La pratique de jeux en plein air chez les enfants de 3 à 10 ans dans l’Étude nationale nutrition santé (ENNS, 2006-2007)
// Outdoor playing in 3-10 year-old children in the French National Nutrition and Health Survey (ENNS, 2006-2007)
Résumé
Objectif –
Les jeux en plein air contribuent de façon importante à l’activité physique globale chez les jeunes enfants. Notre objectif est de décrire, à partir des données de l’Étude nationale nutrition santé (ENNS, 2006-2007), les pratiques de jeux en plein air des enfants âgés de 3 à 10 ans et d’en étudier les relations avec les caractéristiques sociodémographiques, la corpulence et la sédentarité.
Méthodes –
ENNS a été réalisée sur un échantillon aléatoire de la population résidant en France métropolitaine. Les données concernant les enfants de 3 à 10 ans ont été recueillies en face-à-face par des diététiciens ; 808 enfants ont été inclus dans l’étude. Le nombre de jours pendant lesquels l’enfant avait pratiqué des jeux en plein air et le temps passé devant la télévision, un ordinateur ou des jeux vidéo ont été recueillis séparément pour les jours d’école et les jours avec peu ou pas d’école. Des analyses par régression logistique ont été menées.
Résultats –
Pendant les jours d’école, 39% des enfants de 3 à 10 ans ne jouaient jamais en plein air. Seuls 50% des enfants pratiquaient des jeux en plein air au moins 2 jours d’école par semaine. Cette proportion était significativement moins élevée chez les enfants en surpoids ou obèses (33%) que chez ceux de corpulence normale (52%), et chez les enfants passant 2 heures ou plus par jour devant la télévision (37%) par rapport à ceux la regardant moins de 2 heures par jour (56%). La pratique de jeux en plein air était moindre également chez les enfants résidant dans l’agglomération parisienne, chez ceux issus d’un ménage dont la personne de référence était « employé ou ouvrier » ou dont les revenus par unité de consommation étaient dans les 15% les plus bas ou les 15% les plus élevés.
Conclusion –
Des interventions devraient être mises en place pour faciliter et inciter à la pratique de jeux en plein air chez les enfants de 3 à 10 ans en vue d’augmenter leur niveau global d’activité physique, en particulier pour les plus sédentaires ou ceux ayant les corpulences les plus élevées.
Abstract
Objective –
Playing outdoors contribute in an important way to the global physical activity level in children. Our objective is to describe outdoor playing in 3-10 year-old children using data from the French National Nutrition and Health Survey (ENNS, 2006-2007) and to assess associations with sociodemographic characteristics, body mass index and sedentary behavior.
Methods –
ENNS was conducted in a random sample of the population living in metropolitan France. Data on 3-10 year-old children were collected by dieticians during face-to-face interviews; 808 children were included in the study. The number of days playing outdoors and the time spent watching television, using a computer or video games were collected separately during school days and weekend days. Logistic regression analyses were performed.
Results –
During school days, 39% of 3-10 year-old children did not play outdoors. Only 50% of children spent time playing outdoors at least 2 weekdays by week. This proportion was significantly lower in overweight or obese children (33%) than in normal weight children (52%) and in those spending at least 2 hours a day watching television (37%) than in those watching television less than 2 hours a day (56%). Playing outdoors was also lower in children living in the urban Paris area, in dwellings where the household head was “employee or worker” or where incomes were in the lower or higher 15% of consumption units.
Conclusion –
Interventions must be engaged to facilitate and encourage outdoor playing in 3-10 year-old children to increase their global physical activity level, in particular for children with more sedentary behavior or higher body mass index.
Introduction
Chez les enfants, la promotion de l’activité physique et la réduction des temps sédentaires sont devenues des préoccupations majeures de santé publique. Pour les moins de 18 ans, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande 60 minutes par jour d’activité physique d’intensité modérée à soutenue, comprenant au moins 3 fois par semaine des activités d’intensité soutenue permettant en particulier le renforcement musculaire et osseux 1. La pratique d’un sport en club, le mode de transport pour se rendre quotidiennement à l’école, la pratique de jeux en plein air sont des contributeurs importants du niveau global d’activité physique, chez les enfants et les adolescents 2. L’étude European Youth Heart Study a cependant montré que la fréquence des jeux en plein air était significativement corrélée au temps d’activité physique d’intensité modérée ou soutenue chez les enfants de 9 ans, alors que, chez les adolescents de 15 ans, cette corrélation était atténuée au bénéfice de la pratique de sports en club 3. Une étude allemande a également noté que le temps passé en plein air était le facteur le plus contributif du niveau d’activité physique chez des enfants de 10 ans 4.
Dans une récente revue de la littérature 5, Bauman et coll. ont recensé les facteurs associés au niveau d’activité physique. La pratique de jeux en plein air est mentionnée dans les facteurs associés chez les jeunes enfants alors qu’elle ne figure pas chez les adolescents. À l’inverse, les facteurs socioéconomiques (origine ethnique, revenu du ménage, niveau d’éducation des parents) apparaissent comme facteurs associés au niveau d’activité physique chez les adolescents mais pas chez les plus jeunes enfants. Par ailleurs, deux études 6,7 ont mis en évidence des relations inverses entre le temps passé en plein air et l’indice de masse corporelle, ainsi que le temps passé devant la télévision.
Chez les enfants avant l’adolescence, l’activité physique est souvent constituée de nombreux épisodes courts et d’intensité très variable. L’évaluation du niveau global d’activité physique à partir de données déclaratives recueillies par questionnaire est de ce fait souvent difficile et ne permet pas un classement précis selon le niveau global d’activité physique. Comme préconisé par Veitch et coll. 8, la pratique de jeux en plein air de façon non structurée peut être alors utilisée comme un proxy, facile à renseigner, du niveau global d’activité physique d’un enfant. L’objectif de cet article est de décrire, à partir des données de l’Étude nationale nutrition santé (ENNS, 2006-2007), les pratiques de jeux en plein air des enfants âgés de 3 à 10 ans et d’en étudier les relations avec les caractéristiques sociodémographiques, la corpulence et la sédentarité.
Méthodes
L’étude ENNS a été réalisée entre février 2006 et février 2007 sur un échantillon national d’adultes (18-74 ans) et d’enfants (3-17 ans) résidant dans un ménage ordinaire en France métropolitaine. Les données recueillies portaient sur les consommations alimentaires, l’activité physique et l’état nutritionnel. La sélection des individus a été effectuée selon un sondage à 3 degrés : tirage d’unités primaires (communes ou regroupement de communes) stratifié selon 8 grandes régions et 4 types de zones d’habitat (définie selon le caractère urbain/rural et le nombre d’habitants), tirage aléatoire des ménages dans ces unités primaires sur des bases téléphoniques (liste blanche, rouge et téléphone portable exclusif) et tirage d’un individu par ménage selon la méthode de la date anniversaire. Deux bases séparées, adultes et enfants, ont été constituées. Les aspects opérationnels et le protocole ont été détaillés dans le rapport d’étude publié en 2007 par l’Institut de veille sanitaire (InVS) 9.
Pour les enfants de 3 à 10 ans, l’ensemble des données était recueilli, à domicile, par des diététiciens. Un questionnaire, rempli en présence de l’enfant et d’un adulte du ménage, portait sur les caractéristiques sociodémographiques du représentant de l’enfant (l’un de ses deux parents ou son représentant légal) et de la personne de référence du ménage (un adulte du ménage choisi en donnant la priorité au fait d’être : en couple, de sexe masculin, actif et plus âgé), les conditions de vie dans le ménage, le niveau scolaire de l’enfant et ses comportements en matière de sédentarité (temps passé devant la télévision, l’ordinateur ou les jeux vidéo) et d’activité physique (modes de transport vers l’école ; cours d’éducation physique et sportive à l’école ; pratiques sportives en club hors école : sports d’équipe, danse, tennis, judo, etc. ; perception des parents sur le fait que leur enfant soit « actif » ou non ; jeux en plein air). Cette description de l’activité physique chez les enfants de 3-10 ans était basée sur un questionnaire spécifique développé par l’Unité de surveillance périnatale et nutritionnelle et validé sur une quarantaine d’enfants par comparaison avec des données d’accélérométrie 10. Cette démarche avait permis d’identifier les questions les plus liées au niveau global d’activité physique.
Le nombre de jours où l’enfant a joué en plein air était recueilli séparément pour les jours complets d’école (en général, les lundis, mardis, jeudis et vendredis) et les jours avec peu ou pas d’école (à savoir les mercredis, samedis et dimanches). Par conséquent, ces questions n’ont été posées qu’aux enfants ayant fréquenté l’école la semaine précédente. Un planning de la semaine était rempli pour connaître la répartition de ces jours sur la semaine de l’enfant. Les jeux en plein air comprenaient l’ensemble des activités pratiquées en extérieur, informelles et non encadrées, telles que jouer dans un square ou devant la maison, faire du vélo, du roller, etc.
Les mesures anthropométriques (poids et taille) étaient réalisées selon des procédures standardisées, à l’aide de balances identiques et tarées. L’indice de masse corporelle (IMC) a été calculé pour classer les enfants en classes de corpulence selon les références de l’International Obesity Task Force (IOTF) pour la corpulence normale : IMC compris entre les courbes de centiles atteignant 18,5 et 25,0 à 18 ans ; pour le surpoids : IMC compris entre les courbes de centiles atteignant 25,0 et 30,0 à 18 ans ; pour l’obésité : IMC ≥ à la courbe de centiles atteignant 30,0 à 18 ans 11, et celles de Cole pour la minceur : IMC < à la courbe de centiles atteignant 18,5 à 18 ans 12.
La sédentarité était décrite par le temps passé devant un écran (télévision, ordinateur ou jeux vidéo). Ces temps ont été utilisés selon des seuils différents : ≥2 heures par jour pour le temps passé devant la télévision seule et ≥3 heures par jour pour le temps cumulé passé devant un écran (télévision, ordinateur ou jeux vidéo). Ces durées étaient également recueillies séparément pour les jours d’école et les jours avec peu ou pas d’école.
Les analyses statistiques ont été réalisées sous le logiciel Stata® V12. Pour tenir compte du plan de sondage complexe, la variable de stratification a été déclarée à l’aide de la commande svyset et les commandes spécifiques à ce type de sondage ont été utilisées pour l’ensemble des analyses. Les données ont été pondérées par le nombre d’enfants éligibles dans le ménage, multiplié par l’inverse de la probabilité de tirage du ménage. Un redressement des données a également été effectué par calage sur marges sur des données de recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), à savoir : le sexe de l’enfant, le niveau scolaire de la personne de référence du ménage (primaire, collège, lycée, supérieur), la situation matrimoniale de la personne de référence (mariée, pas mariée) et la saison du recueil. Pour les variables comportant plus de 2,5% de valeurs manquantes (« temps passé devant la télévision », « temps passé devant la télévision ou l’ordinateur » et « revenu par unité de consommation »), la modalité la plus fréquente de chacune de ces trois variables a été attribuée aux non-réponses. Dans les trois cas, il s’agissait également de la modalité présentant une proportion de pratique de jeux en plein air proche de celle des non-répondants. Pour identifier les liens entre la pratique de jeux en plein air, la corpulence et les variables sociodémographiques et comportementales, des odds ratios (OR) ont été calculés par régression logistique. Les variables dont la significativité (p) était inférieure à 0,20 en analyse univariée, ont été retenues dans un premier modèle multivarié. Le modèle multivarié final a été obtenu en appliquant la méthode pas à pas descendante : les variables ayant un p>0,05 ont été successivement retirées du modèle, à condition que les OR ajustés des autres facteurs ne varient pas de plus de 10% suite à chacun de ces retraits.
Résultats
Parmi les 808 enfants âgés de 3 à 10 ans inclus dans l’étude, 175 n’avaient pas fréquenté l’école la semaine ayant précédé l’enquête, essentiellement pour cause de vacances scolaires ou de maladie. Ces enfants déclaraient des temps quotidiens de télévision significativement plus longs que ceux ayant été scolarisés : 183 minutes par jour vs. 100 minutes par jour (p<10-3) en moyenne sur la semaine, et vs. 125 minutes par jour en moyenne uniquement sur les jours avec peu ou pas d’école (p=0,002). Ils étaient également issus de ménages dont la personne de référence était plus fréquemment de profession « employé et ouvrier » (68% vs. 49%, p=0,001) et étaient moins souvent partis en vacances au cours des 12 derniers mois que les enfants ayant fréquenté l’école (61% vs. 75%, p=0,007). Les analyses suivantes ont porté sur 633 enfants, scolarisés la semaine précédant la passation du questionnaire.
Pendant les jours avec peu ou pas d’école, 14% des enfants ne jouaient jamais en plein air (figure 1). Les distributions ne variaient pas significativement selon les classes de corpulence, ni selon le temps passé devant la télévision. De ce fait, la suite des analyses s’est focalisée sur le nombre de jours avec jeux en plein air uniquement pendant les jours complets d’école. Pour l’analyse par régression logistique, le seuil retenu a été « la pratique de jeux en plein air au moins deux jours d’école par semaine » versus « aucun ou un seul jour », ce qui correspondait à la médiane sur l’ensemble des 633 enfants.
La figure 2 décrit les distributions des enfants selon le nombre hebdomadaire de jours complets d’école pendant lesquels ils ont pratiqué des jeux en plein air, globalement, et selon la corpulence et le temps passé devant la télévision. Pendant les jours d’école, 39% des enfants ne jouaient jamais en plein air. Les médianes du nombre de jours d’école avec pratique de jeux en plein air variaient significativement entre, d’une part, les enfants en surpoids ou obèses par rapport aux autres enfants (0 jour versus 2 jours respectivement, p<10-3) et, d’autre part, entre ceux regardant la télévision 2 heures ou plus par jour et ceux la regardant moins de deux heures (1 jour versus 2 jours respectivement, p<10-3).
Le tableau 1 décrit, selon différentes caractéristiques, les proportions d’enfants ayant pratiqué des jeux en plein air au moins deux jours parmi les jours d’école de la semaine précédant l’interview. Si, globalement, 50,2% des enfants pratiquaient des jeux en plein air au moins deux jours d’école par semaine, cette proportion variait de façon significative selon la corpulence et le groupe d’âge de l’enfant, le fait qu’il soit perçu comme étant actif par ses parents, le mode de transport pour se rendre à l’école et selon le temps passé devant la télévision ou un écran d’ordinateur. Le niveau de revenus du ménage, le lieu de naissance du représentant de l’enfant et la taille d’unité urbaine étaient également liés à la pratique de jeux en plein air au moins deux jours d’école par semaine.
Le tableau 2 décrit les résultats des régressions logistiques, univariées et multivariées. La méthode pas à pas descendante appliquée au modèle complet a conduit à écarter 3 variables : la pratique d’un sport en dehors du temps scolaire, le mode de transport utilisé pour se rendre à l’école et l’âge. Le lieu de naissance de l’adulte représentant de l’enfant n’était pas significatif non plus, mais son exclusion du modèle entraînant des variations de plus de 10% sur les OR de certaines autres variables, cette variable a été maintenue dans le modèle final. Dans celui-ci (tableau 2), la corpulence (surpoids ou obésité) et la sédentarité (avec un temps passé devant la télévision de 2 heures ou plus par jour) restaient significativement associées à une pratique moins fréquente des jeux en plein air (moins de deux jours parmi les jours d’école de la semaine précédant l’interview). Les autres facteurs associés à cette moindre pratique de jeux en plein air étaient le fait de ne pas être perçu comme actif par ses parents, de résider dans l’agglomération parisienne, d’être issu d’un ménage dont la profession et catégorie socioprofessionnelle (PCS) de la personne de référence était « employé ou ouvrier », ou dont les revenus par unité de consommation étaient inférieurs au 15e percentile ou au contraire supérieurs au 85e percentile.
Discussion
Seuls 50% des enfants de 3 à 10 ans pratiquaient des jeux en plein air au moins 2 jours d’école par semaine. Cette proportion était de 64% pendant les jours avec peu ou pas d’école. Après ajustement sur diverses variables, la pratique de jeux en plein air au moins deux jours d’école par semaine était moins fréquente chez les enfants en surpoids ou obèses et chez ceux passant 2 heures ou plus par jour devant la télévision. Elle était également moins fréquente parmi les enfants perçus par leurs parents comme n’étant pas « actifs ».
Ces relations ont été également observées dans des études publiées à l’étranger, avec la corpulence 7,13, l’activité physique globale 3,13 et la sédentarité 7. Le fait que les niveaux d’intensité et les durées d’activité physique soient plus élevés en plein air qu’à l’intérieur 14 explique en partie la relation entre les jeux en plein air et la corpulence. Des comportements alimentaires différents et l’accès facilité aux aliments quand les enfants sont à la maison pourraient également jouer un rôle en matière de prise éventuelle de poids et donc de corpulence. Cependant, l’étude ENNS étant transversale, la relation entre corpulence et pratique de jeux en plein air peut être à double sens. Il est en effet possible que les enfants en surpoids ou obèses soient aussi moins enclins à sortir et à pratiquer des jeux en plein air que ceux de corpulence normale. Pourtant, la pratique de jeux en plein air contribue au niveau global d’activité physique quelle que soit la corpulence des enfants. En effet, Stone et coll. ont observé, dans un échantillon d’enfants de 11 ans, que les garçons en surpoids ou obèses qui passaient plus de deux heures par jour à jouer en plein air, avaient des niveaux de dépenses énergétiques similaires à ceux des garçons de corpulence normale 7. Par ailleurs, l’effet des activités en plein air ne semble pas uniquement lié à l’augmentation du niveau global d’activité physique. La pratique de jeux en plein air est également associée à une moindre sédentarité. Contrairement à la pratique de sports en club, qui est planifiée et organisée, la pratique de jeux en plein air fait partie du temps libre et, à ce titre, vient directement concurrencer les temps de comportements sédentaires. En contribuant à faire baisser ces temps consacrés à des activités sédentaires, la pratique de jeux en plein air pourrait ainsi participer à réduire les risques de surpoids et d‘obésité.
Les jours d’école, 39% des enfants ne pratiquaient jamais de jeux en plein air. Les jours avec peu ou pas d’école, cette proportion était de 14%. L’Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 15, réalisée sur la même période et avec un questionnaire identique chez les enfants de 3 à 10 ans, a rapporté des fréquences respectivement de 30% et 15%, avec des intervalles de confiance non disjoints de ceux estimés dans ENNS. Par ailleurs, dans l’Étude sur la santé des enfants de grande section de maternelle réalisée en 2005-2006 16, 50% des enfants pratiquaient des jeux à l’extérieur moins de 3 fois par semaine les jours d’école, et 31%, les jours avec peu ou pas d’école. Ces proportions en nombre de fois par semaine, établies sur une classe d’âge plus restreinte, étaient inférieures à celles observées ici en nombre de jours par semaine (respectivement 63% et 68%).
Outre la corpulence, la sédentarité et le fait d’être perçu comme étant « actif » par ses parents, les autres variables liées à la pratique de jeux en plein air au moins 2 jours d’école par semaine, à l’issue des analyses multivariées, concernaient deux autres dimensions : l’une sociale et l’autre liée à l’environnement résidentiel de l’enfant. La pratique de jeux en plein air au moins 2 jours d’école par semaine était en effet moindre parmi les enfants issus des ménages ayant les revenus les plus faibles et également chez les enfants dont la personne de référence du ménage était « employé ou ouvrier ». Le lien avec le niveau social n’était cependant pas linéaire puisque les enfants issus des ménages ayant les revenus les plus élevés avaient aussi une pratique de jeux en plein air au moins 2 jours d’école par semaine moins fréquente que les enfants des ménages aux revenus intermédiaires. Une telle relation en U n’est pas retrouvée dans la littérature. Dans la revue de la littérature de Bauman et coll., aucune des variables telles que le niveau d’études des parents, leur profession et les revenus du ménage n’est listée parmi les facteurs associés au niveau d’activité physique chez les enfants de moins de 10 ans 5. Une étude en Allemagne 4 conclut même à une absence de lien entre le niveau global d’activité physique et le statut social. Toutefois, dans ENNS, la pratique sportive en club, qui contribue au niveau global d’activité physique, variait aussi de façon significative selon les revenus (<15e percentile : 53% ; 15e à 85e percentiles : 71% ; >85e percentile : 66% ; p=0,04). Les enfants issus des ménages ayant des revenus inférieurs au 15e percentile cumulaient donc à la fois un manque de jeux en plein air et une moindre pratique sportive en club. En revanche, ceux appartenant à des foyers avec des revenus élevés (>85e percentile) ne pratiquaient pas plus d’activité en club que ceux de revenus intermédiaires (15e au 85e percentile).
Les jeux en plein air étaient également moins fréquents dans l’agglomération parisienne. Ceci peut en partie s’expliquer par le lien observé avec le lieu de naissance du représentant de l’enfant et le fait que la proportion de personnes nées à l’étranger en région parisienne soit plus élevée que dans les autres régions. Mais cette moindre pratique des jeux en plein air en agglomération parisienne met aussi en évidence le rôle éventuel de l’environnement résidentiel des enfants, avec d’une part, la perception par les parents du niveau de sécurité dans leur quartier et, d’autre part, la disponibilité de zones de jeux à proximité. Notons que la pratique des jeux en plein air était demandée en dehors des heures de classe. Les jeux en plein air éventuellement pratiqués pendant les heures de garderie après l’école étaient donc pris en compte et ne permettent pas de ce fait d’expliquer la différence observée dans la pratique de jeux en plein air entre les enfants des autres régions et ceux de l’agglomération parisienne, dans l’hypothèse où ces derniers fréquentaient plus souvent ces garderies.
Une étude aux États-Unis 6 s’est intéressée à l’environnement résidentiel de jeunes enfants et a mis en évidence des pratiques de jeux en plein air plus fréquentes parmi les enfants résidant en maison individuelle que parmi ceux vivant en immeuble. Elle observait cependant une exception : les logements sociaux où les enfants jouaient plus fréquemment dehors, grâce à la disponibilité et la proximité d’aires de jeux, mais tout en ayant des temps de télévision supérieurs à ceux des autres enfants.
L’environnement résidentiel joue également un rôle dans le mode de transport utilisé pour se rendre à l’école. Dans la présente étude, les enfants se rendant à l’école par des moyens actifs (à pied, en vélo...) pratiquaient moins fréquemment des jeux en plein air les jours d’école que les autres enfants. Entre 5 et 10 ans, les modes de transport actifs paraissent avant tout liés à la proximité entre la résidence et les écoles maternelles ou primaires et donc au degré d’urbanisation. De ce fait, la relation inverse observée entre les modes actifs de transport et les jeux en plein air n’était plus significative après ajustement sur les autres facteurs retenus, notamment la taille d’unité urbaine. Les modes actifs de transport contribuant également au niveau global d’activité physique, ils peuvent aussi compenser le manque d’activités en plein air.
L’étude a également montré l’absence de différence de pratique des jeux en plein air entre les garçons et les filles dans cette classe d’âge, ce qui a été rapporté dans d’autres études chez des enfants entre 10 et 12 ans 17,18, alors que des différences apparaissent chez les adolescents au-delà de cet âge 7,19. Dans le même ordre d’idée, aucune différence significative de pratique de jeux en plein air n’était observée entre les enfants ayant une pratique sportive, que ce soit à l’école ou en club, et ceux n’en ayant pas. Les deux pratiques semblent donc indépendantes l’une de l’autre. Dans l’objectif d’augmenter l’activité physique globale des enfants, la promotion de la pratique des jeux en plein air reste donc pertinente, que les enfants pratiquent ou non une activité sportive en club.
Enfin, le questionnaire sur les activités en plein air n’ayant été posé qu’aux enfants ayant fréquenté l’école la semaine précédant l’enquête, la pratique de jeux en plein air n’a pas été comparée à celles des enfants en vacances ou absents cette semaine-là. Néanmoins, les données sur le temps de télévision montrent que les enfants en vacances ou absents étaient plus sédentaires que ceux ayant fréquenté l’école la semaine précédant l’interview. Cette comparaison doit cependant être considérée avec prudence étant donnée la différence de distribution en termes de PCS de la personne de référence. Cette différence pourrait éventuellement s’expliquer par une moindre disponibilité de ces PCS pour répondre à l’enquête pendant les périodes scolaires.
Contrairement à d’autres études sur le temps de jeux en plein air, la présente étude ne disposait ni de la mesure du temps passé à l’extérieur, ni de la nature des activités de plein air pratiquées. Seule la fréquence en jours était demandée. Ceci limite la comparaison avec la plupart des études disponibles qui, de plus, pouvaient disposer de mesures objectives de l’activité physique, notamment par accélérométrie. Dans notre étude, le niveau d’activité physique des enfants était estimé uniquement par les données déclaratives des parents. Néanmoins, l’échantillonnage de l’étude a permis de fournir des résultats sur la pratique de jeux en plein air en période scolaire qui sont extrapolables à l’ensemble des enfants de 3 à 10 ans en France métropolitaine. Par ailleurs, la répartition des interviews sur l’ensemble de l’année permet de produire des estimations représentatives des semaines d’école pour l’ensemble de ces enfants.
Conclusion
La pratique de jeux en plein air est associée à une moindre sédentarité et à une moindre corpulence chez les enfants de 3 à 10 ans en France. Comme le montre la littérature, les activités en extérieur contribuent de manière importante au niveau global d’activité physique de ces enfants. Des interventions de santé doivent donc être mises en place pour augmenter ces temps de jeux en plein air, par exemple en rendant accessibles les parcs et les aires de jeux, en particulier en milieu urbain, et en informant les parents de l’intérêt à encourager leurs enfants à passer plus de temps en plein air pour augmenter leur niveau global d’activité physique et prévenir les éventuels problèmes de santé liés à la sédentarité. Nos résultats soulignent également l’intérêt d’utiliser ce type d’indicateurs, aisés à recueillir, pour la surveillance nutritionnelle. Celle-ci est utile, notamment dans le cadre du Programme national nutrition santé, qui préconise d’augmenter l’activité physique et de réduire les activités sédentaires, en particulier chez les enfants. La répétition d’une étude comme ENNS permettra de suivre l’évolution de ces pratiques de jeux en plein air dans le temps.
Remerciements
Les auteurs remercient l’ensemble des personnes ayant contribué au recueil des données dans le cadre de l’étude ENNS et en particulier, pour les analyses présentées ici, les diététiciens.