Décès liés aux infections nosocomiales : bilan 2008-2017 des signalements externes en France – Focus sur les bactériémies à Staphylococcus aureus
// Deaths resulting from healthcare associated infections: 2008-2017 results of external notifications in France – Focus on Staphylococcus aureus bacteraemia
Résumé
Le signalement externe des infections associées aux soins (IAS) a pour objectif de détecter les situations à risque infectieux imposant la mise en place de mesures de contrôle. Un des critères est le décès imputable à l’IAS. L’objectif de cette étude est de décrire les signalements effectués pour une IAS ayant entraîné un décès.
Tous les signalements pour décès liés à une IAS reçus sur 10 ans (2008-2017) ont été analysés selon leur répartition spatiotemporelle, les caractéristiques des infections et des microorganismes. Une analyse textuelle des informations accompagnant les signalements de bactériémies à Staphylococcus aureus a été conduite, avec recherche des causes de bactériémie et de décès.
Durant la période d’étude, 986 signalements d’IAS avec décès ont été enregistrés. La part annuelle de ceux-ci sur l’ensemble des signalements a diminué de 11% à 4%, mais on observe deux périodes distinctes. Entre 2008 et 2012, un nombre moyen annuel de 103 signalements d’IAS avec décès puis, sur la période suivante, une diminution de près de 30% avec une moyenne annuelle de 80 signalements. Ces 986 signalements proviennent essentiellement de services de réanimation (37%), médecine (28%), chirurgie (23%) et néonatologie (10%). Les principales infections sont des bactériémies (43%), pneumopathies (27%), infections digestives (18%), infections de site opératoire (ISO) (12%). Les principaux microorganismes associés sont Staphylococcus aureus (25%), Clostridium difficile (11%) et Pseudomonas aeruginosa (11%). Une antibiorésistance a été relevée pour 24% des cas.
Les bactériémies à Staphylococcus aureus concernent 16% (159) de ces 986 signalements. Pour ces infections, l’analyse textuelle des principaux éléments de contexte sont la présence de cathéter (31%), d’une endocardite (8%) ou de valves cardiaques prothétiques (6%).
Le bilan des signalements pour IAS avec décès met en avant les bactériémies à Staphylococcus aureus, notamment en services de néonatologie. Les efforts de prévention, en particulier en ce qui concerne les infections sur cathéter chez les populations fragiles, doivent être poursuivis.
Abstract
In France, the notification of healthcare associated infections (HCAI) aims at detecting risk situations requiring prompt investigation and control. Death attributable to HCAIs is a criteria for justifying notification. This study aims at describing notifications of HCAIs resulting in death.
HAIs reports received from 2008 to 2017 were described in terms of spatiotemporal distribution, epidemiological characteristics and pathogens involved. Textual analysis was used to investigate causes of bacteraemia and deaths.
During the study period, 986 HCAIs resulting in death were reported and their annual proportion decreased from 11% (2008) to 4% (2017) with two periods. From 2008 to 2012, an annual average number of 103 notifications and a decrease of 30% during the next period with an annual average number of 80. Notifications over the 10-year period were mainly received from intensive care (37%), medical (28%), surgery (23%) and neonatology (10%) units. The most frequently reported infections were bacteraemia (43%), pneumonia (27%), digestive (18%) and surgical site infections (12%). The most frequently reported microorganisms were Staphylococcus aureus (25%), Clostridium difficile (11%) and Pseudomonas aeruginosa (11%). Twenty-four percent of the notifications involved at least one antibiotic-resistant bacteria.
Staphylococcus aureus bacteraemia were reported in 159 (16%) of these 986 notifications. Nine per cent of them were clustered (at least 2 cases). In those cases, principal contextual findings of text analytics were: catheter (31%), endocarditis (8%) and prosthetic valve (6%).
The review of reports of HCAIs resulting in death highlights Staphylococcus aureus bacteraemia, particularly in neonatology services, justifying extension of preventive measures, especially regarding catheter infections in vulnerable population.
Introduction
Les infections associées aux soins (IAS) sont celles qui surviennent au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient. Elles représentent un enjeu majeur de santé publique. Lorsqu’elles surviennent en établissements de santé (ES), ce sont des infections nosocomiales (IN). La dernière enquête nationale de prévalence des IN rapporte qu’un patient hospitalisé sur 20 est atteint d’une IN 1. À l’hôpital, ces infections sont associées à une létalité importante (7%) 2. Elles constituent la 4e cause la plus fréquente de décès à l’hôpital 3. On estime ainsi que ces infections sont à l’origine de 3 500 à 9 000 décès par an en France 3. La létalité varie beaucoup selon le type d’infection et le microorganisme : les bactériémies sont associées à une forte létalité 2 et Staphylococcus aureus est l’un des principaux agents pathogènes responsable de bactériémies 4. Au total, les bactériémies à S. aureus sont responsables d’une part importante de la mortalité liée aux IN 3.
En France, le signalement externe des infections nosocomiales (SIN) est l’objet d’un dispositif réglementaire d’alerte, mis en place par décret depuis 2001 et piloté, au niveau national, par Santé publique France 5. Ce dispositif repose sur des critères définis réglementairement (encadré). La contribution de l’IN au décès est un critère de signalement.
Plusieurs bilans ont déjà été publiés, décrivant la nature de l’ensemble des SIN reçus. L’objectif de cette étude est de décrire spécifiquement les signalements d’IN motivés par le décès, en s’intéressant plus particulièrement aux bactériémies à Staphylococcus aureus, pointant des risques associés aux soins spécifiques de la prise en charge du patient.
Liste des critères à prendre en compte pour le signalement d’une infection associée aux soins (IAS), dans le cadre de l’Art. R. 1413-79
Matériel et méthodes
Le signalement des IN peut concerner un ou plusieurs cas (cas groupés). Le formulaire de signalement permet de renseigner le nombre de décès parmi les cas. Seuls les décès liés selon l’algorithme du guide ministériel 2007 (figure 1) sont pris en compte pour sélectionner le critère « décès ». Les signalements ne rapportant que des décès sans lien avec l’IN (critère décès non coché) n’ont pas été inclus.
À partir de la base nationale des SIN reçus entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2017, une recherche rétrospective des signalements réalisés pour le critère « décès » comme motif de signalement, a été effectuée.
Les signalements ont été décrits selon les informations disponibles dans le questionnaire : site de l’infection, microorganisme, multirésistance aux antibiotiques (tableau), type de service, d’ES, caractère nosocomial (1) certain, probable ou possible (selon l’appréciation du responsable du signalement), caractère acquis dans l’ES ou importé d’un autre ES. Les bactériémies à S. aureus ont fait l’objet d’une analyse spécifique.
Des outils de text mining (traitement des données textuelles) ont été utilisés pour rechercher des facteurs explicatifs dans les SIN 6 de bactériémie à S. aureus, en mettant en évidence les mots retrouvés dans plus de 5% des SIN dans les champs libres renseignés par l’établissement. L’analyse de données textuelles est à la fois qualitative et quantitative. À partir des éléments issus du texte, elle tente d’extraire des catégories, en les analysant selon leur répartition statistique. Plusieurs patterns (regroupements) de mots synthétisés en champs lexicaux ont pu ainsi être mis en évidence. Les analyses ont été réalisées avec RStudio®, version 1.1.423. Les caractéristiques des signalements ont été comparées par le test du Chi2 au risque α=0,05.
Résultats
Description globale des 986 signalements d’IN avec décès lié(s)
Sur la période considérée, 16 349 SIN ont été reçus dont 986 (6%) rapportent une IN avec décès lié. La part de SIN avec décès lié diminue sur la période d’étude, passant de 11% à 4%, tandis que le nombre de SIN double pratiquement (figure 2). On distingue deux périodes, celle entre 2008 et 2012 avec un nombre moyen annuel de 103 signalements d’IAS avec décès. Puis, la période suivante jusqu’à 2017 où l’on observe une diminution de 30% de ces derniers avec une moyenne annuelle de 80 signalements.
En comparant les signalements avec décès à l’ensemble des autres signalements, on constate que, de manière significative (p<0,001), la part des ES publics qui ont réalisé des signalements en raison d’un décès est plus importante que pour d’autres critères (81% vs 76%) et que l’infection ayant conduit au décès est plus fréquemment acquise dans l’établissement signalant (88% vs 62%).
Pour plus de la moitié des 986 signalements (56%), le critère décès est le seul motif de signalement. Pour les autres signalements, le critère associé est le plus souvent le « type d’agent pathogène » (figure 3). Le caractère nosocomial de l’IN est certain dans plus de deux tiers (69%) de ces SIN.
Ces 986 IN sont survenues principalement en service de réanimation (37%, soit 27% en secteur adulte et 10% en secteur pédiatrique ou néonatal), de médecine (28%), de chirurgie (23%). Parmi ces derniers, les services de chirurgie orthopédique, cardiovasculaire ou digestive cumulent 49% des signalements en chirurgie. La néonatologie regroupe 61% des signalements de pédiatrie. Dans 10% des signalements, plusieurs services sont impliqués.
Parmi les localisations infectieuses, les bactériémies sont au premier plan (36%), puis les infections pulmonaires (23%), les infections digestives (15%) et les infections de site opératoire (ISO) (10%) (figure 4). Plusieurs sites infectieux sont renseignés dans 20% des signalements.
France 2008-2017
Parmi les 986 signalements, les trois principaux germes sont S. aureus (32%), C. difficile (13%) et P. aeruginosa (11%). Dans 10% des signalements, plusieurs bactéries sont mises en cause. Trente-huit pour cent des signalements à S. aureus concernent une souche résistante à la méticilline (SARM). Dix-huit pour cent des signalements impliquant un P. aeruginosa présentent une résistance (selon les critères retenus dans le thésaurus d’e-SIN) : il s’agit d’une carbapénémase pour environ les trois quarts d’entre eux et d’une multirésistance pour 26%. Les infections à C. difficile surviennent principalement en soins de suite et de réadaptation (SSR, 20%) et en gériatrie (8%). Il s’agit essentiellement de cas isolés (85%).
Ces 986 signalements, dont 106 de cas groupés, correspondent à 2 079 patients atteints d’IN dont 1 087 sont décédés. Les signalements de cas groupés rapportent un nombre médian de 5 cas par épisode (2-74). L’occurrence de plusieurs décès dans un signalement est rare (7% des signalements). Par ailleurs, nous n’avons pas d’information sur le nombre de décès réellement liés à l’IN, sachant qu’il y en a au moins un (celui à l’origine du SIN pour le critère « décès »).
Les cas groupés d’IN correspondent au premier plan à des cas groupés de grippe chez des personnes âgées (Soins de longue durée, SLD, ou Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, Ehpad), puis à des IN à S. aureus en néonatologie.
Lorsque plusieurs décès sont décrits dans un même signalement il s’agit le plus souvent d’IN à S. aureus (22%), de grippes (14%), ou d’IN à C. difficile (13%). Les services concernés par ces cas groupés de décès sont principalement les SLD (incluant les EPHAD) (16%), la néonatologie (réanimation néonatale incluse) (14%) et les SSR (13%). Les épisodes décrits en SLD, Ehpad et SSR sont principalement en lien avec les épidémies virales saisonnières. Les signalements de cas groupés en néonatalogie (25) correspondent à un total de 92 cas d’infections (2 à 12 cas par épisode), dont les deux tiers de bactériémies. Parmi les 92 cas, 41 décès ont été recensés. Les principaux germes en cause dans ces 25 signalements sont S. aureus (36% dont 1/3 de SARM), P. aeruginosa et Enterobacter cloacae (12% chacun). Bacillus cereus est impliqué dans 2 épisodes de 2 et 3 cas groupés avec 1 décès chacun.
Deux signalements ont rapporté respectivement 5 et 4 décès. Pour le premier, en réanimation néonatale, il s’agissait de 5 bactériémies à SASM (S. aureus sensible à la méticilline), sur une période de trois mois. Le second concernait en néonatologie, 4 décès liés à des bactériémies à E. cloacae majoritairement sensible (3 souches sur 4) chez des prématurés, sur une période d’un mois et demi.
Analyse ciblée sur les 159 bactériémies à Staphylococcus aureus avec décès liés
Parmi les 159 bactériémies à S. aureus recensées, 56% étaient résistants à la méticilline (SARM). Les bactériémies à S. aureus signalées pour décès sont pour 91% d’entre elles des cas isolés, ce qui est significativement différent de l’ensemble des IN ayant entrainé un signalement pour décès (81%) (p<0,05). L’évolution annuelle de la part des S. aureus résistants à la méticilline (SARM), en regard des SASM parmi les bactériémies à S. aureus est fluctuante (figure 5). La part des SARM est significativement moins importante dans les CHU que dans les autres établissements de santé. (16% versus 45%) (p<0,01). Les services déclarant des bactériémies à S. aureus sont principalement ceux de médecine (39%), de réanimation (36%) et de chirurgie (21%), avec une répartition de la part des SARM significativement différente selon les services (p<0,05). Les cas groupés de bactériémies à S. aureus sont essentiellement signalés en pédiatrie ou en néonatologie (57%) où la part des SARM est très faible. Ceux décrivant plusieurs décès sont également principalement décrits dans ces mêmes services (50%). Pour 36% des bactériémies à S. aureus, un autre site infectieux est renseigné. Il s’agit principalement d’ISO (26%), d’infection cardiovasculaire (21%) ou sur cathéter (21%). Dans 10% des signalements de bactériémie à S. aureus, une autre bactérie est impliquée, il s’agit essentiellement d’entérobactéries ou de P. aeruginosa.
Les cathéters sont les champs lexicaux identifiés comme les plus récurrents dans les champs textuels libres (31%) des signalements de bactériémies à S. aureus avec décès lié. Ils y sont significativement plus présents que dans les autres signalements pour décès (p<0,005). Ainsi, un tiers des SIN avec le critère décès lié à une bactériémie nosocomiale à S. aureus est associé à la présence d’un cathéter. Ce résultat est cohérent avec ceux de la surveillance des bactériémies nosocomiales 4.
Discussion
Dans une étude réalisée sur les signalements d’IN enregistrés entre 2001 et 2005, le critère décès représentait 22% des motifs de SIN 5. Les données présentées dans ce travail montrent la diminution progressive de l’utilisation de ce critère, pour le signalement externe. La diminution importante de la part de ces signalements peut s’expliquer d’une part par l’augmentation progressive du nombre global de signalements. Celle-ci résulte de la dématérialisation du dispositif et de l’émergence des bactéries hautement résistantes pour lesquelles les recommandations du Haut Conseil de santé publique (HCSP) préconisent un signalement dès la colonisation. D’autre part, la baisse du nombre moyen annuel de signalements avec décès est aussi à considérer. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées : la crainte d’une exploitation médicolégale des faits signalés et, par ailleurs, l’amélioration de l’estimation de l’imputabilité de l’infection dans le décès par les équipes opérationnelles d’hygiène (EOH) en lien avec les cliniciens. Pour exemple, une étude réalisée sur la pertinence du signalement relève que, entre 2002 et 2003, sur 135 signalements d’infection nosocomiale motivés par le critère décès, 39% n’avaient pas de lien avec l’infection nosocomiale 7. Pour ces raisons, le ministère de la Santé et des Solidarités a diffusé, à compter de 2007, un guide méthodologique d’aide au signalement des infections nosocomiales pour le critère décès. Devant une infection nosocomiale active lors du décès, chez un patient pour lequel le décès n’était pas prévisible à l’admission, l’indice de Mac Cabe oriente la décision quant à l’imputabilité de l’infection selon qu’il engage le pronostic vital dans l’année ou pas 8. Progressivement, ce guide a contribué à inciter les équipes à analyser plus précisément les facteurs à prendre en compte afin d’établir un lien entre l’infection nosocomiale et le décès. Par ailleurs, entre le début et la fin de la période de l’étude (2008 à 2017), le nombre de SIN de bactéries hautement résistantes aux antibiotiques émergentes (BHRe), incluant une majorité de colonisations, a considérablement augmenté, réduisant la part des SIN pour un autre critère.
Le principal enseignement de cette étude sur les signalements d’IAS pour le motif « décès lié » est la proportion importante des bactériémies à S. aureus, représentant un signalement sur six des décès liés à une IAS, avec une résistance à la méticilline dans 36% des cas. Les populations fragiles, et en particulier les nouveau-nés, sont particulièrement touchés par ces bactériémies à S. aureus et concentrent les signalements de cas et de décès groupés. L’infection sur cathéter apparaît comme la principale porte d’entrée (un tiers des signalements comprennent un champ lexical s’y rapportant).
La plupart des signalements de décès est réalisée par des établissements publics, et a fortiori par des centres universitaires, ce qui s’explique en partie par la typologie des patients accueillis dans ces structures. Le fait que les patients qui sont pris en charge dans ces dernières présentent souvent des pathologies plus graves, tend également à justifier la surreprésentation des services de réanimation parmi les signalements, tandis que d’autres secteurs prenant en charge des patients moins à risque, en déclarent moins. De même, en pédiatrie, ce sont les services qui traitent les enfants les plus fragiles (néonatologie) qui déclarent le plus d’IAS avec décès liés. Les signalements de néonatologie qui rapportent plusieurs décès survenus dans un délai de quelques semaines après l’identification d’une souche circulante de SASM ou d’E. cloacae en sont des exemples. En chirurgie, la prédominance des services de chirurgie orthopédique, cardiovasculaire et digestive s’explique par plusieurs facteurs : leur important volume d’activité, le risque septique inhérent à certaines chirurgies, les germes impliqués et les caractéristiques des patients pris en charge 9.
Le critère le plus souvent associé au décès pour justifier le signalement, c’est-à-dire la nature de l’agent pathogène, correspond au critère le plus fréquent de l’ensemble des signalements 5. La faible part des cas groupés de décès peut témoigner d’une bonne efficacité des mesures mises en place par les équipes de terrain pour contrôler la diffusion des infections ou en limiter l’impact. Ceci est à pondérer par le fait que les données ne sont pas toujours réactualisées au cours de l’évolution de l’épisode signalé. Sans surprise, la grippe, de par sa forte contagiosité et sa potentielle gravité, explique une part importante des signalements de cas et décès groupés, notamment dans des services accueillant des populations âgées (SLD et EPHAD), ce qui justifie la mise en place de mesures strictes de prévention de la transmission 10. La forte transmission des infections à S. aureus à l’origine de cas groupés dans les services de néonatologie correspond à une réalité décrite dans la littérature, justifiant encore une fois de mesures de prévention spécifiques visant essentiellement la transmission croisée et les dispositifs invasifs 11.
Les caractéristiques des IAS ayant entraîné un décès en terme de site infectieux (prédominance des bactériémies et des infections respiratoires) et de germes impliqués (prédominance de S. aureus et P. aeruginosa) correspondent à celles déjà mises en évidence dans la littérature 3. La proportion importante des infections digestives essentiellement à C. difficile (1 signalement pour 10), non décrite par ailleurs, s’explique par l’existence, en France, de recommandations de déclaration via le signalement des IN, de cas sévères ou groupés d’infection à C. difficile associées aux soins.
Le taux de résistance aux antibiotiques trouvé est conforme à celui rapporté par les réseaux de surveillance, sur la même période 12, en particulier pour les SARM. Concernant la surmortalité des bactériémies à SARM par rapport aux souches sensibles, la littérature est controversée 13,14.
Le nombre absolu de signalements associant des bactériémies à S. aureus reste du même ordre de grandeur au cours des années. Cependant, on constate un pic de la proportion de ces bactériémies parmi les SIN en 2014 et 2015, alors même qu’elle avait tendance à diminuer les années précédentes. Un facteur explicatif est probablement la mise en place sur ces années de l’indicateur « bactériémies nosocomiales à S. aureus résistant à la méticilline » parmi les indicateurs nationaux de qualité et de sécurité des soins.
L’importance de la néonatologie et de la réanimation néonatale (1 signalement de bactériémie à S. aureus sur 7) s’explique par la fragilité des patients exposés à des techniques de réanimation invasives. Les résultats retrouvés en pédiatrie concordent avec ceux rapportés dans la littérature 15. C’est également dans ces services que l’on observe les cas groupés, en lien avec un risque de transmission qui y est plus élevé dû à la fréquence et aux types de soins délivrés 11.
Les autres sites infectieux associés aux bactériémies à S. aureus (site opératoire, cardiovasculaire ou cathéter), correspondent aux portes d’entrée des bactériémies. Cela a déjà été décrit dans la surveillance « bactériémies nosocomiales » 4.
Parmi les champs lexicaux les plus fréquemment identifiés dans les champs textuels libres des signalements des bactériémies à S. aureus, on trouve les portes d’entrée (cathéter, chirurgie) décrites dans le réseau « bactériémies nosocomiales » 4 ainsi que les services parmi les plus concernés (cardiologie, réanimation) par ce type d’infection. Un des champs lexicaux souvent associé est celui de l’endocardite, en relation avec la gravité de cette infection liée à une surmortalité 15.
Le nombre de décès rapportés par le SIN (une centaine par an) est très inférieur aux chiffres publiés il y a environ une quinzaine d’années 3 estimant à 3 500 le nombre de décès attribuables par an en France aux IAS, ce qui suggère une très probable sous-déclaration importante de ceux-ci, même si les critères ont été affinés. Cependant, nous ne disposons pas de chiffres actualisés. L’objectif du SIN est orienté vers l’action, destiné à détecter les situations justifiant d’un soutien aux établissements de santé. Cependant, compte tenu du peu de littérature sur les décès associés aux soins, nous avons choisi d’analyser les données issues des SIN. Afin de mieux décrire/estimer/… ces IAS avec décès liés, il serait intéressant de s’appuyer sur les revues systématiques de dossiers, voire sur les séries autopsiques. Ces dernières sont délicates d’utilisation mais fournissent de bons résultats 16, car elles seules permettent d’estimer la mortalité liée aux IN. D’autres outils comme le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information) ne sont pas jugés suffisamment informatifs pour la description épidémiologique des IAS 17.
De plus, est à prendre en compte le biais lié au manque d’homogénéité de déclaration entre établissements. En effet, certains établissements ont une habitude de signalements alors que d’autres adhèrent peu ou pas au dispositif. Plusieurs freins au signalement avaient déjà été pointés, dès 2005 dont une crainte de médiatisation et de procédures judiciaires 7. En effet, depuis la Loi « Kouchner » de 2002 (2), et dans un objectif d’indemnisation des patients victimes, les infections nosocomiales entraînent la responsabilité sans faute de l’établissement.
Conclusion
Cette étude constate que les décès attribuables à une IAS font rarement l’objet d’un signalement. Une étude spécifique serait nécessaire pour estimer leur nombre global annuel en France. L’objectif du signalement des IN n’est pas l’exhaustivité, mais il permet de dessiner les contours des problématiques rencontrées par les équipes de terrain en ce qui concerne les IAS susceptibles d’entraîner un décès. Les bactériémies liées aux cathéters, chez les patients les plus fragiles dont les nouveaux nés, en particulier à S. aureus (SARM ou SASM), émergent de cette analyse. Ces résultats incitent à poursuivre les efforts de prévention et la promotion du signalement.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
A multicentre epidemiology study. J Hosp Infect. 2004;58(4):268-75.
Ministere_Sante/2007_deces_ministere.pdf
docs/surveillance-des-infections-du-site-operatoire-dans-les-etablissements-de-sante-francais-resultats-2016
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