Résistance aux antituberculeux en France en 2013

// Antituberculosis drug resistance in France in 2013

CNR-MyRMA
Auteur correspondant : Jérôme Robert (jerome.robert@psl.aphp.fr)
Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux (CNR-MyRMA), Laboratoire de bactériologie-hygiène, CHU Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris, France
Soumis le 21.01.2015 // Date of submission: 01.21.2015
Mots-clés : Tuberculose | Résistance aux antituberculeux | Multirésistance | France
Keywords: Tuberculosis | Antituberculosis drug resistance | Multidrug resistance | France

Introduction

Le succès du traitement d’une tuberculose à bacilles sensibles à tous les antituberculeux est de près de 100% avec la quadrithérapie standard, alors que la mortalité de la tuberculose pulmonaire est de 50% en l’absence de traitement antibiotique. La résistance à l’isoniazide (INH) ou à la rifampicine (RMP) diminue de manière significative les chances de guérison. La multirésistance (MDR pour multidrug resistance) est définie par une souche résistante à RMP et INH. La résistance supplémentaire aux fluoroquinolones et à au moins un antituberculeux injectable de deuxième ligne (en pratique un aminoside) définit l’ultra-résistance (XDR, pour extensively drug resistance). La prise en charge des cas de tuberculose MDR est longue et complexe, en raison notamment du choix thérapeutique limité avec les antituberculeux de seconde ligne.

Le nombre de tuberculoses MDR dans le monde est estimé à près de 500 000 cas par an, dont 10% de tuberculoses avec des souches ultrarésistantes (XDR). Pour ces cas, la mortalité est très élevée, proche de celle d’une tuberculose non traitée.

La surveillance de la résistance aux antituberculeux est un objectif de santé publique pour évaluer l’importance et l’évolution des cas de tuberculose MDR/XDR, mais aussi pour évaluer la qualité du Programme national de lutte contre la tuberculose.

Sources et méthodes

En France, la surveillance de la résistance de Mycobacterium tuberculosis aux antituberculeux est principalement menée par deux réseaux distincts complémentaires :

  • le réseau « sentinelle » des laboratoires des CHU (Azay-Mycobactéries), qui surveille depuis 1995 la résistance aux antituberculeux de première ligne (INH, RMP, éthambutol-EMB, streptomycine-SM) ainsi que les caractéristiques cliniques et démographiques des malades concernés (antécédent de traitement, permettant de distinguer la « résistance primaire » chez les malades jamais traités par des antituberculeux de la « résistance secondaire » chez les malades déjà traités, pays de naissance et statut VIH) ;
  • le réseau national de tous les laboratoires de mycobactériologie, piloté par le Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux (CNR-MyRMA), qui se concentre sur la surveillance de la tuberculose MDR depuis 1992. Des informations sur la résistance à INH et RMP sont aussi collectées dans le cadre de la déclaration obligatoire depuis 2005 mais, ces données étant incomplètes, seules les données collectées par le CNR-MyRMA sont présentées ici.

Résultats

Surveillance sentinelle de la résistance primaire et secondaire

En 2013, les données colligées par le réseau Azay-Mycobactéries portaient sur 1 530 cas de tuberculose à culture positive, dont 1 221 cas (79,8%) jamais traités pour tuberculose, 118 (7,7%) avec des antécédents de traitement et 191 (12,5%) avec antécédents non renseignés.

Chez les nouveaux cas de tuberculose (sans antécédent de tuberculose), la proportion de la résistance à au moins un antituberculeux de première ligne était de 10,3% (7,2% à SM, 5,7% à l’INH et 2,0% à la RMP), et la proportion de MDR était de 1,7%. On note une augmentation significative de la résistance primaire à l’INH, passée de 3,6% en 1995 à 5,7% en 2013 1 et à la RMP (passée de 1,1% à 2,0%), due en particulier à l’augmentation du nombre de cas MDR 2 (voir infra).

Chez les malades déjà traités, la proportion de la résistance à au moins un antituberculeux de première ligne était de 38,1% (32,2% à INH, 28,8% à RMP, 32,2% à SM) et la proportion de cas MDR était de 27,1%.

La résistance était bien plus élevée chez les malades nés à l’étranger que chez ceux nés en France, tant chez les nouveaux cas que chez ceux déjà traités.

Surveillance de la tuberculose MDR

Entre 1992 et 2011, le nombre annuel de cas MDR était compris entre 30 et 80 2, passant de 40 cas en 2006 à 64 cas en 2011. Leur proportion parmi les cas de tuberculose a fluctué entre 0,4 et 1,4%. En 2012, le nombre de souches MDR reçues au CNR a brusquement augmenté pour atteindre 92 cas 3 (figure). Cette augmentation était liée à des souches isolées chez des malades nés en Europe de l’Est (n=47), dont plus de la moitié (n=26) étaient originaires de Géorgie. Cette tendance s’est confirmée en 2013 avec 83 souches MDR reçues, dont 44 (53%) isolées chez des patients nés dans des pays d’Europe de l’Est (parmi eux, 73% étaient nés en Géorgie, n=32). Les cas nés en France représentaient 10% en 2012 et 6% en 2013.

L’augmentation de cas de tuberculose MDR observée en 2012 et 2013 s’accompagne également d’une augmentation des cas à bacilles XDR (22 en 2013 et 17 en 2012 contre 0 à 2 cas jusqu’en 2008, et de 4 à 6 entre 2008 et 2011). Parmi les 39 cas de tuberculose à bacilles XDR rapportés en 2012 et 2013, 87% (n=34) étaient nés en Géorgie, 10% (n=4) étaient nés dans d’autres pays d’Europe de l’Est ; 1 seul cas était né en France.

Les données préliminaires de 2014 montrent une tendance à la poursuite de cette augmentation car, en décembre 2014, le nombre de souches MDR reçues pour l’année était de plus de 100.

Figure : Nombre de souches de tuberculose multirésistantes (MDR) et ultrarésistantes (XDR) reçues au Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux (CNR-MyRMA), 2006-2013, France
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Discussion

La proportion de résistances aux antituberculeux reste généralement faible en France. L’augmentation de la résistance primaire à l’INH (sans multirésistance) mériterait des investigations spécifiques 1. La multirésistance, qui était rare en France, a doublé ces dernières années et est principalement due à l’arrivée de malades originaires d’Europe de l’Est. Cette augmentation pèse sur les structures de soins car ces malades nécessitent une prise en charge spécialisée prolongée et le nombre de structures compétentes est faible en France. Finalement, il apparaît fondamental de recueillir des informations sur le devenir et l’issue de traitement des cas MDR et XDR pour évaluer la qualité de leur prise en charge et identifier les axes d’amélioration.

Remerciements

Le CNR-MyRMA tient à remercier tous les biologistes participant aux deux réseaux de surveillance, ainsi que les cliniciens qui adressent leurs données sur les cas de tuberculose MDR.

Références

1 Meyssonnier V, Veziris N, Bastian S, Texier-Maugein J, Jarlier V, Robert J. Increase in primary drug resistance of Mycobacterium tuberculosis in younger birth cohorts in France. J Infect. 2012;64(6):589-95.
2 Veziris N, Jarlier V, Robert J. La résistance aux antituberculeux en France en 2009-2010. Bull Epidémiol Hebd. 2012;(24-25):291-3. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10760
3 Bernard C, Brossier F, Sougakoff W, Veziris N, Frechet-Jachym M, Metivier N, et al; MDR-TB Management group of the NRC. A surge of MDR and XDR tuberculosis in France among patients born in the Former Soviet Union. Euro Surveill. 2013;18(33). pii:20576.

Citer cet article

CNR-MyRMA. Résistance aux antituberculeux en France en 2013. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(9-10):172-4. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/9-10/2015_9-10_4.html