Les bénéfices de l’activité physique chez les plus de 50 ans. Revue bibliographique

// Beneficial effects of physical activity after fifty years. Litterature review

Daniel Rivière (riviere.d@chu-toulouse.fr), Ludivine Ruffel, Fabien Pillard
Service d'exploration de la fonction respiratoire et de médecine du sport, Hôpital Larrey, Toulouse, France
Soumis le 25.08.2014 // Date of submission: 08.25.2014
Mots-clés : Activité physique | Vieillissement | Appareil cardiovasculaire | Appareil locomoteur | Espérance de vie | Recommandations
Keywords: Exercise | Elderly | Cardiovascular system | Musculoskeletal system | Life expectancy | Recommendations

Résumé

Les preuves scientifiques des bénéfices des activités physiques (AP) au cours de l’avancée en âge, en particulier après 50 ans, s’accumulent au moment où le vieillissement de la population, en particulier en France, devient un véritable enjeu de santé publique. Ces bienfaits, qui concernent tous les appareils et systèmes du corps humain, permettent un « vieillissement réussi » mais surtout, et c’est tout l’enjeu des politiques actuelles de santé publique, permettraient de lutter contre la « fragilité », de maintenir l’autonomie et de prévenir la dépendance.

Cette revue focalise, à partir d’une bibliographie postérieure à 2008 et essentiellement basée sur des revues et méta-analyses, sur les bénéfices de la pratique d’une activité physique sur les systèmes cardiovasculaire, locomoteur, neurocognitif et immunitaire, et sur leurs conséquences sur la qualité et l’espérance de vie. Les méfaits potentiels d’une activité physique mal conduite, plus particulièrement sur les appareils cardiovasculaire et locomoteur, sont également abordés. Un bref aperçu des recommandations actuelles en matière d’activité physique pour la santé chez les personnes avançant en âge est donné en fin de revue.

Abstract

The scientific evidence of the beneficial effects of physical activity (PA) during the advance in age, especially after 50 years, accumulate at a time when the population ageing, in particular in France, becomes a real public health issue. These benefits, that concern all of the human body systems, would allow "successful ageing" but above all, they represent a real stake in current public health policies, and could contribute to fight "frailty", maintain autonomy, and prevent dependence. Based on a bibliography posterior to 2008 targeted at reviews and meta-analyses, this literature review focuses on the cardiovascular, musculoskeletal, neuro-cognitive, and immune benefits and their consequences on the quality of life and life expectancy. Potential adverse effects of inaccurate physical activity, particularly on cardiovascular and musculoskeletal systems, are also discussed. A brief survey of the current recommendations for physical activity for health during the advance in age is given at the end of review.

Introduction

Le vieillissement correspond à l’ensemble des processus physiologiques et psychologiques qui modifient la structure et les fonctions de l’organisme avec le temps. Il s'accompagne d'une diminution des capacités fonctionnelles de l'organisme, induisant une réduction de sa capacité d’adaptation aux situations d’agression (notamment les pathologies aiguës). Cette réduction fonctionnelle est très variable d'un organe à l'autre et, à âge égal, l'altération d'une fonction donnée varie fortement d'un individu âgé à l'autre 1.

Les seniors - encore appelés, suivant les revues et/ou rapports, population âgée ou avançant en âge ou plus simplement « les âgés » - ont longtemps été dichotomisés en deux groupes : celui des personnes « en bonne santé » et celui des personnes « malades » (porteuses de pathologies chroniques) et/ou dépendantes. Dans ces groupes, le rôle des activités physiques (AP) s’inscrit soit dans un axe de prévention primaire pour accompagner le vieillissement (le « successful aging » des Anglo-Saxons), soit dans un axe de de prévention tertiaire et de prise en charge thérapeutique pour le 2e groupe. Aujourd’hui apparaît un 3e groupe, celui des personnes dites « fragiles », qui présentent une diminution multisystémique des réserves fonctionnelles amenant une vulnérabilité avec un risque de dépendance, d’institutionnalisation et de décès 2,3. C’est ce dernier point qui est particulièrement d’actualité dans le but du maintien de l’autonomie des personnes avançant en âge.

Le récent rapport de JP. Aquino : « Anticiper pour une autonomie préservée : un enjeu de société » 4 fait une part importante aux AP. Dans les suites de ce rapport, la Direction des sports, la Direction générale de la santé et la Direction générale de la cohésion sociale ont mis en place un groupe de travail interministériel intitulé « Dispositif d’activités physiques et sportives en direction des âgés ». Ce groupe de travail était chargé d’apporter des réponses spécifiques pour les personnes âgées sans risques de santé identifiés et pour les personnes âgées fragiles à risque de perte d’autonomie (l’état de fragilité étant dans une certaine mesure « réversible »), sans oublier celles déjà « dépendantes » en et hors institutions 5. Ainsi, à quelque titre que cela soit, les bienfaits des AP pour les seniors deviennent un véritable enjeu de santé publique, comme l’a souligné récemment l’Académie de médecine 6. Mais, « le mieux étant souvent l’ennemi du bien », il est bon de commencer par des conseils de prudence.

Risques potentiels des activités physiques et sportives

Au sens strict, l’AP se définit comme « tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques entraînant une augmentation de la dépense énergétique au-dessus de la dépense de repos ». Elle regroupe les activités professionnelles et de la vie courante et les activités de loisirs structurées (en particulier sportives) ou non.

Si les bienfaits des AP sont reconnus et s'il est certain que la sédentarité est un facteur de risque de diverses pathologies, on ne doit pas cacher que le sport de compétition, et même le « sport de loisir » dit de haut niveau, peuvent avoir des effets néfastes. Le danger existe pour le sédentaire « repenti », qui prend conscience de sa surcharge adipeuse ou de son hypercholestérolémie, et qui ne sait rien de la pratique sportive à un âge de sommation de risques. Le danger existe surtout pour le sportif "amnésique", ancien sportif qui a oublié qu'il a arrêté bien des années avant et qui reprend "là où il avait laissé" 7.

Le risque cardiovasculaire a été abondamment décrit. Un senior sédentaire qui démarre ou reprend une AP intense s’expose à un sur-risque cardiovasculaire transitoire (avec risque de syndrome coronaire aigu et de mort subite), risque largement contrebalancé, nous le verrons, par le bénéfice à long terme de l’AP. Ce sur-risque est minimisé par la réalisation d’un bilan médical systématique, avec notamment la réalisation d’une épreuve d’effort cardiologique. Dans une revue récente, les auteurs montrent l’augmentation du risque de mort subite chez les personnes de plus de 35 ans par rapport aux plus jeunes, statistique appelée, pour les auteurs, à augmenter vu l’engouement des seniors pour le sport de loisir de haut niveau 8. De même, un passé de pratique de sport d’endurance pourrait augmenter le risque de fibrillation auriculaire de 6% par rapport à la population générale 9, ce qui confirme les résultats de la Cardiovascular Health Study 10. Dans une étude récente, L. Yankelson et coll. montrent cependant que le coup de chaleur est plus souvent en cause que les arythmies dans les décès durant les sports d’endurance 11. Étant donnée la diminution de la sensation de soif avec l’avancée en âge, par réduction de la sensibilité des récepteurs de la soif et modifications du métabolisme de l’arginine-vasopressine, ce risque mérite d’être souligné, mais là encore sans confondre la reprise d’une AP intense chez un senior sédentaire et les problèmes médicaux survenant chez un senior entraîné pratiquant de l’AP de haut niveau.

Si la traumatologie sportive augmente avec l’âge 1, le risque augmente avec la déminéralisation osseuse 1, surtout en cas d’ostéoporose 12. Au sens large, les « complications médicales » lors des courses de longue distance seraient plus fréquentes chez les femmes de plus de 50 ans, et là un environnement froid serait un élément favorisant 13.

Si les conseils de prudence sont donc de mise, ces mêmes études 8,9,10 soulignent cependant l’effet protecteur de l’AP modérée ou « modérément intense ».

Bénéfices de l’exercice lors de l’avancée en âge

Devant l’accumulation des preuves scientifiques des bienfaits des AP au cours de l’avancée en âge, en particulier après 50 ans, il est nécessaire d’emblée de limiter les « bornes » d’une actualisation bibliographique. De façon arbitraire, nous nous sommes limités à une revue des six dernières années, depuis 2008, année de parution de deux rapports français portant sur l’AP et santé, et qui consacrent chacun un chapitre aux seniors 14,15. Le choix de l’âge de 50 ans (qui était déjà celui du groupe de travail interministériel cité plus haut 5) repose sur les recommandations de l’expertise collective Inserm de 2008 14. Les experts avaient alors choisi, en se basant sur les références de haut niveau de preuve (evidence-based medicine), de différencier trois groupes pour les recommandations : l’enfant, l’adulte sain de moins de 65 ans et un dernier groupe, avec adultes sains de plus de 65 ans et adultes porteurs de pathologies chroniques de plus de 50 ans 14.

Le vieillissement concernant tous les appareils, il est impossible de faire une revue exhaustive de tous les bénéfices actuellement recensés sans tomber dans le catalogue. Nous avons choisi de nous focaliser sur les aspects les plus modernes faisant consensus, en nous appuyant sur des revues et/ou méta-analyses très documentées ; nous aborderons les effets cardiovasculaires (incluant les facteurs de risques) et locomoteurs (os, muscle) pour lesquels nous venons de citer les effets délétères potentiels, puis les aspects neurocognitifs qui, couplés avec les aspects locomoteurs, permettent de traiter la prévention des chutes et la prise en charge de la fragilité d’une part et la santé mentale d’autre part, elle aussi partie prenante dans la fragilité. Enfin, nous considérerons les aspects inflammatoires et immunologiques et, brièvement, les notions les plus récentes concernant les cancers. Nous terminerons sur les conséquences sur l’espérance de vie et la réduction de la mortalité.

Le tableau 1 propose un résumé très synthétique de ces bénéfices.

Tableau : Principaux effets bénéfiques de l’activité physique*
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Bénéfices cardiovasculaires

Dans une revue très récente, C. Vigorito et F. Giallauria 16 ont fait le point sur les effets positifs de l’AP sur le déclin de la fonction cardiovasculaire (caractérisé par une altération de la fonction diastolique et une baisse du débit cardiaque maximal, due à une diminution de la fréquence cardiaque maximale et à la baisse de la compliance artérielle). Ils insistent sur les effets de réduction des facteurs de risque et sur la prévention des maladies cardiovasculaires, incluant les pathologies vasculaires cérébrales et périphériques, et aussi sur l‘amélioration de la santé des patients atteints de maladies cardiovasculaires (coronariens et hypertendus, entre autres) 16.

Si ces notions ne sont pas nouvelles, elles s’appuient aujourd’hui sur des preuves « fondamentales » 17 dont les plus déterminantes sont :

  • l’amélioration de la fonction inotrope par « restauration » de la fonction des β-récepteurs adrénergiques, dont la downregulation est un facteur majeur du vieillissement cardiovasculaire ;
  • la restauration des mécanismes d’angiogénèse cardiaque, essentielle dans la protection contre l’ischémie et dans la récupération post-infarctus ;
  • l’amélioration de la perfusion des muscles lors de l’exercice par action positive sur le dysfonctionnement endothélial ;
  • la baisse de la production de radicaux oxydants, qui contrebalance la réduction des systèmes de protection antioxydants liée à l’âge 18.

On en rapprochera les effets de l’exercice régulier sur les métabolismes lipidique et glucidique, connus de longue date et abondamment documentés dans l’expertise Inserm de 2008 14 ; chez tous les sujets avançant en âge, l’AP permet l’obtention d’un meilleur profil lipidique privilégiant le cholestérol HDL, la moindre production de lactate et l’augmentation de la sensibilité à l'insuline, participant ainsi à la prévention et/ou la prise en charge du surpoids, de l’obésité, du diabète de type 2 et du syndrome métabolique 14.

Bienfaits sur l’appareil locomoteur

L’avancée en âge s’accompagne d’une réduction de la masse musculaire, avec diminution de la densité en fibres musculaires (principalement de type II) et, au plan fonctionnel, une diminution de la force musculaire. Le processus d’involution du tissu musculaire avec l’avancée en âge est défini comme le processus sarcopénique. Au niveau osseux, on observe une réduction de la densité minérale osseuse (ostéopénie) et une diminution de la résistance mécanique de l’os 1.

L’AP, et plus particulièrement le renforcement musculaire 19, augmente la masse et la force musculaire 20. L’augmentation de l’extraction d’oxygène par le muscle âgé est due à des modifications biochimiques liées à l’entrainement, associant une augmentation des chaînes lourdes de myosine, une augmentation de l’activité enzymatique oxydative 21 et une amélioration de la fonction contractile des myofibrilles 22.

Cette augmentation de la masse et de la force musculaire a un effet sur le maintien, voire l’augmentation de la densité minérale osseuse 23, associé à un effet direct de l’exercice, cependant modeste et uniquement avec les sports en charge 24. Cet effet n’est pas uniforme en termes de localisation osseuse 25. Plus récemment, une relation dose-réponse a pu être mise en évidence, avec un effet plus marqué des exercices « intenses » et fréquents 26. Des effets différents chez l’homme et la femme (beaucoup plus étudiée dans le cadre de l’ostéoporose post-ménopausique) suggèrent un possible rôle hormonal dans la potentialisation des effets ou le peu d’action directe de l’exercice 24,25. Mais, dans cette revue consacrée aux seniors, il est utile de rappeler que la meilleure prévention de la perte osseuse est une activité physique régulière et en charge débutée dès le plus jeune âge 27.

Bienfaits neurocognitifs

En termes strictement neurologiques, l’avancée en âge s’accompagne principalement d’une diminution du nombre de neurones corticaux et de la diminution de certains neurotransmetteurs intracérébraux. L’augmentation des temps de conduction des nerfs périphériques est à l’origine d’une diminution de la sensibilité proprioceptive, qui favorise l’instabilité posturale. Le vieillissement du système nerveux autonome se caractérise par une hyperactivité sympathique et par une réduction de la réponse aux stimulations en raison d’une diminution de sensibilité des récepteurs aux catécholamines 1.

Les travaux les plus récents montrent que l’AP pourrait contrebalancer ces effets liés à l’avancée en âge, en particulier en agissant sur la plasticité cérébrale chez le sujet sain 28 et dans certaines pathologies, les plus étudiées étant la maladie de Parkinson 29 et les démences type Alzheimer 30,31. Les mécanismes à l’origine de ces effets incluent de nombreux facteurs, au premier rang desquels le plus étudié a été le brain-derived neurotrophic factor (BDNF) 32. Plus récemment, le rôle des myokines libérées par le muscle lors de l’exercice, en particulier par action au niveau de l’hippocampe, a été souligné 33. L’AP a aussi un rôle en périphérie, par amélioration de l’activation motrice volontaire 34. Elle agit également sur le système nerveux autonome, où son action sur la plasticité cérébrale (au niveau des interactions entre le noyau du tractus solitaire et le noyau paraventriculaire hypothalamique), ainsi que sur le remodelage des afférences et les modifications des neurotransmetteurs va pouvoir contribuer aux adaptations cardiovasculaires à l’exercice 35.

Tous ces effets sur le plan neurologique, associés aux effets locomoteurs décrits et à ceux sur l’équilibre (plus particulièrement les exercices de renforcement musculaire des membres inférieurs) vont avoir un rôle fondamental dans une possible prévention de la fragilité et surtout des chutes 36, dont on connaît l’incidence néfaste sur la morbi-mortalité des sujets âgés.

En matière de psychologie cognitive, l’AP améliore la santé mentale quel que soit l’âge 37, et les études les plus récentes focalisent sur ses effets bénéfiques sur le déclin cognitif et la prévention de la « démence » 38,39, ainsi que sur les effets positifs des AP (incluant la danse de salon et le tai chi) sur l’anxiété et la dépression qui accompagnent fréquemment l’avancée en âge 40. Enfin, et c’est peut-être le plus important pour un vieillissement réussi, l’AP améliore la qualité de vie des personnes avançant en âge 41, ce qui est à mettre en parallèle avec le fait qu’une diminution de cette qualité de vie augmente les « infirmités » liées à l’âge et la réduction de la mobilité 42.

Rôle sur l’Inflammation, l’immunité, les cancers

L’avancée en âge s’accompagne d’une inflammation chronique à bas bruit. Dans ce contexte, l’AP diminuerait cette inflammation par des mécanismes soit dépendants de la réduction du tissu adipeux, et donc de sa sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, soit indépendants de la perte de masse grasse, essentiellement par augmentation des défenses anti-oxydantes déjà mentionnées. Ainsi, l’exercice régulier favoriserait l’instauration d’un processus de modulation de l’état inflammatoire 43. Ce « phénotype inflammatoire » de l’avancée en âge est en partie lié à l’immunosénescence, vis-à-vis de laquelle l’exercice a là encore des effets positifs, dont les principaux s’exercent sur le nombre et la fonction des lymphocytes T, l’activité de phagocytose des neutrophiles et l’activité cytotoxique des cellules NK (natural killer44. Ce dernier mécanisme pourrait intervenir dans le rôle de plus en plus documenté de l’AP sur la prévention de certains cancers et/ou leur survie, comme le cancer du sein chez la femme et celui du côlon dans les deux sexes 45, en association avec les autres effets anti-inflammatoires, sans oublier les principaux autres effets démontrés que sont la réduction de la sécrétion d’œstrogènes par diminution du tissu adipeux pour les cancers hormono-dépendants, ainsi que la réduction de l’insulinorésistance associée à une diminution d’IGF1 (insulin-like growth factor-146.

Espérance de vie et mortalité

Les plus récentes revues et/ou études de cohortes montrent qu’il existe un impact de l’AP sur la longévité et la mortalité, malgré certaines limites telles que biais de sélection et de confusion 47,48,49. Toutes insistent sur la notion de relation dose-effet, l’intérêt d’une certaine intensité d’exercice et l’effet per se de l’exercice (même si on doit l’associer à d’autres facteurs favorisants une bonne santé, comme une alimentation équilibrée, une réduction pondérale et l’arrêt du tabagisme 48). Compte tenu de la difficulté pour certains de suivre les recommandations parfois trop contraignantes des autorités sanitaires, il est désormais admis que même des exercices d’intensité et de durée inférieures aux recommandations optimales pour la santé gardent un impact positif sur la longévité 50. Très récemment, une revue de méta-analyses (339 274 sujets) a mis en exergue que, vis-à-vis de la mortalité liée à des pathologies cardiovasculaires et/ou métaboliques, l’exercice seul avait au moins autant (sinon plus dans certains cas) d’effets que les traitements pharmacologiques 51, ce qui confirme l’intérêt du récent rapport de la Haute Autorité de santé (HAS) sur la prescription de thérapeutiques validées non médicamenteuses 52.

Quelle activité physique pour la santé ?

Nous l’avons vu tout au long de cette revue, les auteurs rapportent des effets plus ou moins marqués selon le type d’AP, et c’est là la principale limite de ces études où les exercices considérés sont très variables, quand l’AP n’est pas seulement évaluée de manière déclarative par des questionnaires différents selon les spécialités médicales et les pays. Nous nous bornerons ici à rappeler qu’aujourd’hui l’AP recommandée doit être définie en termes de nature, d’intensité, de fréquence et durée de séances et de contexte de pratique (autonomie ou avec encadrement chez les malades ou les personnes fragiles) 53, et que les effets globaux sur la santé après 50 ans sont, comme pour la mortalité, surtout dose-dépendants 54. En France, les recommandations de l’expertise collective de l’Inserm 14 peuvent, chez l’adulte de plus de 50 ans, se résumer en :

  • une AP de type aérobie (endurance) d’intensité modérée pendant une durée minimale de 30 minutes au moins 5 fois par semaine, avec possible fractionnement ; les activités de la vie quotidienne de moins de 10 minutes ne sont pas comptabilisées ;

ou

  • une AP de type aérobie d’intensité élevée pendant une durée minimale de 20 minutes au moins 3 fois par semaine.

Il est par ailleurs recommandé de diversifier les AP. Des combinaisons de ces deux types d’activité sont possibles.

On doit y associer des exercices de renforcement musculaire (contre résistance), au minimum 2 jours non consécutifs par semaine, des exercices d’assouplissement et des exercices d’équilibre.

Sur un plan pratique, l’encadré ci-après, tiré des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, donne une synthèse des conseils simples à appliquer par tous 55.

Encadré : Synthèse des recommandations d’activité physique pour la santé (Organisation mondiale de la santé, 2010)
1.

Les personnes âgées devraient pratiquer au moins, au cours de la semaine, 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée ou au moins 75 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue.

2.

L’activité d’endurance devrait être pratiquée par périodes d’au moins 10 minutes.

3.

Pour pouvoir en retirer des bénéfices supplémentaires sur le plan de la santé, les personnes âgées devraient augmenter la durée de leur activité d’endurance d’intensité modérée de façon à atteindre 300 minutes par semaine ou pratiquer 150 minutes par semaine d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue.

4.

Les personnes âgées dont la mobilité est réduite devraient pratiquer une activité physique visant à améliorer l’équilibre et à prévenir les chutes au moins trois jours par semaine.

5.

Des exercices de renforcement musculaire faisant intervenir les principaux groupes musculaires devraient être pratiqués au moins deux jours par semaine.

6.

Lorsque des personnes âgées ne peuvent pratiquer la quantité recommandée d’activité physique en raison de leur état de santé, elles devraient être aussi actives physiquement que leurs capacités et leur état le leur permettent.

Conclusion

Si une activité trop intense et mal conduite est à risque avec l’avancée en âge, les bénéfices d’une AP régulière, raisonnable et raisonnée, sont abondamment documentés, avec une connaissance de plus en plus précise des mécanismes sous-jacents. Il reste cependant à mieux définir le niveau et le type d’AP qui auront le meilleur rapport bénéfice/risque en fonction de l’état de santé et/ou des pathologies, en focalisant sur l’observance. La réversibilité de la fragilité et la prévention de la perte d’autonomie doivent être les buts affichés de l’AP pour les personnes avançant en âge, car même si les travaux les plus récents montrent une amélioration de l’espérance de vie et une réduction de la mortalité liée aux chute et/ou aux maladies, il est sans doute plus raisonnable d'envisager que le principal but de la pratique régulière d'exercices physiques est « d'ajouter de la vie aux années plutôt que des années à la vie ».

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Citer cet article

Rivière D, Ruffel L, Pillard P. Les bénéfices de l’activité physique chez les plus de 50 ans. Revue bibliographique. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(30-31):545-51. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/30-31/2015_30-31_1.html