Évaluation quantitative d’impact sur la santé de la pollution atmosphérique sur le territoire de Bordeaux Métropole
pour la période 2013-2015

// Quantitive health impact assessment of air pollution in Bordeaux metropolitan area for 2013-2015

Céline Garnier1 (c.garnier@ors-na.org), Gaëlle Gault2, Agnès Hulin3, Pascaline Galy4
1 Observatoire régional de santé de Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux
2 Santé publique France – Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux
3 Association agréée de surveillance de la qualité de l’air en Nouvelle-Aquitaine (Atmo-NA), Mérignac
4 Bordeaux Métropole (service santé et résilience), Bordeaux
Soumis le 19.05.2022 // Date of submission: 05.19.2022
Mots-clés : Pollution de l’air | Effet sur la santé | EQIS | Mortalité
Keywords: Air pollution | Health effects | QHIA | Mortality

Résumé

Contexte –

Compétente en matière de qualité de l’air depuis le 1er janvier 2015, Bordeaux Métropole a souhaité disposer de données actualisées d’estimations des effets de la pollution de l’air sur la santé et sollicité l’Observatoire régional de santé de Nouvelle-Aquitaine pour les accompagner dans la réalisation d’une évaluation quantitative de l’impact sur la santé de la pollution de l’air (EQIS-PA).

Méthodes –

L’EQIS-PA a été réalisée en s’appuyant sur les recommandations du guide EQIS de la pollution de l’air ambiant de Santé publique France. Les impacts sur la santé (effets à court terme des concentrations en particules fines de diamètre inférieur à 10 µm (PM10) et en dioxyde d’azote (NO2), et exposition chronique aux particules fines de diamètre inférieur à 2,5 µm (PM2,5) ont été calculés sur la période 2013-2015 via le logiciel AirQ+®.

Résultats –

 Sur la période 2013-2015, les niveaux de concentrations des PM2,5 étaient de 13,4 µg/m3 et le fardeau de la pollution de l’air a été estimé à environ 600 décès par an au sein de Bordeaux Métropole, soit 11,2% de la mortalité. Une baisse de 30% de la concentration annuelle moyenne en PM2,5 observée sur la période 2013-2015 (soit une concentration atteignant le niveau mesuré en 2019) éviterait à long terme environ 300 décès par an. Une telle baisse concernant le NO2 aurait permis d’éviter près de 40 décès par an.

Conclusion –

 Malgré les améliorations de la qualité de l’air au cours des dernières années, ces résultats permettent à la collectivité d’avoir un ordre de grandeur actualisé de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique sur son territoire. Il en ressort que la pollution de l’air reste un facteur de risque conséquent sur la métropole bordelaise, et que les actions en faveur de la réduction de la pollution de l’air doivent être poursuivies sur toutes les sources. Par ailleurs, la confrontation des scénarios de diminution de la pollution aux niveaux mesurés en 2019 permet d’estimer les bénéfices sanitaires d’une amélioration de la qualité de l’air.

Abstract

Background –

The Bordeaux Métropole, which assumed jurisdiction over air quality on 1 January 2015, required recent data concerning the effects of air pollution on health and approached the Regional Health Observatory of Nouvelle-Aquitaine to perform a quantitative health impact assessment of air pollution (QHIA-AP).

Methods –

The QHIA-AP was carried out using the QHIA guide to ambient air pollution produced by Santé publique France, the French public health agency. The health impacts for short-term effects of concentrations of fine particles <10 µm in diameter (PM10) and nitrogen dioxide (NO2), and chronic exposure to fine particles <2.5 µm in diameter (PM2.5), were calculated for the period 2013-2015 using the software tool AirQ+®.

Results –

Over the period 2013-2015, the concentration level of PM2.5 was 13.4 µg/m3 and the burden of air pollution in the Bordeaux metropolitan area was estimated at approximately 600 deaths per year, i.e. 11.2% of mortality. A decrease of 30% in the average annual PM2.5 concentration observed over the 2013-2015 period (i.e. the concentration measured in 2019) would prevent approximately 300 deaths per year in the long term. An equivalent decrease in NO2 would prevent approximately 40 deaths per year.

Conclusion –

Despite known improvements in the air quality in recent years, these results provide the community with updated information about the health impact of air pollution in the region. It appears that air pollution remains a significant risk factor in the Bordeaux metropolitan area and that actions targeting all sources of air pollution must continue. Furthermore, the current health benefits of improved air quality became clear through the comparison of different pollution scenarios with the levels measured in 2019.

Contexte

La problématique de la qualité de l’air et de son impact sanitaire s’inscrit depuis plusieurs années au cœur de l’actualité et des considérations politiques européenne et nationale 1,2, mais également de plus en plus au cœur des démarches locales 3. Toutefois, si la pollution de l’air est désormais un enjeu majeur, ses effets sur la santé ne sont pas toujours connus de tous et la quantification des effets sur la santé reste complexe. Cette quantification apparaît pourtant importante pour sensibiliser les élus et l’ensemble de la population d’un territoire à l’impact de la pollution sur la santé, donc aux politiques de remédiation. Les évaluations quantitatives d’impact sur la santé de la pollution atmosphérique (EQIS-PA) constituent un outil d’aide à la décision pour planifier des mesures pour protéger la santé de la population. Le Bureau régional pour l’Europe de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a développé un logiciel pour faciliter les calculs de l’ampleur des impacts de la pollution atmosphérique sur la santé (logiciel AirQ+®4. À la suite de la participation en 2018 de Bordeaux Métropole à une expérimentation du logiciel AirQ+®, lancée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et Santé publique France 5, l’intérêt de la collectivité s’est renforcé sur cette possibilité de disposer d’un outil permettant de quantifier des impacts sanitaires liés à la pollution de l’air. L’Observatoire régional de santé de Nouvelle-Aquitaine (ORS-NA) a été sollicité courant 2019 par Bordeaux Métropole pour les accompagner dans cette démarche.

Le premier objectif de ce projet était d’accompagner la collectivité dans l’évaluation des impacts sanitaires liés à la pollution de l’air sur son territoire via le logiciel AirQ+® pour qu’elle puisse en comprendre les enjeux méthodologiques et être plus autonome pour réaliser des EQIS-PA. L’objectif secondaire était de tester un outil international mis à la disposition des collectivités et d’en valoriser les résultats, afin de diffuser un exemple concret d’utilisation pour faciliter sa prise en main par d’autres acteurs.

Méthode

Les EQIS-PA permettent de mesurer les impacts sur la santé d’une amélioration ou d’une dégradation
de la qualité de l’air, elles utilisent ainsi les relations concentration-risque issues des études épidémiologiques, et les appliquent aux données de santé et environnementales propres à la zone étudiée. Cette étude a été réalisée en s’appuyant sur les recommandations du guide de Santé publique France, publié en 2019 6. Les calculs d’impacts sanitaires ont été réalisés via le logiciel AirQ+ v1.3®. Ce logiciel a été développé par l’OMS. Il est destiné à faciliter le calcul de l’évaluation des impacts sanitaires et à permettre l’homogénéisation des pratiques. Il inclut les méthodologies pour évaluer les effets de l’exposition à long terme (et à court terme) sur la pollution de l’air ambiant, notamment les polluants PM2,5 (particules fines de diamètre inférieur à 2,5 µm), PM10 (particules fines de diamètre inférieur à 10 µm),
NO2 (dioxyde d’azote), O3 (ozone). Les risques relatifs pour les différents indicateurs de santé d’intérêts (mortalité et morbidité), à la fois en termes d’affections aiguës et chroniques sont déjà intégrés.

Constitution des instances

Deux instances spécifiques ont été créées. Un groupe technique constitué de l’ORS-NA, de la cellule régionale de Santé publique France, de l’Association agréée de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) en Nouvelle-Aquitaine (Atmo-NA) et de Bordeaux Métropole a été mis en place pour réunir les expertises nécessaires aux choix méthodologiques de l’étude. Un comité de pilotage a associé ce groupe technique, ainsi que l’Agence régionale de santé et la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).

Choix de la période d’étude

Dans le cadre d’une EQIS-PA, la période d’étude est déterminée en fonction de la disponibilité des données de santé et des données de pollution tout en privilégiant des années ne présentant pas d’événements exceptionnels 6.

Si au démarrage de l’étude les dernières données disponibles au niveau de la qualité de l’air étaient
celles relatives à l’année 2018, celles liées aux hospitalisations dataient de 2017 et celles liées à la mortalité de 2015. Il a donc été décidé de prendre les années 2013-2014-2015 pour réaliser l’EQIS-PA.
Il est précisé qu’aucun événement marquant n’a été observé en Nouvelle-Aquitaine sur cette période (grippe, canicule, etc.).

Choix du territoire

Pour le choix du territoire, une revue des différents découpages existants autour de la zone de Bordeaux
a été réalisé (administratifs, plan de protection de l’atmosphère et périmètre utilisé pour les anciennes EQIS-PA 3), couplée à l’expertise de l’AASQA sur la représentativité des stations de mesures de fond sur chacun des découpages, afin d’obtenir l’assurance d’une exposition homogène de la pollution sur la zone retenue. Au niveau de la qualité de l’air, l’exposition de la population aux concentrations dites de fond (sans source d’émissions prédominante à proximité) des différents polluants étant relativement homogène, quel que soit le territoire étudié (figure). Le choix des périmètres d’étude a donc été réalisé suivant des enjeux politiques et décisionnels. Le territoire retenu a été celui de Bordeaux Métropole qui a la compétence pour la lutte contre la pollution de l’air. Un second territoire a été retenu, la ville de Bordeaux, afin de quantifier la part des impacts sanitaires sur les habitants de Bordeaux parmi l’ensemble des impacts sanitaires métropolitains.

Figure : Cartes de modélisation des moyennes annuelles de concentration en 2018 sur le territoire de Bordeaux Métropole
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Choix des indicateurs d’exposition et sanitaires

Pour les données d’exposition, il a été décidé de quantifier les impacts sanitaires pour le NO2, les PM10 et les PM2,5. Ces polluants sont en effet liés à des sources sur lesquelles il est potentiellement possible d’agir, à savoir pour les particules fines le secteur résidentiel/tertiaire (55% des émissions pour les PM2,5 en 2016), le trafic (32% pour les PM2,5) et l’industrie, et pour le NO2 principalement le trafic routier (72% des émissions en 2016). Les impacts sanitaires de l’ozone n’ont pas été étudiés, l’ozone étant présent en quantité plus importante dans les zones périurbaines et rurales que dans les agglomérations. Par ailleurs, la précédente étude avait montré des impacts sanitaires relativement limités.

En prenant en compte la période d’étude, les stations de fond prises en compte pour les estimations d’impacts sur le territoire d’étude de Bordeaux Métropole sont : Grand Parc à Bordeaux, Talence, Bassens et Ambès (uniquement pour le NO2).

Seules les stations qui mesurent la pollution dite de fond ont été prises en compte dans cette étude. Ce sont des stations situées en dehors de l’influence directe de sources d’émissions telles que les axes de trafic routier ou les zones industrielles. Elles mesurent les minima de la pollution ambiante sur le territoire. Seule la station d’Ambès est située en zone industrielle, mais il n’y a que le NO2, dont la source majoritaire est le trafic, qui a été analysé.

Les moyennes des concentrations journalières pour le NO2, les PM10 et PM2,5 sur la période 2013-2015 ont été transmises par Atmo.

Les indicateurs de mortalité et de morbidité étudiés sont détaillés dans le tableau 1. Ces indicateurs et les relations concentration-risque (risques relatifs (RR)) utilisés dans cette étude sont ceux recommandés dans le guide de Santé publique France 6. Ils permettent d’étudier les effets à court terme et à long terme de la pollution atmosphérique en fonction des différents polluants. L’ORS a traité les décès domiciliés et Santé publique France les données d’hospitalisations et les passages aux urgences.

Enfin, concernant les données de population, ce sont celles des recensements de la population de 2013 à 2015 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui ont été utilisées.

Tableau 1 : Descriptif des indicateurs de mortalité et de morbidité étudiés et des risques relatifs utilisés
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Choix des scénarios

Le premier scénario retenu est celui du calcul du fardeau de la pollution atmosphérique. Il est approché par l’estimation des décès toutes causes des 30 ans et plus, évités si la concentration de particules fines PM2,5 du territoire étudié était celle observée dans les communes rurales les moins polluées de France (soit une concentration moyenne annuelle de 4,9 µg/m3 d’après l’EQIS nationale de 2016 1 – scénario dit fardeau). Ensuite, pour chaque polluant, un scénario d’atteinte de la valeur cible recommandée par l’OMS a été pris en compte (soit les recommandations en vigueur en 2020 : annuellement, 10 µg/m3 pour les PM2,5, 20 µg/m3 pour les PM10 et 40 µg/m3 pour le NO2). Un scénario d’une baisse de 15 à 60% de la concentration moyenne observée en 2013-2015 sur le territoire a été testé pour les PM2,5, et le scénario de baisse de 30% a été testé pour l’ensemble des polluants.

Résultats

Dans cet article sont uniquement présentés les résultats pour le territoire de Bordeaux Métropole.

Données observées

La métropole de Bordeaux compte 28 communes et une moyenne annuelle de 761 357 habitants (Recensement de la population 2013-2015). Les moins de 18 ans et les 30 ans et plus représentent respectivement 19,4% et 59,7% de la population de la métropole.

Les indicateurs d’exposition et sanitaires permettant la réalisation de l’EQIS-PA sont présentés dans les tableaux 2 et 3.

Tableau 2 : Données d’expositions calculées pour la période 2013-2015 sur le territoire de Bordeaux Métropole et valeurs pour les différents scénarios testés
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Tableau 3 : Données sanitaires et populationnelles calculées pour la période 2013-2015 sur le territoire de Bordeaux Métropole
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Estimations des impacts sanitaires

Impacts à court terme

Sur le territoire de Bordeaux Métropole, les impacts à court terme de la pollution atmosphérique représentent moins de 1% des décès ou des hospitalisations, quel que soit le polluant et le scénario envisagé. L’impact sanitaire le plus important concerne les passages aux urgences pour asthme pour les jeunes de moins de 18 ans avec entre 3 à 4% des passages qui pourraient être évités si la concentration annuelle moyenne en PM2,5 était ramenée à la valeur guide de l’OMS ou diminuée de 30%.

Impacts à plus long terme

Environ 600 décès (tableau 4) seraient liés chaque année à l’exposition chronique aux particules fines PM2,5 au sein de Bordeaux Métropole. On peut considérer ce chiffre comme un ordre de grandeur du fardeau que les particules fines d’origine anthropique font peser sur la santé. Il correspond à 11,2% de la mortalité totale des plus de 30 ans au sein de la métropole.

Concernant les autres scénarios testés pour les PM2,5 (tableau 4), une baisse de la concentration annuelle moyenne à la valeur cible de l’OMS (10,0 µg/m3) permettrait d’éviter à long terme environ 250 décès par an sur le territoire métropolitain. Une baisse de 60% de la concentration permettrait, quant à elle, d’éviter à long terme environ 580 décès par an, soit un scénario proche de l’atteinte des nouvelles recommandations OMS en vigueur depuis septembre 2021 (5,0 µg/m3), et proche de celui du fardeau de la pollution sur la santé.

Concernant le NO2 (tableau 4), les concentrations observées sur Bordeaux Métropole pour la période 2013-2015 étaient en-dessous des valeurs cibles OMS en vigueur en 2020. Aussi, si on s’intéresse au scénario d’une baisse de 30% de la concentration annuelle moyenne (proche de l’attente des nouvelles recommandations OMS en vigueur depuis septembre 2021, i.e. 10,0 µg/m3), ce sont potentiellement environ 40 décès annuels qui pourraient être évités à long terme.

Tableau 4 : Estimations des impacts sur la santé de la pollution atmosphérique pour Bordeaux Métropole, période 2013-2015, selon différents scénarios
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Conclusion-Discussion

Cette étude a permis de réévaluer le fardeau de la pollution atmosphérique liée aux particules fines PM2,5, en prenant en compte les risques relatifs mis à jour et des territoires dimensionnés aux enjeux politiques et décisionnels actuels. Ainsi, ce fardeau est estimé à près de 600 décès par an sur le territoire de Bordeaux Métropole. Comparée aux dernières études nationales, la part des décès attribuables à la pollution aux PM2,5 est inférieure sur Bordeaux Métropole (11,2% de l’ensemble des décès des personnes âgées de 30 ans ou plus contre 13% pour les communes françaises de plus de 100 000 habitants) 1, même si les comparaisons sont fragiles car la méthode et la période d’étude ne sont pas identiques. Par ailleurs, cette EQIS a permis de mettre à jour l’estimation de l’impact en cas de baisse des niveaux de polluants, car la dernière EQIS disponible sur le territoire de la métropole datait de 2012 sur une période d’étude ancienne (2002-2004). Cette dernière 7 estimait les gains à 150 décès en cas d’atteinte si les seuils de PM2,5 étaient ramenés à 10,0 µg/m3, or ici, les gains estimés sont d’environ 250 décès. Cette différence est liée en partie à la taille de la zone d’étude qui est différente (28 communes vs 22 communes), et à la méthode utilisée (avec des risques relatifs actualisés).

Si ces mises à jour, et notamment le choix du territoire d’étude, sont importantes pour la prise en compte des résultats et la mise en place d’actions, la principale difficulté de cette étude reste le décalage temporel de ces estimations. L’étude a en effet été réalisée en 2020 et les estimations sont basées sur la période 2013-2015. Même si l’objectif des EQIS-PA est de pouvoir apporter un ordre de grandeur de l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé des populations, le fait d’avoir eu une baisse importante des concentrations de polluants entre 2013-2015 et 2019 sur le territoire de Bordeaux Métropole rend complexe l’utilisation des résultats par les pouvoirs publics et la valorisation de ces travaux (concentration annuelle moyenne de PM2,5 de 13,4 µg/m3 en 2013-2015 contre 9,5 µg/m3 en 2019). Cependant, les estimations calculées pour les différents scénarios de baisse des concentrations annuelles moyennes de PM2,5 (-15%, -30%, -45%) permettent de pouvoir visualiser en termes de perspectives les marges potentielles de progrès pour faire baisser la mortalité attribuable à la pollution atmosphérique sur le territoire. Ainsi, le scénario d’une baisse de 30% de la concentration annuelle moyenne de PM2,5 mesurée sur la période 2013-2015 correspond approximativement à la valeur mesurée sur l’année 2019. On peut donc faire l’hypothèse que les actions mises en place ces dernières années sur Bordeaux Métropole ont potentiellement permis de reporter plus de 300 décès annuels. Les gains sanitaires avec le respect des nouvelles concentrations recommandées par l’OMS depuis 2021 (valeur guide PM2,5 de 5 µg/m3) seraient d’autant plus importants et se rapprocheraient du fardeau estimé de la pollution d’origine anthropique.

La mise en perspective avec les autres causes de décès évitables montre que l’impact de la pollution atmosphérique n’est ainsi pas à minimiser parmi les causes de décès évitables. En effet, si les décès imputables à la pollution sont moins importants que ceux liés au tabac (770 décès par an), ils sont 1,7 fois plus élevés que ceux liés à l’alcool (144 décès par an), et 11 fois plus importants que ceux dus aux accidents de la route (21 décès par an) 6,8. La pollution de l’air demeure donc un facteur de risque sur la métropole bordelaise, et les actions en faveur de la réduction de la pollution de l’air doivent être poursuivies sur toutes les sources.

Enfin, en termes de perspectives, il apparaît primordial de s’intéresser au cours des prochaines années à d’autres composantes des particules de l’air ambiant : les particules ultrafines (taille inférieure à 0,1 µm), le carbone suie, et le carbone organique 9. Le prochain enjeu est également méthodologique puisque les années 2020 et 2021 sont des années particulières avec la pandémie liée à la Covid-19. Cette crise sanitaire a entraîné des modifications importantes de comportements, avec des bénéfices nettement visibles de la baisse de la pollution de l’air ambiant observée durant le premier confinement au printemps 2020, notamment pour le NO2 10,11. Ces deux dernières années seront donc probablement à considérer comme des années atypiques (modification des conditions d’exposition à la pollution, réduction de la mobilité, report des recours aux soins, répartition des causes de mortalité et prévalences des facteurs de risques de certaines pathologies modifiés…). Un accompagnement spécifique, ou une mise à jour des guides nationaux, avec la prise en compte de ces facteurs seraient un plus pour les collectivités qui voudraient réaliser prochainement des EQIS-PA.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Pascal M, de Crouy Chanel P, Corso M, Medina S, Wagner V, Goria S, et al. Impacts de l’exposition chronique aux particules fines sur la mortalité en France continentale et analyse des gains en santé de plusieurs scénarios de réduction de la pollution atmosphérique. Saint-Maurice: Santé publique France; 2016. 158 p. https://www.sante
publiquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/documents/rapport-synthese/impacts-de-l-exposition-chronique-aux-particules-fines-sur-la-mortalite-en-france-continentale-et-analyse-des-gains-en-sante-de-plusieurs-scenarios
2 Cour des comptes. Les politiques de lutte contre la pollution de l’air – Enquête demandée par la Commission des finances du Sénat. Paris: Cour des comptes; 2020. 202 p. https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-politiques-de-lutte-contre-la-pollution-de-lair
3 Observatoire régional de Santé de Nouvelle-Aquitaine. Impact de la pollution atmosphérique sur la santé des habitants de Bordeaux Métropole – Synthèse des informations disponibles. Bordeaux: ORS Nouvelle-Aquitaine; 2018. 12 p. https://www.ors-na.org/publications/impact-de-la-pollution-atmospherique-sur-la-sante-des-habitants-de-bordeaux-metropole/
4 AirQ+: Software tool for health risk assessment of air pollution Geneva: WHO. https://www.who.int/europe/tools-and-toolkits/airq---software-tool-for-health-risk-assessment-of-air-pollution
5 Ademe, I Care & Consult, Topin C, Bulliot B, Doré A. Tests d’AirQ+, un outil d’évaluation quantitative des impacts de la pollution de l’air sur la santé – Retours d’expérience de onze collectivités en France. Ademe: 2019. 66 p. https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/56-test-d-airq-un-outil-d-evaluation-quantitative-des-impacts-de-la-pollution-de-l-air-sur-la-sante.html
6 Corso M, Lagarrigue R, Medina S, Blanchard M, Host S, Pascal M, et al. Pollution atmosphérique. Guide pour la réalisation d’une évaluation quantitative des impacts sur la santé (EQIS). EQIS avec une exposition mesurée. Saint-Maurice: Santé publique France; 2019. 92 p. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/documents/guide/pollution-atmospherique.-guide-pour-la-realisation-d-une-evaluation-quantitative-des-impacts-sur-la-sante-eqis-.-eqis-avec-une-exposition-mesuree
7 Declercq C, Pascal M, Chanel O, Corso M, Ung A, et al. Impact sanitaire de la pollution atmosphérique dans neuf villes françaises. Résultats du projet Aphekom. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2012. 33 p. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/documents/rapport-synthese/impact-sanitaire-de-la-pollution-atmospherique-dans-neuf-villes-francaises.-resultats-du-projet-aphekom
8 Garnier C, Leproux S. Impact de la pollution atmosphérique sur la santé des habitants de Bordeaux Métropole – Évaluation des impacts sur la période 2013-2015. Bordeaux: ORS Nouvelle-Aquitaine; 2021. 8 p. https://www.ors-na.org/publications/impact-de-la-pollution-atmospherique-sur-la-sante-des-habitants-de-bordeaux-metropole-periode-2013-2015/
9 Anses. Particules de l’air ambiant extérieur. Effets sanitaires des particules de l’air ambiant extérieur selon les composés, les sources et la granulométrie. Impact sur la pollution atmosphérique des technologies et de la composition du parc de véhicules automobiles circulant en France. Avis de l’Anses. Rapport révisé de synthèse et de recommandations de l’expertise collective. Maisons-Alfort: Anses; 2019. 130 p. https://www.anses.fr/fr/system/
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10 Atmo-NA. Bilan de l’impact du confinement (mars – mai 2020) sur la qualité de l’air en Nouvelle-Aquitaine. Septembre 2020. https://www.atmo-nouvelleaquitaine.org/publications/bilan-de-limpact-du-confinement-sur-la-qualite-de-lair-en-nouvelle-aquitaine-marsmai
11 Medina S, Adélaïde L, Wagner V, de Crouy Chanel P, Real E, Colette A, et al. Impact de pollution de l’air ambiant sur la mortalité en France métropolitaine. Réduction en lien avec le confinement du printemps 2020 et nouvelles données sur le poids total pour la période 2016-2019. Saint-Maurice: Santé publique France; 2021. 63 p. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/documents/enquetes-etudes/
impact-de-pollution-de-l-air-ambiant-sur-la-mortalite-en-france-metropolitaine.-reduction-en-lien-avec-le-confinement-du-printemps-2020-et-nouvelle

Citer cet article

Garnier C, Gault G, Hulin A, Galy P. Évaluation quantitative d’impact sur la santé de la pollution atmosphérique sur le territoire de Bordeaux Métropole (période d’étude 2013-2015). Bull Epidémiol Hebd. 2022;(23):419-25. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/23/2022_23_3.html