Score de qualité nutritionnelle des aliments de la Food Standards Agency appliqué aux consommations alimentaires individuelles des adultes en France
// Application of the Food Standards Agency Nutrient Profiling System to individual diet in French adults
Résumé
Introduction –
En France, la mise en place d’un système d’information nutritionnelle simplifiée basé sur le score de qualité nutritionnelle élaboré au Royaume-Uni par la Food Standards Agency (FSA) est actuellement en discussion. Notre objectif était de mesurer la pertinence de l’application du score FSA aux comportements alimentaires individuels afin de quantifier les apports en aliments et en nutriments favorables à la santé ou non chez les adultes en France.
Méthodes –
Enquête nationale représentative reposant sur un échantillonnage complexe à trois degrés, l’Étude nationale nutrition santé (ENNS) comportait un recueil de données de consommations alimentaires par trois rappels des 24 heures. Après exclusion des sous-déclarants, les analyses ont porté sur un total de 2 754 adultes (1 014 hommes, 1 740 femmes) âgés de 18 à 74 ans. Le score a été appliqué à l’ensemble des aliments et boissons de l’étude. Un score agrégé au niveau individuel a été calculé en tenant compte de l’énergie apportée par chacun des aliments consommés et de leur score FSA. Les consommations de groupes d’aliments et les apports en nutriments ont été décrits par quartiles de distribution de ce score individuel.
Résultats –
Les sujets du 1er quartile (score FSA global plus favorable) consommaient davantage de fruits et légumes (+300 g/jour pour les hommes et +235 g/jour pour les femmes) et de produits de la pêche (+24 g/jour pour les hommes et +8 g/jour pour les femmes) que ceux du 4e quartile. À l’inverse, ils consommaient moins de produits gras sucrés ou salés (-141 g/jour pour les hommes et -94 g/jour pour les femmes). Ils avaient aussi des apports énergétiques moyens inférieurs (-515 kcal/jour pour les hommes et -306 kcal/jour pour les femmes) et une part des lipides dans l’apport énergétique total (AET) également inférieure (-8% AET pour les deux sexes). Globalement, ils avaient des apports en vitamines et minéraux plus élevés que ceux du 4e quartile.
Conclusion –
Nos analyses, menées sur un échantillon national d’adultes, montrent que le score FSA appliqué aux consommations alimentaires au niveau individuel permet de caractériser la qualité de l’alimentation, en termes de consommations d’aliments et d’apports en nutriments et au regard des recommandations actuelles.
Abstract
Introduction –
In France, using a simplified nutritional information system based on the Nutrient Profiling System of the Food Standards Agency (FSA) is in discussion. Our objective was to measure the efficiency of applying the FSA score to individual dietary behaviors to quantify nutrient and food intakes more or less healthy in adults in France.
Methods –
The ENNS survey (National Study on Nutrition and Health) was a national cross-sectional multistage sampling representative survey in 18-74 year-old adults living in mainland France. Food intake was estimated using three 24 h recalls. After excluding under-reporters, the analyses focused on a total of 2,754 adults (1,014 men, 1,740 women) aged 18 to 74 years. Each food was computed for its FSA nutrient profiling system (FSA score). An aggregated score was computed at the individual level using arithmetic energy-weighted means. Nutrient intake and food group consumption were described by quartiles of individual diet FSA score.
Results –
In both genders, healthier food intake were observed in the lowest (more favorable FSA score) compared to the highest quartiles: +300 g/day for men and +235 g/day for women for fruit and vegetables, and +24 g/day for men and +8 g/day for women for fish and seafood. Inversely, Higher amounts of consumption were observed for high-fat and sugary or salty foods when quartiles increased (-141 g/day for men and -94 g/day for women). Energy intake (-515 kcal/day for men and -306 kcal/day for women for energy in the 1st compared to the 4th quartile) and percent of total energy intake (EI) from fat (-8% EI in both genders) decreased with decreasing quartiles. Higher mineral and vitamin intakes were observed with decreasing quartiles.
Conclusion –
Our results show efficiency of the FSA nutrient profiling system applied to individual diet to identify ranges of healthy diets and compliance with nutritional recommendations in adults in the French context.
Introduction
L’alimentation est impliquée dans l’apparition et le développement de maladies chroniques comme certains cancers, les maladies cardiovasculaires, l’obésité et l’ostéoporose, ou encore de troubles métaboliques comme le diabète de type 2 ou l’hypercholestérolémie 1. Dès 2001, en France, le Programme national nutrition santé (PNNS) a été mis en place, et prolongé depuis, pour améliorer l’état de santé de la population en agissant sur l’un de ses déterminants majeurs : la nutrition. En termes d’alimentation, des repères de consommation de groupes d’aliments ont été diffusés au grand public. La consommation de certains de ces groupes est encouragée (par exemple « Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour ») et, pour d’autres, la consommation doit être limitée (par exemple « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé »).
En complément de ces repères et des actions engagées auprès de la population et des professionnels dans le domaine de l’alimentation, un des moyens d’améliorer la prévention primaire par l’alimentation consisterait à afficher, sur la face avant des emballages alimentaires, une information nutritionnelle simplifiée 2,3. Pour ce faire, des systèmes de score de qualité nutritionnelle peuvent être utilisés. Ils consistent à catégoriser l’ensemble des aliments et boissons selon leurs caractéristiques nutritionnelles comme l’apport énergétique, la composition en nutriments, voire en ingrédients, en incluant à la fois des composants « à limiter » (comme les acides gras saturés ou les sucres simples) et d’autres « à favoriser » (comme les fibres). Cette approche a permis l’élaboration de différents systèmes d’ores et déjà utilisés à travers le monde 4,5. Parmi ceux développés en Europe, deux sont particulièrement utilisés : l’un pour l’étiquetage des aliments et boissons, comme le système « clé verte » scandinave 6, et l’autre pour la suppression de la publicité de certains aliments dans les programmes pour enfants (au Royaume-Uni avec le score développé par la Food Standards Agency, FSA) 7.
L’utilisation du score de la FSA est actuellement en discussion en France pour servir de base à la mise en place d’un étiquetage nutritionnel simplifié sur la face avant des emballages) 2. Dans cette perspective, ce score a été appliqué à des tables de composition d’aliments disponibles en France, telles que celle utilisée dans le cadre de la cohorte Nutrinet-Santé) 8, ou aux informations disponibles sur les emballages de céréales) 9. Ces analyses ont permis de montrer la capacité du score FSA à différencier la qualité nutritionnelle des produits alimentaires disponibles en France, entre les groupes alimentaires, au sein d’un même groupe ou pour des produits similaires de marques différentes.
Une étape importante du processus de validation du score FSA en France consiste à tester dans quelle mesure son application au niveau des consommations individuelles permettrait d’identifier des consommations alimentaires favorables à la santé 10. Pour cela, son application à des données de consommations individuelles sur un échantillon aléatoire à visée représentative de la population française est nécessaire. Les données issues de l’Étude nationale nutrition santé (ENNS) réalisée en 2006-2007, et dont l’une des finalités était de décrire la situation nutritionnelle en France métropolitaine 11, permettent de tester une telle hypothèse. Pour chaque individu, le score FSA a été calculé pour tous les aliments consommés. Ainsi, le score individuel global reflète l’ensemble des consommations, qu’il s’agisse de produits manufacturés ou non. L’objectif du travail présenté ici était donc de mesurer la pertinence de l’application du score FSA aux comportements alimentaires individuels afin de quantifier les apports en aliments et nutriments favorables à la santé ou non, chez les adultes en France.
Méthodes
Échantillon
La méthodologie de l’ENNS a été décrite en détail précédemment 11,12. Brièvement, un échantillon national d’adultes et d’enfants résidant en France métropolitaine a été constitué selon un plan de sondage à trois degrés : tirage de communes ou regroupements de communes, puis de foyers (listes téléphoniques « blanche », « rouge » et portables uniquement) et enfin, d’un individu par foyer, adulte ou enfant (méthode de la date anniversaire). Les inclusions ont été volontairement réparties sur une année afin de tenir compte de la saisonnalité de l’alimentation.
Recueil des données
Le recueil des données alimentaires consistait en trois rappels des 24 heures répartis aléatoirement sur une période de 2 semaines, avec deux jours de semaine et un jour de week-end, et saisis sur un logiciel spécialisé (MXS-épidémio®, France). Il était conduit au téléphone par des diététiciens et consistait à décrire, en détail, la nature et les quantités des aliments et boissons consommés la veille de l’entretien de minuit à minuit. Les quantités étaient évaluées en utilisant un manuel photographique de portions (préalablement validé dans l’étude SU.VI.MAX 13) ou des portions ménagères (c’est-à-dire des contenants ou des grammages standards). Les participants n’étaient pas préalablement informés des jours d’enquête. La table de composition nutritionnelle utilisée, préalablement publiée 14, avait été régulièrement mise à jour et complétée pour inclure les nouveaux aliments mis sur le marché lors de la conduite de l’étude. La consommation d’alcool a été décrite à partir des rappels des 24 heures et d’un questionnaire de fréquence de consommation sur la semaine précédant l’enquête.
Analyses statistiques
Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata® V12.0. Elles tiennent compte du plan de sondage complexe utilisé et sont redressées sur les caractéristiques de la population générale d’après le recensement de l’Insee (sexe, classe d’âge, diplôme et présence d’un enfant dans le foyer) et sur la période de recueil des données alimentaires. Ces analyses portent sur les adultes de 18 à 74 ans inclus dans l’étude, ayant répondu à au moins deux rappels des 24 heures et n’étant pas considérés comme « sous-déclarants ». L’identification des sujets « sous-déclarants » a reposé sur la méthode de Goldberg adaptée par Black 15. Cette méthode permet l’identification des personnes sous-estimant de façon systématique les quantités consommées ou ne citant pas la totalité des aliments consommés, de façon consciente ou non, et ce comparativement à leurs besoins énergétiques à poids constant estimé par leur métabolisme de base. Ce dernier a été estimé grâce aux équations de Schofield selon le sexe, l’âge, le poids et la taille 16.
Le score FSA est calculé, pour chaque aliment ou boisson, par la différence entre deux sommes de points : points « A » moins points « C » 7. Les points « A » correspondent à la somme de points pour quatre éléments dont une teneur élevée est défavorable sur le plan nutritionnel : la densité énergétique (kJ/100 g), les sucres simples (g/100 g), les graisses saturées (g/100 g) et le sel (mg/100 g). Selon leur teneur dans l’aliment, un score de 0 à 10 est attribué pour chacun 7. La somme maximale « A » est donc théoriquement de 40. Les points « C » incluent trois éléments favorables à la santé : la teneur en fruits, légumes, fruits secs et oléagineux (%), en fibres (g/100 g) et en protéines (g/100 g). Pour chacun de ces composants, 0 à 5 points sont attribués 7. Le total maximal théorique des points « C » est donc de 15. Le mode de calcul global du score diffère selon le total de points « A » obtenus 7. Si le total « A » est inférieur à 11, le score global est la différence entre les points « A » et « C ». Si le total « A » est supérieur ou égal à 11, les protéines ne doivent pas être prises en compte dans le total des points « C ». Le score global se calcule alors selon la formule : points « A » - [points « fibres » + points « fruits et légumes »]. Par construction, une augmentation du score reflète une diminution de la qualité nutritionnelle de l’aliment ou de la boisson 7.
Des analyses descriptives de distribution du score au sein de familles d’aliments ont été menées pour juger de la capacité du score à hiérarchiser les aliments d’une même famille entre eux (C. Julia, communication personnelle). Cette approche, appliquée ici, a conduit à modifier, par rapport au calcul du score « originel », le mode de calcul du pourcentage des fruits et légumes, des boissons, des fromages et des matières grasses afin de classer ces aliments de façon cohérente avec les recommandations du PNNS. Les fruits oléagineux et les fruits secs ont été exclus du pourcentage de fruits et légumes pour le calcul du score. Pour les fromages, quel que soit le niveau initial du total de points A, les points relatifs aux protéines ont été inclus dans le calcul du score final, leurs apports en calcium (liés aux apports en protéines) étant ainsi mieux pris en compte. Pour les matières grasses ajoutées, l’application d’une distribution spécifique de la teneur en acides gras saturés a été effectuée, ce qui permet une distinction entre matières grasses d’origine végétale et animale. Enfin, pour les boissons édulcorées, un point leur a été systématiquement attribué, pour les différencier de l’eau.
Dans un second temps, un score agrégé au niveau de l’individu a été calculé en tenant compte de l’énergie apportée par chacun des n aliments consommés et de leur score FSA, selon la formule :
Des quartiles de score FSA appliqué au niveau individuel ont été calculés par sexe. Les consommations alimentaires et les apports en nutriments (ajustés sur l’apport énergétique) ont été décrits en fonction de ces quartiles, du 1er quartile (le plus favorable d’un point de vue nutritionnel) au 4e quartile (le moins favorable), et comparés par des régressions linéaires. Le score PNNS-GS a été utilisé pour décrire l’adéquation aux recommandations nutritionnelles du PNNS de façon globale 17.
Résultats
Au total, 3 115 adultes âgés de 18 à 74 ans ont été inclus dans ENNS (taux de participation : 59,7%) 11. Parmi eux, 361 (11,6%) ont été considérés comme sous-déclarants. Les analyses présentées ici portent donc sur 2 754 adultes.
Les sujets ayant les scores FSA les plus favorables (1er quartile) consommaient davantage de fruits et légumes que ceux du 4e quartile : +300 g/jour pour les hommes (tableau 1) et +235 g/jour pour les femmes (tableau 2). Pour les produits de la pêche (poissons et fruits de mer), cette différence était de +24 g/jour pour les hommes (tableau 1) et +8 g/jour pour les femmes (tableau 2). À l’inverse, les sujets avec les scores FSA les plus favorables consommaient moins de produits gras et sucrés ou gras et salés (charcuterie, oléagineux salés, produits apéritifs, desserts lactés, biscuits, gâteaux et céréales sucrées) (tableaux 1 et 2). Par ailleurs, des différences de consommation de boissons sucrées de -242 ml/jour pour les hommes (tableau 1) et -154 ml/jour pour les femmes (tableau 2) ont été mises en évidence entre le 1er et le 4e quartile. Les femmes ayant les scores FSA les plus favorables consommaient moins de boissons alcoolisées (tableau 2), alors qu’aucune différence n’était montrée chez les hommes (tableau 1). Aucune différence significative n’apparaissait non plus pour la consommation de matières grasses ajoutées, mais une différence a été observée sur le type de matières grasses utilisées. En effet, la part de matières grasses ajoutées d’origine végétale était plus importante chez les sujets présentant les scores FSA les plus favorables (+20 points chez les hommes comme chez les femmes entre le 1er et le 4e quartile). Des substitutions s’opéraient également au sein du groupe des produits laitiers. En effet, les sujets avec les scores FSA de 1er quartile consommaient plus de yaourts et fromages blancs (+38 g/jour pour les hommes et +62 g/jour pour les femmes) et moins de fromages (-24 g/jour pour les hommes et -16 g/jour pour les femmes) que ceux du 4e quartile (tableaux 1 et 2).
En ce qui concerne les apports en nutriments, les sujets ayant les scores FSA les plus favorables (1er quartile) avaient des apports énergétiques moyens inférieurs à ceux du 4e quartile : -515 kcal/jour pour les hommes (tableau 3) et -306 kcal/jour pour les femmes (tableau 4). La part des lipides dans l’apport énergétique total (AET) était également inférieure (-8% AET pour les deux sexes), de même que celle des acides gras saturés rapportée aux lipides totaux (-5% pour les deux sexes). À l’inverse, les sujets se trouvant dans le 1er quartile avaient des pourcentages de contribution des glucides totaux à l’AET supérieurs à ceux du 4e quartile : +4,6% AET pour les hommes (tableau 3) et +3,2% AET chez les femmes (tableau 4). C’était également le cas pour la part de glucides complexes, alors que les apports en glucides simples variaient uniquement chez les hommes (tableau 3). Les sujets ayant les scores FSA les plus favorables (1er quartile) avaient des apports en glucides simples ajoutés inférieurs à ceux du 4e quartile : -37,9 g/jour pour les hommes (tableau 3) et -28,9 g/jour pour les femmes (tableau 4). C’était également le cas pour la part des glucides simples ajoutés dans les glucides simples totaux. Cette part de glucides simples était inférieure dans le 1er quartile par rapport au 4e, de 28,8 points chez les hommes et de 30,4 points chez les femmes. Les apports en fibres des hommes et des femmes du 1er quartile étaient supérieurs à ceux du 4e quartile : +10 g/jour pour les hommes et +8,2 g/jour pour les femmes. Globalement, les sujets avec les scores FSA les plus favorables avaient des apports en vitamines et minéraux plus élevés (tableaux 3 et 4). Ainsi, la différence d’apports entre le 1er et le 4e quartile était de +69 mg/jour pour le magnésium et de +2 mg/jour de fer pour les hommes comme pour les femmes. La différence était de +1 094 µg/jour chez les hommes (tableau 3) et +1 509 µg/jour chez les femmes (tableau 4) pour le bêta-carotène.
L’adéquation globale aux recommandations du PNNS, décrite par le score PNNS-GS, était associée à la distribution du score FSA appliqué aux consommations individuelles. Ainsi, les individus du 1er quartile de score FSA présentaient des scores PNNS-GS supérieurs à ceux du 4e quartile (de 2,2 points pour les hommes et de 2,4 points pour les femmes). Chez les hommes, les valeurs moyennes du score PNNS-GS étaient de 8,8 dans le 1er quartile de score FSA, de 8,1 dans le 2d, de 7,3 dans le 3e et de 6,6 dans le 4e. Chez les femmes, ces valeurs étaient respectivement de 9,8 ; 8,7 ; 8,3 et 7,4.
Discussion
Nos analyses montrent que le score FSA appliqué aux apports alimentaires au niveau individuel permet de décrire des consommations d’aliments et de nutriments plus ou moins favorables à la santé des adultes en France. Des consommations plus élevées de fruits et légumes, produits de la pêche et féculents, et une moindre consommation de produits gras salés ou gras sucrés et de boissons non alcoolisées sucrées ont été observées lorsque le score FSA appliqué à l’ensemble de l’alimentation diminuait, c’est-à-dire lorsque cette alimentation présentait un profil nutritionnel plus favorable à la santé. De plus, au sein des groupes d’aliments, des substitutions ont été observées entre sous-groupes. Par exemple, les sujets avec les scores FSA les plus favorables consommaient plus de yaourts et fromages blancs et moins de fromages que les autres. En termes d’apports en nutriments, les sujets présentant les scores FSA les plus favorables présentaient des apports énergétiques plus faibles ; la part des glucides totaux dans l’apport énergétique global était plus importante alors que celle des lipides était moindre. Enfin, les adultes ayant les scores FSA les plus favorables rapportaient également des apports en minéraux et vitamines plus importants que ceux ayant des scores moins favorables.
L’application du score FSA à des tables de compositions alimentaires françaises avait montré sa capacité à différencier la qualité nutritionnelle des aliments et boissons vendus en France, entre les groupes alimentaires et au sein d’un même groupe 8,9. Cependant, la mesure de la qualité nutritionnelle des aliments eux-mêmes et celle de la consommation d’un ensemble d’aliments par des individus, qui permettent de se rapprocher de façon plus réaliste des comportements observés en population, sont de nature différente. En effet, les consommations individuelles se composent de nombreux aliments de qualité nutritionnelle, par nature, différente et l’étape de vérification de l’application du score au niveau individuel est donc majeure. Ainsi, nos résultats ont montré que les adultes qui, en moyenne, consommaient plutôt des aliments à score favorable avaient une alimentation globale plus proche des recommandations nutritionnelles de santé publique que ceux qui consommaient plutôt des aliments à score moins favorable.
Nos résultats confortent également les analyses menées sur un échantillon de la cohorte Nutrinet Santé 10. Au sein de cette cohorte d’adultes volontaires, qui déclarent leur alimentation par des enregistrements de 24 heures répétés sur plusieurs années, un sous-échantillon a été sélectionné de façon à être représentatif du sexe, de l’âge et du niveau d'éducation de la population d’après les données du recensement. L’application du score FSA au niveau individuel dans cet échantillon a mis en évidence des résultats similaires à ceux présentés ici. Cependant, il convient de noter que le score appliqué n’était pas strictement identique. En effet, dans les travaux menés sur l’échantillon de la cohorte Nutrinet-Santé, il s’agissait du score non modifié établi par la FSA. Comme indiqué dans les méthodes, le score utilisé dans nos travaux est modifié de façon limitée pour s’adapter au contexte de son utilisation en France, en cohérence avec les recommandations du PNNS.
Comme attendu, compte tenu du mode de calcul du score FSA basé sur les apports en énergie, sucres simples, acides gras saturés, protéines et fibres, les apports dans ces cinq éléments différaient selon les quartiles de score individuel. En revanche, la composante du score relative au sodium semblait peu discriminante : si, chez les femmes, la différence de consommation entre le premier et le dernier quartile était significative, ce n’était pas le cas chez les hommes. Ce résultat pourrait s’expliquer par le fait qu’au-delà des apports en sel par les aliments qui en sont vecteurs et qui sont pris en compte dans le score FSA, ceux correspondant au sel ajouté au moment de la préparation et de la consommation sont pris en compte dans l’estimation des apports totaux mais pas dans le calcul du score FSA. Une sous-déclaration des apports en sel ajouté par les individus ayant des consommations élevées d’aliments vecteurs de sel est également à considérer dans cette observation. En effet, les ajouts de sel lors de la préparation et de la consommation des aliments sont souvent difficiles à estimer par les personnes interrogées 18. Ceci a été montré lorsque ces déclarations sont comparées aux excrétions urinaires en sodium, de façon différentielle selon les personnes 19.
Alors que la part des glucides complexes dans l’apport énergétique augmentait avec la diminution du score, ce n’était pas le cas des sucres simples totaux chez les femmes. Les apports en glucides simples ajoutés quant à eux étaient significativement inférieurs chez les hommes comme chez les femmes dans le 1er quartile par rapport au 4e. Ce gradient est en accord avec le repère de consommation du PNNS qui vise à limiter la consommation de produits sucrés.
Au final, la distribution en quartiles selon le score FSA appliqué à l’alimentation individuelle était cohérente avec les valeurs moyennes du score PNNS-GS qui reflète, quant à lui, l’adéquation des consommations alimentaires avec les recommandations du PNNS de façon globale 17.
Si nos analyses montrent la capacité du score FSA appliqué au niveau individuel à décrire des apports alimentaires et nutritionnels plus ou moins favorables à la santé, la comparaison de ces résultats à des analyses de ce type dans d’autres contextes est limitée. Les consommations alimentaires individuelles des adultes, recueillies dans le cadre de la British National Diet and Nutrition Survey de 2000-2001, ont permis de montrer la concordance des résultats obtenus par l’application du score FSA aux comportements individuels avec la qualité nutritionnelle de l’alimentation estimée par le Diet Quality Index 20. Une autre analyse, réalisée sur la même base de données britannique, a mis en évidence des apports alimentaires plus favorables chez les individus ayant les scores FSA également plus favorables, comme dans notre étude 21. En France, le score « SAIN LIM » (SAIN pour Score d’adéquation individuel aux recommandations nutritionnelles et LIM pour Score de composés à limiter sur la plan nutritionnel), dont la classification repose cependant sur des nutriments qui ne sont pas obligatoirement présents dans les caractéristiques des produits alimentaires, a aussi montré une association dans le même sens avec les apports alimentaires individuels issus de l’étude Inca2 22.
Ce travail doit être replacé dans le contexte de l’utilisation de données de consommations alimentaires issues d’une étude transversale à visée représentative comme l’ENNS. Le taux de participation de 60% est important. Bien qu’il existe un biais de recrutement par rapport à la population générale 11, les pondérations et le redressement sur les données de recensement ont toutefois permis de consolider la validité externe de nos données. Le recrutement aléatoire d’un échantillon national sur la base d’un plan de sondage complexe a également contribué à en garantir la représentativité nationale. Par ailleurs, dans notre étude, les rappels des 24 heures ont été utilisés pour décrire l’alimentation habituelle d’un sujet. Le protocole de recueil retenu dans notre étude suivait les recommandations de l’European Food Safety Agency (EFSA) en matière de surveillance nutritionnelle. Ainsi, la répétition des trois rappels des 24 heures non consécutifs tirés au sort, répartis sur 15 jours avec des jours de week-end et de semaine, a permis de pallier le caractère ponctuel de ce type de méthodes. En outre, l’enquête était réalisée sur une année entière de façon à assurer la représentation de chaque saison dans les données de consommations alimentaires au niveau de l’échantillon.
Conclusion
En conclusion, nos analyses menées sur un échantillon national d’adultes en France montrent que le score FSA, appliqué aux consommations alimentaires au niveau individuel, permet de décrire des consommations alimentaires favorables à la santé, en termes de consommations de groupes d’aliments et d’apports en nutriments. En plus des analyses menées au niveau des aliments, ces résultats au niveau des consommations alimentaires individuelles constituent un argument supplémentaire en faveur de la validité de l’utilisation du score FSA dans le cadre de la mise en place d’un étiquetage sur la face avant des emballages des aliments et boissons. Si ce système est adopté, il sera utile d’en évaluer l’impact à l’aide d’indicateurs comme, par exemple, les évolutions éventuelles de la valeur nutritionnelle des produits en fonction de la présence de ce logo, les achats selon la présence ou non du logo ou encore la valeur nutritionnelle des achats de façon globale.
Remerciements
Aux diététiciens qui ont recueilli les données, aux infirmiers et aux médecins des centres d’examen de santé de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS) qui ont participé au recueil des données biologiques, ainsi qu’au Centre technique d’appui et de formation des centres d’examens de santé (Cetaf).