Évaluation monétaire des effets sanitaires des canicules en France métropolitaine entre 2015 et 2020
// Economic evaluation of heatwaves health effects in France from 2015 to 2020
Résumé
Bien que les canicules soient les événements climatiques extrêmes les plus importants en termes de mortalité, leurs impacts sont rarement considérés sous un angle économique. Cette méconnaissance, couplée à une perception du risque qui demeure faible, s’avère un frein à l’action en matière d’adaptation. Nous proposons une évaluation monétaire des impacts sanitaires des canicules en France métropolitaine entre 2015 et 2020.
Méthode –
Les indicateurs sanitaires suivis dans le cadre du Plan national canicule ont été utilisés pour appréhender les coûts des passages aux urgences et consultations SOS Médecins pour une sélection de causes liées à la chaleur. La mortalité en excès et la perte d’espérance de vie ont également été valorisées économiquement, ainsi que la perte de bien-être due aux restrictions d’activité. Une approche fondée sur le coût total de la maladie (coût direct, indirects et intangibles) et le consentement à payer a été utilisée.
Résultats –
Entre 2015 et 2020, les impacts sanitaires étudiés représentent au total, selon la méthode choisie, autour de 22 ou de 37 milliards €. La mortalité en excès est majoritaire (16 milliards € lorsqu’exprimée en années de vie perdues, ou 30 milliards € lorsqu’exprimée à partir des décès en excès) et la restriction d’activité est évaluée à environ 6 milliards €.
Conclusions –
Cette étude permet de mieux objectiver l’impact économique de ces événements climatiques extrêmes. Dans un contexte où les évolutions climatiques annoncent un accroissement des températures et des phénomènes de vagues de chaleur, pouvant conduire à une aggravation des impacts, ces résultats obtenus soulignent encore l’importance et l’urgence de mesures d’action permettant de renforcer l’adaptation aux canicules.
Abstract
Although heat waves are the deadliest extreme weather events, their impacts are rarely considered from an economic perspective. This lack of knowledge, coupled with a low perception of this risk, is a barrier to the implementation of adaptation measures. We assessed the economic burden of the health impacts of heat waves in metropolitan France between 2015 and 2020.
Methods –
We used emergency room visits and SOS Médecins visits for a selection of heat-related causes to assess their costs. Excess mortality and loss of life expectancy were also valued, as well as the loss of well-being due to restricted activity. Total cost-of-illness (direct, indirect and intangible costs) and willingness-to-pay approaches were used.
Results –
Over the 2015-2020 period, the total health impacts studied represent around €22 or €37 billion depending on the method. Excess mortality dominates (€22 billion when based on years of life lost, or €30 billion when based on excess deaths) and activity restriction is estimated at around €6 billion.
Conclusion –
This study allows to better objectify the economic impact of these extreme weather events. In a context where climate change results in an increase in temperatures and heat wave phenomena, which may lead to worsen the impacts, these findings underline the importance and urgency to implement measures allowing to strengthen adaptation to heat waves.
Introduction
Les canicules sont les événements climatiques extrêmes les plus meurtriers dans le monde et en France 1. Leurs caractéristiques évoluent rapidement sous l’influence du changement climatique, devenant de plus en plus fréquentes, longues, intenses, et avec une répartition spatio-temporelle élargie 2. Bien qu’il n’existe pas de définition consensuelle des canicules au niveau international, certaines définitions répondent à des objectifs opérationnels. En France, le plan national canicule (PNC) organise à l’échelle départementale la réponse immédiate aux canicules jugées a priori les plus à risque pour la santé, recommande les actions à mettre en place et liste les indicateurs sanitaires à surveiller en soutien de l’aide à la décision. Par ailleurs, les canicules sont rarement prises en compte dans les études économiques chiffrant l’impact des événements climatiques extrêmes car elles affectent peu les biens assurés, tels que les infrastructures, les cultures ou les habitations. La sous-estimation des risques et des impacts sanitaires des canicules, ainsi que la méconnaissance des répercussions socioéconomiques, s’avèrent être un frein à la mise en place d’actions en matière d’adaptation.
Nous décrivons ici une évaluation monétaire des impacts sanitaires des canicules en France métropolitaine entre 2015 et 2020, à partir des définitions et indicateurs suivis pour le PNC.
Méthode
L’analyse porte sur l’exposition aux canicules de la population des 96 départements métropolitains entre 2015 et 2020. Cette période est choisie pour garantir une bonne comparabilité des données de recours aux soins obtenues à partir du système de surveillance syndromique Sursaud©.
Données météorologiques et niveau d’alerte
Les critères du PNC sont utilisés pour identifier les périodes de canicules à partir des températures observées par Météo-France pour une station de référence par département, et pour estimer les impacts sur la morbidité et la mortalité 3. Tous les jours entre juin et septembre, chaque département est classé selon un niveau de vigilance définissant le risque canicule à partir des prévisions de températures, gradué de vert (absence de risque) à rouge (risque maximal). Les classements quotidiens ont été obtenus auprès de Météo-France, et les niveaux orange et rouge caractérisent les épisodes de canicule.
Estimation des impacts sanitaires
Pour le recours aux soins et la mortalité, les calculs sont effectués au niveau départemental puis agrégés au niveau national. Un nombre de cas en excès négatif est considéré comme une absence d’effet de la chaleur.
Recours aux soins
Les passages aux urgences et consultations SOS Médecins pour des causes influencées par la chaleur sont obtenus quotidiennement par le système Sursaud©.
Les données, détaillées par âge, sexe, motif(s) de visite, et mentionnant l’indication d’une hospitalisation à la suite de la consultation, représentent environ 93% des passages aux urgences et 95% des consultations SOS Médecins. Les analyses portent sur les malaises, l’hyponatrémie, l’hyperthermie/coup de chaleur, les fièvres isolées et la déshydratation 4. Les recours aux soins en excès pendant les canicules sont estimés en comparant les nombres observés à des valeurs de référence modélisées. Ces références sont calculées à partir de modèles de quasi-Poisson contrôlant le jour de la semaine, le mois, l’année, et le nombre de recours codés toutes causes, afin de prendre en compte les variations des volumes d’activité et des codages. Pour des raisons de puissance statistique lors du calcul des valeurs de référence, nous nous sommes limités à trois classes d’âges (0-14, 15-64, 65 ans et plus).
Compte tenu de la difficulté d’intégrer l’influence possible de la pandémie de Covid-19 sur la modélisation des effectifs attendus, les analyses concernant les recours aux soins ne sont pas réalisées pour 2020.
Mortalité
Les estimations de la mortalité sont issues des bilans annuels réalisés par Santé publique France, qui s’appuient sur une méthode de comparaison aux années précédentes, dont la validité a été établie par ailleurs 5. La surmortalité correspond à la différence entre la mortalité observée et la moyenne des décès observés pendant la même période sur les N années précédentes. Plusieurs valeurs de N, entre 1 et 5 ans, sont utilisées, ce qui permet d’apprécier la sensibilité de l’estimation au choix de la référence et de fournir une valeur centrale (moyenne des valeurs obtenues) et l’étendue (à partir des cinq valeurs obtenues). Ces analyses sont réalisées pour cinq classes d’âges, (0-14, 15-44, 45-64, 65-74 et 75 ans et plus), à partir des données de mortalité des communes informatisées de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ces données informatisées représentent environ 80% de la mortalité totale annuelle en France 5. Une extrapolation permet d’obtenir une estimation pour l’ensemble des communes.
Le nombre d’années de vie perdues est estimé à partir de ces données, en prenant comme référence l’espérance de vie moyenne de chaque classe d’âge.
Perte de bien-être
La perte de bien-être est approchée en considérant les restrictions d’activités associées au niveau de vigilance rouge. En effet, l’activation de ce niveau conduit par exemple à des recommandations sur l’évitement des déplacements et des activités physiques, le recours au télétravail, et à l’annulation d’événements. De plus, sur le plan physiologique, les températures observées en cas de vigilance rouge sont suffisantes pour induire des symptômes légers (fatigue, crampes, diminution des capacités cognitives…) chez la plus grande partie de la population. Cette situation correspond bien à la définition des jours d’activité restreinte 6. L’indicateur utilisé est la population résidente dans les départements concernés par chaque jour en vigilance rouge. Il n’est pas affecté par la pandémie de Covid-19, et est donc calculé pour 2020 également.
Estimation des impacts monétaires
Les impacts monétaires sont exprimés en euros constants 2017.
Recours aux soins
L’analyse inclut les coûts médicaux directs (consultations, visites aux urgences, hospitalisations), les coûts indirects (perte de production) et la composante intangible qui représente la perte de bien-être et de qualité de vie pour le patient et son entourage (chagrin, peur, douleur, temps perdu...).
Le coût moyen d’un passage aux urgences sans hospitalisation de 151 € est utilisé 7. Pour les consultations SOS Médecins, un coût moyen de 48 € est estimé en considérant les barèmes qui dépendent du jour et de l’heure de consultation. Un forfait supplémentaire de 5 € est attribué aux visites pédiatriques.
Concernant les hospitalisations, les causes n’étant pas détaillées, nous retenons le coût moyen d’une hospitalisation pour causes respiratoires (la chaleur étant un facteur de risque avéré de cette cause 8,9), aboutissant à 3 866 € 10.
Les pertes de production sont estimées à partir d’un salaire moyen journalier brut de 104,24 € 11. Il est appliqué aux 71,5% des patients de 15 à 64 ans en activité, mais également à la même proportion d’enfants de moins de 15 ans, dont au moins un parent a dû prendre soin pendant le jour de la consultation ou pendant l’hospitalisation. Pour les passages aux urgences et les visites SOS Médecins non suivis par une hospitalisation, nous considérons qu’un jour de travail était perdu. Une durée moyenne de 6,7 jours d’hospitalisation 12 est prise en compte, suivie d’un arrêt maladie de durée équivalente 13, soit au total 13,4 jours sans activité.
La composante intangible est estimée à partir du consentement à payer pour éviter un épisode morbide (le risque de passages aux urgences ou d’hospitalisation ici). En l’absence de valeurs établies pour la chaleur, nous considérons les valeurs utilisées pour la pollution de l’air : soit 267 € pour éviter un passage aux urgences 13 et 1 454 € pour éviter une hospitalisation (moyenne de Ready et coll. 13 et Chilton et coll. 14).
Mortalité
La valorisation économique de la mortalité constitue une étape délicate d’un point de vue éthique et en l’absence de valeurs consensuelles, et se fait généralement en se fondant sur l’évaluation monétaire d’une vie statistique ou sur celle d’une année de vie perdue 15. Nous présentons ces deux approches. La valeur d’une vie statistique choisie est celle recommandée pour l’évaluation des politiques publiques en France, soit 3,17 millions d’euros de 2017 16, et elle sera appliquée au nombre de décès en excès. Pour la valeur d’une année de vie, en l’absence d’évaluation spécifique aux vagues de chaleur, nous reprenons également la valeur recommandée par Quinet 16, soit 122 000 € de 2017. Notons qu’une alternative qui consiste à exploiter les travaux réalisés sur la pollution de l’air, aboutirait à une valeur de 82 000 € (moyenne des valeurs recommandées par Desaigues et coll. 17 et Quinet 16).
Perte de bien être
Nous adoptons la valeur de 43 € par jour d’activité restreinte recommandée par Ready et coll. 13 et utilisée dans plusieurs études internationales 18.
Prise en compte des incertitudes
Des fourchettes pour l’évaluation monétaire sont établies à partir de simulations de Monte Carlo qui combinent les incertitudes liées aux estimations statistiques des impacts sanitaires et celles liées aux valeurs économiques. Nous utilisons une approximation Normale de la distribution quasi-Poisson pour le recours aux soins, un tirage équiprobable parmi les cinq valeurs issues de la méthode de comparaison aux années précédentes pour la mortalité, et une variation de ±33% autour des valeurs économiques, en supposant une distribution triangulaire 19. Ces fourchettes pour l’évaluation monétaire sont construites à partir des Percentiles 2,5 (P2,5) et P97,5 des simulations Monte Carlo.
Résultats
L’ensemble des 96 départements sauf trois (les Côtes-d’Armor, la Creuse et le Finistère) ont connu au moins une vague de chaleur sur la période 2015-2020, et de nombreux départements en ont connu plusieurs. Ainsi, 2 716 alertes journalières ont été relevées pour l’ensemble des 93 départements, soit en moyenne 29,2 jours d’alerte par département. Les données de santé sous-tendant l’évaluation monétaire sont présentées dans le tableau 1.
Sur les six années d’études, la mortalité s’avère la composante principale de l’évaluation économique (tableau 2). Elle totalise 30,2 milliards d’euros (IC95% [25,5-34,6]) lorsque fondée sur le nombre de décès, et 15,9 milliards d’euros (IC95% [13,6-18,2]) lorsque fondée sur les années de vie. Cette différence reflète la part importante des décès survenant chez des personnes âgées de 75 ans et plus (environ deux tiers des décès), dont l’espérance de vie est logiquement plus faible que celle du reste de la population générale.
Le recours aux soins en excès représente 31 millions d’euros (IC95% [25,8-35,8]) sur la période 2015-2019, principalement associé aux hospitalisations (figure 1). Au total, les passages aux urgences non suivis d’une hospitalisation sont valorisés à 4,3 millions d’euros, et les consultations SOS Médecins non suivies d’une hospitalisation 0,36 million d’euros. Plus d’un tiers (35,5%) des coûts en recours aux soins sont observés en 2019, qui a connu des pics de passages aux urgences, en particulier chez les personnes jeunes.
La perte de bien-être n’est calculée qu’en 2019 et 2020, seules années à avoir connu des vigilances rouges. Elle s’élève à 6,3 milliards d’euros (IC95% [5,1-7,5]), évaluation conséquente liée à l’importance de la population concernée (27 millions de personnes sur 2 jours en 2019 et 20 millions sur 4 à 5 jours en 2020).
En prenant en compte la mortalité exprimée à partir de la valeur d’une vie statistique, la morbidité et la perte de bien-être, et ramené à la taille de la population exposée, l’impact économique total de la mortalité s’établit en moyenne entre 72 € par habitant en 2017 et 224 € par habitant en 2020, pour un total sur la période de 814 € par habitant (tableau 2). Dans le détail, la valeur moyenne par habitant exposé à une canicule et par département varie entre 18 €/an pour la Lozère et 400 €/an pour le territoire de Belfort (figure 2).
Discussion
Cette analyse examine une partie des impacts des canicules, en se focalisant uniquement sur les événements les plus importants. L’impact économique est conséquent, avec environ 37 milliards € associés aux coûts directs, indirects et intangibles du recours aux soins, ainsi qu’aux coûts intangibles de la perte de bien-être et de la mortalité évaluée en termes de décès en excès. Cet impact est de 22 milliards € lorsque la mortalité en excès est exprimée en années de vie perdues.
Dans le détail, les coûts intangibles liés à la mortalité prématurée représentent la part majoritaire, soulignant un fardeau sociétal sous-estimé et largement invisible. Une autre partie importante porte sur les effets intangibles liés à la perte de bien-être, calculés en appliquant la valeur de 43 € par jour de vigilance rouge à toute la population des départements concernés. Il est possible que cette valeur, mesurant la restriction d’activité associée, ne s’applique qu’à une partie de la population, et soit décroissante selon le nombre de jours consécutifs concernés, ou selon l’origine de la restriction d’activité. Seules des études ad hoc permettraient d’affiner cette évaluation. Enfin, les recours aux soins ne représentent finalement qu’une très faible part du total, avec moins de 1%.
Une vingtaine d’études internationales seulement ont évalué l’impact économique des vagues de chaleur (voir, pour des revues récentes, Schmitt et coll. 20 et Wondmagegn et coll. 21), parfois dans une ou quelques villes. Elles varient fortement dans la définition des épisodes, les indicateurs retenus, le calcul des cas attribuables ou en excès, et les choix monétaires, ce qui rend toute comparaison délicate. En Europe, Hunt et coll. 22 estiment que la canicule de 2003 a conduit à 2 157 décès, soit 3,7 milliards €, et Hübler et coll. 23 estiment que les vagues de chaleur sont actuellement responsables d’environ 4 500 décès par an en Allemagne, de 100 millions € de coûts d’hospitalisation et de 540 millions € de pertes de productivité (voire 2,4 milliards € en cas de canicule extrême). Watkiss et coll. 24 prévoient environ 27 000 morts en Europe par an sur la période 2011-2040, qu’ils évaluent à 30 milliards €.
Notre analyse s’appuie sur les données sanitaires et monétaires disponibles. Concernant les impacts sanitaires, ils sont sous-estimés, la littérature ayant mis en évidence de nombreux effets délétères de la chaleur, en matière de recours aux soins, d’effets sur la santé au travail, sur la santé mentale, ou encore périnatale. De même, les impacts économiques en termes de productivité et de temps de travail ne sont pas pris en compte alors qu’ils peuvent être conséquents 25. Concernant les données monétaires, plusieurs hypothèses ont dû être faites, et les résultats sont présentés sous forme de fourchettes donnant des ordres de grandeur jugés raisonnables en l’état actuel des connaissances. Les variations les plus importantes sont associées aux choix sous-tendant la valorisation économique de la mortalité et de la perte de bien-être. Nous avons choisi des valeurs classiquement utilisées pour la pollution de l’air, faisant l’hypothèse que les pertes d’espérance de vie induites par ces deux risques étaient comparables. Cette hypothèse est cohérente au vu des travaux épidémiologiques les plus récents sur la chaleur extrême et la santé 26.
La pandémie de Covid-19, par ses conséquences sanitaires et sociétales, a affecté nos évaluations pour l’année 2020. D’abord, en nous conduisant à ne pas prendre en compte les recours aux soins, malgré une dynamique épidémique faible pendant l’été, du fait d’incertitudes importantes dans le calcul des nombres attendus de passages aux urgences et de visites SOS Médecins. En effet, le premier confinement ayant entrainé une diminution du recours aux soins suivi d’une augmentation, suggérant un retard de prise en charge des patients 27, il était encore trop tôt pour déterminer si l’été 2020 avait présenté le même profil atypique.
Ensuite, nous avons dû vérifier l’absence de biais induit par l’épidémie de Covid-19 avant d’inclure la mortalité en excès pour 2020. Durant les jours de vigilance canicule de l’été 2020 et dans les départements concernés, moins de 100 décès Covid-19 ont été recensés à l’hôpital et en institution 28, pour environ 2 300 décès en excès durant les canicules. Cela suggère une potentielle, mais faible, surestimation de la mortalité liée aux vagues de chaleur en 2020. Elle se traduirait par une surévaluation de 320 millions € de l’évaluation monétaire totale de 11,2 milliards € correspondant aux décès en excès, soit moins de 3%. Enfin, concernant les pertes de bien-être, l’indicateur retenu n’est pas affecté par la pandémie de Covid-19. Toutefois, les confinements successifs vécus par la population ont pu modifier la valeur monétaire qu’elle attribue à un jour d’activité restreinte, à la baisse par un effet d’accoutumance aux restrictions d’activité, comme à la hausse du fait de préférences exacerbées pour la liberté d’action.
Ainsi, malgré la mise en place d’un plan de prévention depuis 2004, les canicules continuent d’avoir un impact sanitaire et économique fort en France. Depuis 2015, on observe une exacerbation de la fréquence, de la durée, de l’extension géographique et de l’intensité des vagues de chaleur, se traduisant par des impacts sanitaires conséquents. Sous l’influence du réchauffement climatique, on peut s’attendre dans les 30 prochaines années, à un épisode comparable à 2015 tous les trois ans environ 29. Les victimes des canicules récentes peuvent être considérées comme les premières victimes identifiables du changement climatique en France.
La situation climatique évolue rapidement : en 2020, trois régions ont été placées en vigilance rouge pendant quatre à cinq jours, et la mortalité y a été conséquente, notamment pour les plus de 75 ans (1 377 décès en excès) et, de manière inédite, dès 45 ans lors de la 2e vague (+18% ; 202 décès en excès pour les 45-64 ans) 30. Les canicules étant des événements climatiques extrêmes dont les impacts sont rarement considérés sous un angle économique, cette étude permet de mieux objectiver leur impact économique. Dans un contexte où les évolutions climatiques annoncent un accroissement des températures et des phénomènes de vagues de chaleur, pouvant conduire à une aggravation des impacts sanitaires et économiques, les résultats obtenus soulignent l’importance et l’urgence de mesures d’action permettant de renforcer l’adaptation aux canicules. Ces mesures doivent également viser à réduire les inégalités sociales de santé, tout en étant complémentaires des politiques d’atténuation du changement climatique.
Remerciements
Olivier Chanel remercie les ANR GREEN-Econ (ANR-16-CE03-0005), et EUR-AMSE (ANR-17-EURE-0020), ainsi que l’Initiative d’Excellence d’Aix-Marseille Université – A*MIDEX pour leur soutien. Nous remercions Guillaume Boulanger (Santé publique France, Direction santé environnement travail) pour sa relecture attentive et ses suggestions, Perrine de Crouy-Chanel (Santé publique France, Direction appui, traitements et analyses de données) pour l’assistance géomatique et trois relecteurs anonymes pour leurs remarques pertinentes.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/05/SYR_AR5_FINAL_full_wcover.pdf
france.fr/beh/2019/1/2019_1_2.html
oecd.org/Index.aspx?ThemeTreeId=9
archives/cafe/
fortes-chaleurs-canicule/documents/bulletin-national/bulletin-de-sante-publique-canicule.-bilan-ete-2020
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