Découvertes de séropositivité VIH et de sida, France, 2003-2013

// New HIV and AIDS diagnoses, France, 2003-2013

Françoise Cazein (f.cazein@invs.sante.fr)1, Josiane Pillonel1, Yann Le Strat1, Roselyne Pinget1, Stéphane Le Vu1, Sylvie Brunet2, Damien Thierry2, Denys Brand2, Marlène Leclerc1, Lotfi Benyelles1, Clara Da Costa1, Francis Barin2, Florence Lot1
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Inserm U966, Centre national de référence du VIH, Tours, France
Soumis le 03.01.2015 // Date of submission: 01.03.2015
Mots-clés : VIH | Sida | Surveillance | Déclaration obligatoire | Surveillance virologique | France
Keywords: HIV | AIDS | Epidemiological surveillance | Mandatory reporting | Virological surveillance | France

Résumé

Cet article présente les données de surveillance de l’infection VIH et du sida en France en 2013, à partir de la notification obligatoire du VIH et du sida et de la surveillance virologique, ainsi que leur évolution depuis 2003.

En 2013, 6 220 personnes (IC95%:[5 759-6 681]) ont découvert leur séropositivité VIH, dont 43% d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), 37% d’hétérosexuels nés à l’étranger, 18% d’hétérosexuels nés en France et 1% d’usagers de drogues. Entre 2012 et 2013, le nombre de découvertes est resté stable, quel que soit le mode de contamination.

Parmi les découvertes de séropositivité VIH en 2013, 39% étaient précoces (≥500 CD4/mm3 ou primo-infection) et 25% étaient tardives (<200 CD4/mm3 ou stade sida). Le nombre de diagnostics précoces a augmenté depuis 2011 et le nombre de diagnostics tardifs a diminué depuis 2010, sauf chez les HSH où il est stable.

En 2013, la part des infections à VIH-2 était de 1,2% et celle des infections à VIH-1 de sous-types non B de 42% (proportion stable depuis 2008).

Les disparités régionales observées depuis 2003 ont persisté en 2013 : le nombre de découvertes de séropositivité rapporté à la population (95 par million d’habitants) était plus élevé dans les départements français d’Amérique (respectivement 908, 239, 225 en Guyane, Guadeloupe et Martinique) et en Île-de-France (221).

En 2013, environ 1 200 (IC95%:[1 092-1 333]) cas de sida ont été diagnostiqués, dont 85% chez des personnes n’ayant pas bénéficié auparavant d’un traitement antirétroviral.

Abstract

This article presents surveillance data on HIV infection and AIDS diagnoses in France in 2013, based on HIV and AIDS cases mandatory reporting and virological surveillance, and their evolution since 2003.

The number of new HIV diagnoses in 2013 is estimated to be 6,220 (CI95:[5,759-6,681]), of which 43% are men who have sex with men (MSM), 37% were heterosexuals born abroad, 18% were heterosexuals born in France, and 1% were injecting drug users (IDU). Between 2012 and 2013, the number of new HIV diagnoses remained stable, regardless of the transmission route.

Among new HIV diagnoses in 2013, 25% were diagnosed at a late stage (<200 CD4 or AIDS) and 39% were diagnosed at an early stage (≥500 CD4 or acute infection). The number of early diagnoses has increased since 2011. The number of late diagnoses has decreased since 2010, except in MSM, among which it remains stable.

In 2013, the proportion of HIV-2 infections was 1.2%, and the proportion of HIV-1 non-B subtypes was 42% (steady since 2008).

The regional disparities observed since 2003 continued in 2013: the number of HIV diagnoses by million inhabitants (95 per million inhabitants) was higher in the French departments of America (respectively 908, 239, 225 in French Guyana, Guadeloupe and Martinique) and in the Paris region (221).

The number of AIDS diagnoses in 2013 was estimated to be approximately 1,200 (IC95%:[1,092-1,333]), of which 85% had not received any antiretroviral treatment before AIDS.

Introduction

Cet article présente les données de surveillance des diagnostics d’infection à VIH et de sida en France en 2013 et leur évolution depuis 2003, à partir de la déclaration obligatoire du VIH/sida coordonnée par l’Institut de veille sanitaire (InVS) et de la surveillance virologique réalisée par le Centre national de référence (CNR) du VIH à Tours.

Objectifs et méthodes

La déclaration obligatoire des diagnostics d’infection VIH (DO-VIH)

Les objectifs de la DO-VIH, mise en place en 2003, sont de connaître le nombre et les caractéristiques des personnes découvrant leur séropositivité VIH, d’en suivre l’évolution et de fournir des données permettant d’estimer le nombre de nouvelles contaminations (incidence). Les modalités de la DO-VIH ont été décrites précédemment 1,2.

À partir du nombre de cas déclarés, l’estimation du nombre de découvertes de séropositivité prend en compte les délais de déclaration, l’exhaustivité de la DO-VIH et la complétude des déclarations. La correction pour les délais de déclaration est basée sur la distribution des délais des années antérieures et repose sur l’hypothèse de leur stabilité au cours du temps. L’exhaustivité est calculée en comparant le nombre de notifications reçues, doublons compris, avec le nombre de sérologies positives non anonymes dans LaboVIH 2,3, système de surveillance de l’activité de dépistage du VIH dans les laboratoires. Elle a été estimée à 71% (IC95%:[67,6-74,0]) en 2013. De plus, les données sont corrigées pour les valeurs manquantes 2.

Toutes les données présentées ici sont corrigées par ces trois facteurs, à l’exception de variables ajoutées fin 2011 au questionnaire de DO du VIH, analysées pour la période 2012-2013 : la transsexualité, l’initiative de la sérologie VIH, la charge virale VIH au moment du diagnostic, les co-infections par les virus des hépatites B et C et la présence d’IST. Ces variables ne peuvent être corrigées à ce jour en raison de leur complétude encore faible (liée au fait que seules 38% des déclarations de 2012 et 78% de celles de 2013 ont été réalisées sur les formulaires de 2011) et d’un recul insuffisant. Un indicateur de diagnostic précoce/tardif, construit à partir de la combinaison du stade clinique et du nombre de CD4, est disponible depuis 2008. Est considéré comme précoce tout diagnostic au stade de primo-infection ou avec des CD4 supérieurs ou égaux à 500/mm3 en l’absence de pathologie sida. Tout diagnostic au stade sida ou avec des CD4 inférieurs à 200/mm3 en dehors d’une primo-infection est considéré comme tardif.

Les analyses de tendances sont testées par régression linéaire en utilisant la méthode des moindres carrés pondérés par la variance.

La surveillance virologique du VIH

La surveillance virologique, dont le fonctionnement a été décrit précédemment 2, comprend un test d’infection récente 4 et un sérotypage 5. Elle a comme objectifs d’estimer la part des contaminations récentes parmi les découvertes de séropositivité, permettant ainsi de calculer l’incidence des contaminations par le VIH 6, et de suivre l’évolution des groupes et des sous-types du virus circulant en France 7. La surveillance virologique est volontaire pour le patient (2% de refus en 2013) et pour le biologiste (20% de non-participation en 2013).

La déclaration obligatoire du sida (DO-sida)

Les objectifs de la DO-sida, mise en place au début des années 1980, sont de connaître le nombre et les caractéristiques des personnes atteignant le stade le plus avancé de l’infection à VIH, en raison soit d’un échec thérapeutique, soit d’un non accès à un dépistage et/ou à un traitement antirétroviral. Ses modalités ont été décrites précédemment 1,8.

Le nombre de nouveaux diagnostics de sida est estimé en prenant en compte les délais de déclaration et l’exhaustivité de la DO-sida. Celle-ci a été estimée par comparaison avec la base de la French Hospital Database on HIV (FHDH) et celle du Groupe épidémiologique du sida en Aquitaine (GECSA) par méthode de capture-recapture 9. La dernière estimation d’exhaustivité est de 59% (IC95%:[58,6-60,7]) pour la période 2007-2009.

Résultats

Découvertes de séropositivité VIH et surveillance virologique

Le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité VIH en 2013 est estimé à 6 220 (IC95%:[5 759-6 681]), à partir des 4 859 déclarations reçues à l’InVS au 31 décembre 2013, concernant des diagnostics de 2013.

Le nombre de découvertes de séropositivité est stable depuis 2007 (figure 1). Les laboratoires de ville ont été à l’origine de 33% des découvertes de séropositivité en 2013.

Figure 1 : Nombre estimé de découvertes de séropositivité VIH en France, 2003-2013 (données au 31/12/2013 corrigées pour les délais de déclaration et la sous-déclaration)
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Sexe, âge et lieu de naissance

La proportion d’hommes parmi les personnes découvrant leur séropositivité était de 69% en 2013, identique à celle de 2012, après avoir augmenté au cours du temps (57% en 2003, p<10-3). Le nombre de personnes déclarées comme transgenres était de 20 sur la période 2012-2013 (données non corrigées), dont 19 dans le sens homme vers femme. Ils étaient âgés de 24 à 60 ans et nés pour la majorité d’entre eux en Amérique du Sud.

Parmi les découvertes de séropositivité en 2013, l’âge médian au diagnostic était de 36,6 ans. Les personnes de 25 à 49 ans représentaient 70% des découvertes en 2013, cette proportion ayant diminué au cours du temps (77% en 2003, p<10-3). La proportion de personnes de 50 ans et plus était de 17% en 2013, celle-ci ayant augmenté entre 2003 et 2012 (de 13% à 18%, p<10-3). Les plus jeunes, âgés de moins de 25 ans, représentaient 13% des découvertes de séropositivité en 2013, cette proportion n’ayant pas évolué de façon significative depuis 2003.

En 2013, comme en 2012, 54% des personnes ayant découvert leur séropositivité étaient nées en France (tableau), cette proportion ayant régulièrement augmenté au cours du temps (42% en 2003, p<10-3). Environ un tiers (31%) des découvertes de séropositivité en 2013 concernaient des personnes nées en Afrique subsaharienne, principalement au Cameroun, en Côte-d’Ivoire, au Congo Brazzaville, en Guinée, en République démocratique du Congo et au Mali. Leur part a diminué entre 2003 et la période 2012-2013 (de 44% à 31%, p<10-3).

La majorité des femmes (60%) étaient nées en Afrique subsaharienne, et 18% des hommes.

Tableau : Découvertes de séropositivité VIH en 2013 par mode de contamination, sexe et lieu de naissance, France (données au 31/12/2013 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Mode de contamination probable

Parmi les personnes ayant découvert leur séropositivité en 2013, 55% ont été contaminées par rapports hétérosexuels (97% des femmes et 36% des hommes), 43% par rapports sexuels entre hommes (62% des hommes) et 1% par usage de drogues injectables (0,8% des femmes et 1,2% des hommes).

Entre 2012 et 2013, on observe un palier du nombre de découvertes de séropositivité, quel que soit le mode de contamination (figure 2), dans le cadre d’une tendance à la diminution chez les hétérosexuels et à l’augmentation chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH).

En 2013, environ 3 400 (IC95%:[3 138-3 703]) personnes contaminées par rapports hétérosexuels ont découvert leur séropositivité. Leur âge médian était de 38 ans (IC95%:[36,5-39,1]). La majorité de ces personnes (55%) étaient des femmes. Les jeunes de moins de 25 ans représentaient 13% des femmes et 8% des hommes hétérosexuels, alors que les seniors de 50 ans ou plus représentaient 15% des femmes et 28% des hommes. La moitié des hétérosexuels (53%) étaient nés en Afrique subsaharienne.

En 2013, le nombre de découvertes de séropositivité chez les HSH est estimé à 2 650 (IC95%:[2 416-2 878]). Parmi eux, 14% avaient moins de 25 ans (proportion ayant augmenté depuis 2003 où elle était de 8%) et 13% avaient 50 ans et plus. Ils étaient très majoritairement (83%) nés en France. Les HSH représentaient 38% des découvertes en Île-de-France (IdF), 51% en métropole hors IdF et 21% dans les départements d’outre-mer (DOM).

Environ 70 (IC95%:[40-92]) usagers de drogues par voie injectable (UDI) ont découvert leur séropositivité en 2013, dont 4% avaient moins de 25 ans et 21% avaient 50 ans ou plus. La moitié d’entre eux (54%) étaient nés à l’étranger, notamment en Europe de l’Est et du Centre.

Figure 2 : Découvertes de séropositivité VIH par mode de contamination, sexe, lieu de naissance et année de diagnostic, France, 2003-2013 (données au 31/12/2013 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Circonstances de réalisation de la sérologie VIH

Le motif de dépistage le plus fréquent, bien qu’il diminue depuis 2007 (p<10-3), restait en 2013 la présence de signes cliniques liés au VIH (38%), qu’il s’agisse de signes de primo-infection (22%) ou de signes d’infection plus avancée (78%). Les autres motifs les plus courants étaient un bilan systématique (23%) et une exposition récente au VIH (21%). Les dépistages orientés (1) représentaient une part croissante des diagnostics : 14% en 2013, alors qu’ils ne représentaient que 2% des diagnostics en 2007 (p<10-3).

La sérologie VIH était réalisée plus souvent à l’initiative du médecin (77% des diagnostics en 2012-2013) qu’à la demande du patient (23%). La demande du patient était plus fréquente chez les HSH (33%) que chez les hétérosexuels, nés en France ou à l’étranger (16%), et que chez les UDI (11%).

Caractère précoce ou tardif du diagnostic

La précocité du diagnostic peut être appréhendée par différents indicateurs : le stade clinique ou le statut immunologique au moment de la découverte de la séropositivité, la combinaison des deux et, enfin, le test d’infection récente.

Stade clinique

Parmi les personnes découvrant leur séropositivité en 2013, 10% étaient au stade de primo-infection symptomatique (proportion stable depuis 2010), 66% à un stade asymptomatique, 13% à un stade symptomatique non sida et 11% au stade sida. L’évolution depuis 2003 montre une diminution progressive de la proportion des découvertes au stade sida (20% en 2003, p<10-3), contrebalancée par une augmentation des stades asymptomatiques (59% en 2003, p<10-3).

Statut immunologique et charge virale

Parmi les personnes découvrant leur séropositivité VIH en 2013, 24% avaient moins de 200 lymphocytes CD4/mm3 au moment du diagnostic (proportion en diminution depuis 2008 (29%, p<10-3), 21% entre 200 et 349 CD4, 22% entre 350 et 499 et 34% avaient au moins 500 CD4/mm3 (en augmentation depuis 2008 (30%, p=0,006)).

Lorsque la charge virale était renseignée (51% des cas en 2012-2013), elle était supérieure ou égale à 100 000 copies/ml dans 42% des cas. Cette proportion était plus élevée parmi les découvertes au stade sida (77%) ou de primo-infection (71%) que parmi les découvertes à un stade asymptomatique (27%).

Combinaison des données cliniques et immunologiques

Selon l’indicateur défini dans la méthode, 25% des découvertes de séropositivité en 2013 étaient tardives (2) et 39% précoces (figure 3). Le diagnostic précoce était plus fréquent en ville (46%), chez les moins de 25 ans (49%) et les HSH (50%). Le diagnostic tardif concernait plus particulièrement les personnes de 50 ans et plus (36%) et les hommes hétérosexuels, qu’ils soient nés en France (34%) ou à l’étranger (39%).

Le nombre de diagnostics précoces a augmenté sur les deux dernières années (2 114 en 2011, 2 435 en 2013, p=0,003), et représentait 39% des découvertes en 2013. Cette augmentation est significative chez les HSH (p=0,001), mais pas chez les hétérosexuels (figure 3).

Le nombre de diagnostics tardifs a tendance à diminuer depuis 2010 (1 894 en 2010, 1 583 en 2013), sauf chez les HSH où le nombre est stable, entre 450 et 500 chaque année.

Figure 3 : Évolution des découvertes de séropositivité VIH selon le caractère précoce ou tardif* du diagnostic et le mode de contamination, France, 2008-2013 (données au 31/12/2013 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Test d’infection récente

Un autre indicateur sur la précocité du diagnostic est obtenu à partir du test d’infection récente, qui permet de repérer les adultes diagnostiqués en moyenne moins de 6 mois après leur contamination. La part des infections récentes était de 29% en 2013. Elle était beaucoup plus élevée chez les HSH (42%) que chez les hétérosexuels nés en France (30%) ou chez ceux nés à l’étranger (15%). La part des infections récentes diminue avec l’âge : elle était de 35% chez les 15-24 ans, de 30% chez les 25-49 ans et de 24% chez les 50 ans et plus.

Évolution des virus circulant en France

Parmi les découvertes de séropositivité en 2013, 1,2% (IC95%:[0,8-1,6]) étaient liées à un VIH-2, principalement chez des personnes nées en Côte-d’Ivoire ou au Sénégal. Deux découvertes étaient liées à un VIH-1 de groupe O.

Parmi les infections à VIH-1, la proportion de sous-types non-B était de 42% en 2013, avec une stabilité depuis plusieurs années. La proportion de sous-types non-B était plus élevée chez les hétérosexuels nés en Afrique subsaharienne (72%) que chez ceux nés en France (40%) et que chez les HSH (24%).

Le sérotype B étant quasiment inexistant en Afrique subsaharienne, la proportion de sérotypes B chez les hétérosexuels nés en Afrique subsaharienne (28%) indique que plus d’un quart de ces personnes se sont contaminées en France, ou tout au moins en Europe.

Co-infections

Parmi les 51% de découvertes de séropositivité VIH en 2012-2013 renseignées pour les co-infections par les virus des hépatites B (antigène HBs) et C (anticorps anti-VHC), la part des co-infections par le VHB était de 5%. La part des co-infections par le VHC était de 4% pour l’ensemble des cas et de 79% chez les UDI.

Parmi les 45% de découvertes en 2012-2013 pour lesquelles la présence d’IST au moment de la découverte de séropositivité VIH ou dans les 12 mois précédents était renseignée, la fréquence des IST était de 16%, plus élevée chez les HSH (27%) que chez les hétérosexuels nés en France (11%) ou ceux nés à l’étranger (5%) (figure 4).

Figure 4 : Co-infections ou antécédents d’infection sexuellement transmissible (IST) dans les 12 derniers mois, France, 2012-2013 (données brutes au 31/12/2013)
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Répartition géographique

Rapporté à la population française, le nombre de découvertes de séropositivité en 2013 a été de 95 cas par million d’habitants. Les taux de découvertes ont été supérieurs à la moyenne nationale en Guyane (908), Guadeloupe (239), Martinique (225) et en IdF (221) (figure 5a).

Depuis 2012, un nombre plus élevé d’infections a été découvert en métropole hors IdF (3 100 cas en 2013, soit 50% de l’ensemble des découvertes) qu’en IdF (2 650 cas, soit 42%) (figure 5b). Les DOM regroupaient 8% des découvertes de séropositivité.

Figure 5 : Découvertes de séropositivité VIH, par région, France, 2013 (données au 31/12/2013 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Déclaration obligatoire du sida

Le nombre annuel de nouveaux diagnostics de sida diminue lentement depuis le début des années 2000. En 2013, on estime à environ 1 200 (IC95%:[1 092-1 333]) le nombre de nouveaux diagnostics de sida, à partir des 453 déclarations reçues à l’InVS au 31 décembre 2013, pour des diagnostics de 2013. Trois quarts (73%) des personnes ayant développé un sida en 2013 étaient des hommes, 30% étaient âgés de 50 ans et plus et 4% avaient moins de 25 ans. Parmi les personnes dont le mode de contamination est connu, 57% ont été contaminées par rapports hétérosexuels, 33% par rapports homosexuels et 8% par usage de drogues injectables.

Depuis le début de l’épidémie, le nombre total de personnes ayant développé un sida est estimé à environ 89 000 en France, dont 48 000 sont décédées et 41 000 étaient vivantes fin 2013.

Répartition géographique

Rapporté à la population française, le nombre de diagnostics de sida en 2013 était de 18 cas par million d’habitants. Ce taux était de 34 en IdF, 35 dans les DOM et 13 en métropole hors IdF.

Traitement antirétroviral pré-sida

Les diagnostics de sida en 2013 concernaient principalement (85%) des personnes qui n’avaient pas bénéficié d’un traitement antirétroviral pré-sida pendant au moins 3 mois, le plus souvent parce que leur séropositivité n’était pas connue. Ce pourcentage était beaucoup plus élevé chez les hétérosexuels (87%) ou les HSH (84%) que chez les UDI (63%).

Pathologies inaugurales

En 2013, l’entrée dans le sida s’est faite par une seule pathologie pour 89% des personnes, par deux pathologies associées pour 8% d’entre elles et au moins par trois pathologies associées pour 3%.

Parmi les pathologies inaugurales de sida en 2013, 31% des adultes présentaient, de façon isolée, une pneumocystose, 17% une tuberculose, 10% une toxoplasmose cérébrale, 10% un sarcome de Kaposi et 9% une candidose œsophagienne. Le nombre de pneumocystoses n’a pas diminué en 2013, contrairement aux autres pathologies inaugurales les plus fréquentes (figure 6).

Figure 6 : Principales pathologies isolées inaugurales de sida, France, 2003-2013 (données au 31/12/2013 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Discussion

Malgré un défaut d’exhaustivité, la DO du VIH permet, grâce aux méthodes de correction appliquées, d’estimer le nombre annuel de découvertes de séropositivité et les caractéristiques des personnes nouvellement diagnostiquées.

Ces méthodes de corrections fournissent des résultats d’autant plus précis et fiables que l’exhaustivité est élevée. En 2013, elle était de 71% pour le volet biologique de la déclaration et de 57% pour le volet médical, ce qui permet d’être confiant dans les estimations produites à l’échelle nationale, mais pas dans les régions ou départements où l’exhaustivité est plus faible. C’est pourquoi, pour pouvoir disposer de résultats fiables, notamment à l’échelle des régions et des départements, il faut souligner l’importance pour les cliniciens de compléter et retourner toute déclaration VIH, même s’ils ne disposent pas de l’ensemble des informations, et pour les biologistes, de participer à la surveillance virologique.

La complétude des nouvelles variables rajoutées dans les formulaires de déclaration dépend directement de l’utilisation par les déclarants des dernières mises à jour de ces formulaires, ce qui limite souvent les possibilités d’analyse de ces variables les premières années suivant leur introduction. Cette difficulté sera levée avec la mise en place de la déclaration électronique, dont le déploiement progressif est programmé en 2015 (voir Focus e-DO dans ce même BEH).

Concernant les transgenres, le nombre limité de cas déclarés pose la question d’une sous-déclaration éventuelle des découvertes de séropositivité dans cette population particulièrement exposée au VIH, et/ou de la mauvaise complétude de la variable « transgenre », ajoutée fin 2011 au formulaire de DO.

En 2013, environ 6 200 personnes ont découvert leur séropositivité VIH, nombre stable depuis 2007, et 1 200 ont développé une pathologie indicatrice de sida.

Les HSH et les hétérosexuels nés à l’étranger (dont les trois quarts sont nés dans un pays d’Afrique subsaharienne) restaient les deux groupes les plus touchés et représentaient respectivement 43% et 38% des découvertes de séropositivité en 2013. Les hétérosexuels nés en France et les UDI représentaient respectivement 17% et 1%.

La stabilité des découvertes de séropositivité est observée entre 2012 et 2013 dans tous les groupes, y compris pour les HSH. Concernant cette population, il faut néanmoins rester prudent sur le dernier point d’estimation, qui est toujours sujet à une plus grande variabilité, surtout dans un contexte d’augmentation du nombre de diagnostics depuis 2003 dans toutes les tranches d’âge, et particulièrement chez les moins de 25 ans. D’autant plus que la progression des autres IST depuis plusieurs années, notamment des syphilis récentes et des infections à gonocoques 10, et l’augmentation des comportements sexuels à risque observée dans l’enquête Presse Gays et Lesbiennes 2011 11, indiquent un relâchement de la prévention chez les HSH.

Les différentes variables (stade clinique, nombre de lymphocytes CD4 et test d’infection récente) renseignant sur le délai entre la contamination par le VIH et son diagnostic convergent pour montrer des différences selon les populations : diagnostics plus précoces chez les HSH que chez les hétérosexuels, et chez les femmes hétérosexuelles que chez les hommes hétérosexuels. Aucune de ces variables ne fournit une échelle de temps absolue, d’où l’intérêt de les présenter conjointement.

La stabilité du nombre de découvertes de séropositivité s’accompagne d’une plus grande précocité des diagnostics en 2012 et 2013, avec une part plus importante de découvertes à un stade asymptomatique et à un niveau d’immunité préservée (plus de 500 lymphocytes CD4/mm3), et moins de découvertes tardives. Néanmoins, le nombre de découvertes tardives chez les HSH ne diminue pas, même si c’est dans ce groupe que la part des découvertes tardives est la plus faible.

Dans un contexte où l’activité globale de dépistage du VIH est stable depuis 2011 (5,2 millions de sérologies réalisées chaque année) 3, l’augmentation des diagnostics précoces pourrait être la conséquence d’un dépistage plus ciblé, lié à la sensibilisation des médecins à saisir des occasions de dépistage (illustrée par l’augmentation des dépistages orientés) et à la répétition des tests auprès des populations exposées, qui constituaient deux recommandations du plan de lutte contre le VIH/sida et les IST publié en 2010 12. La répétition des tests devrait entraîner une augmentation des diagnostics précoces d’autant plus marquée que l’incidence est élevée : c’est bien ce qui est observé, avec une augmentation des diagnostics précoces chez les HSH alors qu’elle n’est pas significative chez les hétérosexuels.

Les tendances observées en France ces dix dernières années sont comparables à celles constatées en Europe de l’Ouest 13, et notamment à celles du Royaume-Uni 14, pays dont le nombre d’habitants est voisin de celui de la France. Outre le nombre très proche de nouveaux diagnostics, estimé à 6 000 au Royaume-Uni en 2013, une diminution y est observée depuis une dizaine d’années, liée à celle du nombre d’hétérosexuels nés dans des pays où la prévalence du VIH est élevée. Comme en France, les HSH restent le groupe le plus touché et le plus dépisté, le nombre de nouveaux diagnostics y étant même supérieur à celui estimé en France (3 250), et la part des moins de 25 ans y a augmenté de façon comparable au cours des 10 dernières années. Concernant les diagnostics tardifs, définis par les Anglais à moins de 350 CD4/mm3, leur proportion est comparable dans les deux pays (44% au Royaume-Uni en 2013 vs. 45% en France) et une diminution est également observée au cours du temps. De plus, on observe une proportion identique de diagnostics très tardifs (24% de CD4<200 dans les deux pays). Du fait d’un dépistage du VIH plus fréquent chez les HSH, la part des diagnostics tardifs est plus faible dans cette population, que ce soit au Royaume-Uni ou en France, même si une stabilisation de leur effectif sur les cinq dernières années est observée dans les deux pays (autour de 1 000 diagnostics annuels à moins de 350 CD4 au Royaume-Uni et 900 à 950 en France). Enfin, parmi les nouveaux diagnostics, la proportion de co-infections par une IST (gonococcie, syphilis ou chlamydiose) est également comparable dans les deux pays (15% au Royaume-Uni et 16% en France), avec une proportion plus importante chez les HSH (respectivement 25% et 27%). La similitude de ces indicateurs est probablement liée à des politiques de dépistage et de prévention basées sur des stratégies communes, notamment l’élargissement du dépistage pour réduire la part des non diagnostiqués et des diagnostics tardifs, la promotion des méthodes de prévention combinée, dont l’utilisation du préservatif, et la lutte contre la stigmatisation des populations les plus touchées, notamment les HSH et les migrants 15.

Le sida est diagnostiqué en majorité chez des personnes qui ignoraient leur séropositivité et n’ont pas pu bénéficier d’une prise en charge adaptée. Le raccourcissement du délai entre la contamination et le diagnostic de la séropositivité, observé sur les années récentes, doit se poursuivre et s’accompagner d’une entrée rapide dans les soins pour permettre de ralentir l’évolution clinique et diminuer encore le nombre de diagnostics de sida. La fréquence de la pneumocystose, qui représente depuis 2009 près d’un tiers des pathologies inaugurales de sida et qui ne présente aucune tendance à la diminution, montre qu’il existe une marge de progrès puisqu’elle peut être évitée par une prophylaxie adaptée.

Conclusion

Les efforts en matière de dépistage ont produit des résultats tangibles depuis 2012, avec davantage de diagnostics précoces. Malgré ces données encourageantes, les diagnostics tardifs concernent encore un HSH sur 6 et un hétérosexuel sur 3, soulignant la nécessité de poursuivre les efforts. Par ailleurs, le nombre croissant de diagnostics chez les HSH de moins de 25 ans incite à cibler cette population dans les campagnes de prévention.

Remerciements

Nous remercions vivement tous les professionnels de santé qui ont déclaré des diagnostics d’infection VIH ou de sida soit, depuis 2003, 2 600 biologistes, plus de 18 000 médecins, techniciens d’étude clinique, médecins de santé publique des Agences régionales de santé et leurs collaborateurs.

Références

1 Institut de veille sanitaire. Déclaration obligatoire de l’infection à VIH et du sida. [Internet]. http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/VIH-sida-IST/Infection-a-VIH-et-sida/Declaration-obligatoire-de-l-infection-a-VIH-et-du-sida
2 Cazein F, Le Strat Y, Pillonel J, Lot F, Bousquet V, Pinget R, et al. Dépistage du VIH et découverte de séropositivité, France, 2003-2010. Bull Epidémiol Hebd. 2011;(43-44):446-54. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10153
3 Cazein F, Le Strat Y, Sarr A, Ramus C, Bouche N, Le Vu S, et al. Dépistage de l’infection par le VIH en France, 2003-2013. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(32-33):534-40. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12289
4 Barin F, Meyer L, Lancar R, Devau C, Gharib M, Laporte A, et al. Development and validation of an immunoassay for identification of recent human immunodeficiency virus type 1 infections and its use on dried serum spots. J Clin Microbiol. 2005;43(9):4441-7.
5 Barin F, Plantier JC, Brand D, Brunet S, Moreau A, Liandier B, et al. Human immunodeficiency virus serotyping on dried serum spots as a screening tool for the surveillance of the AIDS epidemic. J Med Virol. 2006;78 Suppl 1:S13-8.
6 Le Vu S, Le Strat Y, Barin F, Pillonel J, Cazein F, Bousquet V, et al. Incidence de l’infection par le VIH en France, 2003-2008. Bull Epidémiol Hebd. 2010;(45-46):473-6. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=486
7 Lucas E, Cazein F, Brunet S, Thierry D, Pillonel J, Lot F, et al. Types, groupes et sous-types de VIH diagnostiqués en France depuis 2003 : données de huit années de surveillance. Bull Epidémiol Hebd. 2012;(46-47):533-7. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11146
8 Lot F, Pillonel J, Pinget R, Cazein F, Bernillon P, Leclerc M, et al. Les pathologies inaugurales de sida, France, 2003-2010. Bull Epidémiol Hebd. 2011;(43-44):454-8. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10154
9 Spaccaferri G, Cazein F, Lièvre L, Bernillon P, Geffard S, Lot F, et al. Estimation de l’exhaustivité de la surveillance des cas de sida par la méthode capture-recapture, France, 2004-2006. Bull Epidémiol Hebd. 2010;(30):313-6. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=631
10 La Ruche G, Viriot A, Fournet N, Hannachi O. Données actualisées sur les IST. Novembre 2014. [Internet]. http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/VIH-sida-IST/Infection-a-VIH-et-sida/Actualites
11 Velter A, Saboni L, Bouyssou A, Semaille C. Comportements sexuels entre hommes à l’ère de la prévention combinée. Résultats de l’Enquête presse gays et lesbiennes 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(39-40):510-6. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11833
12 Plan national de lutte contre le VIH/SIDA et les IST 2010-2014. http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_national_lutte_contre_le_VIH-SIDA_et_les_IST_2010-2014.pdf
13 European Centre for Disease Prevention and Control/World Health Organization, Regional Office for Europe. HIV/AIDS surveillance in Europe 2013. Stockholm: ECDC; 2014. 120 p. http://www.ecdc.europa.eu/en/publications/_layouts/forms/Publication_DispForm.aspx?List=4f55ad51-4aed-4d32-b960-af70113dbb90&ID=1217
14 Yin Z, Brown AE, Hughes G, Nardone A, Gill ON, Delpech VC, et al. HIV in the United Kingdom 2014. Report: data to end 2013. London: Public Health England; 2014. 51 p. https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/401662/2014_PHE_HIV_annual_report_draft_Final_07-01-2015.pdf
15 HIV Prevention England [Internet]. http://www.hivpreventionengland.org.uk/Who-we-are

Citer cet article

Cazein F, Pillonel J, Le Strat Y, Pinget R, Le Vu S, Brunet S, et al. Découvertes de séropositivité VIH et de sida, France, 2003-2013. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(9-10):152-61. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/9-10/2015_9-10_1.html

1 Dépistage orienté : personnes vues en consultation pour une pathologie autre que le VIH (IST, altération de l’état général, hépatites, autres…) ou dans un contexte suggérant une contamination possible (prise de risque datant de plus de 6 mois, arrivée d’un pays où l’épidémie est généralisée, etc.).
2 L’indicateur est choisi par convention. Un autre indicateur, qui classerait comme tardifs les diagnostics à moins de 350 CD4/mm3 (hors primo-infection) ou au stade sida, donnerait une proportion de diagnostics tardifs de 43% pour l’ensemble des découvertes en 2013, 32% chez les HSH et 51% chez les hétérosexuels (48% chez les femmes et 55% chez les hommes).