Associations entre niveau socioéconomique et recours aux soins des personnes diabétiques, et évolutions entre 2001 et 2007, à partir d’une approche écologique. Enquêtes Entred 2001 et 2007, France

// Associations between socioeconomic position and health care in people with diabetes and trends between 2001 and 2007 based on an ecological approach. ENTRED Studies 2001 and 2007, France

Sandrine Fosse-Edorh1 (s.fosse@invs.sante.fr), Carole Pornet2, Cyrille Delpierre3, Grégoire Rey4, Hélène Bihan5, Anne Fagot-Campagna6
1 Institut de veille sanitaire, Saint Maurice, France
2 Inserm, U1086 Inserm-Université de Caen Basse-Normandie, Caen, France
3 Inserm, UMR1027 Inserm-Université Paul Sabatier, Toulouse, France
4 Inserm, Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc), Le Kremlin-Bicêtre, France
5 AP-HP, Groupe des hôpitaux universitaires Paris Seine-Saint-Denis, Hôpital Avicenne, Bobigny, France
6 Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS), Paris, France
Soumis le 21.07.2014 // Date of submission: 07.21.2014
Mots-clés : Diabète | Niveau socioéconomique | Indice de désavantage social | Recours aux soins
Keywords: Diabetes | Socioeconomic position | Deprivation | Access to care

Résumé

Objectif –

L’objectif de cette étude était de mesurer l’évolution des inégalités sociales de recours aux soins (RAS) des personnes diabétiques entre 2001 et 2007.

Méthodes –

Les adresses de 9 868 puis de 6 204 adultes diabétiques tirés au sort à partir des bases de données de l’Assurance maladie, respectivement pour Entred 2001 et 2007, ont été géocodées au niveau de l'Iris (zone d’environ 2 000 habitants). L’évolution du recours aux soins annuel a été analysée en fonction de l’indice de désavantage social (EDI) réparti en quintiles, des moins défavorisés (DEF-) aux plus défavorisés (DEF+), après ajustement sur l’âge, le sexe, le traitement antidiabétique et le pays de naissance. Un terme d’interaction entre l’année et l’indice EDI a été introduit pour étudier l’évolution du gradient.

Résultats –

Les DEF+ étaient plus souvent des femmes, plus jeunes et plus souvent nées à l’étranger. En 2001, les DEF+ avaient moins souvent consulté un endocrinologue, un ophtalmologiste ou un dentiste, mais avaient eu un recours plus fréquent au médecin généraliste (MG). Ils avaient été remboursés de 3 dosages de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) et des autres dosages biologiques recommandés aussi souvent que les DEF-. Entre 2001 et 2007, la fréquence de recours à l’ALD (affection de longue durée) avait augmenté pour tous, mais davantage pour les DEF+, et la plupart des indicateurs de recours aux soins avaient progressé, quel que soit le niveau de désavantage social. Le recours à l’ophtalmologiste était le seul à n’avoir progressé que chez les DEF-. Aucun gradient n’avait évolué de façon statistiquement significative au cours de cette période, à l’exception de la fréquence des consultations de MG qui avait diminué chez les DEF-.

Conclusion –

Si l’impact des inégalités sociales sur le recours aux soins reste important en ce qui concerne le recours aux professionnels de santé (à l’exception de l’endocrinologue libéral), l'écart entre les niveaux de désavantage social semble stable, voire se réduit, sauf pour le recours à l’ophtalmologiste.

Abstract

Objective –

The objective of the present study was to determine time-trends of associations between deprivation and health care in persons with diabetes between 2001 and 2007.

Methods –

The postal addresses of more than 15,000 adults with diabetes, were randomly drawn from the Health Insurance database for ENTRED 2001 (N=9,868) and 2007 (N=6,204) studies. These addresses were geocoded at the IRIS level (area of about 2,000 inhabitants). Changes in health care indicators were analyzed according to the social deprivation index EDI and divided into quintiles, from the less disadvantaged (DEF-) to the most disadvantaged (DEF +), after adjustment for age, gender, diabetes treatment and country of birth. An interaction term between the year (2001 or 2007) and EDI quintiles was introduced to study time-trends of the gradient.

Results –

DEF+ were more often women, younger and more often born abroad. In 2001, DEF+ visited less frequently an endocrinologist, ophthalmologist and dentist, but visited more frequently their general practitioner (GP). The DEF+ had as many reimbursements for 3 HbA1c measurements and other recommended biological measurements than DEF-. Between 2001 and 2007, access to free medical coverage became more frequent for all and even more for DEF+. Most health care indicators improved whatever the level of deprivation. The frequency of the visits to an ophthalmologist had only increased in DEF-. No gradient changed statistically and significantly during this period, except for the GP visits which declined in DEF-.

Conclusion –

If the impact of social inequalities on health care remains high regarding visits to health professionals (except for private endocrinologist), the gap between the levels of deprivation seems stable or decreasing except for the visits to the ophthalmologist.

Introduction

L’impact du niveau socioéconomique sur la mortalité et la morbidité par maladie chronique a été largement documenté 1,2. Dans les pays industrialisés, l’obésité et le diabète sont plus fréquents chez les personnes de plus faible niveau socioéconomique 3,4.

En France, l’association entre la prévalence de l’obésité et du diabète traité pharmacologiquement et le niveau socioéconomique a été établie 5,6,7. Les enquêtes Entred (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) ont également permis de mettre en évidence une association entre le niveau socioéconomique et la survenue de complications graves du diabète, ainsi qu’entre le niveau socioéconomique et le recours aux soins. Toutefois, ces études étaient basées sur une approche individuelle classique nécessitant le recueil d’indicateurs socioéconomiques individuels (niveau d’études, ressenti financier) 8,9 par auto-questionnaires. Elles se sont heurtées, dès lors, au problème de la représentativité des sous-échantillons de répondants aux auto-questionnaires des enquêtes Entred (36% en 2001 et 48% en 2007). La participation est en effet associée au niveau socioéconomique et au recours aux soins 10. Il est apparu utile de proposer une approche écologique de la problématique. Cette approche utilise un indice de désavantage social écologique et porte sur l’échantillon des personnes tirées au sort pour Entred, permettant de s’affranchir des biais de participation aux auto-questionnaires.

Le recours aux soins des personnes diabétiques repose sur des recommandations de bonnes pratiques cliniques 11 établies pour prévenir la survenue des complications graves du diabète. L’objectif de cette nouvelle analyse est d’étudier les inégalités sociales dans le respect de cette surveillance chez les personnes diabétiques et d’en mesurer les évolutions entre 2001 et 2007.

Méthodes

L’analyse a été réalisée à partir des éditions 2001 et 2007 de l’enquête Entred. Pour chacune, un tirage au sort indépendant de personnes diabétiques traitées pharmacologiquement a été effectué à partir des données de remboursements de l’Assurance maladie. Le tirage au sort portait sur les bénéficiaires du régime général ayant été remboursés d’au moins un traitement antidiabétique au cours du trimestre précédant le tirage au sort (édition 2001) ou sur les bénéficiaires et assurés du régime général ou du Régime social des indépendants (RSI) ayant été remboursés de traitements antidiabétiques à trois dates différentes au cours de l’année précédant le tirage au sort (édition 2007). Afin de garantir la comparabilité des données entre 2001 et 2007, la population d’analyse de l’édition 2007 a été restreinte aux seuls bénéficiaires du régime général remboursés d’au moins un traitement antidiabétique au cours du dernier trimestre précédant le tirage au sort.

Les adresses postales de l’ensemble des personnes tirées au sort pour l’édition 2001 et de celles n’ayant pas refusé de participer à l’édition 2007 (84%) ont été géocodées à l’Iris (Îlots regroupés pour l'information statistique, représentant des zones d’environ 2 000 habitants). Un indice écologique de désavantage social, l’European Deprivation Index (EDI) 12, disponible pour l’ensemble du territoire métropolitain à l’échelle de l’Iris, a été attribué à la quasi-totalité des personnes de l’échantillon de l’édition 2001 (99%) et de l’échantillon ayant accepté de participer à Entred 2007 (96%). La version 1999 de cet indice et sa mise à jour en 2007 ont été respectivement utilisées. Les personnes diabétiques ont été réparties en quintiles de l’EDI (du moins défavorisé [Q1] au plus défavorisé [Q5] relativement à la population d’étude). Le pays de naissance a été extrait des bases de l’Assurance maladie, l’information étant manquante pour 737 personnes de l’édition 2001 (7%).

Les indicateurs de recours aux soins ont été extraits des bases de données de l’Assurance maladie disponibles pour toutes les personnes sélectionnées.

Analyses statistiques

Afin de tenir compte de la non prise en compte des personnes ayant refusé de participer à l’édition 2007 de l’enquête, les données ont été repondérées sur le taux de refus de participer 10.

Les gradients entre le niveau de désavantage social et les indicateurs de recours aux soins ont été analysés par régression logistique binomiale ou multinomiale nominale ajustée sur l’âge, le sexe, le pays de naissance et le traitement antidiabétique. Un terme d’interaction entre l’année (2001 ou 2007) et l’EDI a été introduit pour étudier l’évolution de ce gradient. Étant donné le faible taux de patients résidant dans un même Iris (19% en 2001 et 14% en 2007), ce dernier n’a pas été pris en compte comme effet aléatoire dans nos modèles.

Résultats

Les analyses ont porté sur, respectivement, 9 787 et 6 204 personnes diabétiques en 2001 et 2007.

Caractéristiques des personnes diabétiques

En 2001, comme en 2007, les personnes diabétiques les plus défavorisées étaient plus jeunes que les moins défavorisées et plus souvent des femmes. Elles étaient beaucoup plus souvent nées à l’étranger et ce gradient s’est accentué en 2007 de façon statistiquement significative (tableau).

Entre 2001 et 2007, les traitements antidiabétiques ont été intensifiés, quel que soit le quintile de désavantage social, avec une forte diminution des monothérapies orales au profit des polythérapies. De plus, en 2001 et de façon moindre en 2007, les traitements antidiabétiques différaient selon les quintiles de désavantage social : un traitement par monothérapie orale était notamment moins fréquent chez les personnes les plus défavorisées. Au cours de cette période, la fréquence de prise en charge pour Affection de longue durée (ALD, toutes causes) a augmenté, quel que soit le niveau de désavantage social. L’évolution du gradient entre la fréquence de recours à l’ALD et le niveau de désavantage social n’était, là encore, pas statistiquement significative, mais l’augmentation de prise en charge par ALD était davantage marquée chez les personnes diabétiques les plus défavorisées. Ainsi, ce gradient était devenu significatif en 2007.

Tableau : Caractéristiques des personnes diabétiques en fonction de leur niveau de désavantage social. Entred 2001 (N=9 787) et Entred 2007 (N=6 204), France
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Recours annuels aux médecins (figure 1)

Un recours « très fréquent » au médecin généraliste (≥12 visites ou consultations/an) était plus répandu chez les personnes les plus défavorisées que chez les personnes les moins défavorisées en 2001 et 2007. Cependant, ce recours fréquent au médecin généraliste a diminué entre les deux périodes d’enquête et de manière plus nette chez les personnes les moins défavorisées, accentuant le gradient entre les quintiles.

Ces tendances étaient inversées en ce qui concerne le recours aux spécialistes libéraux étudiés. En effet, en 2001, plus les personnes étaient défavorisées, moins elles bénéficiaient d’une consultation en endocrinologie libérale. Or, le recours à l’endocrinologue libéral a augmenté en 2007 chez les personnes défavorisées et sa fréquence est devenue similaire, quel que soit le niveau de désavantage social. Le gradient n’avait toutefois pas évolué de façon significative entre 2001 et 2007.

En outre, plus les personnes étaient défavorisées, moins elles avaient recours aux consultations libérales dentaires (annuelles) ou en ophtalmologie (bisannuelles). Ces gradients étaient statistiquement significatifs en 2001 comme en 2007, sans évolution significative. En revanche, en 2001 et en 2007, aucune association n’a été mise en évidence entre l’indicateur de suivi cardiologique (« au moins une consultation de cardiologie et/ou un ECG annuel ») et l’indice de désavantage social.

Figure 1 : Évolution du recours annuel au médecin généraliste (MG) et aux spécialistes libéraux en fonction du niveau de désavantage social. Entred 2001 (N=9 787) et Entred 2007 (N=6 204), France
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Suivi biologique (figure 2)

En 2001, comme en 2007, aucune association significative n’a été mise en évidence entre le niveau de désavantage social et les dosages biologiques recommandés annuellement dans le suivi des patients diabétiques (3 dosages de l’hémoglobine glyquée (HbA1c), un dosage des lipides, un dosage de la microalbuminurie, un dosage de la créatininémie). Le suivi s’est amélioré entre 2001 et 2007, quel que soit le niveau de désavantage social.

Figure 2 : Évolution du suivi biologique annuel en fonction du niveau de désavantage social. Entred 2001 (N=9 787) et Entred 2007 (N=6 204), France
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Discussion

Cet article décrit l’évolution des inégalités sociales dans le recours aux soins des personnes diabétiques entre 2001 et 2007, à partir d’une approche écologique. Durant cette période, les gradients sociaux de recours aux soins sont restés stables, voire se sont réduits pour certains indicateurs. Le recours à l’ALD (toutes causes) et au médecin généraliste est resté plus fréquent chez les personnes les plus défavorisées ; le recours à l’endocrinologue libéral a légèrement progressé chez les personnes les plus défavorisées, faisant disparaître le gradient social existant en 2001. Les suivis cardiologique et biologique sont restés non associés au niveau de désavantage social et se sont améliorés. En revanche, les recours à l’ophtalmologiste libéral et au dentiste ont montré un net gradient social, en étant plus faibles chez les plus défavorisés. De plus, même si ces gradients ne se sont pas aggravés de façon significative entre 2001 et 2007, le recours à l’ophtalmologiste n’a progressé que chez les personnes les moins défavorisées, accentuant l’écart entre les niveaux de l’indice de désavantage social.

Les personnes diabétiques les plus défavorisées étaient plus jeunes, plus souvent des femmes et beaucoup plus souvent nées à l’étranger que les moins défavorisées. Ceci confirme, notamment, que l’impact du niveau socioéconomique sur la survenue d’un diabète est plus important chez les femmes 6,9. L’âge plus jeune pourrait être le marqueur non seulement d’un diabète survenant plus précocement chez les personnes les plus défavorisées, mais aussi celui d’une espérance de vie plus courte chez les personnes les plus défavorisées. Les analyses de mortalité des études Entred permettront de vérifier cette dernière hypothèse. Parmi les plus défavorisés, près de 1 personne sur 2 était née hors de France métropolitaine en 2007 (45% versus 14% des moins défavorisées), avec probablement de très fortes variations régionales. Ce facteur a été pris en compte dans l’ajustement de nos analyses, mais il révèle des différences socioculturelles auxquelles il faut être attentif dans la surveillance du diabète.

Les personnes défavorisées avaient davantage recours à l’ALD (pour diabète ou autre pathologie), ce qui pourrait refléter une plus grande attention du médecin à la situation sociale des patients défavorisés ou encore la présence d’une comorbidité ou d’une complication.

Le traitement antidiabétique des plus défavorisés était plus intensif, marquant éventuellement un diabète plus sévère, un échec plus précoce des traitements oraux dû à une moins bonne observance ou des formes différentes de diabète, compte tenu des origines géographiques différentes. Le recours au médecin généraliste était plus fréquent chez les personnes les plus défavorisées tandis que le recours aux spécialistes était globalement moindre, surtout concernant les consultations dentaires et ophtalmologiques. Ce résultat n’est cependant pas spécifique des personnes diabétiques : l’Enquête sur la santé et la protection sociale (ESPS), menée en population générale, a mis en évidence des résultats similaires 13. Le coût des consultations de ces spécialistes est probablement un frein important à un suivi régulier. Le reste à charge lié aux soins ophtalmologiques et dentaires reste élevé, car les dispositifs assurantiels de base (y compris le statut d’ALD) remboursent peu ces prestations, caractérisées par des dépassements très élevés 14. Le recours à une ALD peut avoir une influence négative à ce niveau : dans l’enquête ESPS, l’ALD était la seconde raison évoquée pour ne pas recourir à une couverture médicale complémentaire 13, qui était elle-même le déterminant principal de l’accès aux soins dentaires 13. D’autre part, les complications bucco-dentaires sont souvent méconnues. Dans ce même numéro, N. Regnault et coll. 15 soulignent également que près de 70% des personnes sélectionnées dans Entred 2007 n’avaient pas connaissance des liens entre le diabète et la santé bucco-dentaire. Cette connaissance était moindre parmi les hommes et chez les personnes avec les niveaux d’études les plus bas.

Un point fort des enquêtes Entred est de disposer des données de consommation médicale pour l’ensemble de l’échantillon tiré au sort, que les personnes aient répondu au questionnaire ou non. Cependant, un seul indicateur de niveau socioéconomique est disponible à partir de ces données : la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), qui n’est pas un indicateur fiable au-delà de 60 ans (âge à partir duquel les plus défavorisés peuvent bénéficier de minima sociaux ne permettant plus l’accès à la CMU-C). De ce fait, le recueil des données individuelles sur le niveau socioéconomique (revenus, niveau d’études, profession et catégorie socioprofessionnelle, ressenti financier) repose sur une approche par auto-questionnaires et impose de restreindre l’étude des inégalités sociales de santé au sous-échantillon des répondants au questionnaire. Comparés aux non répondants, ces derniers avaient un niveau socioéconomique plus élevé et bénéficiaient d’une meilleure prise en charge de leur diabète 10. L’approche écologique, basée sur les informations issues d’échantillons représentatifs, permet de limiter ce biais. Elle confirme les associations observées à partir des indicateurs de niveau socioéconomique individuels sur le sous-échantillon de répondants à l’auto-questionnaire d’Entred 8,9. Par ailleurs, cette approche, basée sur l’utilisation d’un indice écologique de désavantage social robuste au cours du temps, permet d’étudier les évolutions temporelles et donc d’établir un véritable système de surveillance de l’impact des inégalités sociales sur le diabète en France.

Cette étude comporte cependant des limites. Tout d’abord, les enquêtes Entred sont basées sur des données de consommation médicale qui n’intègrent pas les soins réalisés en consultation externe à l’hôpital, lors des hospitalisations en secteur public, ou dans les centres d’examens de santé (pratiquant des rétinographies non mydriatiques, par exemple). Il est tout à fait possible que le recours à ces modes de prise en charge publics et fréquemment socialisés soit plus important chez les personnes défavorisées, ce qui pourrait diminuer certains gradients observés. De plus, cette analyse n’a porté que sur les bénéficiaires du régime général (75% de la population résidant en France). L’impact du niveau de désavantage social sur le recours aux soins est peut-être différent au sein d’autres régimes (Mutualité sociale agricole ou RSI).

Le fait de recourir à un indice écologique induit un biais d’approximation : on ne peut donc pas « affirmer » que les inégalités constatées sont dues à des différences sociales entre individus ou à des facteurs liés au contexte, même si l’indice choisi (défini au niveau de l’Iris) avait pour but de tenter d’approcher au mieux l’individu. Une analyse multiniveaux, combinant les indicateurs individuels aux indicateurs contextuels, complètera cette étude afin de répondre à cette interrogation.

En outre, cette approche écologique reste confrontée, en 2007, au refus de participation à l’étude dans sa globalité : les adresses des personnes ayant refusé de participer (16%) n’ont pas été géocodées. Même si le refus de participer à l’étude n’était pas associé au niveau socioéconomique, il restait tout de même associé au recours aux soins 10. La repondération des données a, toutefois, permis de limiter ce biais.

Enfin, cette approche, qui ne tient pas compte des réponses aux questionnaires, ne permet pas non plus de tenir compte de certains facteurs de confusion tels que le type de diabète ou sa gravité.

Malgré ces limites, cette étude a permis de confirmer qu’au sein même de la population diabétique, qui est plus défavorisée que la population générale, l’impact des inégalités sociales sur certains recours aux soins restait important en 2007. Cet impact est globalement resté stable par rapport à 2001, voire a même disparu en ce qui concerne le recours à l’endocrinologue libéral. Un autre résultat positif mis en évidence est l’absence d’association entre la qualité du suivi biologique et cardiologique et les niveaux de désavantage social. Toutefois, un effort particulier doit être réalisé concernant la prise en charge ophtalmologique des personnes diabétiques, qui n’a progressé que chez les plus favorisées, accroissant ainsi les inégalités sociales de santé. La crise économique que traverse le France a pu impacter ces inégalités. Il est donc important de poursuivre cette surveillance des inégalités sociales dans le recours aux soins et de l’étendre à la survenue des complications et à la mortalité liée au diabète.

Remerciements

Entred 2001 a été financé par le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) et par l’Institut de veille sanitaire (InVS). Entred 2007 a été financé par l’InVS, la Caisse nationale de l’Assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS), le Régime social des Indépendants (RSI), l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) et la Haute Autorité de santé (HAS). Les personnes diabétiques et les médecins qui ont généreusement participé à l’étude sont chaleureusement remerciés.

Nous remercions également l’Unité « cancers et préventions », U1086 Inserm-Université de Caen Basse-Normandie de nous avoir transmis les données de l’European Deprivation Index.

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15 Regnault N, Chantry M, Azogui-Levy S, Fosse-Edorh S. Connaissances et pratiques en termes de santé bucco-dentaire chez les patients diabétiques dans Entred 2007. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(30-31):514-21. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/30-31/2014_30-31_4.html

Citer cet article

Fosse-Edorh S, Pornet C, Delpierre C, Rey G, Bihan H, Fagot-Campagna A. Associations entre niveau socioéconomique et recours aux soins des personnes diabétiques, et évolutions entre 2001 et 2007, à partir d’une approche écologique. Enquêtes Entred 2001 et 2007, France. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(30-31):500-6. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/30-31/2014_30-31_2.html