Freins à l’adoption des gestes de prévention en période de canicule

// Obstacles to adopting precautionary measures against heatwaves

Agnès Verrier1 (agnes.verrier@santepubliquefrance.fr), Joséphine Rey2, Laure Salvaing2, Maud Gorza1, Isabelle Bonmarin1
1 Santé publique France, Saint-Maurice
2 Kantar public, Paris
Soumis le 19.10.2021 // Date of submission: 10.19.2021
Mots-clés : Canicule | Perception du risque | Comportement | Connaissance | Plan d’urgence
Keywords: Heat wave | Risk perception | Behaviour | Knowledge | Emergency planning

Résumé

En dépit des actions mises en place, chaque canicule entraîne un excès de mortalité et de morbidité. Une étude quantitative en population générale, réalisée en 2015, avait mis en évidence un défaut de perception du risque pour soi, une connaissance parcellaire des gestes à adopter, des signes d’alerte et une méconnaissance des groupes à risque, malgré le sentiment d’un bon niveau d’information. Cette nouvelle étude vise à explorer les motivations à l’adoption ou non de comportements adaptés en période de canicule.

Une étude qualitative a été mise en place auprès de 74 personnes âgées de 18 à 64 ans, résidant dans un département en vigilance canicule orange ou rouge en 2019. Les entretiens par focus group étaient destinés à appréhender les représentations collectives de la canicule ; les entretiens individuels ont abordé les dimensions personnelles (perceptions, difficultés) impactant le vécu de ces épisodes.

Les participants ont déclaré bien connaître les gestes protecteurs, mais moins bien les signes d’alerte et les groupes à risque. L’observance des gestes protecteurs a été conditionnée par la perception du risque pour soi. Des obstacles objectifs comme les conditions de travail ou la méconnaissance de dispositifs existants (cartographie de lieux frais, des points d’eau potable…) ont été identifiés.

L’absence de perception du risque pour soi est en partie associée à la croyance que le risque sanitaire lors d’une canicule est lié à un état (âge, pathologie), et non à une surexposition à la chaleur. Les obstacles à l’adoption de certains gestes protecteurs ont mis en exergue la nécessité de renforcer la communication sur les mesures déjà existantes et d’étudier la faisabilité d’adapter les conditions de travail par voie réglementaire.

Abstract

Despite prevention efforts, each heatwave that hits France still causes excess mortality and morbidity. A quantitative study carried out in 2015 among the general French population revealed low self-perceived risk from exposure, fragmented knowledge about warning signs and appropriate precautions, and misperceptions concerning vulnerable groups, in contrast with an impression of being well informed. In this context, the present study explores factors that motivate or discourage the adoption of protective measures against heatwaves.

A qualitative study was set up with 74 participants aged 18-64 years living in French departments classed at orange or red (high or extreme) heat warning levels in 2019. Focus groups were organised to capture collective awareness of heatwaves; individual interviews then addressed personal dimensions (perceptions, difficulties) affecting people’s experiences of these episodes.

Participants declared themselves familiar with protective measures but less familiar with warning signs and vulnerable groups. Implementation of protective measures is associated with self-perceived risk. Objective obstacles, such as working conditions and lack of knowledge about prevention schemes (e.g. maps showing cool spaces and drinking water), were also identified.

Low self-perceived risk was partially due to people linking health risks in heatwaves to a condition (age, disease) and not overexposure. The factors identified as obstacles to adopting protective measures highlight a need to adapt information on existing preventive measures and to review laws on working conditions.

Introduction

À la suite de la canicule de 2003, la France s’est dotée d’un plan national canicule (PNC) pour anticiper et prévenir les risques sanitaires liés aux fortes chaleurs 1. Des actions ont été mises en œuvre : mobilisation des associations en direction des populations isolées et vulnérables, rafraîchissement des plus jeunes dans les structures d’accueil, limitation des tâches professionnelles, inscription au registre communal des personnes âgées ou handicapées. Par ailleurs, des campagnes de prévention, développées par Santé publique France, ont promu les comportements favorables à la santé en période de canicule.

En dépit de ces mesures, chaque canicule entraîne un excès de morbidité et de mortalité 2. Si l’impact sanitaire concerne prioritairement les personnes âgées de 65 ans et plus, toute la population est touchée. Durant l’été 2019, la métropole a subi deux canicules très étendues géographiquement. Pour la première fois depuis la mise en place du PNC, la vigilance rouge a été activée 3. Entre le 1er juin et le 15 septembre 2019, 20 000 passages aux urgences et 5 700 consultations par SOS Médecins en lien direct avec la chaleur ont été enregistrées. Les deux canicules ont concentré la moitié des passages aux urgences et 65% des consultations par SOS Médecins sur cette période. Cette élévation a été la plus importante pour les personnes âgées de moins de 44 ans, avec un doublement du nombre de passages quotidiens aux urgences par rapport au reste de la période estivale. La surmortalité a été plus élevée chez les 15-44 ans (12,5%) que chez les 75 ans et plus (9,4%). Une récente évaluation monétaire des impacts sanitaires des canicules, entre 2015 et 2020, a estimé leur coût à 22 milliards d’euros dont 6 milliards liés à la souffrance psychique due aux restrictions d’activité 4.

En 2015, une étude quantitative en population générale 5 a fait le point sur les connaissances, la perception du risque et les comportements associés à la canicule des Français. Malgré le sentiment d’un bon niveau d’information, la population présente un défaut de perception du risque pour soi, une connaissance parcellaire des gestes à adopter, des signes d’alerte et une méconnaissance de populations vulnérables aux fortes chaleurs. Dans le cadre de la refonte du dispositif de prévention canicule, Santé publique France a souhaité compléter ces données par une étude qualitative, afin notamment d’explorer les niveaux de connaissance des gestes préventifs et les freins à leur mise en œuvre en période de canicule, auprès de la population générale âgée de 18 à 64 ans.

Méthodes

Cette étude qualitative repose sur des entretiens individuels et focus group. Les entretiens par focus group étaient destinés à appréhender les représentations collectives de la canicule ; les entretiens individuels à appréhender les dimensions personnelles (perceptions, difficultés) impactant le vécu de ces épisodes. Elle s’est appuyée sur 74 personnes âgées de 18 à 64 ans, recrutées via le panel de Kantar, présentes dans leur résidence principale au moment des deux épisodes caniculaires de 2019 (24 juin-7 juillet ; 21-27 juillet). Les zones ont été sélectionnées en fonction du climat (océanique ; océanique altéré ; semi-continental), d’une vigilance rouge (Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Hauts-de-France) ou orange (Auvergne-Rhône-Alpes ; Grand Est ; Pays de la Loire). Pour être inclus dans l’étude, un questionnaire d’éligibilité a été soumis au panel comprenant les critères suivants : sexe, âge, lieu de résidence, profession et catégorie socioprofessionnelle, vulnérabilité à la chaleur, présence d’au moins un enfant ou d’une personne dépendante dans le foyer, être enceinte. L’échantillon a donc intégré les facteurs de vulnérabilité et géographiques (tableaux 1 et 2). Dans l’étude, une personne était identifiée comme vulnérable si elle présentait une maladie chronique, suivait un traitement médicamenteux augmentant la sensibilité à la chaleur ou était enceinte.

Tableau 1 : Caractéristiques sociodémographiques des personnes interrogées lors des focus group (N=26)
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Tableau 2 : Caractéristiques sociodémographiques des personnes interrogées lors des entretiens individuels (N=48)
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Les guides d’entretien et d’animation, élaborés par Santé publique France et l’institut de données et d’études Kantar, abordaient la manière dont les épisodes de canicule ont été perçus et ressentis (pour soi et son entourage), les comportements mis en place, les motivations à leur adoption ou non, le niveau de connaissance des signes d’alerte et des gestes à adopter en période de canicule et l’appréciation des outils de prévention. Les entretiens ont été conduits par des psychosociologues expérimentés. Les entretiens ont été retranscrits et l’analyse a été menée à partir d’une grille d’analyse des changements de comportements qui explore les facteurs psychologiques, anthropologiques et ceux de l’économie comportementale (figure 1).

Figure 1 : Modèle de changements de comportement
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Résultats

Connaissances et perceptions de la canicule et des messages de prévention

La majorité des participants a été capable de définir les spécificités d’une canicule : températures élevées sur plusieurs jours avec des températures nocturnes élevées. Les personnes âgées, « malades », les jeunes enfants, et les femmes enceintes ont été spontanément cités comme à risque. En revanche, les travailleurs exposés à la chaleur, les personnes mal logées ou en situation de grande précarité et les sportifs n’ont pas été spontanément cités, parce que l’exposition était liée à des contraintes ou à des comportements.

Les signes d’alerte ont été partiellement identifiés : seuls les symptômes sévères (nausées/vomissements, propos incohérents, malaises) ont été identifiés par la majorité des participants.

Pour les personnes qui se jugent bien portantes, la canicule n’a pas été perçue comme représentant un risque pour leur santé. Elles ont toutefois évoqué des inconforts physiques (fatigue, trouble du sommeil, transpiration) et psychologiques (irritabilité, lassitude, apathie, frustration de cesser certaines activités). Elles ont, avant tout, mis en avant leur capacité à résister à la chaleur du fait de leur âge ou de séjours prolongés sous des climats chauds. En revanche, les personnes qui se sentent vulnérables ou en charge d’une personne vulnérable ont considéré la canicule comme un risque sanitaire réel.

Dans l’ensemble, les personnes rencontrées ont déclaré avoir bénéficié de l’information nécessaire sur les gestes à adopter pour prévenir les effets sanitaires d’une canicule. Si la perception d’une bonne information a été partagée, les personnes interrogées ne se sont pas senties directement concernées par les messages : elles ont déclaré déjà maîtriser le contenu et n’ont pas perçu la canicule comme un « danger ». Certains participants ont considéré les messages comme des conseils pour améliorer le confort quotidien et non comme des gestes pour prévenir les risques sanitaires. Pour la majorité, les médias utilisés, surtout la télévision, et le message unique ont été jugés pertinents, en raison de leur bonne couverture et de leur diffusion, dès la prévision d’une canicule. La répétition d’un même message et sa grande couverture médiatique ont, toutefois, été jugées par certains excessives et alarmistes, et pouvant engendrer une certaine mise à distance de ces messages.

Adoption des gestes de prévention

Les personnes ont déclaré adopter spontanément la majorité des comportements recommandés durant une canicule. S’hydrater et agir pour limiter la température de son logement (fenêtres et volets fermés) sont des mesures déclarées adoptées par tous. Certains ont toutefois évoqué des difficultés à identifier les heures propices et le temps d’ouverture des fenêtres. Bien que jugée peu efficace, l’utilisation du ventilateur a permis une sensation de bien-être. L’absence de climatisation, dans la majorité les logements, a été motivée par des raisons écologiques ou financières. La projection d’acquérir une climatisation a, toutefois, été fréquemment signalée comme recours ultime face à l’augmentation du nombre de canicules. Les participants ont séjourné dans les parties les plus fraîches du domicile. La recherche d’endroits frais a été fréquente. Les centres commerciaux et les cinémas ont été les lieux publics les plus fréquemment cités, suivis des parcs, jardins et des lieux de baignade. La majorité des personnes interrogées a limité les sorties en reportant des rendez-vous ou en anticipant les courses. Le principe d’adapter sa tenue vestimentaire a été largement partagé.

En revanche, les consignes de protection (lunettes, chapeau, crème solaire) ont été rejetées car jugées non pertinentes dans un contexte de non-exposition au soleil. De nombreuses stratégies ont été mises en place pour rafraîchir son corps (douche, brumisateur...). Si leur effet a été jugé éphémère, elles ont apporté une sensation de bien-être instantané avec un effet psychologique positif (détente, soulagement). L’alimentation a été adaptée ; certains ont toutefois été dubitatifs sur le conseil de manger en quantité suffisante. Une recherche de conditions plus favorables pour dormir a été systématiquement mise en œuvre : heure, linge mouillé, pièce…. Le sommeil est l’un des points critiques abordés par beaucoup : « il est difficile de se reposer pendant une canicule et la fatigue s’accumule ». La consommation d’alcool a été maintenue, mais adaptée (moindre quantité, alcools « plus légers »). Parmi les sportifs interrogés, seule une minorité a renoncé à leur pratique. Peu ont pratiqué des sports doux et d’autres ont interrompu leur pratique en raison de signes d’alerte. Prendre des nouvelles de ses proches âgés est un geste protecteur qui a été largement observé, avant tout par téléphone ou sur place lorsque c’était possible. En revanche, le conseil de donner des nouvelles a été rarement adopté car jugé inutile (absence de danger immédiat et sentiment de dramatisation excessive de la canicule).

Observance et obstacles à l’adoption des gestes de prévention

L’observance des conseils a varié selon les profils. Les personnes qui se sentent vulnérables ou en charge d’une personne vulnérable ont respecté scrupuleusement les gestes. Il s’agit, avant tout, d’une hydratation préventive, en amont de la sensation de soif, dans les quantités recommandées, et d’une limitation des sorties. Les personnes avec de jeunes enfants ont aussi privilégié les jeux d’eau, une tenue vestimentaire minimaliste et une alimentation adaptée. En revanche, les personnes qui se jugent bien portantes ont eu tendance à moins observer les gestes protecteurs, en l’absence de perception du risque encouru. Elles se sont appuyées sur leur ressenti pour les mettre en œuvre : avoir soif, signe physique « inhabituel ». Il s’agit d’une gestion de l’observance par réaction, même si parfois les signes décrits n’ont pas été identifiés comme ceux en lien direct avec une exposition aux fortes chaleurs. Pour les sportifs interrogés, la volonté de maintenir la régularité de la pratique sportive a engendré de fortes résistances et a largement inhibé l’arrêt ou la limitation de la pratique sportive.

Des obstacles objectifs

Les personnes actives, obligées de travailler sur site avec des horaires fixes ont connu des conditions de travail qui les ont fortement éprouvées. Elles n’ont pas eu la possibilité de limiter les activités physiques ou d’adapter leur tenue vestimentaire (tenue « correcte » ou de sécurité exigées). Il leur a semblé aussi beaucoup plus difficile de pouvoir se rafraîchir. Cette pénibilité a été amplifiée lorsque les transports en commun empruntés n’étaient pas frais. En revanche, les travailleurs qui ont bénéficié d’aménagements d’horaires, du télétravail ou de locaux frais ont mieux vécu la canicule. Des contraintes objectives de la vie quotidienne ont aussi été évoquées comme la nécessité de sortir pour aller chercher les enfants ou pour faire des achats. La fréquentation d’endroits frais s’est heurtée à leur accessibilité (horaire, contrainte professionnelle, file d’attente, trajet), ou à la difficulté à les repérer.

Attentes en matière de prévention

Concernant les messages, les personnes ont souhaité des précisions pour des conseils dont elles n’ont pas compris les fondements (alimentation suffisante, pas d’alcool ou limitation des efforts physiques) ou les modalités (quantité d’eau quotidienne, heures d’ouverture des fenêtres). Les personnes interrogées ont souhaité disposer de conseils sur les lieux de travail avec le sentiment que cet environnement est un lieu où l’observance est fortement limitée. En ce qui concerne les signes d’alerte, les personnes interrogées ont jugé qu’il y avait une vraie opportunité à communiquer sur ce sujet, en insistant sur le fait que toute la population est concernée.

En termes de diffusion, les actions mises en œuvre par l’État ont été perçues comme légitimes, même si certains ont soulevé une certaine défiance. Les participants ont suggéré que les messages puissent être délivrés par des acteurs proches de la population et légitimes, principalement les professionnels de santé. Ceux-ci ont été perçus comme des acteurs disposant d’une crédibilité scientifique et d’une autorité qui rendent leurs conseils écoutés et suivis. L’employeur a aussi été perçu comme pouvant jouer un rôle majeur dans l’adoption des gestes de prévention.

En termes d’actions, deux types d’initiatives ont émergé des échanges. Il s’agit, d’une part, d’actions permettant de favoriser le comportement adéquat : distribution de goodies (mini-ventilateur, chapeau, gourde), aménagements d’horaires et d’accès aux lieux frais, payants (piscine) ou gratuits (gymnase, salle municipale). Il s’agit, d’autre part, d’actions de proximité, à travers des ateliers pratiques ou des caravanes itinérantes. Afin d’identifier les lieux frais à proximité, les citadins ont souhaité disposer d’une cartographie. D’autres actions ont été ponctuellement évoquées comme la distribution de ventilateurs ou l’envoi de SMS pour alerter directement.

Discussion

Cette étude a montré que la population interrogée a une bonne connaissance des principaux gestes à adopter lors d’une canicule, mais connaît moins les signes d’alerte ou l’ensemble des groupes à risque. Les personnes interrogées ne perçoivent pas, le plus souvent, le risque pour elles-même d’une exposition aux fortes chaleurs. Ces résultats sont cohérents avec ceux de l’étude quantitative menée en 2015 5.

Le principal obstacle à l’adoption des gestes de prévention est l’absence de perception du risque pour soi. Si ce constat est retrouvé dans d’autres études 5,6, l’approche qualitative apporte des éléments de compréhension. En particulier, les personnes qui se jugent bien portantes ne se sentent pas concernées, puisqu’elles associent le risque lié aux fortes chaleurs à un état (âge, pathologie…) et non à une surexposition à la chaleur. Au titre des représentations erronées et des a priori, on retient la croyance des personnes interrogées que la canicule fait courir un risque uniquement à quelques populations, et que les institutions publiques alarment la population sur les dangers de la canicule bien au-delà du raisonnable. Jusqu’en 2019, le dispositif de prévention, centré sur une communication d’urgence avec des outils identiques pour l’ensemble de la population, a favorisé cette distanciation. Afin de prendre en compte ce constat et d’accroître la perception du risque pour soi, le nouveau dispositif de marketing social met en scène plusieurs populations (enfants, travailleurs, sportifs, personnes âgées) dans des situations de la vie courante.

Dans notre étude, les barrières objectives à l’adoption de gestes de prévention relèvent essentiellement de contraintes professionnelles. En dépit de nombreux outils développés pour les employeurs, notamment par l’INRS 7 ou le ministère du Travail 8, il semble que l’adaptation des conditions de travail soit déficiente. À titre d’exemple, face au même constat, aux États-Unis, la ville de Philadelphie a adapté réglementairement le travail en fermant certains services publics 9.

Dans la sphère privée, le logement apparaît comme un déterminant sur lequel il est nécessaire d’agir. Si les personnes interrogées ferment volets et fenêtres, utilisent des ventilateurs et se rafraîchissent régulièrement, elles sont majoritaires à signaler un sommeil perturbé. Il donc essentiel d’envisager d’améliorer le confort thermique du logement, d’autant plus que le recours à la climatisation est largement évoqué comme solution unique pour bénéficier d’une température clémente alors que Jay et coll. 10 montrent que sa généralisation comporte de nombreuses limites (amplification des îlots de chaleur, accroissement des inégalités sociales, émission de gaz à effet de serre, saturation du réseau électrique…). Dans le cadre du nouveau dispositif de marketing social, une revue de la littérature est en cours pour identifier les actions probantes ou prometteuses dans les logements exposés aux fortes chaleurs. Le nouveau dispositif Orsec de gestion sanitaire des vagues de chaleur 11, incluant une remontée des actions mises en œuvre localement, va également permettre d’identifier et d’encourager le déploiement de ces actions.

La fréquentation de lieux frais est recherchée, mais elle se heurte à des difficultés. Pourtant, de nombreuses villes ont déjà cartographié les lieux frais, les points d’eau potable, proposé des itinéraires fraîcheur, aménagé les horaires d’ouverture de piscines ou de parcs 12,13,14. L’effort à venir pourrait être d’amplifier la communication de ces possibilités pour en faciliter l’accès. Il pourrait être aussi utile, à l’instar de la ville de Toronto, au Canada, de rendre accessible des salles municipales rafraichies la nuit 15.

Bien que les principaux gestes à adopter, en période de canicule, soient connus, le manque de connaissance des signes d’alerte et des populations à risque apparaissent aussi comme des freins à l’adoption des mesures de prévention. Pour combler ces lacunes, le nouveau dispositif de marketing social intègre des actions préventives tout au long de l’été, incluant ces informations 16. Afin de sensibiliser les professionnels de santé, des synthèses portant sur les risques et les actions à mettre en place auprès des enfants 17 ou des adultes vulnérables à la chaleur 18 ont été élaborées. L’approche affinitaire permettra aussi de mieux cibler les messages. Par exemple, réserver les conseils de « manger en quantité suffisante » ou « donner des nouvelles » aux personnes âgées. Pour la première fois, au cours de l’été 2021, des SMS ont été adressés à des particuliers dans le cadre d’une expérimentation.

Limites et perspectives

L’étude apporte des pistes pour améliorer la prévention, cependant elle n’inclut pas les populations les plus précaires, très vulnérables à la canicule pour lesquelles des actions de proximité, le plus souvent conduites par des associations doivent être renforcées. La mise en place d’une étude auprès des personnes ayant eu recours aux urgences pour une pathologie en lien avec la canicule permettrait de conforter les données sur les circonstances d’exposition à la chaleur et de consolider la connaissance des freins à l’adoption des gestes adaptés en regard des freins identifiés dans la présente étude.

Remerciements

À Anne-Claire Colleville, pour sa participation à la rédaction du protocole et à François Beck pour la relecture de l’article.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Ministère des Solidarités et de la Santé. Plan national canicule. Mise à jour le 20 décembre 2021. https://
solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-climatiques/article/le-plan-national-canicule
2 Santé publique France. Fortes chaleurs, canicule : données, 2021. https://www.santepubliquefrance.fr/
determinants-de-sante/climat/fortes-chaleurs-canicule/donnees/#tabs
4 Adélaïde L, Chanel O, Pascal M. Évaluation monétaire des effets sanitaires des canicules en France métropolitaine entre 2015 et 2020. Bull Epidemiol Hebd. 2021(12):215-23. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/
2021/12/2021_12_2.html
5 Laaidi K, Perrey C, Léon C, Mazzoni M, Beaudeau P. Connaissances et comportements des Français face à la canicule. La Santé en action. 2019;(448):47-8. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/climat/
fortes-chaleurs-canicule/documents/article/connaissances-et-comportements-des-francais-face-a-la-canicule
6 Erens B, Williams L, Exley J, Ettelt S, Manacorda T, Hajat S, et al. Public attitudes to, and behaviours taken during, hot weather by vulnerable groups: Results from a national survey in England. BMC Public Health. 2021;21(1):1631.
7 INRS. Travail à la chaleur. Dossier Santé et sécurité au travail. Paris: INRS; 2019. https://www.inrs.fr/risques/
chaleur/ce-qu-il-faut-retenir.html
9 City of Philadelphia. Safety and emergency preparedness. Hot weather. https://www.phila.gov/services/safety-emergency-preparedness/natural-hazards/excessive-heat
10 Jay O, Capon A, Berry P, Broderick C, de Dear R, Havenith G, et al. Reducing the health effects of hot weather and heat extremes: From personal cooling strategies to green cities. Lancet. 2021;398(10301):709-24.
11 Ministère des Solidarités et de la Santé. Le guide ORSEC gestion sanitaire des vagues de chaleur 10 juin 2021. https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-climatiques/article/le-guide-orsec-gestion-sanitaire-des-vagues-de-chaleur
12 Ville de Paris. Canicule : toutes les infos. Les espaces verts et autres îlots de fraîcheur. https://www.paris.fr/
pages/la-canicule-5469/#les-espaces-verts-et-autres-ilots-de-fraicheur
13 Ville de Lyon. Vigilance canicule : les bons gestes – 19 juillet 2021. https://www.lyon.fr/actualite/sante/canicule-les-bons-gestes
14 Ville de Grenoble. Fortes chaleurs et canicule. https://www.grenoble.fr/1457-fortes-chaleurs-et-canicule.htm
17 Santé publique France. Prévenir les risques liés aux fortes chaleurs chez l’enfant. Repères pour votre pratique. 7 juillet 2021. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/climat/fortes-chaleurs-canicule/documents/
depliant-flyer/prevenir-les-risques-lies-aux-fortes-chaleurs-chez-l-enfant

Citer cet article

Verrier A, Rey J, Salvaing L, Gorza M, Bonmarin I. Freins à l’adoption des gestes de prévention en période de canicule. Bull Epidémiol Hebd. 2022;(6):116-21. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/6/2022_6_1.html