Évolution du recours à la chirurgie bariatrique en France entre 2008 et 2014

// Evolution of bariatric surgery practice in France between 2008 and 2014

Juliette Hazart1 (jhazart@chu-clermontferrand.fr), Clément Lahaye1, Nicolas Farigon1, Patricia Vidal2, Karem Slim3, Yves Boirie1,4
1 CHU, Service de nutrition clinique ; Université Clermont Auvergne, Clermont-Ferrand, France
2 Service médical d’Auvergne, Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, Clermont-Ferrand, France
3 CHU, Service de chirurgie digestive ; Université Clermont Auvergne, Clermont-Ferrand, France
4 Inra, Unité de nutrition humaine ; Centre de recherche en nutrition humaine d’Auvergne ; Université Clermont Auvergne, Clermont-Ferrand, France
Soumis le 25.10.2017 // Date of submission: 10.25.2017
Mots-clés : Chirurgie bariatrique | Obésité | Anneau gastrique ajustable | Bypass gastrique | Sleeve gastrectomie | France
Keywords: Bariatric surgery | Obesity | Adjustable gastric banding | Gastric bypass | Sleeve gastrectomy | France

Résumé

Introduction –

La chirurgie bariatrique a connu une forte progression au cours des dix dernières années en France. L’objectif de cette étude était de décrire l’évolution des taux de recours à la chirurgie bariatrique et aux différentes techniques chirurgicales en France entre 2008 et 2014.

Méthodes –

Une étude rétrospective transversale a été menée à partir des données du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Les patients ayant bénéficié d’une intervention de chirurgie bariatrique en France métropolitaine et dans les départements et régions d’Outre-mer en 2008 et en 2014 ont été inclus. Leurs caractéristiques sociodémographiques et anthropométriques ainsi que les types de techniques chirurgicales employées (anneau gastrique ajustable (AGA), sleeve gastrectomie (SG), bypass gastrique (BPG), dérivation bilio-pancréatique (DBP) et gastroplastie verticale calibrée (GVC)) ont été analysés.

Résultats –

Le taux de recours à la chirurgie bariatrique a été multiplié par 2,6 en France entre 2008 et 2014. En 2014, 45 474 patients, dont 65,6% atteints d’obésité morbide, ont bénéficié d’une chirurgie bariatrique, avec une prédominance de femmes opérées à un âge plus jeune que les hommes (40,1±11,9 ans vs 42,6±11,8 ans ; p<0,0001) et un IMC plus bas que les hommes (33,3% des femmes avec un IMC<40 vs 25,4% des hommes ; p<0,0001). La SG (60,6%) était la technique majoritairement pratiquée, suivie par le BPG (30,0%) et l’AGA (9,2%). Entre 2008 et 2014, le taux de recours à l’AGA a fortement diminué (55,1% en 2008 contre 9,2% en 2014) au profit de la SG (16,9% en 2008 contre 60,6% en 2014). La pose d’un AGA était pratiquée chez des patients significativement plus jeunes (AGA : 36,7±12,1 ans ; SG : 40,2±11,9 ans ; BPG : 42,3±11,4 ans ; p<0,0001). Le recours à la SG et au BPG augmentait avec l’IMC. Les taux de recours aux différentes techniques chirurgicales étaient très variables selon les régions.

Conclusion –

Le recours à la chirurgie bariatrique a fortement augmenté entre 2008 et 2014, et les techniques chirurgicales pratiquées ont connu des changements importants, avec une progression nette de la SG ces dernières années. Les disparités entre régions dans les techniques chirurgicales pratiquées conduisent à s’interroger sur l’intérêt de l’élaboration d’un consensus sur le choix du traitement.

Abstract

Objectives –

Bariatric surgery has experienced significant changes over the past decade in France. The objective of this study was to describe the evolution of the practice of bariatric surgery and the surgical techniques performed in France between 2008 and 2014.

Methods –

A retrospective cross-sectional study was conducted based on data from the Programme for medicalization of information systems (PMSI). Patients who underwent bariatric surgery in metropolitan France and in the overseas departments in 2008 and in 2014 were included in the survey. Sociodemographic and anthropometric characteristics, types of surgical techniques (adjustable gastric banding (AGB), sleeve gastrectomy (SG), gastric bypass (GB), biliopancreatic diversion with duodenal switch (BPD/DS), vertical banded gastroplasty (VBG)) were studied.

Results –

The rate of bariatric procedures increased 2.6-fold in France between 2008 and 2014. In 2014, out of 45,474 patients including 65.6% with morbid obesity (BMI40) were operated. Women were operated at a younger age compared to men (40.1±11.9 versus 42.6±11.8 years for men; p<0.0001) and with a BMI lower than men (BMI<40: 33.3% versus 25.4% of men; p<0.0001). The most commonly performed procedure was SG, with 60.6%, followed by GB, 30.0%, and AGB, 9.2%. The rate of AGB decreased significantly (55.1% in 2008 versus 9.2% in 2014) in favour of SG (16.9% in 2008 versus 60.6% in 2014) between 2008 and 2014. AGB was performed in younger patients (AGB: 36.7±12.1, SG: 40.2±11.9, GB: 42.3±11.4 years; p<0.0001). The use of SG and GB increased with BMI. The use rate of surgical techniques varied widely at regional level.

Conclusion –

The practice of bariatric surgery has increased between 2008 and 2014, with wide variations of the surgical techniques used and a net increase of SG in recent years. Regional disparities in surgical techniques performed highlight the interest of establishing consensus on the choice of treatment.

Introduction

L’obésité, maladie chronique associée à de nombreuses comorbidités, s’accompagne d’une diminution de l’espérance et de la qualité de vie. Selon l’enquête nationale ObÉpi, en 2012, la prévalence de l’obésité en France était de 15% (environ 7 millions de personnes), dont 3,1% souffrant d’obésité sévère et 1,2% d’obésité morbide 1. En 2015, l’enquête nationale Esteban a estimé la prévalence de l’obésité chez les adultes à 17,2%, avec une proportion identique chez les hommes (16,8% [14,2-20,0]) et chez les femmes (17,4% [14,8-20,4]) 2. Selon les données de la littérature, chez les patients atteints d’obésité sévère, la chirurgie bariatrique est associée à une perte de poids à long terme, à une amélioration ou une rémission des comorbidités à long terme et à une augmentation de la survie et de la qualité de vie 3,4,5,6. Cette intervention au bon rapport coût-efficacité 7, s’accompagne d’un taux de mortalité précoce post-opératoire faible (0,12%) qui a encore diminué ces dernières années 8. En France, selon les recommandations de la Haute Autorité de santé, la chirurgie bariatrique est indiquée pour des patients atteints d’une obésité morbide ou d’une obésité sévère associée à au moins une comorbidité susceptible d’être améliorée après la chirurgie (hypertension artérielle, syndrome d’apnée hypopnée obstructive du sommeil et autres troubles respiratoires sévères, désordres métaboliques sévères, en particulier diabète de type 2, maladies ostéo-articulaires invalidantes, stéatohépatite non alcoolique), en deuxième intention après échec d’une prise en charge multidisciplinaire bien conduite pendant six à 12 mois 9. La chirurgie bariatrique comporte deux grands types d’intervention : celles basées exclusivement sur une restriction gastrique (anneau gastrique (AGA), gastroplastie verticale calibrée (GVC) qui tend à ne plus être pratiquée au profit de la sleeve gastrectomie (SG)), et celles impliquant une malabsorption intestinale (bypass gastrique (BPG) ou dérivation biliopancréatique (DBP)). Le rapport bénéfice/risque de ces différentes techniques ne permet pas d’affirmer la supériorité de l’une par rapport à une autre 9.

Dans le monde, 468 609 interventions de chirurgie bariatrique ont été pratiquées en 2013, dont 95,7% par voie laparoscopique. La France se situait en troisième position (n=37 300) après les États-Unis et le Canada (n=154 276 pour 351 millions d’habitants aux États-Unis et au Canada) 10. Les techniques les plus utilisées dans le monde étaient, par ordre décroissant, le BPG (45%), la SG (37%) et l’AGA (10%). Le taux de recours à la SG est passé de 0 à 37% entre 2003 et 2013, et celui de l’AGA de 68% à 10% entre 2008 et 2013 10. En France, 42 815 interventions de chirurgie bariatrique ont été pratiquées en 2013, soit un triplement du nombre d’interventions en sept ans avec une diminution par deux des poses d’AGA et une augmentation du nombre des SG (multiplié par 24) et des bypass gastriques (multiplié par 6). La SG a été la technique majoritaire à partir de 2011 11,12,13.

Devant cette augmentation mondiale du recours à la chirurgie bariatrique, il a paru intéressant d’étudier la situation de la chirurgie bariatrique en France et d’en analyser les pratiques actuelles 2,14. Cette étude présente l’évolution des taux de recours à la chirurgie bariatrique et aux différentes techniques chirurgicales en France entre 2008 et 2014. Les caractéristiques sociodémographiques et anthropométriques des patients ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique ont été étudiées.

Méthodes

Population d’étude

Une étude rétrospective transversale a été réalisée, incluant tous les patients opérés de chirurgie bariatrique en France métropolitaine et dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) en 2008 et 2014.

Données collectées

Un recueil de données individuelles et anonymisées a été réalisé à partir de l’analyse des données d’hospitalisation des patients extraites du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Les données d’hospitalisation incluaient la date de naissance et le sexe, le type d’acte de chirurgie bariatrique, les classes de l’indice de masse corporelle (IMC) associées au diagnostic d’obésité. Tous les séjours hospitaliers ayant eu un acte de chirurgie bariatrique codé selon la Classification commune des actes médicaux (CCAM) sur les périodes janvier-décembre 2008 d’une part et janvier-décembre 2014 d’autre part, ont été inclus. Les patients ont été classés selon la technique chirurgicale pratiquée : AGA (codes HFMC007 et HFMA009), BPG (codes HFCC003 et HFCA001), SG (codes HFFC018 et HFFA011), GVC (codes HFMC006 et HFMA010), DBP (codes HGCC027 et HGCA009) et gastrectomie avec court-circuit biliopancréatique ou intestinal (codes HFFA001 et HFFC004). Les actes de chirurgie bariatrique ont été classés en quatre groupes : les poses d’AGA, les DBP regroupées avec les BPG, les GVC regroupées avec les SG et les gastrectomies avec court-circuit biliopancréatique ou intestinal. Les interventions à type d’ablation, de repositionnement ou de changement d’AGA, ainsi que la pose d’un ballonnet intragastrique ou d’une sonde pariétale gastrique, n’ont pas été incluses.

Les patients obèses étaient identifiés dans les bases de données comme ceux hospitalisés pour chirurgie bariatrique. Dans ce cas, la base de données utilisée pour le remboursement requiert un code spécifique de l’IMC des patients en se basant sur le code de la Classification internationale des maladies (10e révision) selon les classes suivantes : 30-39 kg/m2 (obésité modérée ou sévère), 40-49,9 kg/m2 (obésité morbide, super-obésité excluse) et supérieur à 50 kg/m2 (super-obésité). L’obésité morbide a été définie par un IMC supérieur ou égal à 40 kg/m2. Il n’existait pas de codage spécifique pour la super-obésité en 2008.

Analyses statistiques

Les taux bruts de recours à la chirurgie bariatrique selon la structure d’âge de la population France entière (Source : Institut national de la statistique et des études économiques) ont été calculés pour chaque entité géographique en 2008 et 2014, avec un calcul des taux standardisés sur la population française de référence en 2014. Les données de prévalence ont été calculées en population exhaustive et sont donc présentées sans intervalle de confiance. Les patients ont été classés par lieu d’intervention.

Concernant l’analyse descriptive, les variables qualitatives ont été décrites par leurs effectifs et pourcentages et les variables quantitatives par leurs moyennes et écarts-type. Le test du Chi2 d’indépendance a été utilisé pour comparer des proportions quand les effectifs théoriques étaient supérieurs à 5. Lorsque cette condition n’était pas vérifiée, le test exact de Fisher a été utilisé. Dans le cas d’une comparaison de deux groupes, les moyennes des variables quantitatives ont été comparées à l’aide du test de Student. Dans le cas d’une comparaison de trois groupes ou plus, les moyennes des variables quantitatives ont été comparées avec le test ANOVA. Pour tous les tests effectués, le risque d’erreur consentie a été fixé à 5%. Les analyses statistiques ont été réalisées sur le logiciel SAS® (V9.2. SAS Institute Inc., Carry, NC, USA).

Résultats

Évolution du recours à la chirurgie bariatrique

Le nombre de personnes opérées pour chirurgie bariatrique a été multiplié par 2,7 entre 2008 (N=16 791) et 2014 (N=45 474) et le taux de recours à la chirurgie bariatrique est passé de 2,63 à 6,91 pour 10 000 personnes résidant en France métropolitaine et dans les DROM.

Caractéristiques sociodémographiques et anthropométriques des patients opérés

La chirurgie bariatrique était majoritairement pratiquée chez les femmes (84,6% en 2008 ; 82,1% en 2014). Les femmes étaient opérées plus jeunes que les hommes (en 2014, à 40,1±11,9 ans pour les femmes vs 42,6±11,8 ans pour les hommes ; p<0,0001) (tableau 1). Entre 2008 et 2014, on observait une inversion de la classe d’âge majoritaire des patients opérés (classe des 30-39 ans en 2008 vs 40-49 ans en 2014) et une augmentation de la prévalence du recours à la chirurgie bariatrique dans toutes les classes d’âge à partir de 40 ans (figure 1). En 2014, parmi les hommes ayant eu une chirurgie bariatrique, 60,6% avaient plus de 40 ans contre 50,5% des femmes (p<0,0001). Cette distribution de l’âge selon le sexe était comparable à celle observée en 2008 (figure 1). Parmi les personnes opérées en 2014, 65,6% étaient atteintes d’obésité morbide, dont 9,9% avec une super-obésité. Les femmes étaient opérées à un IMC plus bas que les hommes : 33,3% des femmes opérées avaient un IMC inférieur à 40 kg/m2 vs 25,4% des hommes (p<0,0001) (tableau 1).

Tableau 1 : Caractéristiques des personnes opérées de chirurgie bariatrique selon le sexe, France métropolitaine et départements et régions d’Outre-mer, 2008 (N=16 791) et 2014 (N=45 474)
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Figure 1 : Taux de recours à la chirurgie bariatrique par classe d’âge et par sexe, en France métropolitaine et dans les départements et régions d’Outre-mer, 2008 (N=16 791) et 2014 (N=45 474)
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Types d’actes de chirurgie bariatrique

Parmi les 45 474 personnes opérées de chirurgie bariatrique en 2014, 60,6% ont bénéficié d’une SG. Entre 2008 et 2014, le taux de recours à l’AGA a été divisé par 6 (55,1% en 2008 vs 9,2% en 2014) au profit de la SG, au taux multiplié par 3,6 (16,9% en 2008 vs 60,6% en 2014) (tableau 2). Les hommes avaient plus souvent recours à la SG (en 2014, 63,9% vs 59,9% des femmes ; p<0,0001).

La moyenne d’âge des patients variait significativement avec la technique utilisée. Les patients ayant bénéficié d’un AGA étaient plus jeunes (en 2014, AGA : 36,7± 12,1 ans ; SG : 40,2±11,9 ans ; BPG : 42,3±11,4 ans ; p<0,0001). Parmi les personnes atteintes d’obésité morbide, 11,6% ont bénéficié de la pose d’un AGA en 2014. La SG était la technique majoritairement utilisée en 2014 quelle que soit la classe d’IMC. Plus l’IMC était élevé, plus le recours à la SG et au BPG augmentait. La cœlioscopie était la principale voie d’abord pour l’ensemble des actes : 99,6% pour l’AGA (99,4% en 2008), 97,8% pour le BPG (94,8% en 2008), 99,2% pour la SG (89,4% en 2008).

Tableau 2 : Types d’actes de chirurgie bariatrique selon le sexe, l’âge et l’IMC, France métropolitaine et départements et régions d’Outre-mer, 2008 (N=16 791) et 2014 (N=45 474)
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Au niveau régional

Recours à la chirurgie bariatrique

L’analyse des taux standardisés de recours à la chirurgie bariatrique par région montrait une variabilité géographique importante (figure 2 et tableau 3). En 2014, le taux standardisé d’interventions de chirurgie bariatrique variait d’un facteur 1 à 6 selon les régions. Les taux les plus élevés étaient retrouvés dans les régions du Sud de la France (9,1 pour 10 000 en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 9,2 pour 10 000 en Languedoc-Roussillon), en Bourgogne (12,5 pour 10 000), dans le Limousin (9,0 pour 10 000), dans les régions du Nord (9,0 pour 10 000 dans le Nord-Pas de Calais, 10,0 en Haute-Normandie, 8,7 en Picardie), en Île-de-France (7,7 pour 10 000) et en Corse (13,7 pour 10 000). Les taux les moins élevés étaient relevés dans les DROM (2,5 pour 10 000), l’Auvergne (2,4 pour 10 000) et les Pays de la Loire (3,0 pour 10 000). Ces disparités régionales reflétaient en partie les disparités de prévalence régionale de l’obésité observées dans l’enquête ObÉpi 2012 (figure 2).

Figure 2 : Taux standardisé d’interventions pour chirurgie bariatrique en France métropolitaine et dans les départements et régions d’Outre-mer en 2014 et prévalence de l’obésité en France métropolitaine en 2012 (Enquête ObÉpi [1])
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Tableau 3 : Caractéristiques sociodémographiques des patients opérés de chirurgie bariatrique en 2014, taux et évolution du recours à la chirurgie bariatrique entre 2008 et 2014, France métropolitaine et DROM, selon les régions
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Les taux d’interventions étaient supérieurs à la moyenne nationale dans certaines régions (Bourgogne et Provence-Alpes-Côte d’Azur) sans corrélation avec la prévalence de l’obésité. En Auvergne, la prévalence de l’obésité était proche de la moyenne nationale (15,0%) avec des taux d’interventions trois fois inférieurs.

Les plus fortes augmentations d’interventions pour chirurgie bariatrique entre 2008 et 2014 étaient retrouvées dans certaines régions du Nord et de l’Est de la France (Haute-Normandie +4,15%, Picardie +2,51% et Lorraine +3,43%) en lien avec la prévalence élevée de l’obésité, mais aussi en Bourgogne (+2,99%) et en Bretagne (+3,66%) où la prévalence de l’obésité était inférieure à la moyenne nationale. La majorité des patients opérés étaient des femmes (de 78,3% en Languedoc-Roussillon à 90,9% dans les DROM ; tableau 3).

Types d’actes de chirurgie bariatrique

Le recours aux différents types de techniques chirurgicales était variable au niveau régional. (figure 3). En Rhône-Alpes, le taux de recours à l’AGA était de 32,3%, soit un taux 3,5 fois supérieur à la moyenne nationale, au détriment de la SG (39,2% vs 60,6% en France entière). En Champagne-Ardenne, les taux de recours à l’AGA (22,8% vs 9,2% en France entière) étaient 2,5 fois plus élevés que la moyenne nationale au détriment du BPG (10,4% vs 30,0% en France entière). Les taux de recours au BPG étaient élevés en Bretagne (64,8% vs 30,0% en France entière), dans les Pays de la Loire (46,5%), en Midi-Pyrénées (52,5%), en Lorraine (50,7%) et en Alsace (66,1%). Enfin, les taux de recours à la SG étaient élevés en Picardie (90,3%), en Languedoc-Roussillon (81,6%), en Franche-Comté (79,9%), en Haute-Normandie (78,1%), dans les DROM (86,3%) et en Corse (82,7%), pour une moyenne nationale de 60,6%.

Figure 3 : Recours aux différentes techniques de chirurgie bariatrique en France métropolitaine et dans les départements et régions d’outre-mer selon les régions en 2014
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Discussion

Recours à la chirurgie bariatrique

Entre 2008 et 2014, le taux de recours à la chirurgie bariatrique a été multiplié par 2,6 en France métropolitaine et dans les DROM. La variabilité importante des taux de recours à la chirurgie bariatrique par région n’était pas toujours en corrélation avec la prévalence de l’obésité. Par conséquent, l’évolution de la prévalence de l’obésité n’est pas la principale explication à l’augmentation du recours à la chirurgie bariatrique.

Entre 2005 et 2011, le nombre d’établissements publics et privés pratiquant la chirurgie bariatrique a considérablement augmenté. Cependant, 12% des établissements étaient responsables de 50% des actes de chirurgie bariatrique 13. Les chirurgiens plus nombreux à proposer cette intervention et le meilleur recul sur la chirurgie bariatrique, ainsi que la demande croissante des patients, pourraient expliquer en partie cette augmentation. La voie coelioscopique, qui est associée à une baisse de la morbi-mortalité, a aussi probablement contribué à l’augmentation de la demande d’interventions 15,16.

Caractéristiques des patients opérés

La majorité des patients opérés étaient des femmes, prédominance féminine observée dès les débuts de la chirurgie bariatrique 17. Les femmes étaient opérées à un âge plus jeune et un IMC plus bas que les hommes, avec une prévalence élevée de patientes opérées à un IMC inférieur à 40 kg/m2. Selon un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), la socialisation différenciée selon le sexe contribue à une plus grande sensibilité des femmes à leur santé. Les femmes adoptent ainsi des comportements plus favorables à leur santé. Elles sont également plus insatisfaites de leur image corporelle que les hommes. Enfin, le rôle des femmes en tant que gestionnaires de la santé du groupe familial pourrait contribuer à leur proximité avec le système de santé et expliquer leur plus fréquent recours aux soins 18,19.

Types d’actes de chirurgie bariatrique

Le recours aux techniques chirurgicales a évolué entre 2008 et 2014, avec une diminution de la pose d’AGA au profit de la SG, technique irréversible. Cette évolution pourrait s’expliquer par les complications et les échecs thérapeutiques rencontrés à moyen terme avec l’AGA. En effet, selon les récentes publications internationales, la SG et le BPG sont associés à une amélioration ou rémission à long terme de certaines comorbidités, en particulier du diabète, et à une augmentation de la survie 5 et de la qualité de vie 4. La place de l’AGA pour les patients atteints d’une super-obésité est encore plus discutée 20. En 2014, en France, la SG était la technique majoritairement pratiquée, suivie par le BPG et l’AGA. Les patients ayant bénéficié de la pose d’un AGA étaient significativement plus jeunes avec un IMC plus bas. Entre 2008 et 2014, le choix de la technique était significativement lié à l’IMC initial, avec un recours aux techniques irréversibles (SG et BPG) qui augmentait avec l’IMC au niveau national. Ce lien n’avait pas été retrouvé en 2002 et 2003 21. La répartition des techniques chirurgicales était très inégale sur le territoire français 22, s’expliquant par l’absence de référentiels concernant le choix de la technique.

Ces résultats amènent à s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre afin d’affiner les indications de la chirurgie bariatrique et assurer un suivi à long terme des patients opérés. En effet, dans la phase préopératoire, en 2016, 70% des patients ont bénéficié d’un bilan des comorbidités, d’un examen endoscopique adapté et d’une évaluation psychiatrique 23. Afin d’assurer un suivi post-opératoire optimal, la Haute Autorité de santé recommande depuis 2009 la programmation des différentes consultations du suivi post-opératoire du patient dans le cadre d’un suivi régulier tout au long de sa vie, une prescription d’une supplémentation en vitamines, minéraux et oligoéléments après une chirurgie malabsorptive et une prise en charge éducative du patient sur le plan nutritionnel, diététique et de l’activité physique 9. Selon une enquête nationale menée en 2007, 12% des patients n’étaient plus suivis 1 an après leur chirurgie, cette prévalence augmentant à 18% la seconde année 21. Ces résultats sont en accord avec une enquête de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés menée entre décembre 2002 et janvier 2003 et une étude de cohorte menée en 2009 avec un suivi de 5 ans post-chirurgie bariatrique, indiquant que le suivi postopératoire des patients était insuffisant 9,24.

Limites

Les données du PMSI ont permis de faire cet état des lieux de la chirurgie bariatrique. Ce système d’information présente cependant certaines limites. La qualité des données du PMSI dépend du codage effectué par les cliniciens. Un code spécifique de la classe d’IMC>50 n’existant pas en 2008, l’estimation de la prévalence de la super-obésité parmi les patients opérés en 2008 n’a donc pas été possible.

Conclusion

Sur la période d’étude, le recours à la chirurgie bariatrique a fortement augmenté et les techniques chirurgicales pratiquées ont connu des changements importants, avec une progression nette de la SG. Les disparités régionales concernant les techniques chirurgicales pratiquées amènent à s’interroger sur l’intérêt de l’élaboration d’un consensus sur le choix du traitement.

Références

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Citer cet article

Hazart J, Lahaye C, Farigon N, Vidal P, Slim K, Boirie Y. Évolution du recours à la chirurgie bariatrique en France entre 2008 et 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(5):84-92. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/5/2018_5_3.html