Pratiques de dépistage VIH des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Apports de l’Enquête presse gays et lesbiennes 2011

// HIV testing practices among men who have sex with men. Results of the Gay and Lesbian survey 2011, France

Annie Velter (a.velter@invs.sante.fr), Leïla Saboni, Stéphane Le Vu, Florence Lot
Institut de veille sanitaire, Saint Maurice, France
Soumis le 15.09.2014 // Date of submission: 09.15.2014
Mots-clés : VIH | Hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes | Dépistage | Comportements sexuels
Keywords: HIV | Men having sex with men | HIV testing | Sexual behaviors

Résumé

Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) constituent le groupe le plus touché par le VIH en France. Depuis 2010, des recommandations en matière de dépistage préconisent la réalisation d'au moins un test par an pour les HSH sexuellement actifs. L’objectif de cet article est de décrire les spécificités des HSH selon leurs pratiques de dépistage VIH, et de présenter les facteurs associés au non suivi des recommandations en terme de dépistage.

L’Enquête presse gays et lesbiennes 2011 a recruté 10 179 HSH résidant en France et ayant eu au moins un partenaire masculin au cours de la vie. Seuls les sujets ayant répondu à l’ensemble des questions incluses dans l’analyse multivariée ont été retenus pour l’analyse. Parmi les 7 521 répondants non séropositifs pour le VIH et sexuellement actifs au cours des 12 derniers mois, 52% avaient réalisé un test de dépistage au cours des 12 derniers mois, 34% depuis plus de 12 mois et 14% n’avaient jamais eu recours à un test au cours de leur vie. Ne pas avoir fait de test dans les 12 derniers mois était associé, en analyse multivariée, à la fois au fait d’être éloigné de la communauté homosexuelle et d’avoir des comportements sexuels moins à risque en termes de nombre de partenaires sexuels et d’exposition à une contamination lors de rapports anaux.

Conduire les HSH distants des modes de vie communautaires gays à suivre les recommandations implique une diversification des arguments d’incitation et des outils de dépistage, dans laquelle l’autotest peut constituer un levier.

Abstract

Men who have sex with men (MSM) are the most affected group by HIV in France. Since 2010, sexually active MSM are recommended to screen for HIV at least once a year.

The objective of this article is to describe the characteristics of MSM according to their HIV testing practices and to present the factors associated with failure to follow the recommendations in terms of screening.

The 2011 Gay and Lesbian survey recruited 10,179 MSM living in France and who had at least one male partner in their life. Only respondents who answered to all the questions included in the multivariate analysis were selected for analysis. Among non-HIV-positive respondents who were sexually active in the past 12 months (7,521), 52% had completed a HIV test in the last 12 months, 34% for more than 12 months, and 14% had never been tested for HIV. The absence of testing for HIV in the last 12 months was associated, in multivariate analysis, both with living remote from the gay community and having less at-risk sexual behaviors in terms of number of sexual partners and exposure to contamination during anal sex.

To encourage MSM who are distant from the gay community to follow the recommendations implies a diversification of incentives and screening tools, where self-testing can be a leverage.

Introduction

En 2010, les pouvoirs publics ont mis en œuvre une nouvelle stratégie de dépistage du VIH, ajoutant au dépistage élargi une recommandation de dépistage répété, notamment pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), accompagnée d’une offre ciblée de tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) 1. Cette politique a conduit à une augmentation de 14% du nombre de découvertes de séropositivité VIH entre 2011 et 2012 chez les HSH. Mais elle semble n’avoir bénéficié qu’aux HSH récemment exposés à un risque de contamination, l’augmentation ne concernant que les diagnostics les plus précoces 2.

L’Enquête presse gays et lesbiennes (EPGL), réalisée en 2011, apporte un éclairage sur le recours au dépistage du VIH des HSH. L’objectif de cet article est de décrire les spécificités des HSH non séropositifs pour le VIH et sexuellement actifs au cours des 12 derniers mois selon leurs pratiques de dépistage VIH. Les facteurs associés au non suivi des recommandations en termes de dépistage répété ont été analysés.

Méthode

L’EPGL est une étude transversale anonyme volontaire, dont la première édition date de 1985, et qui a été renouvelée en 2011 via la presse et des sites Internet communautaires gay 3. Le questionnaire auto-administré était constitué de plus de 150 questions, pour une large majorité identiques à celles des éditions antérieures 4. Ont été recueillis : les caractéristiques sociodémographiques des HSH (âge, niveau scolaire, taille de l’agglomération de résidence, lieu de naissance), des informations sur leurs modes de vie (fréquentation des lieux de convivialité gay comme les bars, backrooms, saunas, des sites de rencontre sur Internet, relation stable avec un homme), leur parcours sexuel (identité sexuelle, acceptation de l’orientation sexuelle par l’entourage, nombre de partenaires féminins et masculins dans l’année) et leurs pratiques sexuelles préventives selon le type de partenaire (stable ou occasionnel) dans les 12 derniers mois. Le recours au dépistage du VIH au cours de la vie et dans les 12 derniers mois, les motifs et les lieux de réalisation du dernier dépistage ont été également collectés, ainsi que le statut sérologique au moment de l’enquête.

L’enquête a recruté 10 446 HSH résidant en France. Nos analyses portent sur les 7 521 HSH sexuellement actifs au cours des 12 derniers mois et ayant répondu à l’ensemble des questions retenues dans le modèle de régression multinomiale. Les hommes séropositifs diagnostiqués plus d’un an avant l’enquête ont été exclus.

Afin de décrire le recours au dépistage VIH, trois catégories ont été créées : le recours au dépistage VIH dans les 12 derniers mois, le recours au dépistage antérieur à 12 mois et le non recours au dépistage au cours de la vie.

L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Stata® 12. Le test du Chi2 a été utilisé pour examiner, dans les trois catégories de recours au dépistage VIH, les différences associées aux caractéristiques sociodémographiques, aux modes de vie et aux comportements sexuels. Un modèle de régression multinomiale a été conduit afin de pouvoir intégrer dans un même modèle les trois catégories de dépistage et les comparer entre elles. Le seuil de significativité retenu était de 0,05.

Résultats

Description des HSH non séropositifs pour le VIH depuis plus de 12 mois, sexuellement actifs au cours des 12 derniers mois (N=7 521)

L’âge médian de la population d’étude s’élevait à 34 ans (intervalle interquartile, IQ: [25-44]) ; 73% avaient suivi des études supérieures au baccalauréat et 43% résidaient dans une agglomération de 20 000 à 500 000 habitants (tableau 1). La majorité s’auto-définissait comme étant homosexuel (87%) et avait fréquenté au moins un lieu gay dans les 12 derniers mois (81%). Dans les 12 derniers mois, près de la moitié (48%) avait eu entre 2 et 10 partenaires masculins et 26% avaient eu au moins une pénétration anale non protégée avec des partenaires occasionnels masculins.

Tableau 1 : Caractéristiques sociodémographiques, de modes de vie et de comportements sexuels selon le recours au test de dépistage VIH. Enquête presse gays et lesbiennes 2011, France
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Les pratiques de dépistage

Parmi les répondants non séropositifs pour le VIH depuis plus de 12 mois, sexuellement actifs au cours des 12 derniers mois, 52% avaient réalisé un test de dépistage dans l’année, 34% il y a plus de 12 mois, alors que 14% n’avaient jamais eu recours à un test au cours de leur vie (figure).

Figure : Délai depuis le dernier test de dépistage VIH négatif. Enquête presse gays et lesbiennes 2011, France
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Des spécificités sociodémographiques selon les pratiques de dépistage

Les répondants non testés étaient beaucoup plus jeunes que les autres, avec un âge médian de 26 ans (IQ[20-38]) versus 34 ans (IQ[25-43)] pour ceux ayant réalisé un test dans les 12 derniers mois et 37 ans (IQ[29-45]) pour ceux dont le test était plus ancien. Cependant, 16% des répondants non testés et sexuellement actifs dans l’année étaient âgés de plus de 45 ans (tableau 1).

Des différences importantes ont été observées entre les répondants non testés et ceux ayant réalisé au moins un test dans leur vie : les premiers avaient un niveau d’études moindre, des revenus plus faibles et ils résidaient dans des agglomérations de plus petite taille. Par ailleurs, ils étaient plus distants des modes de vie communautaires gay : ils s’auto-définissaient moins souvent comme homosexuels, leur orientation sexuelle était moins souvent connue de leur entourage familial, ils étaient plus nombreux à ne jamais fréquenter de lieu gay (tableau 1). En revanche, dans les mêmes proportions que les répondants ayant réalisé un dépistage dans les 12 derniers mois, plus de la moitié rapportait fréquenter régulièrement des sites Internet de rencontre (tableau 1).

Des comportements sexuels différentiels selon les pratiques de dépistage

Les répondants ayant réalisé un test dans les 12 derniers mois déclaraient un nombre médian de partenaires sexuels masculins dans l’année plus important que les autres : 6 (IQ[2-20]) versus 3 (IQ[1-10]) pour ceux ayant un dépistage antérieur à 12 mois et 3 (IQ[1-5]) pour ceux non testés. Les répondants dont le dépistage était antérieur à 12 mois rapportaient plus souvent avoir eu un seul partenaire. De même, ils déclaraient plus souvent avoir une relation stable avec un homme (tableau 1). Cette catégorie de répondants rapportait moins que les deux autres avoir eu des rapports anaux non protégés avec des partenaires occasionnels au cours des 12 derniers mois : 19% versus 31% pour ceux ayant réalisé un test dans l’année et 23% pour les non testés (p<0,001).

Motifs et lieux de dépistage

Les motifs de recours au dépistage concernant le dernier test réalisé variaient selon la fréquence du dépistage. Logiquement, la vérification régulière du statut sérologique VIH était le principal motif des répondants dépistés dans les 12 derniers mois (61%) ; la volonté d’avoir des rapports non protégés avec son partenaire stable était principalement rapportée par les répondants ayant un test antérieur à 12 mois (32%). Ce dernier test de dépistage avait eu lieu principalement dans un laboratoire privé, avec une prescription médicale (57% pour les répondants testés dans les 12 derniers mois et 51% pour les autres, p<0,001). Les Consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) étaient mentionnées plus fréquemment par les répondants dont le test était antérieur à 12 mois : 32% contre 27% pour ceux dont le dépistage était plus récent (p<0,001). La part des répondants ayant réalisé leur dernier test dans un centre communautaire gay (1) était faible (2% ; n=168) et concernait majoritairement des répondants ayant réalisé leur test dans les 12 mois. Quant à la réalisation d’un autotest à domicile, elle était très marginale : 16 répondants rapportaient cette pratique, dont 14 ayant fait un test dans les 12 mois.

Les facteurs associés selon les trois catégories de dépistage (analyse multinomiale)

Dans un premier temps, les répondants ayant réalisé un test de dépistage antérieur à 12 mois ont été comparés à ceux ayant réalisé un test dans les 12 derniers mois en tant que population de référence (tableau 2, (1)). Le fait d’avoir réalisé un test antérieur à 12 mois était, de manière indépendante, associé positivement à l’âge, à la non fréquentation de lieux gay dans les 12 derniers mois, au fait d’avoir moins de 10 partenaires, de ne pas être en relation stable avec un homme et de ne pas avoir eu de pénétrations anales non protégées avec des partenaires occasionnels. Le niveau d’études, le revenu mensuel, la fréquentation régulière des sites Internet de rencontre étaient également associés, mais de manière négative, au fait d’avoir réalisé un test antérieur à 12 mois.

Dans un second temps, les répondants n’ayant pas réalisé de test de dépistage au cours de leur vie ont été comparés à ceux ayant réalisé un test dans les 12 derniers mois en tant que population de référence (tableau 2, (2)). Le fait de ne pas avoir réalisé un test au cours de sa vie était, de manière indépendante, associé positivement à un faible niveau d’études et de revenu, à des zones d’agglomération de résidence de moindre densité urbaine, au fait de se définir plus bisexuel qu’homosexuel, de ne pas fréquenter de lieux de convivialité gay, de ne pas avoir eu de partenaire stable dans les 12 derniers mois, d’avoir eu un faible nombre de partenaires sexuels dans les 12 derniers mois et de ne pas avoir eu de pénétrations anales non protégées avec des partenaires occasionnels. L’âge était, de manière significative, associé négativement au fait de ne pas avoir fait de test au cours de la vie. Toutes choses égales par ailleurs, les répondants âgés de plus de 30 ans avaient une probabilité moindre de ne pas avoir fait de dépistage dans leur vie par rapport à leurs cadets (tableau 2 (2)).

Enfin, les répondants n’ayant pas réalisé de test de dépistage au cours de leur vie ont été comparés à ceux ayant réalisé un test antérieur aux 12 derniers mois en tant que population de référence (tableau 2 (3)). Dans ce modèle, la probabilité de ne pas avoir fait de test au cours de la vie était associée positivement à un faible niveau d’études et de revenu, à des zones d’agglomération de résidence de moindre densité urbaine, au fait de se définir plus bisexuel qu’homosexuel, de ne pas fréquenter de lieux de convivialité gay, de fréquenter régulièrement les sites Internet de rencontre, de ne pas avoir eu de partenaire stable dans les 12 derniers mois et d’avoir eu un faible nombre de partenaires sexuels dans les 12 derniers mois. L’âge était, comme dans le modèle précédent, significativement associé négativement au fait de ne pas avoir fait de test au cours de la vie.

Tableau 2 : Analyse de régression multinomiale comparant les HSH ayant réalisé un test VIH dans les 12 derniers mois, ceux testés il y a plus de 12 mois et ceux n'ayant jamais réalisé de test de dépistage du VIH (N=7 521). Enquête presse gays et lesbiennes 2011, France
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Discussion

En France, dès le début des années 2000, les HSH ont rapporté une fréquence élevée de recours au dépistage pour le VIH 4. En 2011, la moitié des HSH sexuellement actifs non séropositifs a eu recours à un test de dépistage dans les 12 derniers mois. Ce recours est resté stable au cours des dernières années 5, bien que les comparaisons soient à manier avec précaution du fait de l’utilisation d’indicateurs variables au cours du temps dans l’Enquête presse gays 4. Par ailleurs, les modalités de recrutement ont un impact sur les caractéristiques de la population interrogée. Ainsi, les HSH non séropositifs pour le VIH ayant participé à l’étude Prévagay en 2009 dans les lieux de convivialité gay parisiens rapportaient un taux de dépistage dans les 12 mois de 70% 5. Des études réalisées en Écosse 6 ou aux États-Unis 7 dans des lieux de convivialité rapportaient également des taux de dépistage dans les 12 derniers mois plus élevés que ceux de l’EPGL 2011 et en augmentation par rapport aux années précédentes. Par rapport à ces enquêtes, grâce à son recrutement par Internet, l’EPGL 2011 a permis de toucher une plus grande diversité de profils d’HSH : les jeunes hommes, les hommes vivant en milieu rural, les hommes sans activité sexuelle, les hommes mono-partenaires ou encore ceux qui ne fréquentent pas les lieux de convivialité gay 3.

La moitié des HSH participant à l’EPGL 2011 n’avait pas pratiqué un dépistage dans l’année. La proportion de non testés au cours de la vie, de 14%, est stable depuis plusieurs décennies 4. De manière structurelle, la proportion de jeunes HSH n’ayant pas encore réalisé de test VIH diminue avec l’âge, correspondant à la période d’initiation au mode de vie homosexuel et d’intégration de ses normes préventives 8. À partir de 30 ans, une proportion de répondants faible (6%), mais qui semble incompressible, ne se dépiste pas, alors qu’il s’agit d’hommes sexuellement actifs, appartenant à des générations qui ont traversé les années sida.

L’analyse multinomiale souligne les spécificités des HSH vis-à-vis du dépistage. Par rapport aux HSH qui ont recours au test de dépistage annuellement, les HSH non testés ou testés antérieurement à un an se caractérisent, de manière similaire, par une certaine distance avec les modes de vie sexuelle gay : ils fréquentent moins la scène gay, ont peu de partenaires sexuels masculins et ont moins de rapports anaux non protégés par le préservatif avec des partenaires occasionnels. Outre ces caractéristiques, les HSH dont le dépistage est antérieur à un an sont plus âgés et appartiennent à des catégories sociales plus favorisées que les HSH ayant eu recours au dépistage dans l’année. Quant aux HSH non testés, qu’ils soient comparés aux HSH ayant réalisé un test dans les 12 derniers mois ou antérieurement, ils se caractérisent également par un éloignement géographique des zones urbaines, un moindre sentiment d’appartenance à la communauté gay, un jeune âge et une position sociale plus modeste.

Nos résultats confirment l’usage différencié du dépistage dans la population HSH. Des HSH fortement exposés au risque de contamination par le VIH, du fait du nombre de leurs partenaires sexuels et de leurs comportements sexuels préventifs, ont intégré le recours au dépistage annuel dans leur stratégie de réduction des risques. En revanche, d’autres HSH, plus distants de la scène gay et de ses styles de vie sexuelle, ne suivent pas les recommandations de dépistage annuel. Avec une incidence du VIH estimée à 1% pour l’ensemble de la population des HSH, soit 200 fois supérieure à celle observée chez les personnes françaises contaminées par rapports hétérosexuels 9, l’enjeu est bien de conduire l’ensemble des HSH à réaliser un test de dépistage annuel, y compris ceux qui ne se considèrent pas exposés à un risque de contamination.

Différents leviers doivent être mis en œuvre pour encourager ces HSH à répéter annuellement leur recours au dépistage : la mise à disposition d’outils appropriés et une meilleure compréhension des bénéfices d’un recours annuel au dépistage. Les nouvelles offres communautaires de TROD ne semblent pas adaptées à des populations éloignées de la sociabilité gay 5. En revanche, la mise à disposition d’autotests pourrait répondre à leurs attentes et à leurs besoins de discrétion du fait de l’aspect pratique, rapide et anonyme de cet outil 10 qui, à ce jour, n’est pas encore autorisé en France. Mais la mise à disposition d’un outil supplémentaire à une offre déjà très diversifiée et accessible ne peut être efficace que si, par ailleurs, des actions de communication sur l’intérêt d’avoir recours au test de dépistage sont mises en œuvre. En effet, des études ont montré que la perception des avantages au recours au dépistage était un facteur déterminant dans le fait de se tester annuellement ou pas 6,11. Bien que ces HSH rapportent peu de comportements sexuels à risque en termes de nombre de partenaires sexuels et de protection de leurs rapports anaux, ils sont, malgré cela, exposés à un risque de contamination plus important que les hétérosexuels. Dans ce contexte, il est important de diffuser des messages dans la population HSH mettant en avant les bénéfices à se faire tester le plus largement possible. Cette prise de conscience pourrait permettre de réduire la proportion de découvertes de séropositivité tardives (2) qui, en 2012, s’élevait encore à 17% chez les HSH 2, ainsi que la part d’HSH méconnaissant leur séropositivité engagés dans des comportements à risque 12.

Les actions communautaires mettant en œuvre des TROD sont, quant à elles, particulièrement adaptées aux habitudes de vie identitaires des HSH, qui ont à la fois un risque d’exposition élevé et l’habitude de recourir au dépistage. En effet, ces HSH indiquaient se tester pour vérifier leur statut sérologique, alors qu’ils étaient engagés dans des comportements sexuels à risque avec un nombre important de partenaires sexuels. Le dépistage fait alors partie intégrante d’une stratégie plus globale de réduction des risques 13. Dans cette population très exposée, la fréquence annuelle du dépistage n’est peut-être pas encore suffisante, le nombre médian de tests réalisés dans l’année étant de 1 (IQ: [1-2]). La proximité et la rapidité de l’offre communautaire TROD en font un outil intéressant dans l’optique de réduire les délais entre contamination et diagnostic.

Des limites méthodologiques doivent être soulignées pour cette étude. Bien que l’échantillon soit important grâce à la diffusion de l’enquête sur Internet, les résultats ne peuvent être extrapolés à l’ensemble de la population des HSH du fait de l’absence de contrôle lors du processus d’inclusion et de l’absence de base de sondage. Des biais inhérents au mode de recrutement basé sur le volontariat sont habituellement relevés 14. Malgré la plus grande diversité des répondants par Internet, ceux-ci restent surdiplômés et très affirmés quant à leur identité sexuelle, leur pratique homosexuelle et leur intérêt pour les questions de prévention. Ces biais tendent à surestimer le véritable niveau de recours au dépistage et de risque d’exposition au VIH ou aux infections sexuellement transmissbles (IST) de la population HSH 14.

Le recours au test de dépistage étant une première étape essentielle vers la prise en charge et le traitement des personnes séropositives pour le VIH, il est essentiel d’améliorer la part de dépistage annuel dans la population HSH en mettant à sa disposition les outils appropriés. Les TROD devraient inciter les HSH très exposés au risque de contamination VIH à répéter plusieurs fois par an leur démarche de dépistage et donc contribuer à diminuer le délai de diagnostic. Les autotests devraient permettre d’atteindre les HSH distants des modes de vie gay et de détecter les non-diagnostiqués de longue date. Mais ces outils ne pourront être efficaces sans la mise en œuvre d’une approche plus globale d’éducation à la santé sexuelle.

Remerciements

Nous remercions l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS) pour son soutien scientifique et financier, et les membres du comité scientifique de l’Enquête presse gays et lesbiennes pour l’ANRS.

Nous remercions tous ceux qui ont permis la réalisation et la réussite de cette enquête : les sites Internet et le magazine mensuel qui ont publicisé l’enquête, les équipes qui ont développé l’ensemble du site dédié, nos collègues de l’Institut de veille sanitaire et l’ensemble des hommes qui ont pris le temps de répondre à cette enquête.

Références

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12 Velter A, Barin F, Bouyssou A, Le Vu S, Guinard J, Pillonel J, et al. Prévalence du VIH et comportement de dépistage des hommes fréquentant les lieux de convivialité gay parisiens, Prévagay 2009. Bull Epidémiol Hebd. 2010;(45-46):464-7. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=489
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Citer cet article

Velter A, Saboni L, Le Vu S, Lot F. Pratiques de dépistage VIH des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Apports de l’Enquête presse gays et lesbiennes 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(32-33):541-7. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/32-33/2014_32-33_2.html

1 Actions TROD de l’association Aides dans leurs locaux, du Checkpoint à Paris ou du centre de santé sexuelle « Le 190 » à Paris.
2 Diagnostic tardif : stade sida ou CD4 <200/mm3 en dehors d’une primo-infection.