Cohorte Gérodiab : une étude française pour évaluer l’influence de l’équilibre glycémique sur la morbi-mortalité à 5 ans des diabétiques de type 2 âgés de 70 ans et plus. Résultats globaux à l’inclusion

// GERODIAB Cohort: A French study to evaluate the link between glycaemic control and morbidity-mortality of type 2 diabetic patients aged 70 years and older. Overall results at inclusion

Bernard Bauduceau1 (bernard.bauduceau@wanadoo.fr), Jean Doucet2, Jean-Pierre Le Floch3, Christiane Verny4 et l’intergroupe de Diabéto-Gériatrie SFD - SFGG

1 Hôpital d'instruction des Armées Bégin, Saint-Mandé, France
2 Hôpital Saint-Julien, CHU de Rouen, France
3 Clinique médicale, Villecresnes, France
4 CHU de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre, France
Soumis le 16.04.2013 // Date of submission: 04.16/2013
Mots-clés : Diabète de type 2 | Patients âgés | Équilibre glycémique | Morbidité | Mortalité | Gérodiab
Keywords: Type 2 diabetes | Elderly patients | Glycaemic control | Morbidity | Mortality | GERODIAB

Résumé

Introduction –

L'étude Gérodiab est la première étude multicentrique française observationnelle prospective de suivi de cohorte dont l’objectif est d’évaluer le lien entre l'équilibre glycémique et la morbi-mortalité à 5 ans de diabétiques de type 2 âgés de 70 ans et plus. Nous rapportons les résultats initiaux à l’inclusion.

Patients et méthodes –

987 patients diabétiques de type 2 âgés de 70 ans et plus, autonomes, ont été inclus de juin 2009 à juillet 2010 dans 56 centres investigateurs. Les données générales concernant les malades, les caractéristiques du diabète et les paramètres gériatriques habituels ont été enregistrées.

Résultats –

L’âge moyen était de 77,1 ans et 28,5% des patients avaient plus de 80 ans. L’indice de masse corporelle (IMC) moyen était proche de 30 kg/m2. Une hypertension artérielle était notée chez 89,8% des patients et 85,0% avaient une dyslipidémie. La durée moyenne d’évolution du diabète était de 17,8 ans et le taux moyen d’HbA1c était proche de 7,5%. Au cours du semestre précédant l’inclusion, 33,6% des patients avaient eu une ou plusieurs hypoglycémies ; 26,0% des malades présentaient une rétinopathie diabétique, 37,3% avaient un débit de filtration glomérulaire estimé inférieur à 60 mL/mn/1,73 m2, 31,2% avaient une insuffisance coronarienne, 10,1% une insuffisance cardiaque, 15,8% une atteinte cérébro-vasculaire et 25,6% une artériopathie des membres inférieurs. Une hypotension orthostatique était notée chez 30,5% des patients et une dénutrition protéino-énergétique chez 12,4%. Une altération cognitive était souvent dépistée lors de la visite d’inclusion et touchait 28,8% des malades. Trois-quarts des patients recevaient un médicament antidiabétique oral et près de 6 sur 10 de l’insuline.

Conclusion –

La population étudiée peut être considérée comme représentative des patients diabétiques de type 2 âgés autonomes. Son suivi pendant 5 ans devrait permettre de préciser le lien entre l’équilibre glycémique et la morbi-mortalité.

Abstract

Introduction –

The GERODIAB Study is the first French multi-centre, prospective, observational study which aims, through a cohort 5-year follow-up, to evaluate the link between glycaemic control and morbidity-mortality of type 2 diabetic patients aged 70 years and older. We report the initial results at inclusion.

Patients and methods –

987 type 2 diabetic autonomous patients aged 70 years and older were included from June 2009 to July 2010 in 56 investigator centres. The general parameters, the characteristics of diabetes and standard geriatric parameters were recorded.

Results –

The mean age was 77.1±5 years and 28.5% of patients were 80 years or more. The mean body mass index (BMI) was close to 30 kg/m2. Hypertension was found in 89.8% of patients, and 85.0% had at least one cholesterol abnormality. The mean duration of the diabetes was 17.8 years and the mean HbA1c level was about 7.5%. During the previous six months, 33.6% of patients experienced one or several hypoglycaemias, 26.0% of patients presented diabetic retinopathy, 37.3% had a glomerular filtration rate below 60 mL/min/1.73m2, 31.2% had coronary insufficiency, 10.1% had heart failure, 15.8% had cerebrovascular involvement and 25.6% had peripheral vascular disease of the lower extremities. 30.5% of patients had orthostatic hypotension, 12.4% had malnutrition and 28.8% had cognitive impairment, often diagnosed at the inclusion. Three-quarters of patients were taking an oral antidiabetic drug and close to 6 in 10 insulin.

Conclusion –

This population can be considered representative of elderly, autonomous type 2 diabetic patients. Its follow-up should clarify the link between glycaemic control and mortality-morbidity.

Introduction

La prévalence du diabète chez les personnes âgées s'accroît en raison de l'augmentation de l'espérance de vie et de l'incidence du diabète dans la population générale 1. Les diabétiques âgés cumulent les conséquences du diabète et du vieillissement et nécessitent une prise en charge « individualisée » en raison du caractère hétérogène de cette population 2. Peu d’études se sont penchées sur l’intérêt d’un équilibre glycémique optimal chez les seniors. Les résultats des grandes études publiées en 2008 laissent même planer un doute sur l’intérêt d’une intensification de l’équilibre glycémique chez des malades fragiles 3.

C’est pour tenter de répondre à ces interrogations que l'étude Gérodiab a été lancée, à l’initiative de l’intergroupe de Diabéto-Gériatrie de la SFD (Société francophone du diabète) et de la SFGG (Société française de gériatrie et de gérontologie). Cette étude observationnelle prospective multicentrique a pour objectif d’évaluer en France, par un suivi de cohorte, le lien entre l'équilibre glycémique et la morbi-mortalité à 5 ans de diabétiques de type 2 âgés de 70 ans et plus. Nous disposons maintenant des données de l’ensemble des malades inclus 4. L’objectif de cet article est de rapporter les résultats initiaux recueillis à l’inclusion de cette population de diabétiques âgés.

Patients et méthodes

Les patients diabétiques de type 2 âgés de 70 ans et plus ont été inclus, quel que soit leur traitement. Pour les diabétiques insulino-traités, le délai entre la découverte du diabète et l'instauration de l'insulinothérapie était d'au moins deux ans afin d’éviter d’inclure des diabétiques de type 1. Le diabète devait être connu depuis au moins un an et les malades avoir une autonomie suffisante, définie par un score supérieur ou égal à 3/6 sur l'échelle ADL (Activities of Daily Living). Enfin, ils avaient accepté de participer à l'étude après une information éclairée.

Le critère principal de l’étude repose sur l’évaluation de la mortalité en fonction de la moyenne des HbA1c (hémoglobine glyquée) enregistrées au cours des cinq années d’évolution. La comparaison des taux de mortalité en fonction de valeurs d’HbA1c permettra de vérifier les hypothèses concernant la définition des objectifs glycémiques. Les critères secondaires comportent l’étude de l’influence sur la mortalité des autres données individuelles, comme les facteurs de risque cardiovasculaire ou les paramètres gériatriques.

Le nombre de sujets à inclure a été fixé entre 900 et 1 000 en fonction du critère principal, avec une mortalité estimée à 20% à 5 ans chez les diabétiques bien équilibrés. Une information sur l’étude a été adressée aux membres de la SFD et de la SFGG. Une enquête de faisabilité a été réalisée auprès des 65 centres volontaires, suivie d'un tirage au sort aléatoire de 56 centres métropolitains au sein desquels 166 investigateurs et co-investigateurs ont participé à l'étude (figure 1). Cette modalité n’a pas été prise en compte dans les analyses. Chaque centre devait inclure entre 10 et 40 patients (20 en moyenne) dans l’ordre d’arrivée des patients venant en consultation et répondant aux critères de l’étude.

Figure 1 : Répartition géographique des 56 centres investigateurs de la cohorte Gérodiab, France
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Trois groupes de données ont été enregistrés afin de servir de base pour les comparaisons tout au long du suivi de 5 ans.

Paramètres généraux 

Les données démographiques, le niveau d’études et l’IMC (Indice de masse corporelle) ont été recueillis. Le seuil retenu pour le tour de taille répond à la définition du syndrome métabolique de l’International Diabetes Federation : il est de 80 cm pour les femmes et de 94 cm pour les hommes dans les populations européennes 5.

Caractéristiques du diabète

Ont été relevés l’ancienneté du diabète, l’équilibre glycémique, les facteurs de risque cardiovasculaire, les complications de la maladie et le traitement.

  • La rétinopathie diabétique est définie selon la classification habituelle 6.
  • L’insuffisance rénale est définie par une clairance de la créatinine <60 mL/min/1,73/m2, calculée par la formule MDRD (Modification of Diet in Renal Disease). Elle est dite modérée entre 30 et 60 mL/min/1,73/m2 et sévère lorsque la clairance est <30 mL/min/1,73m2.
  • Les hypoglycémies sont définies par la constatation d’une glycémie capillaire <0,60 g/l, qu’elles s’accompagnent ou non de symptômes. Une hypoglycémie est considérée comme sévère lorsqu’elle nécessite l’intervention d’un tiers pour le resucrage.
  • La présence d’une hypertension artérielle (HTA) est retenue en cas d’HTA connue et traitée ou par la constatation d’une pression artérielle systolique ≥140 et/ou d’une pression artérielle diastolique ≥90 mmHg. Une HTA est considérée comme sévère en raison de l’anamnèse ou d’une pression artérielle systolique >160 mmHg à l’inclusion.
  • La présence d’une hypotension artérielle orthostatique est définie par une diminution de la pression artérielle systolique de plus de 20 mmHg et/ou de plus de 10 mmHg de la pression artérielle diastolique, 3 minutes après le passage de la position couchée à la position debout.
  • L’existence d’une dyslipidémie a été retenue sur la notion d’un traitement hypolipémiant en cours ou d’une cholestérolémie >2 g/l, d’un cholestérol LDL >1,6 g/l ou d’un cholestérol HDL <0,4 g/l.

Paramètres gériatriques

Leur évaluation s’est appuyée sur des échelles validées dont l’application aux diabétiques est recommandée dans le cadre de leur évaluation gérontologique dans le Guide pratique pour la prise en charge des diabétiques âgés 6 :

  • l’estimation de l’autonomie pour les activités de base de la vie quotidienne a été réalisée à l’aide de l’échelle ADL (Activities of Daily Living) dont le score va de 0 à 6 ;
  • l’échelle IADL (Instrumental Activities of Daily Living) a été utilisée pour l’évaluation des activités instrumentales de la vie courante (valeurs de 0 à 14) ;
  • l’état nutritionnel a été apprécié par le dosage de l’albuminémie et le MNA (Mini Nutritional Assessment). Ce MNA comporte un score de dépistage dont les valeurs vont de 0 à 14. Lorsque le score est ≤11, il doit être complété par l’évaluation globale, notée de 0 à 16 points. La somme totale de ces deux échelles peut donc aller de 0 à 30. Un score global inférieur à 17 témoigne d’un mauvais état nutritionnel ;
  • une dénutrition protéino-énergétique est définie par l’existence d’un IMC <21 kg/m2 ou d’une albuminémie <35 g/L et une dénutrition sévère par un IMC <18 kg/m2 ou une albuminémie <30 g/L ;
  • l'état cognitif est exploré par le MMSE (Mini Mental State Examination) dont l’échelle va de 0 à 30. Un score inférieur ou égal à 24 est en faveur de l’existence de troubles cognitifs ;
  • le mini GDS (Geriatric Depression Scale) permet le dépistage de troubles de la thymie (valeurs de 0 à 4).

L’étude étant non interventionnelle, les objectifs de l’équilibre glycémique, la correction des facteurs de risque et la gestion du traitement étaient laissés à l’appréciation des investigateurs.

Les résultats sont exprimés en moyenne ± DS (déviation standard) ou en pourcentage. Les comparaisons de moyenne ont été effectuées en ANOVA (Analyse de variance) à l’aide du logiciel SAS Institute®. La significativité a été retenue au seuil de p<0,05.

Résultats

De juin 2009 à juillet 2010, 987 patients ont été inclus, dont 52,1% de femmes, dans les 56 centres investigateurs.

Paramètres généraux (tableau 1)

L’âge moyen était de 77,1 ans et 28,5% des malades avaient plus de 80 ans.

L’IMC moyen était proche de 30 kg/m2 et 44,7% des malades étaient obèses avec un IMC supérieur à 30 kg/m2. L’IMC moyen était un peu plus élevé chez les femmes (30,3±5,9 vs 29,2±4,2 kg/m2 ; p<0,01).

Le tour de taille était supérieur à 80 cm pour les femmes et à 94 cm pour les hommes chez 86,4% des patients.

Tableau 1 : Description de la population et facteurs de risque cardiovasculaire à l’inclusion. Cohorte Gérodiab, France
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Caractéristiques du diabète

La durée moyenne d’évolution du diabète était voisine de 18 ans. Chez un quart de la population, le diabète était connu depuis moins de 10 ans, tandis que dans un autre quart l’ancienneté de la maladie dépassait 25 ans.

Le taux moyen d’HbA1c était proche de 7,5%, avec une importante variabilité interindividuelle. Le diabète était déséquilibré, avec une HbA1c dépassant 9% chez 10,8% des malades.

Au cours du semestre précédant l’inclusion, 33,6% des patients avaient eu une ou plusieurs hypoglycémies (tableau 2) ; il s’agissait d’une hypoglycémie mineure dans 29,7% des cas, d’une hypoglycémie sévère pour 3,3% des malades et s’accompagnant d’un coma dans 0,6% des cas. Une décompensation sur un mode cétosique était rapportée chez 0,9% des patients et sur un mode hyperosmolaire chez 0,9% des sujets inclus. Plus d’un patient sur 8 avait eu un ou plusieurs épisodes infectieux durant les 6 mois précédant l’inclusion.

Complications du diabète (tableau 2)

Un peu plus du quart des patients présentaient une rétinopathie diabétique, déjà connue ou constatée lors de la visite d’inclusion (26,0%). Cette rétinopathie était le plus souvent non proliférante (16,0%). Seuls 3,3% des malades présentaient un œdème maculaire.

Une insuffisance rénale était notée chez 37,3% des patients. Elle était modérée chez 33,5% et sévère pour 3,8% d’entre eux.

Globalement, 31,2 % des patients présentaient une insuffisance coronarienne, parmi lesquels 21,4% avaient un antécédent d’infarctus du myocarde.

Une insuffisance cardiaque était présente chez 10,1% des malades.

Une atteinte cérébrovasculaire était observée chez 15,8% des patients : antécédent d’accident vasculaire cérébral (AVC) transitoire ou définitif (12,3%) ou sténose artérielle hémodynamique sur l’écho-doppler des troncs supra-aortiques (4,6%) lorsqu’on disposait de cet examen. Une séquelle d’AVC constitué existait chez 6,3% des malades.

Une artériopathie des membres inférieurs était notée chez 25,6% des patients, avec des signes cliniques chez 10,6%.

Tableau 2 : Complications du diabète à l’inclusion. Cohorte Gérodiab, France
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Facteurs de risque cardiovasculaire

Une HTA était connue chez 85,2% des sujets et une HTA a été dépistée en outre chez 4,6% des malades au cours de l’inclusion. Lors de l’examen initial, 42,2% de l’ensemble des patients de la cohorte avaient une pression artérielle systolique ≥140 et/ou une pression artérielle diastolique ≥90 mmHg, et 21,5% étaient considérés comme présentant une HTA sévère.

Une hypotension artérielle orthostatique était observée chez 30,5% des malades.

À l’inclusion, 75,2% des patients présentaient une hypercholestérolémie connue, 20,0% une cholestérolémie >2 g/l, 4,8% un cholestérol LDL >1,6 g/l et 19% un cholestérol HDL <0,4 g/l. Au total, 85,0% des malades avaient au moins une des anomalies précédentes ou un traitement par statine. Une triglycéridémie à l’inclusion >2 g/l et/ou un traitement par fibrate étaient retrouvés chez 13,1% des patients.

Seuls 4% des malades fumaient encore et 32,1% avaient cessé de fumer depuis plus de 5 ans.

Paramètres gériatriques (tableau 3)

La presque totalité des patients (94,3%) vivait à domicile, 1,2% en résidence pour personnes âgées et 2,3% en EHPAD (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).

Le score ADL était de 6/6 chez 73,0% des patients, signifiant une autonomie totale pour les activités de base de la vie quotidienne (continence, autonomie pour aller aux toilettes, hygiène, déplacement, alimentation et habillage).

Le score total du MNA était <17/30 chez 0,4% des patients. L’albuminémie, lorsqu’elle avait été dosée, était inférieure à 30 g/l chez 8,6% des malades et elle se situait entre 30 et 35 g/l chez 9,8% d’entre eux. Une dénutrition protéino-énergétique était observée chez 7,0% des malades et une dénutrition sévère était retrouvée chez 5,4% de ces diabétiques âgés.

Sur le plan cognitif, 28,8% des patients avaient une anomalie, soit du fait d’une démence (2,6% des cas), soit en raison de troubles cognitifs connus, soit devant un score inférieur ou égal à 24/30 au MMSE lors de l’inclusion (25,9% des patients).

Tableau 3 : Scores des échelles gériatriques à l’inclusion. Cohorte Gérodiab, France
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Traitement à l’inclusion (tableau 4)

Plus de 9 patients sur 10 déclaraient suivre des mesures hygiéno-diététiques. Près de 3 sur 4 recevaient un antidiabétique oral (ADO) et 57,5% de l’insuline. Une monothérapie par ADO était prescrite chez 39,3% des patients et 24,9% recevaient uniquement de l’insuline. Dans 28,9% des cas, l’insuline était associée aux ADO. Parmi les ADO prescrits, la metformine occupait la première place, suivie par les insulinosécréteurs classiques, sulfonylurées ou glinides. Les antidiabétiques plus récents, inhibiteurs de la DPP-4 (dipeptityl peptidase-4) et glitazones (encore commercialisées au début de l’étude), ainsi que les analogues du GLP-1 (glucagon-like peptide-1) restaient moins fréquemment prescrits dans cette population. Une surveillance glycémique capillaire était effectuée chez 95,7% des patients. Le nombre hebdomadaire moyen de glycémies capillaires était de 13,4 ± 9,7 avec une médiane à 14. La presque totalité des patients (97,9%) recevait un autre traitement médicamenteux.

Tableau 4 : Traitements à l’inclusion. Cohorte Gérodiab, France
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Discussion

Dans les pays occidentaux, un patient diabétique sur deux est âgé de plus de 65 ans et un diabétique sur 4 a plus de 75 ans. La prévalence du diabète traité en France atteint une valeur maximale de 19,7% chez les hommes et de 14,2% chez les femmes entre 75 et 79 ans 7. En dépit de ces chiffres, nous ne disposons que de peu de données sur cette population, qui diffère beaucoup des diabétiques plus jeunes, ne serait-ce que par la polypathologie observée généralement chez ces sujets âgés.

La population de la cohorte Gérodiab représente environ 0,5% des diabétiques français de cette tranche d’âge, avec une bonne répartition géographique métropolitaine. Ces malades se caractérisent quasiment tous par une polypathologie marquée par les autres facteurs de risque cardiovasculaire et les complications du diabète. L’importance de la polypathologie est certainement sous-estimée, car la morbidité non liée au diabète n’a pas été relevée. Comme, selon les critères d’inclusion, les patients concernés avaient une autonomie relativement conservée, la population étudiée peut être considérée comme représentative des patients diabétiques âgés non institutionnalisés et suivis de façon ambulatoire.

Ces patients étaient recrutés par des diabétologues ou des gériatres rompus à la prise en charge du diabète, ce qui explique les différences observées avec l’étude Entred (Échantillon national témoin des personnes diabétiques) 8.

Le nombre important de malades dont le taux d’HbA1c dépassait 7,5% montre que les objectifs recommandés par les consensus d’experts pour les malades sans fragilité particulière ne sont pas atteints, même s’ils sont suivis en consultation spécialisée, et que l’équilibre glycémique optimal demeure mal défini dans cette population 9. Ce fait n’est pas pour surprendre puisque l’intérêt d’objectifs glycémiques stricts chez les sujets âgés diabétiques n’est pas démontré, d’autant que le risque hypoglycémique sur les accidents cardiovasculaires et les troubles cognitifs incite à ne pas viser des objectifs glycémiques trop ambitieux 10,11. L’absence de définition de la limite inférieure acceptable dans les objectifs d’HbA1c dans les récentes recommandations de la Haute Autorité de santé constitue un point faible de ce texte, tout particulièrement pour les sujets fragiles 12.

Alors que la rétinopathie est une complication spécifique du diabète, il est impossible de rapporter exclusivement les pathologies cardiovasculaires et les altérations rénales au seul diabète en raison de la fréquente association d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, notamment l’HTA et les anomalies lipidiques. La quasi-constance des facteurs de risque cardiovasculaire associés confirme l’importance d’une appréciation globale du risque de ces malades, l’équilibre glycémique ne constituant qu’un paramètre dont l’importance ne sera précisée que par l’étude de suivi.

Cette étude a mis en évidence une prévalence importante des anomalies des paramètres gériatriques, fréquemment sous-estimée, comme notamment les altérations cognitives, qui n’étaient pas connues près de deux fois sur trois. Or, l’utilisation de ces paramètres dans le cadre d’une évaluation gériatrique permet de révéler des anomalies pouvant compromettre la capacité du patient à gérer lui-même son traitement et nécessite de modifier l’organisation des soins. La population de Gérodiab n’est pas représentative de l’ensemble des diabétiques âgés vivant en France puisqu’il existe des biais indiscutables de recrutement. Toutefois, cette étude illustre bien le mode de présentation des malades âgés suivis en milieu diabétologique et gardant un certain degré d’autonomie. Les complications gériatriques se situent par conséquent à un niveau plus faible que celles de l’ensemble de la population des diabétiques âgés, ce qui renforce encore leur significativité dans Gérodiab.

Près de deux tiers de ces diabétiques âgés recevaient une insulinothérapie, ce qui constitue une prévalence plus élevée que celle rencontrée notamment dans l’étude Entred. Il existe plusieurs explications à ce fait, en particulier le recrutement en milieu diabétologique de patients plus insulinopéniques et la fréquence élevée des situations d’insulino-requérance après 70 ans.

Conclusion

La description de la cohorte de l’étude Gérodiab lors de l’inclusion des malades permet déjà de mieux connaître cette population souvent exclue des études traditionnelles et pour laquelle une adaptation des objectifs et des traitements est indispensable 13. Le suivi de ces malades, qui doit durer 5 ans, permettra de définir les objectifs d’HbA1c en fonction des conséquences de l’équilibre glycémique sur la survenue des complications à la fois diabétologiques et gériatriques, tout en intégrant le risque hypoglycémique et la place des autres facteurs de risque cardiovasculaire.

Annexe

Intergroupe de Diabéto-Gériatrie de la SFD et de la SFGG :

Comité scientifique :
B. Bauduceau, J. F. Blicklé, I. Bourdel-Marchasson, T. Constans, J. Doucet, A. Fagot-Campagna, V. Lassmann-Vague, P. Lecomte, D. Tessier, C. Verny, U. Vischer.

Investigateurs (ordre alphabétique) :
H. Affres, M. Alix, F. Archambeaud, Z. Barrou, B. Bauduceau, P. Beau, S. Beltran, C. Benoit, J.-P. Beressi, F. Bernachon, C. Berne, G. Blaimont, J.-F. Blickle, M. Boda-Buccino, J. Bohatier, P. Böhme, L. Bordier, K. Bouchou, B. Bouillet, F. Bouilloud, R. Bouix, E. Boulanger, I. Bourdel-Marchasson, C. Bourgon, E. Bourrinet, P. Brocker, I. Bruckert, C. Capet, C. Carette, B. Cariou, A. Carreau, C. Chaillou Vaurie, S. Chamouni, C. Ciangura, C. Collet-Gaudillat, M.-E. Combes-Moukhovsky, T. Constans, M. Cordonnier, A. Cuperlier, D. Dambre, J. D’Avigneau, P. De Botton, V. Degros, F. Delamarre-Damier, S. Denat, F. Desbiez, B. Deumier, F. Dorey, J. Doucet, E. Dresco, A. Drutel, E. Du Rosel De Saint Germain, D. Dubois-Laforgue, B. Duly-Bouhanick, O. Dupuy, L. Dusselier, S. Faucher-Kareche, S. Fendri, P. Fontaine, S. Galinat, H. Gin, F. Glaise, T. Godeau, B. Gonzalez, I. Got, B. Guerci, P.-J. Guillausseau, S. Hadjadj, Y. Hadjali, M. Halbron, S. Halimi, C. Halter, H. Hanaire, V. Hardy, A. Hartemann-Heurtier, J.-P. Haulot, F. Hequet, M. Issa-Sayegh, P. Jan, N. Jeandidier, H. Joseph-Henri, I. Julier, V. Kerlan, T. Kharitonnoff, M. Ladsous, L. Lahaxe, M.-P. Lamaraud, E. Lassenne, J.-M. Lecerf, P. Lecomte, I. Leroux, S. Lesven, M. Levy, S. Lopez, F. Makiza, P. Manckoundia, C. Marquis Pomeau, M. Matta, H. Mayaudon, S. Micheli, R. Mira, F. Monnier, H. Mosnier-Pudar, N. Neri, I. Normand, M. Paccalin, C. Pagu, D. Paris, A. Penfornis, J.-L. Perie, J.-M. Petit, G. Petit Aubert, B. Pichot-Duclos, L. Pivois, M. Popelier, G. Poulingue, M. Priner, V. Quipourt, M. Rasamisoa, J.-L. Richard, V. Rigalleau, N. Roudat, C. Sanz, J.-M. Serot, D. Sifi, S. Sirvain, A. Slimani, E. Sonnet, C. Sosset, A. Soualah, A. Stroea, I. Tauveron, J. Timsit, M. Tschudnowsky, A. Vambergue, O. Verier-Mine, C. Verny, M. Virally.

Remerciements

L’étude Gérodiab est effectuée grâce à une subvention de la Fondation Novo Nordisk et des laboratoires Merck Serono, une allocation recherche de la Société française de diabétologie et un Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national.

Références

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Citer cet article 

Bauduceau B, Doucet J, Le Floch JP, Verny C et l’intergroupe de Diabéto-Gériatrie SFD-SFGG. Cohorte Gérodiab : une étude française pour évaluer l’influence de l’équilibre glycémique sur la morbi-mortalité à 5 ans des diabétiques de type 2 âgés de 70 ans et plus. Résultats globaux à l’inclusion. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(37-38):pages.