Les pathologies liées au tabac chez les femmes : une situation préoccupante
// Smoking-related diseases in women: An alarming situation
Dans les années 1950, fumer chez les femmes était rare. Puis, au début des années 1970, la prévalence du tabagisme féminin a augmenté. En 2017, elle se rapprochait de celle observée chez les hommes : 24% des femmes de 15 à 75 ans fumaient quotidiennement pour 30% des hommes. Et, alors qu’il a été constaté en France entre 2016 et 2017 une chute très importante du tabagisme quotidien avec un million de fumeurs en moins, cette baisse n’a pas été homogène. En particulier, le tabagisme n’a pas diminué chez les femmes de 45-54 ans, à la différence de toutes les autres tranches d’âge.
Au moment où débute la 3e édition de Mois sans tabac, il a paru nécessaire de faire un focus sur le tabagisme féminin en analysant d’une part les consommations de tabac pendant la grossesse et, d’autre part, l’impact du tabagisme sur la santé des femmes.
La connaissance de l’impact du tabagisme sur la grossesse et sur l’enfant à naître amène la moitié des femmes enceintes qui fument à arrêter (V. Demiguel et coll.). Ainsi, la prévalence du tabagisme pendant le troisième trimestre de la grossesse est estimée à 16% (30% avant grossesse). Chez celles qui persistent à fumer, il est observé une réduction franche de la consommation de cigarettes. La prise de conscience du danger du tabagisme est donc réelle. Toutefois, trop de femmes enceintes fument encore. L’étude menée permet de mieux cerner leur profil : les facteurs associés au risque de fumer sont essentiellement un plus faible niveau d’études ou des revenus plus bas, et l’âge (>30 ans). Réduire l’entrée dans le tabagisme des jeunes et soutenir les femmes enceintes qui fument dans leur tentative d’arrêt restent des priorités, en portant attention à la question des inégalités sociales de santé.
Par ailleurs et sans surprise, l’augmentation du tabagisme féminin s’est traduite par une augmentation de la morbi-mortalité liée au tabac (V. Olié et coll.). Entre 2002 et 2015, l’incidence du cancer du poumon a augmenté de 72% chez les femmes, celle des hospitalisations pour bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) a doublé, et celle des infarctus du myocarde avant 65 ans a augmenté de 50%. Enfin, le nombre de décès attribuables au tabagisme a été multiplié par deux sur la même période. Les femmes de 45-64 ans sont les plus impactées. De telles augmentations observées sur une période de 15 ans doivent être considérées comme un signal d’alarme.
La dénormalisation du tabagisme et l’accompagnement des fumeurs vers l’arrêt de toute consommation de tabac sont donc cruciaux. Faut-il pour autant une communication spécifique en direction des femmes ? Si on peut répondre par l’affirmative pour les femmes enceintes, il ne semble pas nécessaire de faire une distinction hommes/femmes dans le dispositif grand public visant à inciter les fumeurs à s’arrêter ; en revanche, l’accompagnement vers l’arrêt porté par Tabac-Info-Service et les professionnels de santé pourrait comporter des spécificités, dont les contours restent à mieux définir à l’avenir grâce aux travaux de la recherche et aux expertises cliniques de terrain.
Enfin, l’article de M-C. Delmas et coll. sur la BPCO souligne le faible niveau de connaissance de cette maladie dans la population (20%), ainsi que de ses liens avec le tabagisme : moins d’un tiers des personnes qui connaissent la BPCO identifient le tabac comme sa cause principale. Mieux faire connaître la BPCO et ses symptômes pourrait permettre une meilleure prise en charge et servir comme un nouveau levier de la lutte contre le tabagisme.
Retenons de l’ensemble des données présentées dans ce BEH que, chez les femmes, la dynamique de l’évolution récente des pathologies liées au tabac est préoccupante. Ce numéro contribuera, sans nul doute, à étayer les stratégies d’information sur les risques du tabagisme féminin et à faire prendre conscience des dangers du tabagisme. J’espère que la 3e édition du Mois sans tabac permettra de poursuivre la dynamique observée depuis un an d’une diminution très nette du tabagisme dans notre pays.