La consommation d’alcool chez les adultes en France en 2017
// Alcohol consumption in adults in France in 2017
* Groupe Baromètre de Santé publique France 2017 : Raphaël Andler, Chloé Cogordan, Romain Guignard, Christophe Léon, Viêt Nguyen-Thanh, Anne Pasquereau, Jean-Baptiste Richard, Maëlle Robert.
Résumé
Introduction –
L’alcool est responsable de problèmes sanitaires et sociaux à court et long terme. Le recueil par enquêtes des consommations individuelles d’alcool permet de documenter et de suivre les usages d’alcool dans différents groupes de population. Cet article propose une mise à jour des connaissances sur les niveaux et les modes de consommation d’alcool de la population adulte résidant en France métropolitaine.
Méthodes –
Le Baromètre de Santé publique France 2017 est une enquête probabiliste transversale menée par téléphone auprès d’un échantillon de 25 319 personnes résidant en France métropolitaine, parlant le français et âgées de 18 à 75 ans. La méthode repose sur la génération aléatoire de numéros de téléphone fixe et mobile. Le taux de participation à cette enquête menée entre janvier et juillet 2017 était de 48,5%.
Résultats –
En 2017, 87% des 18-75 ans ont consommé de l’alcool au moins une fois dans l’année ; 21% déclaraient avoir connu une ivresse dans l’année, 10% étaient des consommateurs quotidiens et 5% consommaient six verres ou plus en une même occasion toutes les semaines. La consommation d’alcool apparaît de plus en plus masculine à mesure que la fréquence de consommation augmente. Elle évolue avec l’avancée en âge, avec une diminution du nombre de verres consommés associée à une augmentation du nombre de jours de consommations. L’hétérogénéité existe également en ce qui concerne la quantité d’alcool bue : à eux seuls 10% des 18-75 ans consommaient 58% de la quantité d’alcool consommée déclarée.
Conclusion –
En 2017, la consommation d’alcool restait courante et à un niveau relativement stable par rapport aux années précédentes. Chez les moins de 25 ans, les tendances récentes montrent une stabilité des alcoolisations excessives, ceci faisant suite à une décennie d’augmentation, notamment des ivresses régulières. La répétition des Baromètres et des enquêtes menées auprès des adolescents permet de suivre les tendances de consommation d’alcool et de décrire la diversité de ses usages.
Abstract
Introduction –
Alcohol is responsible for health and social issues in the short and long term. Survey data based on self-reports on alcohol consumption are useful to monitor and identify drinking patterns among different population groups. This study aims to update key indicators of alcohol levels of consumption and drinking patterns among the French adult population.
Methods –
The 2017 Health Barometer is a random telephone cross-sectional survey among a sample of 25,319 persons aged 18-75 years-old living in metropolitan France and speaking French. Survey methodology relies on random digit dialing of landline and cellular phone numbers. Data collection was carried out between January and July 2017. The response rate was 48.5%.
Results –
In 2017, 87% of 18-75-years-old reported consuming alcohol at least once during the past twelve months; 21% reported having been drunk during the past twelve months; 10% reported daily alcohol use;and 5% reported weekly heavy episodic drinking (six drinks or more on one occasion). Men were consistently more likely than women to drink alcohol, all the more since drinking frequency increased. Drinking pattern also differed between age groups: frequency of alcohol drinking tended to increase with age, whereas mean quantity per drinking day tended to decrease. There is also a heterogeneity regarding the quantity of alcohol drunk: 10% of the 18-75-year-olds drank 58% of the alcohol consumed in the past 12 months.
Conclusion –
In 2017, alcohol consumption was common and remained stable compared to previous years. Among young adults (under 25 years-old), recent trends show a stability of heavy episodic drinking, following a decade of increases, especially regular drunkenness. The repetition of Health Barometer surveys and surveys dedicated to adolescents are necessary to monitor alcohol consumption and to describe associated drinking patterns.
Introduction
Malgré une diminution régulière du volume d’alcool consommé depuis 50 ans, passé de 26,0 litres d’alcool pur en moyenne par habitant âgé de 15 ans et plus en 1961 à 11,7 litres en 2017 (la baisse étant presque exclusivement due à la diminution de la consommation de vin et notamment à table 1), la consommation de boissons alcoolisées reste profondément ancrée dans les pratiques culturelles françaises : en 2016, 47 millions de Français (parmi les 11-75 ans) avaient déjà consommé de l’alcool au cours de leur vie, 43 millions au cours des 12 derniers mois 2. Pourtant, la consommation d’alcool a des conséquences sociales et sanitaires majeures 3. Au niveau mondial, elle était en 2016 le premier facteur de risque de mortalité prématurée et d’incapacité parmi les 15-49 ans 4. En Europe, elle est l’un des plus importants facteurs de risque de morbidité, avec l’hypertension artérielle, le tabac et le surpoids 5, et elle représente en France la deuxième cause de mortalité évitable après le tabagisme 6.
La mesure et le suivi des niveaux de consommation d’alcool de la population sont des éléments importants de l’épidémiologie, notamment pour l’estimation de la contribution de l’alcool à la mortalité ainsi que pour l’évaluation et l’orientation des politiques publiques et des actions de prévention. Cette mesure est obtenue, d’une part, au travers de la quantité d’alcool mise en vente, estimée à partir des recettes fiscales perçues sur l’alcool et dont un suivi est réalisé depuis 1961 et, d’autre part, grâce au recueil de la consommation déclarée au niveau individuel dans des enquêtes conduites depuis plusieurs décennies, en population générale ou parmi les adolescents. Les données de vente fournissent un indicateur fiable, disponible rapidement et régulièrement, sujet à des biais limités et identifiés (achats liés au tourisme par exemple). Toutefois, il est le reflet d’une consommation moyenne à l’échelle de la population et n’autorise pas la caractérisation de profils ou de modes de consommations d’alcool. À l’inverse, le recueil par enquêtes permet de documenter les usages d’alcool dans différents groupes de population et d’identifier leurs déterminants, mais il se heurte à plusieurs biais difficiles à quantifier : sous-déclaration des consommations, biais de désirabilité sociale et biais de mémoire, ces trois biais étant en outre fortement intriqués ; biais de non-réponse, pouvant être partiellement corrigé par les méthodes de redressement des données ; difficultés de mesure des niveaux de consommation. Comparées aux données de vente, les données d’enquête conduisent ainsi à une sous-estimation importante de la consommation d’alcool, d’un facteur souvent compris entre 2 et 3 7. Ces constats ne sont pas propres à la France et une étude américaine a montré, malgré les écarts de mesure, une forte corrélation entre les estimations annuelles de consommation d’alcool obtenues par ces deux sources d’information sur une période de 13 ans 8. Ces données se révèlent ainsi complémentaires pour assurer un suivi complet des volumes et des modes de consommation au sein d’une population, et un tel dispositif semble d’autant plus nécessaire qu’au-delà de la quantité d’alcool consommée, le mode de consommation agit comme un facteur supplémentaire associé à la survenue de certaines maladies cardiovasculaires, de traumatismes intentionnels ou non-intentionnels. La description de ces modes combine généralement les informations suivantes : quantité d’alcool consommée par occasion, consommation épisodique importante, dont le seuil est souvent fixé à six verres ou plus en une même occasion, épisode d’ivresse, consommation quotidienne, consommation lors de repas, consommation dans les lieux publics 9.
Parmi les outils de surveillance des habitudes de consommation d’alcool, le Baromètre de Santé publique France est un dispositif d’enquêtes périodiques mis en place depuis 1992. Depuis près de trente ans, ces enquêtes de surveillance, complétées par celles menées en population adolescente 10, permettent de suivre les principaux comportements, attitudes et perceptions de la population résidant en France vis-à-vis de sa santé. Les données du Baromètre 2017 permettent de mettre à jour les connaissances sur les niveaux et les modes de consommation d’alcool de la population des 18-75 ans résidant en France métropolitaine, d’en suivre les évolutions et d’en étudier les déterminants. Une attention particulière sera accordée aux jeunes adultes, pour lesquels les dernières observations, datant de 2014, avaient montré des évolutions significatives 11.
Matériel et méthodes
Sources de données
Le Baromètre de Santé publique France 2017 est une enquête probabiliste transversale menée par téléphone auprès d’un échantillon de la population résidant en France métropolitaine, parlant le français et âgée de 18 à 75 ans. La méthode repose sur la génération aléatoire de numéros de téléphone fixe et mobile. La réalisation de l’enquête, via un système de Collecte assistée par téléphone et informatique (Cati), a été confiée à l’institut Ipsos. Le terrain de l’enquête téléphonique s’est déroulé du 5 janvier au 18 juillet 2017. Le taux de participation était de 48,5% et la passation du questionnaire a duré en moyenne 31 minutes. Au total, 25 319 personnes ont participé à l’enquête. Les objectifs, le protocole et les précisions méthodologiques sont détaillés par ailleurs 12.
Variables
Ces analyses reposent sur les réponses obtenues aux questions suivantes, incluant les trois premières question de l’Alcohol Use Disorder Identification Test (AUDIT) 13,14 :
–« Au cours des 12 derniers mois, avez-vous bu du vin, de la bière, des alcools forts, d’autres alcools comme du cidre, champagne, porto… ? » Tous les jours / 4 à 6 fois par semaine / 2 ou 3 fois par semaine / 1 fois par semaine / 2 ou 3 fois par mois / 1 fois par mois ou moins souvent / Jamais.
–« Les jours où vous buvez, combien de verres de boissons alcoolisées buvez-vous dans la journée, que ce soit de la bière, du vin ou tout autre type d’alcool ? »
–« À quelle fréquence vous arrive-t-il de boire six verres de boissons alcoolisées ou plus en une même occasion ? Jamais / Moins d’une fois par mois / Une fois par mois / Une fois par semaine / Tous les jours ou presque.
–« Au cours des 12 derniers mois, combien de fois avez-vous été ivre ? »
À partir de ces questions, les indicateurs suivants ont été utilisés :
–sur la base du nombre d’ivresses déclarées au cours des 12 derniers mois : Au moins une fois au cours de la vie / Au moins une fois (ivresse année) / Trois fois (ivresses répétées) / 10 fois (ivresses régulières). Ces regroupements ne sont pas exclusifs ; ils ont été conçus en partenariat avec l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), permettant une comparaison entre les enquêtes Baromètres de Santé publique France et Escapad (Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation à la défense), et font l’objet d’un suivi de long terme ;
–alcoolisation ponctuelle importante (API) : épisode de consommation d’au moins six verres en une occasion (indicateur présent depuis 2005) : Au moins une fois par an / Au moins une fois par mois / Au moins une fois par semaine. Ces regroupements, non exclusifs, correspondent aux modalités de réponse proposées dans le questionnaire ;
–sur la base du nombre de jours de consommation d’alcool par an, une fréquence maximale déclarée pour la consommation des différents types d’alcool au cours des 12 derniers mois a été calculée en appliquant le recodage suivant : Tous les jours (365) / 4 à 6 fois par semaine (260, soit 52 fois 5 jours par semaine) / 2 ou 3 fois par semaine (130, soit 52 fois 2,5 jours par semaine) / 1 fois par semaine (52) / 2 ou 3 fois par mois (30, soit 12 fois 2,5 jours par mois) / 1 fois par mois ou moins souvent (12) / Jamais (0) ;
–nombre de verres de boissons alcoolisées par an = nombre de jours de consommation d’alcool par an multiplié par le nombre moyen de verres bus en une occasion.
Analyses
Les données ont été pondérées pour tenir compte de la probabilité d’inclusion, puis redressées par calage sur marges. Celles-ci ont été produites à partir de l’Enquête emploi 2016 de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) pour les variables suivantes : sexe croisé avec âge en tranches décennales, région, taille d’unité urbaine, taille du foyer et niveau de diplôme de la population résidant en France métropolitaine. Les comparaisons de pourcentages ont été testées au moyen du Chi2 d’indépendance de Pearson, avec correction du second ordre de Rao-Scott pour tenir compte du plan de sondage ; seules les différences significatives au seuil de 5% sont mentionnées. Afin de ne pas alourdir la présentation des résultats, les intervalles de confiance ne sont pas présentés. À titre indicatif, concernant l’estimation de la consommation quotidienne d’alcool, l’effet plan (DEFT) est de 1,2 et l’erreur standard de 0,23. L’ensemble des estimateurs présentés et des précisions correspondantes peuvent être fournis sur demande.
Résultats
Niveaux de consommation d’alcool en 2017 parmi les 18-75 ans
En 2017, 86,5% des personnes âgées de 18 à 75 ans ont déclaré avoir bu de l’alcool au cours des 12 derniers mois, et 40,0% au moins une fois par semaine. La consommation d’alcool était plus courante chez les hommes et l’écart entre sexes était d’autant plus marqué que la fréquence de consommation augmentait. Ainsi, 29,8% des hommes consommaient de l’alcool entre une et trois fois par semaine contre 20,3% des femmes, et ils étaient trois fois plus nombreux à consommer de l’alcool quatre à six fois par semaine (7,6% vs 2,6%) ou tous les jours (15,2% vs 5,1%). De plus, la consommation moyenne un jour type était de 2,8 verres parmi les hommes contre 1,8 parmi les femmes. Les prévalences des API étaient de 35,2% dans l’année et de 4,6% au moins une fois par semaine, les sex-ratios correspondants étant de 2,3 et 4,7. Enfin, 63,4% des 18-75 ans déclaraient avoir été ivres au cours de leur vie, 20,7% au cours des 12 derniers mois et 4,1% au moins 10 fois au cours des 12 derniers mois. Les sex-ratios observés pour les ivresses augmentaient avec le nombre d’épisodes déclarés, passant de 2,2 pour une ivresse dans l’année à 3,6 pour des ivresses régulières (tableau). Par ailleurs, la distribution du volume total d’alcool consommé n’était pas uniforme : près de la moitié de la population (49%) ne buvait que 3% du volume total consommé dans l’année, tandis que les 10% de personnes les plus consommatrices consommaient 58% du volume total (figure 1).
Différences de consommation selon l’âge
Les modes de consommation d’alcool varient fortement avec l’âge. Ainsi, alors que la part de personnes ayant bu de l’alcool au cours des 12 derniers mois fluctuait relativement peu selon les classes d’âge (de 82,5% à 92,3%), la part de celles déclarant au moins une API était de 54,1% parmi les 18-24 ans puis décroissait régulièrement avec l’âge, atteignant 19,7% parmi les 65-75 ans. À l’inverse, ces derniers étaient 26,0% à déclarer une consommation quotidienne d’alcool contre 2,3% des 18-24 ans (figure 2a). Ces différences selon l’âge s’observent aussi bien parmi les hommes que parmi les femmes (figures 2b, 2c). En outre, les jeunes consommaient moins souvent de l’alcool mais, lorsqu’ils le faisaient, en quantités plus importantes que les plus âgés. Parmi les 18-75 ans, les consommateurs d’alcool dans l’année buvaient en moyenne 2,3 verres d’alcool 98 jours par an. La moyenne du nombre de verres d’alcool consommés par jour de consommation décroissait progressivement avec l’âge, de 3,3 verres parmi les 18-24 ans à 1,7 verre parmi les 65-75 ans. À l’inverse, le nombre de jours de consommation augmentait, passant de 67 jours de consommation parmi les plus jeunes à 152 jours parmi les plus âgés (figure 3).
Évolutions
Si, depuis une quarantaine d’années, la part d’abstinents dans l’année est restée stable autour de 15%, les modes de consommation d’alcool ont évolué avec le temps. La consommation quotidienne d’alcool, qui concernait environ 1 adulte sur 4 au début des années 1990, est désormais stable avec 1 adulte sur 10 qui déclare boire tous les jours depuis 2010 (figure 4a).
Après avoir augmenté entre 2005 et 2014, la part des personnes déclarant au moins une API dans l’année a diminué significativement entre 2014 et 2017 (de 38,5% à 35,2%, p<0,001). À l’inverse, la part des personnes déclarant au moins une ivresse dans l’année a augmenté significativement entre 2014 et 2017 (de 18,7% à 20,7%, p<0,001), suivant une tendance à la hausse depuis le début des années 2000. La prévalence des ivresses régulières (au moins 10 dans l’année) est restée stable entre 2014 et 2017. Les évolutions observées sont de même nature parmi les hommes (figure 4b) et les femmes (figure 4c).
Parmi les 18-24 ans, hommes comme femmes, qu’il s’agisse de la part de personnes déclarant au moins une API par semaine ou de la part de celles déclarant au moins 10 ivresses au cours de l’année, aucune évolution significative n’est mesurée entre 2014 et 2017, indiquant un fléchissement suite aux augmentations observées depuis 2005 (figure 5).
1992-2017
Discussion
Ces résultats rappellent que l’usage d’alcool demeure en 2017 une pratique courante en France : 86,6% des personnes âgées de 18 à 75 ans ont consommé de l’alcool au moins une fois dans l’année, une personne sur cinq déclare avoir connu une ivresse dans l’année, 10% sont des consommateurs quotidiens, 5% consomment six verres ou plus en une même occasion toutes les semaines. Cette étude souligne également la grande hétérogénéité des habitudes de consommations, qu’elles soient appréhendées par la fréquence des consommations de boissons alcoolisées, le nombre moyen de verres consommés par jour ou la fréquence d’épisodes d’API. La consommation d’alcool apparaît de plus en plus masculine à mesure que la fréquence de consommation augmente, les hommes étant ainsi trois fois plus nombreux que les femmes à boire de l’alcool quotidiennement. Ce résultat s’observe également pour les épisodes de consommations ponctuelles intenses (API ou ivresse), qui concernent d’autant plus les hommes que leur fréquence augmente. Ces consommations sont également très dépendantes de l’âge, et on observe clairement une évolution du mode de consommation avec l’avancée en âge, se caractérisant par une diminution du nombre de verres consommés associée à une augmentation du nombre de jours de consommations. L’hétérogénéité existe également en ce qui concerne la quantité d’alcool bue : à eux seuls 10% des 18-75 ans consomment 58% de la quantité d’alcool consommée déclarée.
Les ventes annuelles d’alcool pur en France ont fortement diminué depuis plus de cinquante ans, mais cette tendance a nettement ralenti depuis une dizaine d’années et, en 2017, la quantité d’alcool pur consommée par habitant de 15 ans et plus était au même niveau qu’en 2013 (11,7 litres d’alcool pur/habitant) 15. Les résultats des enquêtes déclaratives menées depuis 20 ans montrent une tendance similaire. La part des 18-75 ans consommant de l’alcool quotidiennement est passée de 24% en 1992 à 11% en 2010, 9% en 2014 et 10% en 2017. Parallèlement à cette tendance, les ivresses semblent être plus fréquentes, en particulier par rapport aux années 2000. La proportion de personnes déclarant une ivresse dans l’année était de 21% en 2017, contre 19% en 2014 et 14% en 2005 ; la proportion de personnes en déclarant au moins 10 atteignait 4% en 2017, contre moins de 2% avant 2005. Ces tendances peuvent être resituées dans le cadre d’une évolution des volumes et modalités de consommation d’alcool au niveau européen, marquée par un rapprochement entre les pays. Entre 1970 et 2010, les volumes d’alcool consommé ont en effet diminué dans le sud de l’Europe, alors qu’ils augmentaient dans les pays anglo-saxons et d’Europe du Nord ; un rapport récent de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) souligne la proximité actuelle entre l’Espagne, la France ou le Royaume-Uni, tant pour la consommation d’alcool par habitant que pour la fréquence des épisodes de consommation d’alcool importante 11,16.
En revanche, la part des personnes ayant connu une API dans l’année apparaît en baisse en 2017 (35%) par rapport à 2014 (38%), après une décennie d’augmentation. Ces évolutions, qui semblent contradictoires, peuvent s’expliquer en partie par la confrontation entre une mesure objective d’une part (avoir consommé au moins six verres en une occasion), subjective d’autre part (l’état d’ivresse, sachant qu’aucune définition n’est donnée dans la formulation de la question et que les représentations de l’ivresse ont pu évoluer). Elles peuvent également refléter la difficulté à décrire précisément les épisodes de consommations ponctuelles et importantes d’alcool. Ce constat est partagé au niveau international. L’utilisation de questionnaires spécifiques permettrait de mesurer plus précisément la fréquence de survenue de ces épisodes, de la quantité d’alcool consommée et, plus globalement, de renforcer la capacité à recueillir des indicateurs de consommations d’alcool reposant sur une même méthodologie et comparables d’un pays à l’autre 17,18.
Parmi les jeunes adultes âgés de moins de 25 ans, les tendances récentes montrent une stabilité des alcoolisations excessives (les usages réguliers, encore limités à ces âges, n’ont pas été présentés), ceci faisant suite à une décennie d’augmentation, notamment des ivresses régulières, entre 2005 et 2014. Ces résultats sont en partie concordants avec les évolutions de consommation d’alcool mesurées par l’enquête Escapad parmi les jeunes de 17 ans, qui montrent entre 2014 et 2017 une diminution de l’ensemble des indicateurs liés à la consommation d’alcool (usages réguliers, expérimentation de l’ivresse, alcoolisations ponctuelles importantes) 19.
Conclusion et perspectives
La répétition des enquêtes Baromètres santé permet de suivre les tendances de consommation d’alcool et de décrire la diversité des usages. En 2017, la consommation d’alcool était courante et demeurait à un niveau relativement stable par rapport aux années précédentes, hormis la proportion de personnes déclarant au moins une ivresse dans l’année qui apparait en légère hausse. Des analyses complémentaires pourront utilement être menées afin d’enrichir ces premiers résultats. Le questionnaire alcool posé dans le Baromètre de Santé publique France 2017 permettra notamment de documenter plus précisément les facteurs associés aux différents modes de consommation, y compris l’abstinence et les inégalités sociales et territoriales. La consommation d’alcool pourra également être étudiée au regard d’autres thématiques abordées dans cette enquête (santé mentale, polyconsommations) ou sous l’angle d’usages de populations spécifiques, à l’image des analyses récentes concernant les consommations des femmes pendant la grossesse 20. Parmi les plus jeunes, les résultats de l’enquête EnCLASS (Enquête nationale en Collèges et en Lycées chez les Adolescents sur la Santé et les Substances) menée en 2018 auprès des élèves de collège et lycée, permettront de compléter ces observations.
Références
recherche/INP00009771
rapports/ouvrages-collectifs/jeunes-et-addictions/
recherche/683/PLE/doc00003224__PDF.txt
index.asp
periodiques/lettre-tendances/les-drogues-17-ans-analyse-de-lenquete-escapad-2017-tendances-123-fevrier-2018/