Développement de la surveillance sanitaire à Saint-Pierre-
et-Miquelon

// Development of health surveillance in Saint-Pierre-and-Miquelon

Damien Pognon1,2 (damien.pognon@sante.gouv.fr), Laurent Filleul2,3, Jean-Baptiste Adrien4, Jose Campos5, Alain Le Garnec2, François Bourdillon2
1 Administration territoriale de santé de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Pierre et Miquelon, France
2 Santé publique France, Saint-Maurice, France
3 Santé publique France – Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux, France
4 Centre hospitalier François Dunan, Saint-Pierre-et-Miquelon, France
5 Centre de santé, Saint-Pierre-et-Miquelon, France
Soumis le 15.07.2019 // Date of submission: 07.15.2019
Mots-clés : Surveillance | Saint-Pierre-et-Miquelon | Sentinelles | Réseau | Passages aux urgences
Keywords: Surveillance | Saint-Pierre-and-Miquelon | Sentinels | Network | Emergency recourses

Résumé

Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité territoriale française d’Amérique du Nord, comptant 6 008 habitants en 2016, sur laquelle l’administration territoriale de santé (ATS) exerce les compétences dévolues aux agences régionales de santé. Un enjeu fort est la nécessité de collecter des données de santé pour décrire les événements sanitaires inhabituels et proposer une réponse adaptée. L’objectif de cet article est de présenter les dispositifs de surveillance construits sur le territoire et leurs premiers résultats.

L’ensemble des médecins généralistes et les urgentistes du Centre hospitalier François Dunan (CHFD) ont été associés à la création d’un réseau de médecins sentinelles surveillant spécifiquement six indicateurs. En parallèle, le service des urgences du CHFD a été intégré au réseau OSCOUR® (Organisation de la surveillance coordonnée des urgences) et les résumés de passage aux urgences (RPU) sont transmis à Santé publique France depuis avril 2018. Les données administratives des décès sont également intégrées à ce dispositif de surveillance.

Le réseau sentinelle a commencé son activité en semaine 14 de l’année 2018. La mise en place de ces dispositifs permet d’obtenir des données exhaustives sur les consultations concernant les indicateurs spécifiquement surveillés ainsi que sur les passages aux urgences, et de détecter des phénomènes inhabituels. Ainsi ont pu être décrites, entre septembre 2018 et février 2019, une épidémie de syndromes grippaux et une épidémie de varicelle.

La description des passages au service des urgences montre que la traumatologie est la première cause de recours. Les jeunes adultes (15-54 ans) représentent environ la moitié des passages, devant les moins de 15 ans (23% des passages) et les personnes âgées (10%). Les taux de recours annuels sont plus élevés qu’en métropole pour 2017 et 2018 (680 passages pour 1 000 habitants). Entre 2011 et 2019, les taux de mortalité annuels sont compris entre 5,9 décès pour 1 000 habitants (en 2012) et 9,7 pour 1 000 (2017).

Pour compléter ce dispositif et comprendre au mieux les comportements de santé, la construction d’indicateurs via la réalisation d’un Baromètre de Santé publique France, planifiée initialement pour avril 2020, a été reportée de quelques semaines en raison de l’épidémie de Covid-19.

Abstract

Saint-Pierre and Miquelon is a 6,008 inhabitants French territory located in North-America. The territorial health administration exercises the powers devolved to the regional health agencies. According to the main health entities of Saint-Pierre and Miquelon, the collect of data on health is one of the most important issue to acquire knowledge and to implement adapted responses. This article aims to describe the surveillance systems carried out in Saint-Pierre and Miquelon and their first results.

The general physicians and the emergency doctors have been associated to the creation of a sentinel physician’s network, specifically monitoring six health indicators. Concomitantly the emergency department of the hospital has been integrated to the OSCOUR® network. Data about mortality are also implemented in this tool of surveillance. Between September 2018 and February 2019, two outbreaks of influenza syndromes and chicken pox were detected and described thanks to these devices.

Traumatology was seen as the main cause of emergency recourse. The 15-54 year old represent half of the recourses whereas patients under 15 represent 23% of the recourses and patients over 75 represent 10%. These trends are also found in metropolitan France. The rates of emergency care use in 2017 and 2018 is higher than in mainland France (680 emergency presentations for 1,000 inhabitants). Between 2011 and 2019 rates of mortality are comprised between 5.9 deaths for 1,000 inhabitants in 2012 and 9.7 for 1 000 in 2017.

To complete this system and to better understand health behaviors, the construction of indicators via the Santé publique France ‘s Health Barometer, initially planned for April 2020, has been postponed for a few weeks due to the COVID-19 outbreak.

Introduction

Saint-Pierre-et-Miquelon est un archipel français d’Amérique du Nord situé dans l’océan Atlantique Nord à 4 500 km de la métropole et à 25 km au sud de l’île canadienne de Terre-Neuve. Le territoire est une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution qui prend le nom de : « Collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon » 1 (figure 1).

Figure 1 : Carte de Saint-Pierre-et-Miquelon
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L’archipel est composé de deux îles principales : Saint-Pierre (26 km²), qui compte 5 412 habitants, et Miquelon-Langlade (216 km²) constituée de deux presqu’îles : Miquelon et Langlade reliées entre elles par un isthme de sable. Langlade n’est pas habitée à l’année et Miquelon compte 596 habitants 2.

Ces dernières années, la décroissance démographique observée à Saint-Pierre-et-Miquelon touche principalement les 20-29 ans et s’explique également par la perte de nouveaux arrivants. Comme en France métropolitaine, la population a tendance à vieillir et le nombre de personnes vivant seules à augmenter 3.

L’offre de soin sur le territoire est répartie entre le secteur libéral (trois médecins libéraux exercent à Saint-Pierre), la Caisse de prévoyance sociale (CPS) et le Centre hospitalier François Dunan (CHFD). Les prises en charge médicales peuvent également avoir lieu dans le cadre d’évacuations sanitaires vers les plus proches hôpitaux canadiens ou en France métropolitaine. L’Administration territoriale de santé (ATS) de Saint-Pierre-et-Miquelon exerce les compétences dévolues aux Agences régionales de santé (ARS) et coordonne la politique de santé publique 4.

Les données sanitaires à Saint-Pierre-et-Miquelon

Très peu de données de santé sont disponibles et exploitées à Saint-Pierre-et-Miquelon. En se basant sur les informations de la CPS, les tumeurs malignes, le diabète sucré, les maladies coronariennes et les maladies psychiques sont les quatre motifs principaux d’exonération du ticket modérateur pour une affection longue durée (ALD). L’impact de ces pathologies et des maladies infectieuses sur la population ainsi que la dynamique des épidémies saisonnières à Saint-Pierre-et-Miquelon posent question. Concernant les comportements de santé, une enquête de 2006 ciblant les jeunes a mis en évidences que les consommations de tabac, d’alcool et de drogue étaient plus élevées sur le territoire qu’en France métropolitaine et intervenaient souvent à un âge plus précoce 5. La connaissance plus approfondie de l’état de santé de la population et des comportements individuels de santé est un enjeu fort et attendu par l’ATS, l’ensemble de la communauté médicale et par les instances décisionnaires du territoire. L’acquisition d’informations, l’analyse des données et la production d’indicateurs sanitaires sont fortement souhaitées pour notamment aider à la définition des politiques publiques de santé.

La mise en place de dispositifs de surveillance syndromique et de surveillance d’indicateurs spécifiques sur le modèle d’autres territoires est une première réponse à ces attentes locales. L’objectif de cet article est de présenter les systèmes de surveillance mis en place localement et les premiers résultats obtenus.

Matériels et méthodes

Identification des acteurs

Afin de développer une organisation de la surveillance sanitaire à Saint-Pierre-et-Miquelon, une cartographie des acteurs et un bilan des données disponibles ont été réalisés :

le CHFD, qui dispose d’un service d’urgences ;

la ville de Saint-Pierre fait partie des communes transmettant de façon automatisée les données administratives d’état civil des décès à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ;

la CPS est une caisse autonome relevant du code de la mutualité. Elle gère le centre de santé à Saint-Pierre, au sein duquel exercent quatre médecins généralistes salariés, ainsi qu’une diététicienne, une dentiste, quatre kinésithérapeutes, des infirmiers et des infirmières ;

l’ATS coordonne les différents dispositifs de collecte de données pour être en mesure de décrire et d’analyser précocement les événements sanitaires inhabituels, afin d’organiser une réponse adaptée.

Mise en place d’un réseau de médecins sentinelles

En avril 2018, l’ATS a réuni les représentants des médecins généralistes (deux médecins libéraux et un médecin salarié) et le responsable du service des urgences du CHFD pour leur présenter les outils du futur réseau des médecins sentinelles, choisir en concertation les indicateurs à suivre (tableau) et organiser collégialement le fonctionnement du réseau. Les indicateurs ont été choisis sur avis des praticiens ayant une longue expérience du territoire et en reprenant exclusivement des indicateurs surveillés par le Réseau Sentinelles de France métropolitaine, afin de pouvoir disposer de comparaisons. Le critère de contagiosité et de propagation potentiellement rapide a été considéré pour arrêter ce choix. Les indicateurs sélectionnés sont rediscutés lors des trois réunions annuelles avec les déclarants pour d’éventuelles adaptations.

Tableau : Indicateurs surveillés par les médecins du réseau sentinelle de Saint-Pierre-et-Miquelon
et leurs définitions de cas
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Les trois médecins généralistes exerçant à Saint-Pierre, le médecin de Miquelon et les quatre médecins salariés par la CPS participent au réseau sentinelle de Saint-Pierre et Miquelon.

L’ATS anime et coordonne le réseau. Elle a créé une base de données sécurisée au sein de laquelle les participants du réseau déclarent chaque semaine le nombre de consultations pour les indicateurs surveillés. Chaque médecin du réseau dispose d’un identifiant et d’un mot de passe personnel qu’il utilise pour compléter et consulter la base de données. Les déclarations peuvent être également faites par téléphone auprès de l’ATS (figure 2). Les données hebdomadaires sont considérées comme exhaustives lorsque tous les médecins ont transmis les informations pour la semaine considérée à l’ATS.

Figure 2 : Circuit de transmission des informations du réseau sentinelles de Saint-Pierre et Miquelon
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Le nombre de consultations en médecine générale sur le territoire est fourni par la CPS deux fois par an sur demande de l’ATS.

L’intégration des urgences du Centre hospitalier de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le réseau OSCOUR®

En France, le système de Surveillance sanitaire des urgences et des décès (SurSaUD®) a été créé en 2004 par l’Institut de veille sanitaire (InVS), devenu Santé publique France depuis le 1er mai 2016, et s’appuie sur les données des services d’urgences hospitalières, des associations SOS médecins, des données de mortalité transmises par l’Insee et les données de certification électronique des décès. L’arrêté du 24 juillet 2013 rend obligatoire la transmission aux Agences régionales de santé (ARS) des Résumés de passage aux urgences (RPU) 6.

Le CHFD de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejoint le réseau OSCOUR® (Organisation de la surveillance coordonnée des urgences) en mai 2018 et les plus anciennes données disponibles datent de févier 2016. Afin de pouvoir comparer les données de l’archipel avec celles d’autres territoires ou établissements français, les données individuelles anonymisées sont transmises quotidiennement et de façon automatisée à Santé publique France, selon le format unique RPU. Ce format contient des variables démographiques (sexe, date de naissance), administratives (date, heure et mode d’entrée et de sortie, informations sur l’établissement) et médicales (motif, code de diagnostics, gravité du cas).

Les taux de recours aux urgences ont été calculés d’après la définition de la Fédération des observatoires régionaux des urgences (FedORU) 7.

Surveillance des décès

La surveillance des décès est assurée par l’ATS grâce aux données administratives de mortalité intégrées dans SurSaUD®. Les premières données disponibles dans SurSaUD® datent de janvier 2011.

Surveillance des maladies à déclaration obligatoire

Depuis janvier 2018, l’ATS centralise et archive les déclarations de maladies à déclaration obligatoire (MDO). Afin d’assurer le respect de la réglementation sur le territoire, un rappel de la déclaration obligatoire des 34 maladies mentionnées par le Code de la santé publique a été fait auprès des professionnels de santé en avril 2018.

Communication des données de surveillance

Chaque semaine, l’ATS produit une synthèse des indicateurs sanitaires transmise par mail aux participants des réseaux et aux partenaires en ayant fait la demande. En période épidémique ou lorsque la situation le nécessite, un bulletin épidémiologique est produit par l’ATS et publié publiquement sur le site de la préfecture.

Résultats

Dispositif de surveillance spécifique : un réseau de médecins sentinelles

Entre la semaine 14 de l’année 2018 (première semaine de transmission des données des participants au réseau), et la semaine 14 de l’année 2019, soit 52 semaines, les données communiquées sont exhaustives pour 39 semaines. Deux épidémies de grippe, une épidémie de varicelle et deux épidémies de gastro-entérites aiguës (GEA) ont été détectées sur ces 52 semaines grâce aux déclarations des professionnels de santé. Pendant ces 52 semaines, 25 375 consultations en médecine générale ont été enregistrées à Saint-Pierre (les données pour Miquelon ne sont pas disponibles), soit une moyenne de 479 consultations par semaine (source : CPS). Cela représente sur cette période d’une année 4,7 consultations par habitant chez un médecin généraliste.

Durant cette période et parmi les pathologies suivies, les syndromes grippaux sont à l’origine de la majorité des consultations (732 consultations soit 2,9% du total des consultations) devant les GEA (342 soit 1,3% du total des consultations) et les varicelles (158 soit 0,6% du total des consultations) (figure 3).

Figure 3 : Nombres hebdomadaires de passages aux urgences et d’hospitalisations après passage aux urgences, nombre hebdomadaire de consultations en médecine de ville pour les pathologies surveillées et nombre total de consultations à Saint-Pierre-et-Miquelon, 2016-2019
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Des outils d’extrapolation sont en cours de développement pour consolider l’analyse des semaines pendant lesquelles les données ne sont pas exhaustives.

Description de l’activité des urgences : réseau OSCOUR®

Entre le 1er février 2016 et le 31 mars 2019, 12 280 passages aux urgences du CHFD ont été enregistrés, pour une moyenne quotidienne de 10,6 passages. Sur les deux années complètes pour lesquelles nous disposons de données, 4 083 passages aux urgences ont été enregistrés en 2017 et 4 060 en 2018. Sur l’ensemble des passages, 2 098 (17,1%) ont été suivis d’une hospitalisation (figure 3).

Durant cette période, la pédiatrie (enfants de moins de 15 ans) a représenté 2 821 passages soit 23%, la moitié des passages environ a concerné les 15-54 ans et un peu plus de 10% les personnes âgées de 75 ans et plus. Les femmes ont représenté par 6 049 passages (49%), tandis que les hommes en ont représenté 6 231 (50,7%).

Durant les deux années pour lesquelles nous disposons de données complètes (2017 et 2018), les taux de recours ont été de 680 pour 1 000 habitants. Les taux de recours étaient les plus élevés aux âges extrêmes. En 2017, les taux de recours pour les 0-5 ans ont été de 1 400 pour 1 000 (1 570 pour 1 000 garçons et 1 240 pour 1 000 filles) et, en 2018, de 1 230 pour 1 000 (1 440 pour 1 000 garçons et 1 050 pour 1 000 filles). Le taux de recours pour les 85 ans et plus ont été respectivement de 920 pour 1 000 (800 pour 1 000 hommes et 970 pour 1 000 femmes) en 2017 et de 970 pour 1 000 (1 030 pour 1 000 hommes et 940 pour 1 000 femmes) en 2018.

Sur la période étudiée, la traumatologie a été la première cause de recours aux urgences, à la fois chez les moins de 15 ans (33,7% des passages) et chez les adultes (30,8% des passages). La totalité des diagnostics médicaux ont été codés.

Événements sanitaires identifiés par la surveillance sanitaire mise en place

Deux épidémies de grippe, une épidémie de varicelle et deux épidémies de gastro-entérites aiguës (GEA) ont été détectées entre la semaine 14 de l’année 2018 et la semaine 14 de l’année 2019 grâce aux déclarations des professionnels de santé. Nous détaillons deux de ces épidémies.

Épidémie de grippe à Saint-Pierre

Une épidémie de grippe saisonnière a été détectée à Saint-Pierre au début de l’année 2019. Le pic épidémique a été atteint en semaine 7 avec 193 consultations en médecine de ville (28,1% du total des consultations pour cette semaine), soit 3 566 consultations pour 100 000 habitants et 5 passages aux urgences de l’hôpital pour une incidence hebdomadaire de 3 296 cas/100 000 habitants cette semaine-là.

Entre le 1er janvier 2019 et le 10 mars 2019, il y a eu 497 consultations (9,6% du total des consultations pour cette période) pour syndromes grippaux en médecine de ville et 34 passages aux urgences. Avec un total de 531 consultations pour syndromes grippaux, c’est l’équivalent de 10% de la population de Saint-Pierre qui a consulté sur cette période. Sur les 34 cas enregistrés au service des urgences de l’hôpital, 4 ont été hospitalisés (12%). Deux patients ont été évacués hors du territoire vers un hôpital canadien dont un est décédé des suites du syndrome grippal.

Cette épidémie n’a pas été observée à Miquelon 8.

Épidémie de varicelle à Saint-Pierre

Entre la semaine 39 de 2018 et la semaine 2 de 2019, une épidémie de varicelle a été observée à Saint-Pierre. Le pic a été atteint en semaine 47 avec 38 cas signalés en médecine générale (7,3% du total des consultations sur cette semaine) et 6 passages aux urgences, correspondant à une incidence hebdomadaire de 813 cas pour 100 000 habitants cette semaine-là.

Au total, 181 cas ont été signalés par les médecins généralistes (2,4% du total des consultations pour cette période) et 31 passages aux urgences enregistrés sur cette période. Sur ces 212 consultations, 211 concernaient des enfants de moins de 6 ans. Cela représenterait 52% des enfants de cette classe d’âge à Saint-Pierre. La réalité se situerait certainement légèrement en-dessous en raison des probables cas ayant consulté plusieurs fois.

Cette épidémie observée à Saint-Pierre n’a pas été observée à Miquelon.

Surveillance des décès

Entre le 1er janvier 2011 et le 31 mars 2019, 367 décès (197 femmes et 170 hommes) ont été enregistrés à Saint-Pierre-et-Miquelon. Sur cette période, le nombre de décès annuel était compris entre 36 en 2012 (taux de mortalité de 5,9 pour 1 000 habitants) et 58 en 2017 (taux de mortalité de 9,7 pour 1 000 habitants).

Maladies à déclaration obligatoire

Une déclaration de toxi-infection alimentaire collective (TIAC) a été signalée rapportée à l’ATS en août 2018. Cette TIAC a concerné 3 patients, sans qu’aucun critère de gravité n’ait été constaté. La déclaration ayant été tardive, l’enquête épidémiologique n’a pu aboutir à la suspicion d’un aliment en particulier.

Discussion

Les systèmes de surveillance spécifique et non-spécifique mis en place à Saint-Pierre-et-Miquelon forment un dispositif multi-sources permettant aux autorités de santé de disposer de l’exhaustivité des passages aux urgences de l’hôpital et des consultations en médecine de ville pour les pathologies surveillées, des données administratives des décès et des déclarations des MDO (figure 4). La proximité des acteurs sur un petit territoire et l’animation locale par l’ATS fluidifient les circuits d’informations et facilitent les échanges. La mise en place de ces dispositifs a été très bien accueillie par l’ensemble des participants et des autorités locales. Comme observé précédemment, la rétro-information régulière est essentielle pour assurer la pérennité d’un tel dispositif et le maintien d’une forte participation 9.

Figure 4 : Calendrier de mise en place des dispositifs de surveillance sanitaire à Saint-Pierre-et-Miquelon
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Comme observé dans d’autres territoires ultra-marins, le réseau de médecins sentinelles se révèle essentiel pour la surveillance des maladies infectieuses 10. Il a permis à l’ATS, lors des épidémies de varicelle et de syndromes grippaux ayant touché Saint-Pierre, d’informer très rapidement les partenaires et professionnels de santé locaux, de transmettre et d’appliquer les recommandations sanitaires afin de protéger les populations à risque et de communiquer auprès des médias locaux. Lors de la semaine du pic de syndromes grippaux à Saint-Pierre, en semaine 7 de 2019, le taux de consultation pour syndrome grippal a atteint 3 566 pour 100 000 habitants. En France, le pic a été atteint en semaine 6 de 2019 avec un taux de consultation pour syndrome grippal de 599 pour 100 000 habitants 11. Cet indicateur illustre l’intensité de l’épidémie de syndromes grippaux qui a touché Saint-Pierre. Cela démontre également l’importance d’un tel dispositif permettant la production d’indicateurs indispensables à la description précise des événements sanitaires, et la création d’un historique à des fins de comparaison.

Le nombre moyen de consultations en médecine générale par habitant sur Saint-Pierre s’élevait à 4,1 sur la période d’une année, de la semaine 14 de l’année 2018 à la semaine 14 de la semaine 2019. Ce chiffre est équivalent à la moyenne nationale 12. Une étude plus approfondie du recours aux soins de la population, en médecine générale et en médecine spécialisée, serait pertinente pour le territoire.

L’intégration du service des urgences du CHFD à ce réseau de surveillance s’est avérée concluante et cohérente. En effet, le centre hospitalier assurant la permanence de soins en heures non-ouvrées, de nombreuses consultations de médecine générale y sont donc effectuées.

À l’instar des tendances observées en métropole, les 15-54 ans constituent la classe d’âge comptant le plus grand nombre de passages aux urgences, devant les enfants de moins de 15 ans et les patients de 75 ans et plus. La traumatologie est la première cause de recours aux urgences avec 33,7% des diagnostics recueillis chez les enfants et 30,8% chez les adultes, ce qui est également retrouvé dans les structures d’urgences en métropole 13.

Le taux de recours aux urgences à Saint-Pierre-et-Miquelon pour 2017 et 2018 s’élève à 680 passages pour 1 000 habitants. Ce chiffre est bien plus élevé qu’en métropole où le taux de passages en 2018 était de 327 pour 1 000 habitants 14. Cela pourrait s’expliquer en partie par le fait que le service des urgences du CHFD est le seul accès aux soins primaires en heures et jours non-ouvrés. Comme mis en évidence dans d’autres études, les taux de recours les plus élevés se situent aux âges extrêmes de la vie 15.

Les taux de mortalité observés à Saint-Pierre-et-Miquelon peuvent fortement varier d’une année à l’autre, en partie du fait des petits effectifs sur l’archipel. À titre de comparaison, le taux de mortalité en France, départements d’outre-mer compris, était de 9,1 décès pour 1 000 habitants d’après l’Insee. L’ATS prévoit d’étudier prochainement les causes de mortalité, disponibles pour la période 2005-2015 auprès du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’Inserm (CépiDc-Inserm).

Malgré la sensibilisation des professionnels aux MDO en avril 2018, le nombre de déclarations à l’ATS de ces pathologies est très faible à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il est difficile de savoir s’il reflète réellement le nombre de cas de MDO sur le territoire ou si celui-ci est sous-évalué.

Des perspectives d’évolution sont envisageables pour renforcer ces dispositifs de surveillance, notamment en y incluant les données du laboratoire hospitalier, seul laboratoire d’analyses médicales de l’archipel. Néanmoins, ce laboratoire ne dispose pas des techniques moléculaires (PCR par exemple) pour la confirmation de diagnostics, mais la culture de certaines souches bactériennes peut être réalisée. Il sera nécessaire de développer ces capacités localement et de renforcer les liens avec les centres nationaux de références (CNR), même si l’envoi d’échantillons en métropole est compliqué par les contraintes logistiques de conditionnement, de temps de transport et de coûts.

Afin d’approfondir la connaissance sur les comportements de santé de la population du territoire et de construire des indicateurs, Saint-Pierre-et-Miquelon sera intégré au Baromètre de Santé publique France Outre-Mer 2020. Les résultats de cette enquête serviront à orienter les politiques publiques de santé et à adapter les campagnes de promotion et de prévention de la santé au territoire.

Remerciements

Nous voudrions remercier l’ensemble des urgentistes du Centre hospitalier François Dunan de Saint-Pierre-et-Miquelon pour leur collaboration dans l’inclusion du service des urgences au réseau OSCOUR®. Nous remercions également le service informatique du CHFD et l’unité ABISS (Applications, big data et surveillance syndromique) au sein de la direction DATA de Santé publique France pour la gestion technique et qui assurent au quotidien l’envoi et la réception des RPU. Nous tenons à remercier l’ensemble des médecins généralistes de l’archipel pour leur implication dans la mise en place du réseau sentinelle et de son fonctionnement. Et enfin un merci particulier à Paméla De Arburn qui contribue à l’animation de notre dispositif.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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Citer cet article

Pognon D, Filleul L, Adrien JB, Campos J, Le Garnec A, Bourdillon F. Développement de la surveillance sanitaire à Saint-Pierre-et-Miquelon. Bull Epidémiol Hebd. 2020;(15):313-21. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/
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