescription afin de permettre le paramétrage d’un pop-up plus spécifique et au plus près des recommandations HAS sont les suivants : la sexualité ou comportement sexuel (en particulier HSH), l’origine ethnique, la nationalité, le département de résidence (par exemple : 75, 93, départements d’outre-mer…), et le statut sérologique VIH du patient. L’obstacle principal à l’intégration de ces paramètres dans les logiciels d’aide à la prescription est la règlementation relative aux données personnelles de santé qui ne permet pas actuellement en France un tel recueil et traitement de ces données dans ce but. Quant à l’information sur le statut sérologique VIH, bien que codifiable, elle n’était jamais renseignée par les médecins du panel. Cette donnée aurait permis d’augmenter la spécificité du pop-up en évitant son déclenchement chez les patients avec un antécédent d’IST dans les 12 derniers mois et ayant obtenu un résultat de sérologie VIH négatif sur cette même période. À ceci s’ajoutent des limites techniques permettant de combiner uniquement un maximum de quatre paramètres différents, sous peine de ralentissements importants lors de l’ouverture des dossiers patients dans le logiciel d’aide à la prescription.
Finalement, le renseignement de davantage de critères objectifs dans les dossiers médicaux des patients serait nécessaire pour la bonne implémentation des recommandations de la HAS concernant le dépistage ciblé du VIH via ce type de pop-up, ainsi qu’une meilleure identification par le MG des personnes exposées au VIH. Cependant, l’utilisation de ces critères est actuellement impossible via les logiciels d’aide à la prescription à cause de la règlementation relative aux données personnelles de santé en France. Cet enjeu est d’autant plus d’actualité dans un contexte d’ouverture de la primo-prescription en ville de la prophylaxie de préexposition au VIH (PrEP) 23,24.
Conclusion
En période de pandémie de Covid-19 en 2020, alors que le recours au dépistage du VIH a diminué en moyenne de 14% en France par rapport à l’année 2019, ce pilote de pop-up qui rappelait les recommandations de dépistage du VIH a permis d’augmenter significativement la prescription de dépistages par les MG du panel.
En revanche, le taux de remboursement de sérologies VIH a été inférieur, probablement en raison de la complexification des possibilités de réalisation des sérologies VIH en ville en période de pandémie de Covid-19, du changement de comportement des patients et de la durée limitée de la fenêtre de recueil de ces données.
Enfin, les résultats négatifs de sérologie du VIH n’ont pas été renseignés par les MG dans les dossiers médicaux des patients pour mettre en place un suivi recommandé par la HAS ; le taux de découvertes de nouveaux diagnostics VIH n’a pas été impacté par ce pilote. Les freins au renseignement par les MG des résultats des sérologies du VIH restent à investiguer.
L’application de la stratégie HAS et des recommandations de dépistage du VIH par les MG n’avait encore jamais été mesurée. Ce pilote montre qu’un pop-up de rappel des recommandations représente un moyen supplémentaire pour faciliter la prescription de dépistages du VIH en médecine générale. Cependant, il révèle les difficultés à pouvoir identifier objectivement les patients à cibler, sur la base des informations contenues dans les dossiers médicaux des logiciels d’aide à la prescription, et questionne la faisabilité de la mise en pratique objective des recommandations de la HAS pour le dépistage ciblé du VIH par le MG et leur suivi régulier.
Remerciements
Nous remercions le comité de réflexion pluridisciplinaire ayant permis la conception de ce pilote avec le soutien du laboratoire Gilead dans le cadre du projet VIHTAL mené en 2018 : Dr Coralie Becquart, Valenciennes ; Dr Camille Charpentier, Suresnes ; Dr Stéphane Elaerts, Paris ; Dr Andrée Ivaldi, Paris ; Dr Bruno Laurandin, Suresnes ; Dr Pascale Leclercq, Grenoble ; Dr Claire Pintado, Paris ; Dr Bertrand Riff, Tourcoing ; Dr Serge Tchamgoue Yamje, Libourne.
Liens d’intérêt
Guillaume Barriere est salarié du laboratoire Gilead Sciences qui a soutenu institutionnellement le travail. Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.