Étude psychosociale sur les freins et leviers à la vaccination en contexte d’épidémie d’infections invasives à méningocoque B, Beaujolais (Rhône), 2016
// Psychosocial study on the incentives and obstacles for vaccination in the context of an outbreak of serogroup B invasive meningococcal diseases, Beaujolais (Rhône, France), 2016
Résumé
Lors de la campagne de vaccination contre les infections invasives à méningocoques B ayant eu lieu dans le Beaujolais en 2016, l’Agence régionale de santé a commandité une étude psychosociale pour mieux comprendre les freins et leviers à la vaccination.
Une méthodologie en trois volets a été mise en œuvre : étude par questionnaire auprès des parents, étude par entretien auprès des professionnels impliqués, analyse des outils de communication au regard du cadre théorique et des résultats de l’étude.
Le fait de percevoir le risque d’être infecté et la perception de l’efficacité du vaccin Bexsero® ont été déterminants dans la décision de vaccination. Les communications sur la campagne auraient gagné à être mieux ciblées sur ces éléments. De plus, une information plus en amont des professionnels et un retour sur la campagne plus régulier auraient pu favoriser un rôle de relais plus efficace des professionnels.
Abstract
During the vaccination campaign against invasive meningococcal B infections that took place in Beaujolais in 2016, the Regional Health Agency commissioned a psychosocial study to better understand the incentives and obstacles for vaccination.
A three-pronged methodology was implemented: survey with parents, study through interviews with health professionals involved, analysis of communication tools related to the theoretical model and the results of the study.
Perceived vulnerability (the perception of the risk of being infected) and perceived efficacy of the Bexsero® vaccine mainly determined the decision to vaccinate. Communication on the campaign would have benefitted from focusing on these elements. Moreover, earlier communication from health professionals and a more regular feedback on the campaign could have improved the effectiveness of the role of health professionals.
Introduction
Une campagne de vaccination par le vaccin Bexsero® contre les infections invasives à méningocoque B (désignées dans cet article par IIM) a eu lieu dans 12 communes du département du Rhône d’avril à juin 2016 (voir les articles d’A. Thabuis et coll. et D. Dejour Salamanca et coll. dans ce même numéro). Dans ce contexte d’alerte sanitaire, l’Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes (ARS) a commandité une étude visant à mieux comprendre :
–les déterminants psychosociaux de l’adhésion à la vaccination des familles concernées ;
–le rôle des professionnels de santé (libéraux et hospitaliers) et des institutions (établissement scolaires, mairies, PMI) dans le processus d’adhésion ou de méfiance.
Suite à cette étude, il était attendu une analyse plus large des choix stratégiques, organisationnels et du dispositif de communication de l’ARS, ainsi que de leur capacité à mobiliser les familles et les faire adhérer à la vaccination.
Méthodes
Approche théorique de l’étude psychosociale
Issue de recherches développées depuis les années 1940, la psychologie sociale propose d’étudier comment les perceptions, décisions et comportements des individus (ici, la vaccination) sont influencés par des facteurs contextuels liés aux modes/contenus de communication, aux interactions sociales et aux situations proposées (ici, la campagne de vaccination).
Plus spécifiquement, la vaccination, seul traitement recommandé et prescrit à des personnes en bonne santé, pose des enjeux spécifiques d’acceptabilité et de balance bénéfices-risques.
Selon K. Witte 1,2 un message de santé déclenche chez l’individu deux processus (figure) :
1. l’évaluation de la menace : c’est la perception qu’a un individu de sa propre vulnérabilité à la menace et de la gravité de la menace ;
2. l’évaluation de l’efficacité du comportement préconisé : c’est la perception de l’efficacité de la réponse fournie concernant la baisse ou l’élimination de la menace (efficacité de la réponse) et les capacités de l’individu de la suivre efficacement (auto-efficacité).
Si la menace (infection, maladie) perçue est plus élevée que l’efficacité perçue de la réponse (vaccin), cela conduit à l’activation d’une motivation à la défense, en déclenchant un mécanisme de contrôle de la peur : l’individu va rejeter le message pour diminuer sa propre peur.
Si l’efficacité perçue de la réponse est supérieure à la menace perçue, cela conduit à l’activation d’une motivation à la protection en déclenchant le mécanisme de contrôle du danger destiné à initier, soutenir et diriger l’action. L’individu accepte le message et se met en action pour se faire vacciner (ou vacciner son enfant).
L’individu évalue d’abord la menace présentée, comme s’il répondait à ces questions :
1. vulnérabilité : est-il probable que mon enfant attrape cette maladie ?
2. gravité : à quel point sera-t-il malade/va-t-il souffrir ?
S’il estime la menace crédible, il passera à la deuxième étape, l’évaluation de l’efficacité des comportements recommandés (réponse à la menace) :
1. efficacité de la réponse : est-ce que ce vaccin est vraiment efficace ?
2. auto-efficacité : est-ce que ça vaut le coup que l’on se déplace, qu’il se fasse piquer, etc. pour cela ? Si oui, en suis-je capable ?
Ainsi, il existe un besoin de se représenter la situation (situation de transmission de la maladie dans mon quotidien) et de se représenter l’impact de la vaccination (ce vaccin va vraiment protéger mon enfant, protéger le territoire), pour pouvoir lui donner du sens.
Ce modèle a servi de base pour construire le questionnaire à destination de la population, car c’est un modèle qui a fait ses preuves à plusieurs reprises avec des effets pour chacune des dimensions (coefficients de corrélation situés entre 0,30 et 0,36 sur l’intention de se faire vacciner) 2. Il découle du modèle de la motivation à la protection 3. Ces dimensions psychosociales se retrouvent dans d’autres métaanalyses, où elles sont citées comme faisant partie des premières raisons de vaccination ou de nonvaccination en complément des conseils apportés par les professionnels de santé 4.
En complément, ce modèle est étayé par d’autres modèles de prise de décision, tels que la théorie de l’action planifiée 5 où l’on retrouve la dimension de l’auto-efficacité et à laquelle s’ajoute l’influence des normes sociales (ce que je pense que la majorité des gens fait et ce que je pense qu’il est bon de faire) et de l’attitude envers le comportement, elles-mêmes influencées par des facteurs environnementaux (médias, groupes d’appartenance, rapport avec le corps médical, etc.). L’attitude comporte une dimension affective, liée aux émotions ressenties, une dimension cognitive, liée aux pensées et aux apprentissages générés par la situation et une dimension conative, liée aux comportements que la situation pousse à réaliser (rechercher des informations, en parler autour de soi) 6. Également, le modèle transthéorique du changement 7 et les expérimentations basées sur ce dernier 8, démontrent qu’il est essentiel d’attester de l’importance de ce choix et de reconnaitre sa valeur sociale (remerciement, retour sur la campagne, etc.).
Enfin, depuis plusieurs années, la psychologie sociale a démontré l’influence du type de motivation 9 (soit l’individu cherche à éviter des situations néfastes, soit il cherche à améliorer sa situation ou à maintenir une situation bénéfique) sur les comportements. Elle a également démontré l’influence de la cohérence entre le type de message (évitement ou amélioration) et le type de comportement sollicité (prévention ou soin) 10.
Étude auprès de la population
Population cible et recueil de données
L’étude a cherché à recueillir l’avis des parents d’enfants de moins de 18 ans vivant dans l’une des 12 communes concernées par la campagne de vaccination. Aucune base de données de cette population cible n’étant disponible, les écoles ont été sollicitées pour transmettre le questionnaire en ligne aux parents. Les enquêteurs se sont rendus dans les différentes communes pour rencontrer directement la population (dans les cafés, les commerces, sur les places publiques) et des personnes ont été contactées par téléphone au hasard, en utilisant l’annuaire.
Cette étude a été réalisée 7 à 10 mois après l’annonce officielle de la campagne en avril 2016.
Indicateurs
Différents items ont été créés afin de mesurer les dimensions psychosociales du modèle de Witte dans la décision vaccinale 1.
Vulnérabilité :
En avril 2016 et dans les mois qui ont suivi :
–j’ai pensé que mon enfant était personnellement concerné par les questions liées aux IIM : de 1=totalement en désaccord à 6=totalement en accord ;
–le fait que mon enfant attrape une IIM m’a paru : de 1=totalement improbable à 6=totalement probable ;
–j’ai pensé que mon enfant était capable d’éviter les IIM : de 1=totalement en désaccord à 6=totalement en accord.
Gravité :
–les IIM peuvent être mortelles : de 1=totalement en désaccord à 6=totalement en accord ;
–les conséquences pour la santé des IIM sont très graves : de 1=totalement en désaccord à 6=totalement en accord ;
–les conséquences pour la santé des IIM sont réversibles : de 1=totalement en désaccord à 6=totalement en accord.
Efficacité de la réponse :
–le vaccin Bexsero® est efficace contre la souche de méningocoque B qui a circulé dans mon secteur : de 1=totalement en désaccord à 6=totalement en accord ;
–si l’on pèse le pour et le contre, les avantages du vaccin Bexsero® sont supérieurs aux inconvénients : de 1=totalement en désaccord à 6=totalement en accord ;
–si je fais vacciner mon enfant contre la souche de méningocoque B, le risque qu’il attrape une IIM est : de 1=presque nul à 6=très important.
Auto-efficacité :
–pour moi, faire vacciner mon enfant contre le méningocoque B durant cette campagne de vaccination était facile : de 1=totalement en désaccord à 6=totalement en accord ;
–si vous l’aviez voulu, étiez-vous convaincu de pouvoir vous faire vacciner contre le méningocoque B durant cette campagne de vaccination : de 1=totalement en désaccord à 6=totalement en accord.
D’autres dimensions psychosociales ont été questionnées :
–l’attitude affective envers la campagne : De façon générale, avez-vous aimé la campagne de vaccination contre le méningocoque B menée depuis avril 2016 ?,
–l’attitude cognitive : De façon générale, les informations lues ou entendues sur la campagne de vaccination contre le méningocoque B menée depuis
avril 2016 : sont claires, faciles à comprendre ; m’ont angoissé ; m’ont apporté des connaissances nouvelles (de 1=non, pas du tout, à 4=oui,
tout à fait),
–l’attitude conative : la campagne de vaccination contre le méningocoque B m’a poussé à chercher des informations supplémentaires : sur les IIM ; sur les vaccins contre le méningocoque B (oui/non) ; la campagne de vaccination contre le méningocoque B m’a poussé à faire vacciner mon enfant contre le méningocoque B (de 1=totalement en désaccord à 6=totalement en accord).
D’autres éléments de perception (pertinence des lieux de vaccination et des moyens, notés de 0 à 10) ont également été questionnés afin d’avoir une vision globale de l’état d’esprit des personnes concernant la campagne.
La confiance envers les différentes sources d’information et le rapport à la vaccination ont aussi été interrogés, car ils influencent la décision de vaccination.
Enfin, différentes questions de mémorisation des informations reçues ont été intégrées, ainsi que des questions sur les canaux de réception de l’information et la rencontre de professionnels.
Étude auprès des professionnels
Le guide d’entretien nous a permis de retracer les différents événements de la campagne de vaccination et le vécu associé pour les professionnels. La grille était composée des dimensions suivantes avec des objectifs spécifiques :
–la perception de l’organisation et des informations reçues ;
–la perception des rôles ;
–les pratiques professionnelles et l’identification de changements durant la campagne ;
–les préconisations des professionnels.
Analyse de la communication de l’ARS
Tous les supports de communication de l’ARS (courriels, affiches, flyers, lettres d’information, spot radio) ont été relus et analysés au regard du cadre théorique psychosocial et des résultats de l’étude terrain.
Analyses statistiques
Les tests statistiques ont été réalisés à l’aide du logiciel SPSS®. Des comparaisons de moyennes ont été réalisées à l’aide du test de Student pour les items suivants : note (de 0 à 10) ; de totalement en désaccord à totalement en accord (de 1 à 6) ; de pas du tout d’accord/ probable/ fragile/ pertinent/ adéquat, à tout à fait d’accord/ probable/ fragile/ pertinent/ adéquat (de 1 à 4).
Des Chi2 d’indépendance ont été réalisés sur les variables catégorielles.
Si p<0,05 la différence est significative, si p<0,10 la différence est tendanciellement significative.
Les entretiens auprès des professionnels ont été analysés par une analyse thématique d’abord verticale par entretien puis transversale 11.
Résultats
Auprès de la population
Au final, 112 parents ont répondu au questionnaire ; 79 réponses étaient exploitables, dont 29 parents n’ayant pas fait vacciner leur enfant (réponse négative à la question Avez-vous fait vacciner vos enfants, désignés comme les non-vaccinés) et 50 parents ayant fait vacciner leur enfant (désignés comme les vaccinés).
Caractéristiques des groupes
Les répondants étaient essentiellement des femmes (93%), d’âge moyen 38 ans, avec deux enfants de moins de 18 ans et vivant en couple. Il s’agissait majoritairement de personnes actives, diplômées de l’enseignement supérieur et dont les revenus du foyer se situaient entre 3 000 et 4 500 euros.
La tranche d’âge d’enfants la plus représentée était les 3-11 ans. En moyenne, les parents évaluaient la santé subjective des enfants comme peu fragile (moyenne : M=3,42 sur 4, n=57).
Les parents étaient assez globalement favorables à la vaccination, les vaccinés étant tendanciellement plus favorables (M=3,11 sur 4, n=36 ; p=0,07) que les non-vaccinés (M=2,81 sur 4, n=21).
Les parents faisaient le plus confiance aux médecins, à l’ARS (davantage chez les vaccinés) et aux pharmaciens pour ce qui est de l’information donnée sur la campagne de vaccination.
Canaux et sentiment d’exposition à la campagne
La lettre est le canal de communication qui a été le plus utilisé. L’article de presse a été lu dans une moindre mesure. Moins de la moitié des parents interrogés sont allés à la réunion d’information et ont lu l’affiche. Enfin, le spot radio ont été peu écouté (tableau 1).
Le sentiment d’avoir entendu parler de la vaccination contre le méningocoque B était significativement plus élevé chez les non-vaccinés (M=3,76 sur 4, n=29 ; p=0,001) que chez les vaccinés (M=3,04 sur 4, n=50). On retrouve ces mêmes résultats sur le sentiment d’avoir été suffisamment informé concernant les IIM et sur la vaccination.
Perception de la campagne de vaccination
Attitudes
Les deux groupes ont déclaré avoir aimé la campagne (M=3,24 sur 4, n=61). Elle a été perçue comme plus angoissante par les vaccinés (M=2,85 sur 4 vs M=2,23 sur 4 ; p=0,015).
La campagne a été jugée comme apportant moyennement des informations nouvelles (M=2,85 sur 4, n=61), mais celles-ci étaient évaluées comme claires et faciles à comprendre par les deux groupes (M=2,85 à 3,53 sur 4, n=61). Pour la moitié de l’échantillon, elle a poussé à chercher des informations supplémentaires et 93,5% d’entre eux déclaraient avoir parlé de cette campagne en famille ou avec des amis.
Efficacité perçue des actions et pertinence perçue des lieux de vaccination
Il y a une bonne perception de l’efficacité des actions déployées durant cette campagne avec des moyennes qui oscillent entre 6,1 et 8,85 sur 11 (tableau 2).
L’action jugée la plus efficace est l’organisation de séances de vaccination dans des salles communales ou polyvalentes. L’action jugée la moins efficace est l’affichage des informations dans les mairies.
Les différences notables entre les deux échantillons résident dans le fait que les parents n’ayant pas fait vacciner leur enfant jugent le fait de recevoir des informations par courrier postal significativement moins efficace (M=6,43 ; p=0,05) que les parents ayant fait vacciner leur enfant (M=7,95), à l’inverse de la diffusion des annonces à la radio.
Par ailleurs, aucun lieu cité n’est déclaré non pertinent. Les moyennes oscillent entre 6,5 à 10,5. Les lieux venant en tête sont : chez les médecins généralistes, le centre départemental d’hygiène sociale, les écoles.
Rencontre et relais des professionnels
Les parents interrogés ont, durant la campagne de vaccination, rencontré majoritairement : des médecins (78%) et des pharmaciens (73%), des professionnels de l’école pour un peu plus de la moitié (56%) ainsi que, dans une moindre mesure, des professionnels de PMI (20%).
Les médecins ont évoqué plus d’une fois sur deux (54%, n=35) la campagne de vaccination et moins d’un pharmacien sur dix (6%) l’a fait. Quand ils abordaient le sujet, ils recommandaient la vaccination.
Déterminants de la décision de vaccination
Les dimensions de l’auto-efficacité et de la gravité sont satisfaisantes, avec des moyennes qui oscillent entre 4,49 et 5,95 sur 6 (n=59).
Au niveau de la vulnérabilité, les vaccinés estimaient tendanciellement davantage que leurs enfants étaient plus vulnérables aux IIM (M=4,65 sur 6 ; p=0,07) que les non-vaccinés (M=3,95).
Concernant l’efficacité du vaccin, les vaccinés estimaient, significativement plus souvent que les non-vaccinés, que le vaccin Bexsero® était efficace (M=5,37, p=0,01) et que les avantages du vaccin Bexsero® étaient supérieurs aux inconvénients (M=5,22, p=0.,1) (M=4,37 et M=4,05).
Auprès des professionnels
27 entretiens en face-à-face ont été réalisés auprès de 28 professionnels (tableau 3).
Les professionnels interrogés ont montré une certaine ambivalence vis-à-vis de la campagne. En effet, bien que l’expérience ait été vécue comme humainement enrichissante, le fait qu’ils n’aient pas été informés préalablement à la population a eu un impact négatif sur leur vécu et sur le rôle de relais encore plus important qu’ils auraient pu jouer. Notamment, le périmètre de la zone épidémique a été mal compris par la population du fait d’un décalage entre le vécu du territoire et le ciblage par les décisionnaires 12 : les professionnels n’ayant pas été informés en amont, voire ayant reçu l’information à la même réunion que les parents, ont également été « surpris de la façon dont on avait déterminé le périmètre », et il leur était difficile de l’expliquer à la population.
Par ailleurs, il a été exprimé un besoin général d’avoir un retour sur la campagne pour ne pas avoir le sentiment « d’être perçus comme des pions ».
Discussion
La représentativité de l’échantillon interrogé au cours de cette étude n’a pas pu être vérifiée et l’extrapolation des résultats obtenus à l’ensemble de la population ciblée n’est pas pertinente. Étant donné qu’en psychologie sociale il est admis que le vécu (pensées, émotions, comportements) se structure par rapport à un contexte social donné, nous considérons que nous pouvons tirer certaines conclusions de cette étude et proposer des améliorations.
Les deux groupes de population (vaccinés/non vaccinés) ne présentent ni des caractéristiques sociodémographiques, ni une confiance envers les différentes sources d’information qui pourraient expliquer le non-recours à la vaccination dans ce contexte d’épidémie.
La forte confiance des parents envers les médecins est cohérente avec d’autres études 13. En revanche, la confiance en l’ARS diffère d’autres études où les Français accordent le plus souvent une confiance bien moindre que leurs voisins européens envers les autorités 13.
Ceci s’explique probablement par la bonne perception, pour les vaccinés, des actions mises en place, par la venue de l’ARS sur le terrain: (« rencontre avec des médecins de l’ARS, bonne organisation, très bon accueil dans les centres de vaccinations par les réservistes ») et, de manière plus générale, par le caractère régional de l’institution qui créé une distance psychologique 14 moindre que dans le cas d’une institution étatique. On remarque ici l’effet du principe de proximité au cœur des mécanismes de création de confiance 13.
Les résultats sur les canaux de communication montrent que les non-vaccinés ont été touchés autant que les vaccinés. Les lieux de vaccination et les actions déployées ont été jugés pertinents par les deux groupes, à quelques exceptions près. Ainsi, on peut faire l’hypothèse que le fait qu’une grande partie de la population n’ait pas fait vacciner son enfant n’est pas lié aux actions en elles-mêmes, mais à la manière de communiquer dessus. Par exemple, le taux de participation aux réunions d’information est moyen. Or, le sentiment d’information est quant à lui satisfaisant, avec les non-vaccinés se sentant plus informés sur les IIM et la vaccination que les vaccinés. On peut donc supposer que le discours de l’ARS et des professionnels du territoire a été perçu par les non-vaccinés comme étant un discours habituel sur la vaccination et qu’ils n’ont donc pas perçu le risque particulier que représentait la situation d’épidémie. Ceci rejoint la différence dans le rapport à la vaccination où, malgré la campagne de vaccination, les non-vaccinés ont eu une attitude moins positive vis-à-vis de la vaccination. En effet, la perception de la vulnérabilité de son enfant vis-à-vis de la maladie et la perception de l’efficacité du vaccin sont des facteurs expliquant que les familles ont davantage adhéré à la campagne et fait vacciner leur enfant. La perception du risque lié au contexte d’épidémie a manqué aux non-vaccinés. Il est donc indispensable d’aider la population à bien se représenter la situation épidémique pour qu’elle soit motivée à faire vacciner son enfant. Ceci rejoint la différence relative au sentiment d’angoisse généré par la campagne, qui est légèrement plus élevé pour les vaccinés. Les réunions d’information pourraient être renommées « Réunions d’alerte » pour aider la population à mieux se rendre compte de l’état d’alerte dans lequel se trouvent les professionnels de santé.
Concernant le vaccin Bexsero®, il faut rappeler que c’est un vaccin peu connu, qui ne figure pas au calendrier vaccinal, ce qui a ajouté un frein supplémentaire dans cette campagne. Il est donc indispensable de rassurer la population en mettant en avant les utilisations réussies du vaccin proposé, sur la lettre d’information et dans les différents canaux de communication 12 : les premiers sujets contacts qui ont déjà été vaccinés par exemple.
À la lecture des documents de communication envoyés à la population, il est apparu qu’il n’y figurait pas de motivation donnée à la population. Étaient mis en avant « plusieurs cas » d’IIM (laissant un flou sur la situation), l’existence une campagne de vaccination et la possibilité de se faire vacciner. Il est probable qu’en invoquant clairement la protection de son enfant ou du territoire, et le rôle de la vaccination comme permettant d’endiguer l’épidémie, les communications auraient eu plus d’impact.
Outre une modification des communications envoyées à la population, le rôle des professionnels pourrait être mieux exploité en leur permettant d’être impliqués et informés en amont de la population. En effet, ils sont les relais les plus proches de la population mais ont moyennement abordé la vaccination auprès de celle-ci. Plus de détails concernant les préconisations sur l’organisation de la campagne figurent dans le rapport complet de l’étude 12.
Conclusion
Cette étude psychosociale a montré l’importance de la façon de présenter des messages 9. Bien qu’appuyée sur des connaissances scientifiques solides, le faible nombre de répondants limite la portée de ses résultats. Face aux difficultés à recruter la population, on peut suggérer que les personnes soient interrogées sur leur vécu immédiatement après la vaccination. Ceci permettrait de réajuster la campagne au fur et à mesure et de pouvoir transmettre à la population et aux professionnels des feedbacks réguliers sur son avancement. Il deviendrait ainsi plus facile de montrer et valoriser la vaccination : « je suis vacciné et je vais bien » « je suis vacciné et j’endigue l’épidémie », pouvant lever l’inquiétude de certaines familles et donc favoriser l’essaimage de la vaccination, durant cette campagne et de futures. Ainsi, la campagne de vaccination n’est pas une simple demande de vaccination, mais bien un effort collectif pour endiguer une épidémie sur un territoire. C’est de cet effort collectif qu’il faut prendre soin pour que la motivation soit présente tout au long et que les personnes vivent bien cette situation, qui peut être anxiogène et déclencher des réactions de rejet.