L’épidémiologie de la tuberculose en France en 2013

// Epidemiology of tuberculosis in France in 2013

Fatima Aït Belghiti, Delphine Antoine (d.antoine@invs.sante.fr)
Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
Soumis le 21.01.2015 // Date of submission: 01.21.2015
Mots-clés : Tuberculose | Épidémiologie | Surveillance | France
Keywords: Tuberculosis | Epidemiology | Surveillance | France

Résumé

La Journée mondiale de lutte contre la tuberculose a lieu chaque année le 24 mars, marquant la découverte par Robert Koch en 1882 du bacille à l’origine de la maladie. En France, comme dans les autres pays d’Europe de l’Ouest, la morbidité et la mortalité dues à la tuberculose ont considérablement baissé et leurs taux sont aujourd’hui considérés comme faibles. Les données présentées dans cet article concernent les cas de tuberculose maladie déclarés en France en 2013.

Le nombre de cas de tuberculose maladie déclarés était de 4 934, dont 3 579 cas avec une localisation pulmonaire, soit un taux de 7,5 cas pour 105 habitants et de 5,4/105 pour les formes pulmonaires. Comparé à 2012, le nombre total de cas a diminué de 0,8%. Comme les années précédentes, les taux de déclaration de la maladie restent plus élevés en Île-de-France, en Guyane, à Mayotte et dans certains groupes de population comme les personnes sans domicile fixe et celles nées à l’étranger. Le taux de déclaration était 10 fois supérieur chez les personnes nées à l’étranger par rapport à celles nées en France, avec les taux les plus élevés chez les personnes nées en Afrique subsaharienne et en Asie.

La sensibilisation et la formation des professionnels de santé sur la tuberculose et ses déterminants, ainsi que l’adaptation des mesures de lutte antituberculeuse aux populations les plus exposées, avec notamment l’amélioration de l’accès aux soins et des conditions permettant une prise en charge rapide des patients jusqu’au terme de leur traitement, restent donc les enjeux importants pour maîtriser la tuberculose en France.

Abstract

World Tuberculosis Day, falling on 24 March each year, marks the discovery of the bacilli that causes tuberculosis by Robert Koch in 1882. In France, as well as in other countries of Western Europe, morbidity and mortality due to tuberculosis (TB) have considerably dropped and notification rates are currently considered as low. This article presents data on TB disease cases notified in France in 2013.

The number of TB cases notified in 2013 in France was 4,934 (7.5 cases per 105 inhabitants) among which 3,579 were pulmonary cases (5.4 cases per 105 inhabitants). Compared to 2012, the number of TB cases has decreased by 0.8 %. As in previous years, disease notification rates were higher in Ile-de-France, French Guyana, Mayotte and in some population groups, particularly the homeless population and persons born abroad. The TB notification rate was 10 times higher in persons born abroad than in those born in France. The highest rates were reported in persons born in Sub-Saharan Africa and in Asia.

Raising awareness and training of health professionals to TB and its determinants, as well as tailoring TB control measures to the most vulnerable populations remain the important issues to control TB in France. This includes improving access to care, prompt and adequate management of patients until the treatment completion.

Introduction

La Journée mondiale de lutte contre la tuberculose a lieu chaque année le 24 mars, marquant la découverte par Robert Koch en 1882 du bacille qui porte son nom, à l’origine de la tuberculose considérée à l’époque comme « la maladie du siècle ». Malgré la mise en place de traitements efficaces dès les années 1950, plus de 130 ans plus tard la tuberculose reste très présente au plan mondial avec, en 2013, un nombre de nouveaux cas estimé à 9 millions 1 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une grande majorité de ces cas se trouve en Asie, mais c’est en Afrique subsaharienne que l’incidence de la tuberculose est la plus élevée, dépassant dans certains pays 300 pour 105 habitants. Dans les pays d’Europe de l’Ouest, dont la France, la morbidité et la mortalité dues à la tuberculose ont considérablement baissé et leurs taux sont aujourd’hui considérés comme faibles. Il persiste cependant des disparités territoriales et populationnelles parfois très importantes qui incitent à une grande vigilance en matière de lutte antituberculeuse. Les outils majeurs pour maîtriser la tuberculose restent l’identification rapide des cas et leur prise en charge précoce et adéquate, qui visent à guérir le patient et permettent de limiter la transmission du bacille dans la communauté ainsi que le développement de la résistance aux antituberculeux 2,3. Dans le cadre de la surveillance épidémiologique, la déclaration obligatoire (DO) est un outil important dont les résultats peuvent contribuer à améliorer la maitrise de la tuberculose. Grâce au signalement, la DO permet la mise en œuvre des investigations autour des cas signalés afin de mettre en place les mesures de prévention collective et le traitement des cas identifiés. La surveillance permet aussi d’analyser les tendances et les caractéristiques des cas afin d’adapter les mesures de lutte contre la tuberculose, que ce soit au plan local ou national.

Cet article présente les données nationales sur les cas de tuberculose déclarés en France en 2013 et est complété, dans ce même numéro du BEH, par un Focus sur les résultats de la surveillance de la résistance aux antituberculeux par le Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux (CNR-MyRMA).

Méthodes

Source de données

Les données présentées concernent les cas de tuberculose maladie déclarés en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer (DOM) pour l’année 2013, via la DO. Les résultats sur la France entière comprennent les données de Mayotte à partir de 2011 (lorsque Mayotte est devenu département français), mais celles-ci sont exclues des analyses de tendance incluant des années antérieures à 2011 (sauf indication contraire).

Les DO sont collectées et gérées par les Agences régionales de santé (ARS) et transmises une fois par an à l’Institut de veille sanitaire (InVS) sous forme d’un fichier électronique anonymisé. Des données complémentaires sur les issues de traitement sont collectées dans l’année qui suit la mise en route du traitement ou le diagnostic de tuberculose et feront l’objet d’une analyse séparée à paraître ultérieurement.

Des données sur la résistance à la rifampicine et à l’isoniazide sont collectées dans la DO depuis 2003. Cependant, elles sont encore très incomplètes. C’est la raison pour laquelle ce sont les données du CNR-MyRMA qui sont utilisées au niveau national et international (OMS, ECDC – European Centre for Disease Control and Prevention) pour la surveillance de la résistance aux antituberculeux (voir Focus dans ce numéro).

Définition de cas de tuberculose maladie

Les cas à déclarer comme tuberculose maladie comprennent les cas avec des signes cliniques et/ou radiologiques compatibles avec une tuberculose et s’accompagnant d’une décision de traitement antituberculeux standard, que ces cas soient confirmés par la mise en évidence d’une mycobactérie du complexe tuberculosis à la culture (cas confirmés) ou non (cas probables).

Les formes pulmonaires comprennent les atteintes du parenchyme pulmonaire, de l’arbre trachéo-bronchique et du larynx 4.

Données de population et taux

Les données de population utilisées pour calculer les taux sont les estimations localisées de population de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au 1er janvier de chaque année, telles que publiées le 14 janvier 2014. Pour Mayotte, les données de population utilisées sont issues du recensement de Mayotte de 2012. Pour les données par lieu de naissance ou par ancienneté d’arrivée en France, ce sont les données du recensement de 2009 qui sont utilisées. Ces données portent sur la France entière sans Mayotte. Les données de population sur les personnes sans domicile fixe sont issues d’une estimation réalisée par l’Insee en 2011 5. Les taux de déclaration des personnes en prison sont calculés en utilisant les données sur la population écrouée détenue au 1er janvier 6.

La dénomination taux de déclaration est utilisée au lieu de taux d’incidence en raison de la sous-déclaration des cas 7.

Analyse

Les cas de tuberculose maladie ont été analysés par lieu de déclaration, caractéristiques sociodémographiques, cliniques et bactériologiques, et contexte de diagnostic. Les pourcentages présentés sont calculés parmi les cas pour lesquels l’information était renseignée, sauf indication contraire dans le texte.

L’analyse des données a été effectuée avec le logiciel Epi info (version TM 3.3.2, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta). Les comparaisons de données ont été faites à l’aide du test du Chi2 ou du test de Fisher avec une signification statistique considérée au seuil de 5%.

Résultats

En 2013, 4 934 cas de tuberculose maladie ont été déclarés en France (dont 189 dans les DOM), soit pour la France entière un taux de déclaration de 7,5 cas pour 105 habitants, toutes formes de tuberculose confondues, et de 5,4/105 pour les formes pulmonaires. Comparé à 2012, le nombre total de cas a diminué de 0,8% et le taux de déclaration de 1,3% (figure 1).

Figure 1 : Nombre de cas déclarés et taux de déclaration de tuberculose (pour 100 000 habitants), France entière, 2000-2013
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Distribution géographique des cas de tuberculose

L’Île-de-France était la région dans laquelle on retrouvait le plus de cas (36% des cas déclarés en 2013). Ce nombre est stable par rapport à 2012 (1 763 vs. 1 747).

La Guyane, l’Île-de-France et Mayotte étaient, comme les années précédentes, les trois régions présentant les plus fort taux de déclaration, avec respectivement 18,1/105, 14,7/105 et 13,8/105 cas par an. Dans toutes les autres régions, le taux de déclaration était inférieur à 8 cas pour 105 habitants (figure 2).

Le nombre de cas déclarés en 2013 était inférieur à 20 dans 39 départements des 101 départements français, de 20 à 49 dans 36 départements, de 50 à 99 dans 12 et de plus de 100 dans 14 départements.

Les huit départements avec les taux de déclaration les plus élevés (supérieurs à 10/105) comprenaient six des huit départements d’Île-de-France (Paris, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Val-d’Oise) ainsi que Mayotte et la Guyane, considérés administrativement comme région et comme département.

Figure 2 : Nombre de cas déclarés et taux de déclaration de tuberculose (pour 100 000 habitants) par région de déclaration, France entière, 2013 (n=4 934)
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Caractéristiques sociodémographiques des cas

En 2013, les cas de tuberculose chez des hommes représentaient 62% des cas déclarés. Le nombre de cas chez les hommes était plus élevé que chez les femmes dans tous les groupes d’âges (figure 3). La structure par âges des cas déclarés en 2013 était proche de celle des années précédentes, avec 38% de personnes âgées de 25 à 44 ans, 24% de 45 à 64 ans, 21% de 65 ans ou plus, 12% de 15 à 24 ans et 5% de moins de 15 ans. Les enfants de moins de 5 ans représentaient 2,6% des cas déclarés (n=130) (tableau). Les taux de déclaration variaient selon le sexe et l’âge. Ils étaient plus élevés chez les hommes que chez les femmes (9,6 vs. 5,7/105 respectivement) et chez les personnes âgées de 25 à 44 ans (11,4/105) et de 65 ans et plus (9,3/105) (tableau)

Figure 3 : Nombre de cas de tuberculose déclarés par sexe et groupe d’âges, France entière, 2013 (n=4 933)
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Tableau : Nombre de cas déclarés, proportion et taux de déclaration de tuberculose (pour 100 000) selon les principales caractéristiques, France entière, 2013 (n=4 934)
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Les personnes sans domicile fixe (SDF) étaient au nombre de 235 parmi les patients avec une tuberculose déclarée en 2013, soit 5,4% des cas pour lesquels l’information était renseignée. Le taux de déclaration de tuberculose était beaucoup plus élevé chez les personnes SDF que chez les autres (respectivement 176,7/105 et 6,2/105).

Les personnes vivant en collectivité représentaient 14% des cas avec une information renseignée (n=606/4 362). Parmi elles, la majorité (42%) vivait en centre d’hébergement collectif, 12% en établissement pour personnes âgées, 10% en établissement pénitentiaire, 32% dans une autre structure, le type de résidence n’étant pas renseigné pour 4%. Le taux estimé de déclaration parmi les personnes incarcérées était de 91,6/105 en 2013.

Parmi les 4 571 cas de tuberculose dont le lieu de naissance était renseigné (93% des cas déclarés en 2013), 44% étaient nés en France et 56% à l’étranger. Parmi les personnes nées à l’étranger, 62% étaient nées en Afrique (37% en Afrique subsaharienne et 25% en Afrique du Nord), 19% étaient nées en Europe, 14% en Asie et 5% aux Amériques ou en Océanie.

La proportion de personnes vivant en collectivité ou SDF était plus importante chez celles nées à l’étranger que chez celles qui étaient nées en France (respectivement 18% vs. 8,8 et 8,2% vs. 2,2% ; p<0,001).

Le taux de déclaration était 10 fois plus important chez les personnes nées à l’étranger que chez celles nées en France (respectivement 35,6/105 et 3,5/105).

Chez les personnes nées à l’étranger, le taux de déclaration variait de façon importante non seulement selon l’âge, mais également selon la région de naissance et l’ancienneté d’arrivée en France. En 2013, comme les années précédentes, les taux de déclaration les plus élevés concernaient les personnes nées en Afrique subsaharienne (105,0/105) et en Asie (60,8/105). Le taux de déclaration était de 33,3/105 chez les personnes nées en Europe hors Union européenne, 24,3/105 pour celles nées en Afrique du Nord et 14,1/105 pour celles nées dans l’Union européenne. Le taux de déclaration chez les personnes nées à l’étranger était le plus élevé chez les personnes arrivées en France depuis moins de deux ans (209,3/105) et il diminuait plus l’ancienneté de l’entrée en France augmentait (13,2/105 chez les personnes arrivées depuis 10 ans ou plus) (tableau).

Caractéristiques cliniques des cas

L’antécédent de tuberculose maladie n’était pas renseigné dans les déclarations pour 40% des cas (n=1 946). Parmi les 2 988 cas pour lesquels une information était disponible, 88% n’avaient pas d’antécédent de tuberculose maladie et 12% avaient un antécédent de tuberculose traitée par un antituberculeux standard. La proportion de patients avec des antécédents de tuberculose traitée était significativement (p<0,001) plus élevée chez les personnes SDF que chez les autres (24% vs. 10%), et chez celles qui vivaient en collectivité comparées à celles qui ne vivaient pas en collectivité (17% vs. 10%).

En 2013, la localisation de la maladie était renseignée pour 99,6% des cas déclarés. Les formes pulmonaires (associées ou non à d’autres localisations) représentaient 73% des cas de tuberculose (n=3 579/4 913) et les formes exclusivement extrapulmonaires 27% des cas (n=1 334/4 913) (tableau). Parmi les 3 579 cas avec une localisation pulmonaire de tuberculose, le résultat d’examen microscopique était renseigné pour 3 374 cas, soit 94% des cas. Parmi ces 3 374 cas pulmonaires, 53% (1 788) étaient positifs et 47% (1 586) étaient négatifs. Parmi les cas de tuberculose pulmonaire à microscopie négative ou non renseignée, 799 avaient un résultat de culture positif sur prélèvement respiratoire. Le nombre de cas de tuberculose considérés comme potentiellement contagieux (cas pulmonaires avec un résultat positif de microscopie ou de culture sur prélèvement respiratoire) était de 2 587 en 2013, soit 73% des cas déclarés avec une localisation pulmonaire.

Des localisations méningées (isolées ou associées à d’autres localisations) ont été signalées chez 90 cas de tuberculose déclarés (1,8%). Parmi ces tuberculoses méningées, 5 concernaient des enfants de moins de 15 ans, dont 3 des enfants de moins de 5 ans. Ces 3 enfants atteints d’une forme méningée étaient tous nés en France mais n’avaient pas été vaccinés par le BCG, alors que 2 d’entre eux étaient éligibles à la vaccination soit parce que résidant en Île-de-France, soit en raison d’antécédent de tuberculose dans leur famille.

Parmi tous les cas de tuberculose déclarés en 2013, 51% (n=2 513) avaient des résultats de culture renseignés. Les cas de tuberculose confirmés par une culture positive à mycobactérie du complexe tuberculosis étaient au nombre de 2 337, soit 93% des cas avec un résultat de culture renseigné ou 47% du total des cas déclarés en 2013.

Contexte du diagnostic

L’information sur le contexte de diagnostic est collectée depuis 2007. En 2013, cette donnée était renseignée pour 88% des cas déclarés contre 34% en 2007. Parmi les 4 354 patients ayant renseigné cette donnée, 76% avaient été diagnostiquées pour tuberculose dans le cadre d’un recours spontané au système de soins, 7% dans le cadre d’une enquête autour d’un cas, 4% dans le cadre d’un dépistage et 13% dans un autre contexte. Cette répartition variait fortement selon l’âge et le lieu de naissance. Ainsi, la proportion de patients dont le diagnostic de tuberculose avait été effectué dans le cadre d’une recherche active de cas (enquête ou dépistage) était la plus élevée chez les moins de 10 ans (50% ou plus) et baissait avec l’âge, alors que la proportion de ceux ayant eu un recours spontané aux soins augmentait avec l’âge et atteignait 80% chez les personnes de 30 ans et plus (figure 4).

Figure 4 : Cas de tuberculose déclarés (proportion) selon le contexte du diagnostic et le groupe d’âges, France entière, 2013 (n=4 354)
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Discussion

Les données de surveillance sur la tuberculose de 2000 à 2013 montrent qu’hormis une augmentation en 2007 et 2008, la baisse du nombre de cas déclarés s’est poursuivie, même si elle était faible en 2012 et 2013 (respectivement -0,3 et -0,8%). La distribution des cas selon les principales caractéristiques sociodémographiques et cliniques en 2013 restait proche de celle observée les années précédentes 8,9.

L’interprétation des résultats doit cependant tenir compte de la sensibilité du système de surveillance et de la qualité des informations recueillies. Une évaluation de l’exhaustivité de la DO, basée sur la comparaison des cas de tuberculose pulmonaire identifiés en 2010, issus des données des DO et du Programme médicalisé des systèmes d’information (PSMI), a estimé l’exhaustivité de la DO à 73,3% 7. Ces résultats sont cohérents avec les études réalisées en France au cours des 10 dernières années 10,11,12,13. Par ailleurs, le nombre de cas déclarés qui se sont avérés ultérieurement ne pas être des tuberculoses (mycobactérie atypique par exemple) et que l’on peut identifier d’après les issues de traitement, représente environ 2% des cas déclarés 14,15. Si l’on applique ces chiffres au nombre de cas déclarés en 2013, on peut estimer le nombre de cas incidents en 2013 à 6 600 pour la France entière, soit 10/105. D’après les données disponibles au niveau national, la sensibilité du système de la DO semble se stabiliser autour de 70-75% ces dernières années. Malgré les limites des études réalisées sur la sensibilité du système, on peut penser que la baisse observée du nombre de cas de tuberculose n’est pas uniquement liée à un changement de l’exhaustivité des déclarations de tuberculose, mais bien à une diminution réelle du nombre de nouveaux cas. Cependant, les informations disponibles ne permettent pas de distinguer les différents facteurs qui pourraient expliquer la relative stabilisation récente du nombre de cas, par exemple une amélioration de la détection des cas, de l’exhaustivité de la déclaration ou un changement de structure de population. Il convient donc de continuer à surveiller attentivement l’évolution dans les années à venir et de poursuivre les efforts pour améliorer la qualité des données de surveillance, avec par exemple le développement du travail en réseau impliquant notamment ARS, centres de lutte antituberculeuse (Clat), services hospitaliers et médecins libéraux qui ont permis localement, comme en Gironde, une meilleure exhaustivité de la surveillance 16.

La complétude des informations de la DO s’est améliorée au cours des dernières années. Cependant, en 2013, la proportion d’informations manquantes était encore de 49% pour la culture et de 39% pour les antécédents de tuberculose. En ce qui concerne les données microbiologiques, ceci s’explique en partie par les délais, pouvant atteindre 4 à 6 semaines, nécessaires pour obtenir un résultat de culture. Les résultats parviennent aux services déclarants après que la déclaration a été faite et peuvent être intégrés dans le bilan sur les issues de traitement. Cependant, ces informations ne sont pas systématiquement transmises aux ARS. L’information sur les antécédents de tuberculose traitée constitue un indicateur essentiel de la surveillance de la résistance aux antituberculeux, qui permet de distinguer la « résistance primaire » chez les malades sans antécédent de tuberculose traitée, de la « résistance secondaire » chez les malades déjà traités (voir Focus sur la résistance dans ce même numéro). De plus, l’antécédent de tuberculose traitée est un déterminant possible d’issues non favorables de traitement, telles que des interruptions de traitement ou des patients perdus de vue lors du traitement 15. Une meilleure complétude de ces informations permettrait donc d’améliorer la caractérisation des cas de tuberculose, ce qui est utile pour la gestion du signalement au plan local et l’interprétation des résultats de surveillance au niveau national.

Si l’investigation autour des cas est un outil essentiel de la lutte antituberculeuse, une grande majorité des diagnostics de tuberculose se fait dans le cadre d’un recours spontané aux soins, notamment chez les adultes. Un des messages clefs de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose de 2015 est « atteindre, traiter, guérir toutes les personnes ayant une tuberculose ». Ceci souligne l’importance de l’accès au système de soins par tous, en particulier par les personnes les plus exposées à la tuberculose, et une prise en charge rapide et adéquate des patients avec la mise en place de conditions permettant une bonne observance du traitement. Il faut également poursuivre les efforts d’information et de sensibilisation des médecins à l’intérêt et à la pratique de la vaccination par le BCG dans les régions où la couverture vaccinale est insuffisante, notamment hors Île-de-France 8.

Le nombre de cas de tuberculose déclarés en 2013 est inférieur à 20 dans plus d’un tiers des départements français. Par ailleurs, les données de la résistance aux antituberculeux collectées par le CNR-MyRMA (voir Focus dans ce même numéro) montrent que, malgré une augmentation récente des tuberculoses multirésistantes, qui nécessitent une prise en charge spécialisée et prolongée, la proportion de résistance aux antituberculeux reste généralement faible en France.

La France est donc un pays qui doit faire face, d’une part, à une baisse de l’expertise sur la tuberculose en raison de la baisse de l’incidence et, d’autre part, à la persistance de disparités territoriales et populationnelles importantes, même si on note que le nombre de cas dans les zones géographiques et les groupes de population les plus exposés ne semble pas augmenter. Les personnes nées à l’étranger sont parmi les plus à risque de développer une tuberculose, notamment celles récemment arrivées sur le territoire français. L’exposition à la tuberculose pendant l’enfance ou la jeunesse a un impact sur l’augmentation du risque d’infection. Cependant, le risque plus élevé de maladie chez les personnes récemment arrivées en France pourrait être lié à leurs conditions de migration et de vie en France. Les données en population générale montrent ainsi que la proportion des ménages immigrés habitant dans un logement de mauvaise qualité est plus élevée que chez des ménages non immigrés, et qu’ils sont aussi plus touchés par la pauvreté en termes de conditions de vie 17.

La sensibilisation et la formation des professionnels de santé sur la tuberculose et ses déterminants et l’adaptation des mesures de lutte antituberculeuse aux populations les plus exposées, avec notamment l’amélioration de l’accès aux soins et de l’observance, restent donc les enjeux importants pour maîtriser la tuberculose en France.

Remerciements

Aux médecins et biologistes déclarants et aux personnels des Clat et des ARS qui contribuent à l’amélioration de la qualité des données de surveillance de la tuberculose ainsi qu’à Didier Che (InVS) pour sa relecture et son avis.

Références

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Citer cet article

Aït Belghiti F, Antoine D. L’épidémiologie de la tuberculose en France en 2013. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(9-10):164-71. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/9-10/2015_9-10_3.html