Impacts de la chaleur et du froid sur la mortalité totale en France entre 2000 et 2010

// Impact of heat and cold on total mortality in France between 2000 and 2010

Magali Corso (magali.corso@santepubliquefrance.fr), Mathilde Pascal, Vérène Wagner
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 27.09.2017 // Date of submission: 09.27.2017
Mots-clés : Température | Mortalité | Séries temporelles | Vague de chaleur | Vague de froid
Keywords: Temperature | Mortality | Times series | Heat wave | Cold spells

Résumé

Contexte –

Nous présentons une analyse des impacts de la chaleur et du froid sur la mortalité totale dans 18 zones de France métropolitaine entre 2000 et 2010.

Méthodes –

Des modèles non linéaires à retards distribués, liant percentiles de température et mortalité, ont été construits dans chaque zone, puis combinés par une méta-analyse. Ces modèles ont permis d’estimer le nombre de décès attribuables à la chaleur et au froid. Une méta-régression considérant des variables environnementales, démographiques et socioéconomiques a également été réalisée.

Résultats –

Les fortes chaleurs (> percentile 95) ont un effet marqué sur la mortalité, avec une augmentation immédiate et rapide. Le froid a un effet dès des températures douces (< percentile 25), avec une augmentation progressive et persistant jusqu’à 21 jours après l’exposition.

Sur l’ensemble des 18 zones étudiées entre 2000 et 2010, le froid a été responsable de 3,9% (IC95%: [3,2-4,6] de la mortalité (impact sur 0-21 jours) et la chaleur de 1,2% [1,1-1,2] (impact sur 0-3 jours).

Conclusions –

Ces résultats mettent en avant la forte non-linéarité de la relation entre température et mortalité, ainsi que la dissymétrie de réponse entre le froid et le chaud, qui doit être intégrée dans la construction de la prévention.

Abstract

Context –

We present an analysis of the impacts of heat and cold on the total mortality in 18 areas in France between 2000 and 2010.

Methods –

A distributed lag non-linear generalized model using a quasi-Poisson distribution and controlling for classical confounding factors was built in each zone. These models were used to estimate the number of deaths attributable to heat and cold. We conducted a meta-regression taking into account environmental, demographic and socioeconomic variables.

Results –

High temperatures (> percentiles 95) have a large impact on mortality, with an immediate and fast increase. Cold has an impact at moderate temperatures (< percentiles 25), with a progressive increase in mortality remaining up to 21 days after exposure.

Out of all the study areas between 2000 and 2010, 3.9% (95%CI: [3.2-4.6]) of the total mortality was attributed to cold (impact on 0-21 days) and 1.2% [1.1-1.2] to heat (impact on 0-3 days).

Conclusions –

These results highlight the strong non-linearity of the relationship between the temperature and mortality, as well as the asymmetry between cold and heat, which has to be taken onto account in terms of prevention.

Introduction

Si, en France, les effets sanitaires des vagues de chaleur, et particulièrement de celles de 2003 1 et 2006 2, sont bien décrits, il existe peu d’études quantifiant les effets de toute la gamme des températures sur la mortalité. La littérature montre une relation non-linéaire entre la température et la mortalité, y compris en dehors des épisodes de chaleur ou de froid extrêmes 3,4. En Espagne par exemple, il a été estimé que 40% des décès tous âges attribuables à la chaleur survenaient en dehors des vagues de chaleur 5.

De nombreuses études menées dans différents pays mettent en évidence que l’impact sanitaire de la température est très variable dans le temps et l’espace. Le contexte climatique local semble conditionner la capacité d’adaptation physiologique, culturelle et sociale à la chaleur et au froid 6,7.

L’effet de la température sur la mortalité est également susceptible d’évoluer relativement rapidement, en lien avec les mesures d’adaptation mise en place (par exemple le Plan national canicule), mais aussi avec l’évolution constatée des températures (changement climatique). Dans ce contexte, il est important d’acquérir des connaissances épidémiologiques prenant en compte la diversité des climats sur le sol français.

L’objectif de cette étude était d’étudier la relation entre la température et la mortalité totale et de réaliser une estimation comparée des impacts de la chaleur et du froid dans 18 zones métropolitaines françaises entre 2000 et 2010.

Méthodes

Période et zones d’études

L’étude a été menée, pour la période 2000-2010, sur 18 zones métropolitaines françaises sélectionnées selon des critères de taille (population suffisante pour assurer la puissance statistique adéquate), de disponibilité des données environnementales et de diversité climatique : Bordeaux, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Le Havre, Lens-Douai, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Paris, Rennes, Rouen, Strasbourg, Toulouse.

Données

Nous avons utilisé la température moyenne journalière (moyenne de la température minimale et de la température maximale) pour étudier la relation entre la température et la mortalité. Une recherche préalable dans la littérature avait en effet montré qu’il n’existe pas d’indicateur météorologique préférentiel pour étudier cette relation, ce qui a été confirmé par une analyse test sur Paris 8. Le type de climat et les données de températures moyennes journalières pour une station de référence de chaque zone ont été recueillis auprès de Météo France.

L’analyse a porté sur la mortalité totale, toutes les causes de décès étant susceptibles d’être impactées par la température. Les données de mortalité totale tous âges (codées selon la Classification internationale des maladies – 10e révision : A00-Y89) ont été obtenues auprès du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc-Inserm).

Les concentrations quotidiennes de PM10(1) et d’ozone ont été recueillies auprès des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) pour les stations urbaines (pour les PM10 et l’ozone) et péri-urbaines (pour l’ozone) des zones d’étude.

Pour chaque zone, la population totale et celle des personnes âgées de 75 ans et plus, ainsi que la densité de population ont été obtenues auprès de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour 1999, 2006 et 2010. La fraction des ménages non-imposables de 2004 a été extraite du site Internet de la Direction générale des impôts, et celle de 2006 et 2010 de l’Insee.

Analyses statistiques

La méthode statistique utilisée dans chaque zone pour étudier la relation température-mortalité est une analyse en séries temporelles qui s’appuie sur des modèles linéaires généralisés (avec une distribution quasi-poissonnienne de la mortalité pour ajuster une éventuelle sur-dispersion des données). Ces modèles prennent en compte les facteurs de confusion potentiels suivants : la tendance à long terme, les variations saisonnières, le jour de la semaine, les jours fériés et la pollution (PM10 et ozone). L’association avec la température est estimée à l’aide de termes nonlinéaires à retards distribués 9, ce qui permet de prendre en compte la non-linéarité dans la relation température-mortalité et les possibles effets retardés au cours du temps. La période des retards étudiée est fixée à 21 jours. L’association dans la dimension des températures est estimée à l’aide d’une B-spline quadratique avec trois nœuds internes placés aux percentiles 1, 60 et 99 de la distribution des températures. Le choix du nombre et de la position des nœuds a été fait à l’aide du critère d’Akaike. L’association dans la dimension des retards est prise en compte à l’aide d’une natural spline avec deux nœuds internes équidistants dans l’échelle log.

Dans chaque zone, les résultats peuvent ainsi s’analyser en décrivant la dynamique temporelle sur 21 jours de l’impact d’une température donnée. Des risques relatifs (RR) par retard ont été calculés pour différents percentiles. Ils sont présentés ici pour les percentiles différenciant le froid extrême du très grand et du grand froid (percentiles 0,1, 1 et 5) et les fortes chaleurs des très fortes chaleurs et des chaleurs extrêmes (percentiles 95, 99 et 99,9), en estimant l’augmentation du risque de décès à ces températures par rapport à une température médiane (percentile 50).

Une association cumulée a également été établie en cumulant les RR sur plusieurs retards. Les estimations spécifiques à chaque ville ont ensuite été combinées en utilisant un modèle à effet aléatoire selon la méthodologie décrite par Gasparrini et coll. 10,11.

Une méta-régression sur de possibles effets modificateurs a ensuite été effectuée pour rechercher des explications possibles des différences observées entre zones. Les effets modificateurs testés ont été sélectionnés à partir d’une revue de la littérature et représentent des caractéristiques de la population (densité de population, pourcentage de personnes âgées de 75 ans et plus), de la situation socioéconomique (pourcentage des ménages non-imposables) et de son environnement (température moyenne annuelle, type de climat, coordonnées géographiques). Ces effets ont été testés avec un test de Wald et l’hétérogénéité résiduelle a été mesurée par la statistique I2 de Higgings.

Une association température-mortalité recentrée a enfin été dérivée pour chaque zone 11,12. Cette méthode permet d’obtenir des associations robustes pour chaque ville, car établies à partir d’une méta-analyse, tout en prenant en compte les spécificités des zones d’études. Ces associations température-mortalité recentrées ont permis de déterminer, pour chaque zone, les percentiles de température pour lesquels la mortalité est minimale (ces résultats sont présentés dans le rapport d’étude 13), puis de calculer, selon la méthodologie développée par Gasparrini et coll. 14, les nombres de décès attribuables à la chaleur et au froid, correspondant respectivement aux températures supérieures au percentile de température pour lequel la mortalité est minimale et aux températures inférieures à ce percentile.

Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel R (version 3.0.1) en utilisant les packages dlnm et mvmeta.

Résultats

Analyses descriptives

Population

Les 18 zones d’étude rassemblent 15 596 239 habitants, dont 43% vivant dans la zone de Paris. Les zones de Lille, Lyon et Marseille représentent chacune environ 7% de la population totale de l’étude, les autres zones comptant pour moins de 5% chacune (tableau 1). La part des personnes âgées de 75 ans et plus est similaire dans l’ensemble des zones, entre 7 et 10%, à l’exception de celle de Nice où cette proportion atteint 12%.

Environ 45% des foyers sont non-imposables. Cette proportion varie de 38% (Paris) à 61% (Lens-Douai).

Température

La France métropolitaine a un climat varié. Les zones retenues illustrent cette diversité avec six zones en climat semi-continental, cinq en climat océanique, quatre en climat océanique altéré et trois en climat méditerranéen (tableau 1). Toutefois, la majorité de la population d’étude (59%) vit dans les zones de climat océanique altéré.

Sur la période étudiée, les températures annuelles moyennes variaient de 10,5 °C à Nancy à 16,1 °C à Nice. Aucune température moyenne négative n’était observée à Nice, tandis que 5% des journées présentaient des températures inférieures à -1 °C à Dijon, Nancy ou Strasbourg.

Dans certaines zones, des températures très inhabituelles ont été observées sur la période, où le maximum de la température moyenne observée était supérieur de plus de 2 °C au percentile P99,9 de la distribution de température (respectivement pour le minimum de la température moyenne et le percentile 0,1). Par exemple, à Rennes, une différence de 4,6°C était observée entre le maximum de la température moyenne journalière (31,8 °C) et le P99,9 (27,2 °C), et à Grenoble une différence de 4,2 °C entre le minimum de la température moyenne journalière (-10,1 °C) et le P0,1 (-5,9 °C).

Tableau 1 : Type de climat, population, mortalité toutes causes et percentiles (P) des températures moyennes par zone urbaine, France métropolitaine, 2000-2010
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Analyses statistiquess

Relation température-mortalité

La figure 1 présente les RR cumulés sur 21 jours qui sont issus de la méta-analyse (référence : P50). Il apparaît que les températures très chaudes (>P99) ont un impact très marqué, et les températures froides un impact plus faible mais observé dès les températures douces (<P25).

Figure 1 : Risques relatifs (RR) de décès cumulés sur 21 jours, associés aux percentiles des températures, France métropolitaine, 2000-2010
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Effets de la chaleur extrême sur la santé

Après une exposition aux températures extrêmement chaudes (P99,9), on observe une augmentation de la mortalité d’environ 95%, cumulée sur 21 jours, par rapport à la mortalité attendue quand la température est habituelle (P50) (RR issu de la méta-analyse combiné sur 21 jours de 1,96, IC95%: [1,59-2,42]) (tableau 2). Cette augmentation de la mortalité est très rapide et maintenue durant les huit premiers jours après l’exposition (figure 2d). Cependant, l’impact se concentre principalement sur les trois premiers jours suivant l’exposition. En effet, la mortalité cumulée sur cette période est 1,8 fois plus importante que la mortalité observée pour une température médiane (RR : 1,79 [1,61-2,01]) (tableau 2).

Aux températures très chaudes (P99), l’impact très fort dans les trois premiers jours se maintient, suivi d’une sous-mortalité compatible avec l’hypothèse d’un effet moisson (hypothèse selon laquelle des événements inhabituels tels que les fortes chaleurs affectent prioritairement les individus les plus fragilisés qui seraient décédés dans les semaines ou les mois suivants). Ceci a pour conséquence un RR cumulé sur les trois premiers jours plus grand que le RR cumulé sur les 21 jours (1,18 vs 1,03) (tableau 2). Cet effet moisson est observé aux P99 (figure 2c) mais n’est pas retrouvé lors d’une exposition à des températures extrêmement chaudes (P99,9) (figure 2d).

Tableau 2 : Risques relatifs de décès combinés cumulés sur 21 jours et sur 3 jours à différents percentiles (P) de la distribution des températures (référence P50), France métropolitaine, 2000-2010
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Figure 2 : Risques relatifs (RR) de décès par retards pour les percentiles 0,1 (a), 1 (b), 99 (c) et 99,9 (d) par rapport au percentile 50 de distribution des températures moyennes, France métropolitaine, 2000-2010
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Effets du froid extrême sur la santé

Les effets des températures froides ont un profil très différent. L’impact du froid n’est pas immédiat. Il débute à partir du deuxième jour après l’exposition et persiste sur au moins 21 jours.

Pour les températures extrêmement froides, le RR cumulé sur 21 jours est de 1,38 [1,26-1,51] (P0,1 vs P50), soit une augmentation de 38% de la mortalité par rapport à la mortalité attendue quand la température est égale à la médiane (P50).

Méta-régression

La recherche de facteurs pouvant expliquer les différences entre les villes a été limitée à cause du faible ratio d’hétérogénéité observée dans la méta-analyse. Une hétérogénéité suffisante a été observée uniquement pour l’association générale et pour les températures extrêmement chaudes (P99,9) (I² de Higgings=85%). Seules la densité de population et la fraction de foyers non-imposables influencent la relation générale exposition-risque. Ces deux facteurs influencent également fortement l’association au P99,9 (tableau 3). L’influence de la température est plus forte dans les villes avec moins de foyers non-imposables et avec une densité de population plus élevée.

Tableau 3 : Résultats de la méta-régression : facteurs influençant la relation température-mortalité pour l’association au percentile (P) 99,9, France métropolitaine, 2000-2010
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Mortalité attribuable aux températures

Pour le froid, l’impact sur la mortalité est pris en compte sur les 21 jours suivant l’exposition. Pour la chaleur, les résultats présentent à la fois l’impact sur les trois premiers jours suivant l’exposition et l’impact sur les 21 jours suivant l’exposition, ce qui permet de distinguer l’effet moisson.

Au total, entre 2000 et 2010, 46 256 [38 005-54 043] décès sont attribuables au froid, et 13 855 [13 338-14 403] à la chaleur. Parmi ces derniers, 40% environ sont compensés par un effet moisson rapide et représentent donc des décès prématurés de quelques jours à trois semaines. Au bout de 21 jours, l’effet net de la chaleur représente 5 804 décès [4 950-6 619].

Ainsi, sur l’ensemble des zones, le froid est responsable de 3,9% [3,2-4,6] des décès et la chaleur de 1,2% [1,1-1,2] en considérant l’impact cumulé sur 0-3 jours, et de 0,5% [0,4-0,6] si l’on considère l’impact cumulé sur 0-21 jours. La part plus importante du froid sur la mortalité s’explique par le nombre de jours pendant lesquels le froid agit, beaucoup plus important que pour la chaleur.

Discussion

Nos résultats sur la chaleur sont conformes à la littérature 3,4 et aux observations pendant la vague de chaleur de 2003, à savoir un impact dissymétrique des températures chaudes et froides, avec une augmentation du risque globalement plus marquée et plus rapide pour la chaleur.

Cette étude a également permis de mettre en évidence l’existence d’une large plage de températures sans effet sur la mortalité, l’homogénéité de la relation construite à partir des percentiles de température, qui souligne l’adaptation aux climats sous-jacents, et l’existence d’un effet moisson compensant partiellement l’impact des chaleurs modérées. L’étude n’ayant porté que sur la période 2000-2010, ces résultats dépendent fortement des températures et, en particulier, des évènements extrêmes froids et chauds observées dans les zones pendant cette période. Des études similaires devront être réalisées à intervalles de temps réguliers, afin de confirmer ou compléter ces résultats.

Sur la période 2000-2010, dans les 18 zones étudiées, les températures observées les jours froids et les jours chauds ont causé plus de 60 000 décès. Le froid a une influence faible, mais observée dès des températures douces (<P25). Son impact global est donc important : 46 256 décès sur la décennie, sans être associé à des évènements particulièrement extrêmes. La chaleur influence fortement le risque de décès, à des températures qui demeurent rares (>P99) et se traduisent par une augmentation très rapide de la mortalité. La chaleur est responsable de 13 855 décès sur 10 ans, dont une partie est compensée par un effet moisson. L’impact net de la chaleur 21 jours après l’exposition est de 5 804 décès entre 2000 et 2010.

Il faut toutefois souligner que, même si le modèle inclut une fonction spline du temps pour contrôler la saisonnalité, les effets du froid peuvent être confondus par la saison si des retards importants sont étudiés. En effet, une moyenne mobile des températures calculée sur une longue période est très colinéaire avec les variations saisonnières de la mortalité, et la pente des températures à retards distribués peut donc capturer une part de cette saisonnalité. Par conséquent dans notre étude, les effets du froid peuvent être surestimés 15.

L’influence de la vague de chaleur de 2003 sur la relation température-mortalité a été étudiée en analyse de sensibilité. Ainsi, l’introduction dans le modèle d’un indicateur binaire « août 2003 » ne modifie pas les résultats. Les RR cumulés sur 0-21 jours pour différentes températures pour les périodes 2000-2010, 2000-2010 sans août 2003, et 2004-2010 ont également été comparés. Ils sont très similaires sur ces trois périodes pour des températures inférieures au percentile 99,7. Les températures supérieures à ce percentile n’ont été observées qu’en août 2003 et n’ont donc pas pu faire l’objet d’une analyse de sensibilité 13.

Chaleur et froid appellent des réponses de santé publique différentes.

L’absence d’emballement de l’impact aux températures très froides (<P1) suggère que les mécanismes de protection contre le très grand froid (chauffage des habitations, habillement, comportements) sont efficaces pour une large part de la population. Cette protection n’est toutefois pas accessible à une partie de la population ; un travail de fond doit être mené afin d’identifier les populations vulnérables, dans l’objectif de définir les mesures adéquates qui permettront de réduire l’impact du grand froid sur la mortalité.

Concernant la chaleur, une grande part des décès liés à une chaleur modérée pourraient n’être avancés que de quelques jours, puisque la surmortalité initiale est partiellement compensée par une sous-mortalité les jours suivants. On peut supposer que ces décès touchent des personnes en très mauvaise santé, très mal acclimatées à la chaleur et, pour certaines, probablement surexposées. Une réflexion pour limiter l’impact de la chaleur sur la qualité de vie et la santé de ces personnes très à risque demeure nécessaire, ces décès survenant à des températures bien en-deçà des seuils d’alerte du Plan national canicule.

Nos résultats montrent également qu’il existe une « rupture » entre l’impact des fortes (P95) et très fortes (>P99) chaleurs et celui de la chaleur extrême (>P99,9). L’augmentation très rapide du RR, avec les températures et la disparition de l’effet moisson au-delà d’une certaine intensité, suggèrent un accroissement rapide de la taille de la population à risque lors des fortes chaleurs. Si la chaleur modérée concerne a priori plutôt des personnes déjà très fragiles, la chaleur intense et très intense, comme observé en 2003, peut concerner une large part de la population.

Dans les prochaines années, la multiplication des vagues de chaleur et l’augmentation des températures semblent inévitables, y compris en respectant les objectifs de l’accord de Paris (maintien du réchauffement à moins de +2 °C par rapport à l’ère préindustrielle). Un été comme celui de 2003 pourrait être considéré comme normal à la fin du siècle 16. La disparition de l’effet moisson aux températures les plus extrêmes incite donc à renforcer la prévention pendant les canicules et à se préparer à des épisodes ayant un impact conséquent sur la mortalité, malgré la prévention mise en place.

Remerciements

Nous remercions Météo-France et les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) pour la fourniture des données environnementales, et le CépiDc pour la fourniture des données de mortalité.

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Citer cet article

Corso M, Pascal M, Wagner V. Impacts de la chaleur et du froid sur la mortalité totale en France entre 2000 et 2010. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(31):634-40. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/31/2017_31_1.html

(1) Particules en suspension de diamètre aérodynamique inférieur à 10 microns.