Développement de la surveillance de l’ostéoporose au Québec : utilisation des bases de données médico-administratives

// Development of osteoporosis surveillance in Quebec: use of health administrative databases

Sonia Jean1,2 (sonia.jean@inspq.qc.ca), Bernard Candas1,2, Étienne L. Belzile2,3, Suzanne Morin4, Louis Bessette2,3, Jacques P. Brown2,3

1 Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), Québec, Canada
2 Université Laval, Québec, Canada
3 Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Québec, Québec, Canada
4 Université McGill, Montréal, Canada
Soumis le 26/06/2013 // Date of submission: 06/26/2013
Mots-clés : Ostéoporose | Fractures | Données médico-administratives | Validation | Utilisation des ressources médicales | Québec
Keywords: Osteoporosis | Fractures | Health administrative data | Validation | Health resources utilization | Quebec

Résumé

Une étude de cohorte rétrospective utilisant le Fichier des services médicaux rémunérés à l’acte (FSMRA) du Québec a été réalisée afin de développer et valider un algorithme d’identification des cas incidents de fractures de fragilisation (FF). L’utilisation de l’algorithme validé et le jumelage des données médico-administratives a permis de quantifier l’incidence des FF et d’évaluer leur impact sur l’utilisation des ressources médicales.

La validité de l’algorithme varie selon le site de la fracture et est élevée pour la majorité des sites. Basé sur l’algorithme validé, on observe que les fractures les plus communes sont celles associées à l’ostéoporose. Les fractures de la hanche et du bassin sont plutôt rares avant 70 ans, mais augmentent substantiellement ensuite. Une proportion importante des ressources médicales est consacrée à celles-ci en raison d’une hospitalisation fréquente. Concernant les fractures périphériques, elles surviennent fréquemment dès 50 ans et les soins cliniques liés à leurs traitements sont non négligeables.

En conclusion, le FSMRA permet l’identification des FF incidentes avec une valeur populationnelle unique pour leur surveillance. La méthodologie développée et le jumelage de données médico-administratives démontrent qu’il est possible d’élargir la surveillance des FF et de réaliser un portrait global et détaillé de leur fardeau pour le système de santé.

Abstract

A retrospective cohort study using physician-billing claims database (PBCD) was performed to develop and validate an algorithm for fragility fracture (FF) cases identification. The use of the validated algorithm and linkage of health administrative data allowed to quantify FF incidence and to evaluate their impact on health resources utilization.

The algorithm validity varies across the fracture site and is high for the majority. According to the validated algorithm, we observe that the most common fractures are those associated with osteoporosis. Hip and pelvis fractures are rare before 70 years of age but increase substantially thereafter. They require considerable medical resources since a large proportion of cases are hospitalized. Peripheral fractures occur frequently after the age of 50 years and clinical care related to their treatment are significant.

In conclusion, PBCD allows identification of incident FF cases with a unique value for their monitoring at population level. The methodology developed and the linkage of administrative healthcare databases show that is possible to broaden surveillance of FF and achieve a comprehensive and detailed picture of their burden for the health care system.

Introduction

Les fractures de fragilisation (FF) représentent un problème majeur de santé publique, affectant chaque année un nombre croissant d’individus. Le fardeau des FF est important en raison de la mortalité, morbidité et des coûts de soins de santé qui y sont reliés 1,2,3,4. Elles se manifestent essentiellement à partir de 50 ans et, passé cet âge, elles représentent 81% de l’ensemble des fractures 5. Malgré leurs conséquences, 80% d’entre elles ne bénéficieront pas d’une prise en charge adéquate 5.

Au Québec, les contraintes budgétaires actuelles et l’importance de ce problème nécessitent la mise en place d’une surveillance des FF. On doit donc réaliser des études épidémiologiques populationnelles afin d’évaluer l’ampleur et le fardeau des FF, et d’estimer leur impact sur le système de santé. Les données médico-administratives (DMA) peuvent être utiles pour la réalisation de telles études. À ce jour, les fichiers des hospitalisations (FH) ont été largement utilisés, mais leur validité est limitée à des problèmes de santé nécessitant une hospitalisation, comme les fractures de la hanche 6,7, qui représentent une petite proportion de toutes les FF. Puisque les fractures surviennent généralement dans un contexte aigu et douloureux, elles nécessitent plusieurs contacts avec le système de santé 7. Elles devraient donc être facilement identifiables en utilisant le Fichier des services médicaux rémunérés à l’acte (FSMRA) de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

À ce jour, aucune étude n’a eu recours aux données de ce fichier pour examiner l’impact des FF sur la santé des populations et le système de santé. Ainsi, les objectifs de cette étude sont 1) d’évaluer la fiabilité des données recueillies dans le FSMRA pour l’identification des cas incidents de FF et 2) d’établir un portrait populationnel des FF chez les femmes de 50 ans et plus et de quantifier leur impact en termes d’utilisation des ressources médicales. La réalisation de cette étude permettra, d’abord, d’évaluer la pertinence de la méthodologie proposée et, par la suite, les informations issues de ces indicateurs aideront à cerner l’ampleur et le fardeau que représentent les fractures sur les ressources médicales et sur les budgets du système de santé. Elles seront utiles aux décideurs pour la planification, l’allocation des ressources et l’organisation des soins, informations essentielles pour maintenir et accroître l’efficacité du système de santé. Elles permettront de suivre l’évolution de ce problème et, éventuellement, seront utiles pour la réalisation d’analyses médico-économiques ayant pour objet d’évaluer l’efficacité d’interventions thérapeutiques ou de santé visant une gestion optimale de cette problématique.

Matériel et méthodes

Sources de données et méthodologie de l’étude

Au Québec, le système public d’assurance maladie est administré par la RAMQ, qui gère le FSMRA contenant les informations relatives au remboursement des médecins : numéro d’identification du médecin, numéro d’assurance maladie du patient, date, endroit et code d’acte correspondant à l’acte médical posé et optionnellement, dans 91% des réclamations, le code du diagnostic selon la classification internationale des maladies (CIM-9) est inscrit. La RAMQ gère également le FH, contenant les caractéristiques démographiques des patients, les dates d’admission et de sortie, les diagnostics principaux et secondaires (CIM-10 depuis le 1er avril 2006), le traitement et la destination à la sortie pour chaque admission dans les hôpitaux généraux et de soins aigus.

Dans cette étude de cohorte populationnelle rétrospective chez les femmes de 50 ans et plus provenant de trois régions socio-sanitaires, une analyse combinant les informations enregistrées au FSMRA a permis de développer et valider un algorithme d’identification des cas incidents de fractures. À partir de l’algorithme, toutes les variables relatives aux patientes ayant subi une fracture ont été identifiées et utilisées en lien avec les données démographiques pour estimer les taux d’incidence. Finalement, pour établir l’utilisation des ressources médicales directement liées à chaque fracture dans l’année suivante, les informations de consommation de soins enregistrées dans le FSMRA et le FH ont été utilisées.

Les sites anatomiques de fractures étudiés sont : vertèbre, sacrum, coccyx, bassin, hanche, fémur, épaule, humérus, coude, avant-bras, poignet, genou, tibia, péroné, pied ou cheville. Les fractures du crâne, de la main, des doigts et des orteils ont été exclues puisqu’elles ne sont pas associées à l’ostéoporose. Dans cette étude, l’ensemble des fractures à traumatisme faible et élevé survenant à ces sites anatomiques, dont la majorité sont des FF (plus de 81% de l’ensemble des fractures 5), ont été considérées tel que proposé dans la littérature 8.

Ce projet a été approuvé par le Comité d'éthique à la recherche du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ) et le jumelage des données a été approuvé par la Commission d'accès à l'information du Québec.

Développement et validation de l’algorithme

Basée sur le FSMRA, une étude rétrospective chez les femmes de 50 ans et plus provenant de trois régions socio-sanitaires a été réalisée entre le 1er septembre 2003 et le 31 mars 2006. Pour développer l’algorithme, tous les actes médicaux potentiellement associés à une FF enregistrés au FSMRA au cours de la période ont été identifiés (la liste des codes d’acte retenus est disponible par ailleurs 9). Deux groupes de codes d’actes ont été sélectionnés : a) codes d’actes spécifiques au traitement d’une fracture (réductions ouvertes et fermées, (figure 1)) et b) codes d’actes non spécifiques au traitement d’une fracture (immobilisation, consultation médicale, visite de suivi, etc.) mais qui sont accompagnés d’un code diagnostique CIM-9 de fracture et réclamés par un médecin orthopédiste (MO), un médecin urgentiste ou un médecin généraliste (figure 1).

Figure 1 : Sélection des services médicaux pour l’identification des fractures d’après le Fichier des services médicaux rémunérés à l’acte (FSMRA), Québec
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À partir des actes sélectionnés, trois algorithmes d’identification des cas incidents de fractures ont été développés. Une fracture est présente selon :

Algorithme 1

Si on observe au moins un code d’acte associé à : a) une procédure médicale spécifique au traitement d’une fracture (réduction ouverte, réduction fermée, immobilisation) ou b) une visite principale avec un MO avec un code diagnostique de fracture ou c) une consultation avec un MO avec un code diagnostique de fracture.

Algorithme 2

Il exclut les cas de l’algorithme 1 identifiés par seulement un code d’acte d’une visite principale avec un MO. L’ajout d’au moins un autre acte à la visite principale est exigé afin de conserver uniquement les cas ayant un suivi clinique.

Algorithme 3

Il exclut les cas de fractures de l’algorithme 2 identifiés par seulement un code d’acte d’une consultation avec un MO. L’ajout d’au moins un autre acte à la consultation est exigé afin de conserver uniquement les cas ayant un suivi clinique.

L’acte permettant l’identification de la fracture a été désigné comme étant l’acte index. Le site de fracture est identifié grâce au code de l’acte index si ce code est spécifique au traitement d’une fracture ou, s’il ne l’est pas, grâce au code diagnostique. Pour établir la séquence temporelle des soins associés à chaque fracture, l'algorithme identifie tous les autres actes médicaux (visite aux urgences, visite de suivi, etc.) liés au même site anatomique. La date de fracture correspond à la première date dans cette séquence. Finalement, une période de 6 mois entre deux séquences liées à un même site anatomique doit être observée afin de minimiser les biais de classification du suivi d’une ancienne fracture comme étant une nouvelle fracture.

Pour évaluer la performance des algorithmes, on a mesuré leurs valeurs prédictives positives (VPP) et leurs sensibilités (Sn). La VPP correspond à la capacité de l’algorithme à identifier des cas de fractures cliniquement confirmés. Pour estimer la VPP, un échantillon aléatoire de 1 506 fractures identifiées par l’algorithme 1 a été sélectionné et la revue des dossiers médicaux hospitaliers par un archiviste a permis de confirmer l’existence de cette fracture. Au Québec, tous les patients ayant subi une fracture sont référés pour une consultation dans une clinique d’orthopédie (salle de plâtre) localisée dans les établissements hospitaliers ; par conséquent, le dossier hospitalier est considéré comme étant le gold standard.

La Sn de l’algorithme correspond à sa capacité à identifier tous les cas de fracture attendus dans la population. Pour estimer la Sn, l’information clinique d’une cohorte de 1 914 cas incidents de fracture représentative des fractures attendues dans la population, cliniquement confirmés et recrutés prospectivement dans les cliniques d’orthopédie (salles de plâtre) dans le cadre d’un projet décrit par ailleurs 10, a été utilisée ; puis une vérification de l’identification de ces cas par l’algorithme a été effectuée.

Estimation de l’incidence et utilisation des ressources médicales

À partir de l’algorithme sélectionné, toutes les patientes ayant subi une fracture entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2005 ont été identifiées 9. Cette cohorte représentative de l’ensemble des fractures attendues dans cette population a été utilisée en lien avec les données démographiques pour estimer les taux d’incidence. Pour évaluer l’utilisation des ressources médicales associée aux traitements de ces fractures, les services médicaux enregistrés dans le FSMRA ont été utilisés pour décrire les traitements chirurgicaux associés aux fractures ainsi que le nombre moyen de visites avec un MO et d’autres cliniciens 10. Finalement, le FH a été utilisé pour estimer la proportion des fractures nécessitant une hospitalisation et évaluer les durées de séjour (DS) hospitalier.

Résultats

Au total, 196 143 actes chez 41 288 femmes ont été sélectionnés dans le FSMRA selon les critères utilisés pour développer les algorithmes (figure 1). Les trois algorithmes ont identifié 24 001, 21 093 et 18 927 fractures, respectivement.

Les VPP des algorithmes varient selon le site de la fracture (tableau 1) et, pour la plupart des sites, les VPP de l’algorithme 3 sont supérieures et varient de 0,81 à 0,96. Les VPP les plus élevées sont observées pour les fractures du poignet (0,96) et de la hanche/fémur (0,93). Parmi les fractures identifiées par l’algorithme 3 et confirmées dans les dossiers hospitaliers, le site de la fracture est concordant dans 95% des cas, et la date de fracture identifiée par l’algorithme est dans un intervalle de deux jours de la date réelle pour 88% des cas. Parmi les cas ayant une réduction ouverte, la chirurgie est documentée dans le dossier hospitalier de 95% des cas. Les Sn varient également selon le site de la fracture (tableau 2). Les restrictions appliquées aux algorithmes 2 et 3 se traduisent par une diminution de la Sn qui demeure tout de même élevée (≥70%) pour la majorité des sites anatomiques. Comme pour les VPP, les Sn les plus élevées sont observées pour les fractures de la hanche/fémur et du poignet. La Sn des trois algorithmes est très faible pour le site vertèbres, coccyx, sacrum. Basée sur les ratios de vraisemblance, une comparaison des algorithmes montre que l’algorithme 3 est supérieur pour prédire l’existence d’une fracture (résultats publiés par ailleurs 9).

Tableau 1 : Valeur prédictive positive (VPP) des algorithmes selon le site de fracture, Québec
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Tableau 2 : Sensibilité (Sn) des algorithmes selon le site de fracture, Québec
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L’algorithme 3 a identifié un total de 18 927 fractures (17 661 femmes). Pour quantifier l’incidence des fractures et leur impact sur l’utilisation des ressources médicales, les fractures des vertèbres, coccyx, sacrum et du genou ont été exclues compte tenu de la faible validité de l’algorithme pour ces sites. Donc, un total de 17 471 fractures (16 376 femmes) a été retenu pour l’étude du fardeau.

Le tableau 3 présente le nombre de fractures, l'âge médian ainsi que les taux bruts et standardisés selon l'âge. L’âge médian des fractures de la hanche/fémur et du bassin est d’environ dix ans supérieur à l’âge médian des fractures périphériques (FP) (bras et jambes). Les fractures de la hanche/fémur représentent 30% des fractures alors que les FP en représentent 70%, dont les plus fréquentes sont celles du poignet  (20%), de l’épaule/humérus  (17,1%) et de la cheville  (11,9%). Les taux d’incidence des fractures du bras augmentent linéairement avec l’âge et ceux de la jambe demeurent constants (figure 2). Les fractures de la hanche/fémur et du bassin sont relativement rares avant l’âge de 70 ans, mais leurs incidences augmentent exponentiellement par la suite.

Tableau 3 : Incidence et âge médian selon le site de fracture (algorithme 3), Québec
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Figure 2 : Taux d’incidence des fractures selon l’âge et le site anatomique, Québec, 2004-2005
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Pour traiter ces fractures, 100 923 codes d’actes et plus de 8 500 hospitalisations ont été identifiées dans le FSMRA et le FH, respectivement. Le tableau 4 présente la proportion de fractures ayant un code d’acte associé à une chirurgie, le nombre moyen de codes d’actes associés à une consultation médicale avec un MO ou tout autre médecin, ainsi que la proportion de fractures nécessitant une hospitalisation, avec la durée de séjour moyenne. Comme attendu, les fractures de la hanche/fémur consomment une grande part des ressources médicales puisque la majorité d’entre elles nécessitent une chirurgie  (91,1%) et une hospitalisation  (94,5%) avec une durée de séjour moyenne de 39,2 jours (tableau 4). Elles nécessitent également un nombre élevé de consultations médicales avec une moyenne de 2 consultations avec un MO et 6,9 consultations avec d’autres médecins. Malgré la faible proportion des fractures du bassin traitées chirurgicalement (7,2%), une bonne proportion nécessite une hospitalisation (67,4%), probablement associée à l’âge avancé des patients. Comme pour les fractures de la hanche, elles utilisent une proportion importante des ressources médicales liées aux consultations (moyenne de 2 consultations avec MO et 6,3 consultations avec d’autres médecins) et à l’hospitalisation (durée de séjour moyenne de 32,4 jours). Finalement, certaines FP requièrent une proportion importante des ressources médicales liées aux traitements chirurgicaux et aux hospitalisations (fractures du tibia/péroné : 40,1% en chirurgie et 54,2% en hospitalisation). Ces fractures nécessitent en moyenne 2 consultations avec un MO et le nombre de consultations avec d’autres médecins varie selon le site de la fracture. Les durées d’hospitalisation pour le traitement des FP sont plus courtes que celles observées pour les fractures de hanche/fémur et du bassin, mais tout de même considérables pour certains sites (tibia/péroné 26,3 jours). Ces résultats sont décrits dans une autre publication 11.

Tableau 4 : Utilisation des ressources médicales selon le site de fracture, Québec
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Discussion

Dans cette étude, l’utilisation du FSMRA a permis d’élaborer et de valider un algorithme pour l’identification des fractures. À l’aide de l’algorithme et du jumelage des données médico-administratives, l’incidence des fractures et leur impact sur l’utilisation des ressources médicales ont été évalués. Selon les résultats de ces analyses, les FF sont nombreuses et, en termes d’utilisation des ressources médicales, lourdes de conséquences. Outre les fractures de la hanche, les FP surviennent également fréquemment et l’utilisation des ressources médicales associée à celles-ci est non négligeable, tant sur le plan des soins cliniques liés aux traitements chirurgicaux et aux consultations médicales, que sur le plan des hospitalisations. Dans cette étude, les résultats de l’analyse des taux d’incidence sont compatibles avec ceux de la littérature récente et procurent ainsi une validation indirecte de la méthodologie utilisée. On retrouve peu d’études ayant décrit l’utilisation des ressources associées aux traitements des FF et la plupart se concentrent sur les fractures de la hanche. De plus, leur comparaison est souvent limitée par des différences dans les systèmes de santé, la population et la période étudiées ainsi que dans l’information utilisée dans l’analyse. Cependant, les résultats observés pour la fracture de la hanche sont en adéquation avec ceux d’autres études canadiennes et, tel que rapporté par d’autres études, les variations observées selon le site de la fracture traduisent des différences dans leur sévérité.

Certaines limites de la méthodologie utilisée ont été identifiées. La principale porte sur l’incapacité de l’algorithme à identifier de façon adéquate les fractures vertébrales compte tenu de la faible sensibilité à ce site. D’autres auteurs 12 confirment que ces fractures sont en général sous-déclarées dans les données administratives puisqu’elles sont souvent asymptomatiques et reçoivent peu d’attention clinique. D’autre part, aucune procédure n’a été utilisée pour éliminer les fractures traumatiques et pathologiques. Néanmoins, selon une étude récente, les FF représentent plus de 81% de l’ensemble des fractures 5. De plus, dans les études populationnelles, il est proposé de ne pas exclure les fractures traumatiques puisqu’elles sont également associées à une diminution de la densité minérale osseuse et sont associées à un risque accru de fracture subséquente 8. De même, il est recommandé de ne pas exclure les fractures pathologiques, car elles représentent une faible proportion et leur exclusion pourrait conduire à une sous-estimation du fardeau associé à l’ostéoporose. L’absence de facteurs de risque clinique et la possibilité d’erreurs de codage sont également des limites inhérentes à l’utilisation des données administratives.

Malgré ces limites, nos résultats ont des implications importantes pour la surveillance épidémiologique des fractures. Le développement d’un algorithme valide nous a permis d’obtenir des estimations fiables de leur incidence. Ces estimations sont représentatives, extrapolables à la population et permettent d’éliminer les biais de sélection usuels. Grâce à l’algorithme, il est désormais possible d’identifier l’ensemble des fractures, incluant celles qui ne conduisent pas nécessairement à une hospitalisation, offrant ainsi une meilleure compréhension de leur fardeau. L’algorithme développé permet non seulement d’effectuer la surveillance des fractures de la hanche, mais permet d’élargir celles-ci à l’ensemble des sites de fractures associées à l’ostéoporose. De plus, la méthodologie développée grâce à l’utilisation de l’algorithme validé et le jumelage des données médico-administratives démontre qu’il est possible de réaliser un portrait global et détaillé du fardeau clinique des FF.

Conclusion

En conclusion, cette étude montre qu’il est possible d’utiliser le FSMRA pour effectuer le repérage des cas incidents de fractures dans la population. La méthodologie utilisée, qui repose sur l’utilisation d’un algorithme validé et le jumelage des données médico-administratives, permet non seulement d’obtenir des indicateurs sur la prévalence, l’incidence et la mortalité, mais offre également l’opportunité d’élargir la surveillance à d’autres indicateurs tels que ceux concernant l’utilisation des services de santé.

Finalement, comme le suggère l’interprétation des indicateurs issus de cette analyse, les FF sont nombreuses et, en termes d’utilisation des ressources médicales, lourdes de conséquences. Outre les fractures de la hanche, les autres FF sont également fréquentes et sont, elles aussi, un fardeau important pesant sur les individus et le système de santé. Dans le contexte d’une population vieillissante, cette problématique entraînera certainement une charge importante sur le système de santé. Ainsi, les données de base que nous avons générées dans cette analyse permettront de suivre l’évolution de ce problème. L’information issue de ces indicateurs aidera également à comprendre le fardeau que représentent les FF sur les ressources médicales et budgétaires du système de santé, permettant ainsi de soutenir la planification et l’organisation des soins afin de maintenir et d’accroître l’efficacité du système de santé.

Remerciements

Les auteurs remercient Karine Picard (archiviste médicale) pour sa contribution à la revue des dossiers hospitaliers.
Cette étude a bénéficié d’une subvention sans restriction de Servier Canada Inc, ainsi que du support des investigateurs du projet ROCQ (Recognizing Osteoporosis and its Consequences in Quebec) et leurs partenaires financiers (Merck Canada, Sanofi-Aventis Canada Inc., Warner Chilcott, Amgen Canada Inc., Eli Lilly Canada Inc. et Novartis Pharma Canada Inc.).

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Citer cet article

Jean S, Candas B, Belzile EL, Morin S, Bessette L, Brown JP. Développement de la surveillance de l’ostéoporose au Québec : utilisation des bases de données médico-administratives. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(Hors-série):15-22.