Diabète : des disparités sociales et territoriales importantes

// Diabetes: important social and territorial disparities

Gérard Raymond
Secrétaire général, Fédération française des diabétiques

Annoncé comme l’épidémie silencieuse du XXIe siècle, le diabète continue inlassablement sa progression : le cap des 3 millions de personnes traitées par médicament pour un diabète est désormais franchi en France. Ce chiffre, tout comme les résultats des études présentées dans ce numéro du BEH, ne peuvent laisser personne indifférent.

Ces études confirment que la maladie se répand particulièrement au sein des populations socialement et économiquement défavorisées. Les disparités sont fortes, tant au niveau individuel que territorial (L. Mandereau-Bruno et coll.). En outre, au sein même de la population diabétique, plus défavorisée que la population générale, l’impact des inégalités sociales sur certains recours aux soins est important, comme le montrent les résultats de l’étude Entred 2007 publiés ici. En particulier, la prise en charge ophtalmologique ou bucco-dentaire y apparaît peu équitable (S. Fosse-Edorh et coll. ; N. Regnault et coll.). Et il est probable que cette situation se soit aggravée depuis, alors que la France traverse une période de crise économique.

Des associations de patients, comme la Fédération française des diabétiques, alertent régulièrement les décideurs sur les coûts humains et économiques de cette pandémie. Tout comme sur la nécessité d’avoir une politique de prévention plus clairement ciblée vers les populations à risque et tenant mieux compte du fait social que constitue la propagation du diabète dans notre société. La compréhension de la maladie est indissociable de la connaissance de l’environnement dans lequel elle se développe.

Certaines modifications simples du comportement peuvent prévenir la survenue de complications et améliorer ainsi la qualité de vie. Ainsi, comme le rappellent N. Regnault et coll., un brossage régulier des dents et une consultation dentaire annuelle de routine peuvent éviter ou retarder la perte de dents, qui a pour conséquence des difficultés de mastication susceptibles d’aboutir à une aggravation de l’état nutritionnel de ces personnes et donc de leur diabète. De même, l’étude de G. Gusto et coll. montre comment une intervention nutritionnelle simple, courte, basée sur les recommandations du PNNS, ne nécessitant pas le recrutement de professionnels de santé supplémentaires, permet de réduire les facteurs de risque du diabète de type 2.

Pour autant, les programmes de prévention ne peuvent se résumer à des actions isolées mais doivent associer un ensemble d’interventions impliquant de très nombreux acteurs. Si l’objectif est de réduire les inégalités sociales de santé, cela nécessite d’investir le plus en amont possible pour infléchir les trajectoires de vie des plus fragiles. En prenant pour cible les populations les plus à risques, la prévention impose un glissement des valeurs de l’égalité vers l’équité. En parallèle, la prise en charge des personnes atteintes de diabète exige une modification radicale des pratiques médicales, rendues particulièrement complexes par l’existence fréquente de multiples pathologies associées (K. Cosker et coll.).

Il est donc nécessaire d’impliquer davantage dans le parcours de soin l’ensemble des acteurs médicaux, sociaux et associatifs, et bien sûr le patient lui-même. L’amélioration de sa qualité de vie ne dépend pas seulement de la stratégie médicamenteuse, mais aussi de son projet de vie et de son environnement social, économique et culturel. Il nous faut instaurer « le prendre soin de soi » dans le traitement médicamenteux : le care dans le cure !

Chaque article de ce numéro contribue à montrer combien la prévention et la prise en charge des personnes atteintes de diabète sont complexes et difficiles. Il faut continuer à suivre la dynamique et les caractéristiques de l’épidémie de diabète, à surveiller les évolutions de l’état de santé et de la prise en charge des diabétiques, ainsi que l’impact des inégalités sociales et territoriales, et améliorer la connaissance de la qualité de vie des personnes atteintes de diabète. À quand un observatoire ?

Citer cet article

Raymond G. Éditorial. Diabète : des disparités sociales et territoriales importantes. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(30-31):492. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/30-31/2014_30-31_0.html