Connaissances et pratiques en termes de santé bucco-dentaire chez les personnes diabétiques de type 2 dans l’étude Entred 2007, France

// Knowledge and practices related to oral health in persons with type 2 diabetes in the ENTRED 2007 Study, France

Nolwenn Regnault1 (n.regnault@invs.sante.fr), Michèle Chantry2, Sylvie Azogui-Lévy3, Sandrine Fosse-Edorh1
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS), Paris, France
3 Université Paris Diderot-Paris 7, UFR d’Odontologie, Paris, France
Soumis le 15.07.2014 // Date of submission: 07.15.2014
Mots-clés : Diabète | Santé bucco-dentaire | Information | Recours aux soins | France
Keywords: Diabetes | Oral health | Health literacy | Access to care | France

Résumé

Objectifs –

Évaluer la proportion des personnes (1) qui avaient connaissance d’un lien entre diabète et santé bucco-dentaire, (2) qui déclaraient que leur chirurgien-dentiste était informé de leur statut diabétique, ainsi que des facteurs explicatifs associés, et mettre ces informations en perspective avec le recours aux soins dentaires.

Méthodes –

Dans l’étude Entred 2007, 8 926 adultes diabétiques résidant en France métropolitaine ont été tirés au sort. Un questionnaire a permis de renseigner, pour 3 894 personnes identifiées comme diabétiques de type 2, leurs caractéristiques sociodémographiques, leur état de santé et des indications sur leurs connaissances et pratiques en termes de santé bucco-dentaire.

Résultats –

Près de 70% des personnes n’avaient pas connaissance des liens entre diabète et santé bucco-dentaire. Plus de 40% déclaraient que leur chirurgien-dentiste n’était pas informé de leur statut diabétique, parmi lesquels près de 40% pensaient que le diabète ne concernait pas le chirurgien-dentiste. La connaissance des liens et le fait que le chirurgien-dentiste soit informé du diabète étaient favorablement associés au recours aux soins dentaires.

Conclusion –

Nos résultats suggèrent qu’il existe des améliorations importantes à apporter en termes d’information des personnes diabétiques sur les liens entre diabète et santé bucco-dentaire, ainsi que sur la connaissance des chirurgiens-dentistes concernant le statut diabétique de leurs patients.

Abstract

Objectives –

To assess the proportion of persons (1) who had some knowledge of the relationship between diabetes and oral health, (2) who declared that their dentist was aware of their diabetes, as well as their determinants; and link this knowledge and information to dental care use.

Methods –

In the ENTRED 2007 Study, 8,926 adults with diabetes, living in mainland France, were randomly selected. Among them, 3,894 persons with type 2 diabetes filled in a questionnaire regarding their socio-demographic characteristics, their health status, and some indications of their knowledge and behaviours related to oral health.

Results –

Almost 70% of the participants did not know there was a link between diabetes and oral health. More than 40% declared that their dentist did not know about their diabetes, among them 40% thought that diabetes was of no concern to the dentist. Knowing the links between diabetes and oral health and informing one’s dentist was favorably associated with dental care use.

Conclusion –

Dental diseases can be prevented and controlled in diabetic patients. Important improvement can be made in terms of patient information as well as awareness of the dentist regarding their patients’ diabetic status in order to allow adequate dental care management.

Introduction

Le diabète et la santé bucco-dentaire sont étroitement liés, et ce de manière bidirectionnelle 1,2. Un diabète non équilibré est un facteur de risque de la maladie parodontale et peut entraîner une destruction progressive du support osseux de la dent 1,2. Si les dents ne sont pas remplacées de manière appropriée, leur perte rend la mastication plus difficile avec des conséquences sur la nutrition et l’équilibre glycémique des personnes diabétiques 3. La maladie parodontale peut également avoir des conséquences sur le diabète, l’inflammation chronique favorisant l’insulinorésistance 4,5.

La prévention des affections bucco-dentaires semble avoir un effet bénéfique sur l’équilibre glycémique des diabétiques 5. Cette prévention passe par des connaissances, attitudes et pratiques appropriées, notamment en termes d’hygiène et de recours aux soins bucco-dentaires. La Haute Autorité de santé (HAS) a préconisé au moins une visite annuelle chez le chirurgien-dentiste dans le cadre du suivi des patients diabétique 6. Pourtant, en 2008, l’Enquête santé et protection sociale (ESPS) a montré que seulement 57% des personnes diabétiques avaient eu recours au chirurgien-dentiste dans les deux dernières années contre 69% des personnes non diabétiques 7.

La principale barrière au recours aux soins dentaires est financière 7. Dans l’étude Entred (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) 2007, les soins dentaires étaient un des principaux postes du reste à charge chez les personnes diabétiques qui déclaraient également, pour plus de 50% d’entre elles, rencontrer des difficultés financières 8.

Le manque d’information des personnes diabétiques sur les liens entre diabète et santé bucco-dentaire peut également expliquer le recours insuffisant au chirurgien-dentiste ainsi que l’absence de mise en œuvre de comportements de santé bucco-dentaire adéquats. Si, à notre connaissance, aucune donnée sur les adultes diabétiques de type 2 n’est disponible en France, des études menées dans d’autres pays ont montré que seulement 17% à 42% des personnes diabétiques (principalement de type 2) déclaraient connaître ce lien 9,10,11. Les implications bucco-dentaires du diabète apparaissent toujours moins bien connues par les patients que les autres complications du diabète 9.

Des études dans divers pays ont également montré que l’information des personnes concernant les liens entre diabète et santé orale venait principalement des professionnels de santé 10,12,13. Les informations les plus générales sur l’existence d’un lien venaient en proportion relativement égale de l’endocrinologue, du médecin généraliste et du chirurgien-dentiste, entre 47% à 57% 12, alors que les informations plus spécifiques (fréquences de brossage, d’utilisation du fil dentaire et de consultation…) étaient plus fréquemment données par le chirurgien-dentiste 12. Entre 50% et 85% des personnes déclaraient n’avoir pas reçu d’information sur la santé bucco-dentaire en lien avec le diabète de la part d’un professionnel de santé 10,12. Une étude rapportait que seulement 48% des personnes avaient parlé de leur diabète à leur chirurgien-dentiste 10. Or, l’information du chirurgien-dentiste par le patient de son état diabétique est indispensable pour qu'il puisse lui proposer un suivi régulier et une prise en charge odontologique adaptée. Ainsi, la sensibilisation insuffisante aux liens entre diabète et santé bucco-dentaire semble concerner à la fois les patients et les professionnels de la santé.

Les objectifs principaux de ce travail étaient d’évaluer (1) la proportion des personnes diabétiques qui avaient connaissance du lien entre diabète et santé bucco-dentaire et (2) la proportion des chirurgiens-dentistes que ces personnes déclaraient informés de leur statut diabétique, et de décrire les facteurs associés, notamment sociodémographiques et économiques. L’objectif secondaire était de mettre en perspective la connaissance des patients et l’information du chirurgien-dentiste avec le recours aux soins dentaires.

Méthodes

Population

La méthodologie de l’étude Entred 2007 a été décrite précédemment 14. Le tirage au sort d’une clé matriculaire correspondant aux deux derniers chiffres du numéro de sécurité sociale a sélectionné, à partir des bases de consommation médicale du régime général de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS), hors sections mutualistes, et du Régime social des indépendants (RSI), 8 926 adultes diabétiques, remboursés d’antidiabétiques oraux ou d’insuline, à au moins trois dates différentes au cours des 12 derniers mois et résidant en France métropolitaine. Les données de consommation médicale ont été extraites pour l’ensemble des personnes sélectionnées à partir des bases de l’Assurance maladie. Parmi ces personnes, 4 277 ont répondu à un questionnaire relatif à leurs caractéristiques sociodémographiques et à leur état de santé. Un algorithme épidémiologique de typologie du diabète a permis d’identifier 3 894 personnes diabétiques de type 2 sur lesquelles ont été conduites nos analyses.

Données relatives à la santé bucco-dentaire

Les participants ont été interrogés sur leurs connaissances et leurs pratiques en termes de santé bucco-dentaire. Les questions suivantes ont été posées : « Êtes-vous informé(e) des liens qui existent entre votre diabète et l’état de vos dents et gencives ? », et « Votre dentiste est-il au courant de votre diabète ? ». Si la réponse à cette deuxième question était négative, les personnes avaient la possibilité de choisir une ou plusieurs raisons dans une liste, présentée dans la figure. Il était également demandé aux participants de l’étude s’ils avaient déjà renoncé à des soins dentaires (consultation de surveillance, traitement des caries, détartrage….) ou à des prothèses dentaires (couronne ou appareil) pour des raisons financières, ainsi que la fréquence habituelle à laquelle ils consultaient un chirurgien-dentiste (« Au moins une fois par an », « Moins d’une fois par an », « Uniquement en cas d’urgence ou de douleur », « Jamais »). En parallèle, les données de consommation médicale ont permis d’identifier les personnes qui avaient eu « Au moins une consultation ou un acte de chirurgie dentaire ou de stomatologie libérale ou une hospitalisation en service de stomatologie sur un an de liquidation ».

Analyses statistiques

Les analyses ont été pondérées afin de tenir compte du plan de sondage et de la non-participation aux questionnaires. Les résultats descriptifs sont présentés sous forme de pourcentages et d’intervalle de confiance à 95%. Les facteurs associés à la connaissance des liens entre diabète et santé bucco-dentaire par les personnes diabétiques et au fait qu’elles aient informé leur chirurgien-dentiste de leur diabète ont été recherchés en utilisant des régressions logistiques. Les facteurs étudiés, listés dans le tableau 1, incluaient les caractéristiques sociodémographiques et économiques des personnes, leur couverture sociale et, en particulier, leur prise en charge du fait d’une affection de longue durée (ALD), quelle que soit cette affection, les caractéristiques de leur diabète, leur recours aux soins et d’autres caractéristiques ou habitudes de vie, en utilisant des niveaux d’ajustement successifs correspondant à ces différents groupes de variables explicatives d’intérêt. Les résultats des modèles finaux sont présentés sous forme d’odds ratios (OR) accompagnés de leurs intervalles de confiance à 95%. Les analyses ont été réalisées en utilisant le logiciel SAS Enterprise Guide® Version 4.3 et exécutées en utilisant les procédures « Surveyfreq » et « Surveylogistic ».

Résultats

Le tableau 1 résume les principales caractéristiques des personnes incluses dans l’analyse (N=3 894). Plus de 50% avaient un niveau d’études inférieur ou égal au primaire, près de 30% étaient ouvriers et 53,5% évaluaient leur situation financière comme étant difficile.

Tableau 1 : Caractéristiques des personnes diabétiques de type 2. Entred 2007, France (N=3 894)
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Concernant les informations relatives à la santé ou au recours aux soins bucco-dentaires, 33% des personnes avaient connaissance des liens entre diabète et santé bucco-dentaire et 60% déclaraient que leur chirurgien-dentiste était au courant de leur statut diabétique (tableau 2). Parmi ceux qui ne l’avaient pas mis au courant, les principales raisons citées étaient un oubli de la part du patient (44%) et le fait que le patient pensait que le diabète ne concernait pas le chirurgien-dentiste (38%) (figure). Les connaissances du patient et l’information du praticien étaient étroitement liées. Les personnes qui connaissaient les liens entre diabète et santé bucco-dentaire déclaraient à 88% que leur chirurgien-dentiste était informé de leur diabète contre 46% des personnes qui ne connaissaient pas ces liens (p<0,0001).

Tableau 2 : Santé bucco-dentaire et recours aux soins des personnes diabétiques de type 2 (N=3 894). Entred 2007, France
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Figure : Raisons évoquées par les personnes diabétiques de type 2 qui n’avaient pas informé le chirurgien-dentiste de leur statut diabétique (N=1 348). Entred 2007, France
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Toutes choses égales par ailleurs, la probabilité de connaître les liens entre diabète et santé bucco-dentaire était moindre chez les hommes (OR=0,61 ; p<0,0001), chez les personnes avec un niveau d’études inférieur ou égal au niveau primaire par rapport à celles qui étaient allées au lycée ou à l’université (OR=0,63 ; p=0,0001), chez celles sans ALD (OR=0,71 ; p=0,01), celles avec un diabète diagnostiqué plus récemment (≤10 ans vs. >10 ans : OR=0,79 ; p=0,01) et celles non traitées par l’insuline (OR=0,43 ; p<0,0001) (tableau 3). Par rapport aux personnes diabétiques qui consultaient leur médecin généraliste entre 6 et 11 fois dans l’année, celles qui consultaient le moins fréquemment ou le plus fréquemment ainsi que celles qui consultaient annuellement un endocrinologue avaient une probabilité plus élevée de connaître le lien entre diabète et santé bucco-dentaire (OR=1,30 pour ce dernier ; p=0,01).

En ce qui concerne l’information du chirurgien-dentiste par le patient quant à son statut diabétique, une partie des facteurs associés étaient les mêmes que ceux associés à la connaissance des liens. Néanmoins, on pouvait noter que l’information du chirurgien-dentiste était plus fréquente chez les professions intermédiaires (OR=1,50 ; p=0,02) ou les personnes au foyer/n’ayant jamais travaillé que chez les ouvriers (OR=1,83 ; p=0,05) et moins fréquente chez les personnes qui ne ressentaient pas le besoin de soutien social par rapport à celles qui en étaient satisfaites (OR=0,65 ; p=0,02). Le recours au médecin généraliste ou à l’endocrinologue n’était pas associé au fait que le patient informe son chirurgien-dentiste (tableau 3).

Tableau 3 : Facteurs associés à la connaissance des liens entre diabète et santé bucco-dentaire (N=3 697) et au fait que la personne ait mis son chirurgien-dentiste au courant de son statut diabétique (N=3 318). Analyse multivariée des données des personnes diabétiques de type 2 de l’étude Entred 2007, France
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Concernant le recours aux soins, 33% des personnes déclaraient aller chez le chirurgien-dentiste au moins une fois par an, ce qui était proche de l’estimation faite à partir des consommations sur une année glissante (38% pour l’année précédant le tirage au sort) ; 57% des personnes ne recourraient jamais ou seulement en urgence à leur chirurgien-dentiste (tableau 2). Les personnes qui avaient connaissance des liens entre diabète et santé bucco-dentaire avaient plus fréquemment consulté leur chirurgien-dentiste dans l’année (45%) que celles qui ne connaissaient pas les liens (35% ; p<0,0001). Cette association persistait après ajustement sur les caractéristiques associées au recours aux soins et identifiées lors d’un travail précédent 15, notamment les caractéristiques socioéconomiques du patient (en particulier son ressenti financier et le fait qu’il ait une couverture complémentaire) ainsi que sur les caractéristiques du diabète et le recours au médecin généraliste ou à l’endocrinologue. Ainsi, la probabilité de recours au chirurgien-dentiste était diminuée chez les personnes qui n’avaient pas connaissance des liens entre diabète et santé bucco-dentaire (OR=0,67 ; p<0,001). Le fait que le chirurgien-dentiste soit informé du statut diabétique était également significativement associé au fait d’avoir eu au moins une visite dans l’année. Parmi les personnes qui avaient informé leur chirurgien-dentiste, 51% avaient eu une visite contre 33% pour celles qui ne l’avaient pas informé (p<0,0001). La connaissance des liens par le patient ou l’information du chirurgien-dentiste concernant le diabète n’étaient pas associées au renoncement aux soins dentaires ou prothétiques pour des raisons financières (p comprises entre 0,58 et 0,97).

Discussion

Dans l’étude Entred 2007, près de 70% des personnes diabétiques de type 2 recrutées n’avaient pas connaissance des liens entre le diabète et la santé bucco-dentaire. Parmi les facteurs associés à la connaissance de ces liens, étaient retrouvés le sexe ou le niveau d’études, qui sont classiquement associés dans la littérature à un intérêt plus marqué pour la santé (chez les femmes) et à une meilleure compréhension des enjeux de santé (pour les niveaux d’études les plus élevés). A contrario, l’âge et le pays d’origine n’étaient pas associés à la connaissance des liens entre le diabète et la santé bucco-dentaire. En revanche, le fait d’être né dans un pays du Maghreb semblait lié à une meilleure information du chirurgien-dentiste concernant le statut diabétique de la personne.

Dans notre étude, toutes choses étant égales par ailleurs, les patients diabétiques sans ALD avaient une moins bonne connaissance des liens entre le diabète et la santé dentaire que ceux avec ALD. Ainsi, les processus aboutissant à la mise sous ALD d’un patient pourraient constituer une étape propice à l’information des patients. Les organismes d’assurance maladie ont certainement un rôle à jouer dans cette information, comme l’illustre le programme Sophia (service d’accompagnement personnalisé de l’Assurance maladie pour les maladies chroniques) 16.

Il est également possible que l’ALD permette au chirurgien-dentiste d’identifier le patient comme étant un patient diabétique et favorise le transfert d’information du praticien vers le patient. Cet effet favorisant de l’ALD en ce qui concerne la connaissance des liens entre diabète et santé bucco-dentaire est à mettre en perspective avec le fait qu’a contrario, avoir une couverture à 100% des soins au titre de l’ALD diabète est souvent un motif d’absence de complémentaire santé, rendant plus problématique le recours au chirurgien-dentiste du fait des restes à charge potentiels 7. Mais si les aspects financiers restent un frein objectif au recours aux soins prothétiques, cela ne devrait pas être le cas pour les consultations annuelles, les détartrages et les soins conservateurs qui sont remboursés. Néanmoins, cela implique que le patient ait bien compris le dispositif de prise en charge par ALD et qu’il passe outre la perception inexacte que toute visite chez le chirurgien-dentiste est coûteuse quels que soient les actes réalisés.

L’ancienneté et la gravité du diabète étaient associées à une meilleure connaissance des liens avec la santé bucco-dentaire. Les participants qui consultaient un endocrinologue avaient également une meilleure connaissance de ces liens. Ceci tient peut-être au fait que les patients qui consultent dans un contexte hospitalier peuvent avoir accès plus facilement à des séances d’éducation thérapeutique. Concernant le médecin généraliste, les patients qui le consultaient le plus étaient les plus informés, probablement de par la fréquence élevée des contacts avec le médecin. Ceux qui le consultaient le moins étaient aussi mieux informés que ceux qui avaient une consommation intermédiaire. Ceci s’explique peut-être par un phénomène de confusion résiduelle, bien que les analyses aient pris en compte certaines caractéristiques sociodémographiques des participants. En effet, dans Entred, des caractéristiques sociodémographiques plus favorables étaient liées à moins de consultations du médecin généraliste et plus de consultations chez l’endocrinologue, comme décrit dans l’article de S. Fosse-Edohr et coll., publié dans ce même numéro 17.

Un autre enseignement important de cette étude est que plus de 40% des personnes interrogées déclaraient que leur chirurgien-dentiste n’était pas informé de leur statut diabétique. Les réponses apportées par ces personnes semblent suggérer qu’ils imputaient ce manque d’information du chirurgien-dentiste davantage à une insuffisance de leur part, due à un manque de prise de conscience du lien entre diabète et santé bucco-dentaire, qu’à une absence d’interrogation de la part du praticien. En effet, seul 0,5% indiquait que le chirurgien-dentiste ne leur avait pas posé la question, alors qu’environ 40% des personnes déclaraient respectivement qu’elles avaient oublié ou qu’elles avaient pensé que le diabète ne concernait pas le chirurgien-dentiste. Il est en effet probable que ces patients aient déclaré un diabète de type 2 alors qu’ils étaient déjà suivis par leur chirurgien-dentiste et qu’ils aient omis de lui signaler cette nouvelle information. Parallèlement, si les chirurgiens-dentistes procèdent à un interrogatoire médical lors de la première consultation, il est possible que tous ne réitèrent pas cet interrogatoire chaque année et qu’ils ne soient, par conséquent, pas informés d’une pathologie nouvellement diagnostiquée. S'il est important que les patients informent leur chirurgien dentiste d'un diagnostic récent de diabète, ces derniers se doivent également d’avoir une attitude proactive : questionner les nouveaux patients et mettre à jour régulièrement leur questionnaire médical. Il serait probablement utile d’insister davantage, au cours de la formation des chirurgiens-dentistes, sur le rôle qu’ils ont à jouer dans l’information des patients diabétiques, que ce soit sur les liens entre diabète et santé bucco-dentaire ou sur l’importance d’effectuer des contrôles réguliers. Néanmoins, pour que le chirurgien-dentiste puisse jouer pleinement son rôle auprès des patients diabétiques, il semble nécessaire de réaffirmer au niveau institutionnel sa place dans l’éducation thérapeutique et le parcours de soins de ces patients.

La connaissance des liens entre le diabète et la santé bucco-dentaire par le patient et l’information du chirurgien-dentiste concernant le statut diabétique du patient étaient favorablement liées au recours aux soins dentaires. Il est intéressant de noter que 32,6% des personnes déclaraient avoir connaissance des liens entre diabète et santé bucco-dentaire et que, dans le même temps, la même proportion déclarait se rendre chez son chirurgien-dentiste au moins une fois par an. Mais si la probabilité d’effectuer au moins une visite était plus élevée chez les patients qui connaissaient les liens que chez ceux qui ne les connaissaient pas, la correspondance entre connaissance et comportement était loin d’être totale puisque 54% des personnes qui connaissaient ce lien déclaraient ne pas avoir suivi la recommandation d’au moins une visite par an. Comme l’ont montré les études Entred 2001 et 2007, le recours au chirurgien-dentiste était le recours recommandé à un spécialiste le moins suivi, avec peu d’évolution entre 2001 et 2007 15. L’absence d’association entre connaissance des liens par le patient ou l’information du chirurgien-dentiste, d’une part, et le renoncement aux soins dentaires ou prothétiques pour des raisons financières, d’autre part, s’expliquent peut être en partie par le fait qu’une proportion importante des personnes interrogées se trouvaient dans une situation financière qui ne les laissait pas libre d’arbitrer leurs dépenses entre différents postes en fonction de leur importance perçue pour leur santé.

Les limites de cette étude sont notamment l’absence de données concernant la source d’information à l’origine de la connaissance des personnes diabétiques sur les liens entre diabète et santé bucco-dentaire et la difficulté à déterminer si l’absence d’information du chirurgien-dentiste concernant le statut diabétique du patient était due à un questionnement insuffisant de sa part ou à une méconnaissance des liens de la part de son patient. Les forces de cette étude résident principalement dans la grande taille de son échantillon et dans l’originalité de la thématique abordée sur laquelle il n’existait pas, jusqu’à présent, de données françaises.

En conclusion, nos résultats suggèrent qu’il existe des améliorations importantes à apporter, en termes d’information des personnes diabétiques sur les liens entre diabète et santé bucco-dentaire, ainsi que sur la connaissance des chirurgiens-dentistes concernant le statut diabétique de leurs patients. Les pathologies bucco-dentaires peuvent être prévenues et contrôlées chez les patients diabétiques. Il est important de souligner que des comportements adéquats, tel un brossage régulier et une consultation de routine annuelle, peuvent notamment éviter ou retarder la perte de dents, et donc les difficultés de mastication, ainsi que le besoin en prothèses coûteuses pour le patient, et potentiellement limiter l’aggravation de leur diabète.

Remerciements

L’étude Entred 2007 a été financée par l’Institut de veille sanitaire (InVS), la Caisse nationale de l’Assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS), le Régime social des indépendants (RSI), l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) et la Haute Autorité de santé (HAS). Les personnes diabétiques et les médecins qui ont généreusement participé à l’étude sont chaleureusement remerciés.

Références

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Citer cet article

Regnault N, Chantry M, Azogui-Lévy S, Fosse-Edorh S. Connaissances et pratiques en termes de santé bucco-dentaire chez les personnes diabétiques de type 2 dans l’étude Entred 2007, France. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(30-31):514-21. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/30-31/2014_30-31_4.html