Diabète de type 1 en France métropolitaine : caractéristiques, risque vasculaire, fréquence des complications et qualité des soins. Entred 2001 et Entred 2007

// Characteristics, vascular risk, frequency of complications, and quality of care in people with type 1 diabetes in mainland France. ENTRED 2001 and ENTRED 2007

Yannelle Dossou1, Candice Roudier1, Alfred Penfornis2, Anne Fagot-Campagna1,3, Céline Druet1 (celine.druet@ansm.sante.fr)

1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 CHU de Besançon, Hôpital Jean-Minjoz, Université de Franche-Comté, Service d’endocrinologie-métabolisme et diabétologie-nutrition, EA 3920, Besançon, France
3 Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, Paris, France
Soumis le 25.06.2013 // Date of submission: 06.25.2013
Mots-clés : Diabète de type 1 | Complications | Risque vasculaire | Qualité des soins
Keywords: Type 1 diabetes | Complications | Vascular risk | Quality of care

Résumé

Objectifs –

Décrire les caractéristiques, le risque vasculaire, les complications et la qualité des soins des personnes diabétiques de type 1 (DT1) en France métropolitaine, ainsi que leur évolution à partir de deux échantillons différents, sélectionnés en 2001 et 2007.

Méthodes –

Au total, 234 et 275 adultes DT1 ont participé, respectivement, à Entred 2001 et Entred 2007 en métropole. Les données de remboursements de soins médicaux et de questionnaires adressés par voie postale aux patients et à leur médecin ont été collectées.

Résultats –

En 2007, l’âge moyen des adultes DT1 était de 42 ans. L’obésité avait progressé (14% ; +4 points depuis 2001), le tabagisme était rapporté par 39% des personnes. Le taux d’HbA1c moyen était de 7,9% (+0,2%) et la pression artérielle de 125/77 mmHg (-3/-1 mmHg). Un angor ou infarctus du myocarde était rapporté par 7% (stable), un traitement ophtalmologique par laser par 24% (-1 point) et un mal perforant plantaire actif ou cicatrisé par 12% (+6 points) des personnes. Au total, 28% étaient suivis par un spécialiste (+7 points) ; 35% (+8 points) avaient bénéficié de 3 dosages d’HbA1c, 61% (+3 points) d’un dosage de la créatinine, 42% (+7 points) d’un dosage de la protéinurie ou de l’albuminurie, et 54% (+6 points) d’une consultation d’ophtalmologie en secteur libéral dans l’année.

Discussion –

En 2007, le risque vasculaire restait élevé chez les personnes DT1, avec en particulier un tabagisme fréquent, une obésité en augmentation et un contrôle glycémique insuffisant. La fréquence des complications n’avait pas diminué. Quant au dépistage des complications, il s’était bien amélioré en six ans, même si des progrès restent encore à faire dans ce domaine.

Abstract

Objective –

To describe the characteristics, cardiovascular risk, complications and quality of care for people with type 1 diabetes (T1D) in mainland France and their trends between 2001 and 2007.

Methods –

234 and 275 adults with T1D participated in two surveys: ENTRED 2001 and ENTRED 2007, respectively. Healthcare reimbursement data and those from questionnaires mailed to and completed by the patients and their medical practitioners were collected.

Results –

Patient mean age was 42 years; 39% were smokers and 14% were obese, an increase of +4 pts since 2001. Mean HbA1c was 7.9%, an increase of 0.2% and systolic/diastolic blood pressure was 125/77 mmHg (decreases of -3/-1 mmHg). Angina or myocardial infarction was reported by 7%, ophthalmic laser treatment by 24%, both similar to 2001; but 12% reported a perforating plantar (active or healed), an increase of +6 pts. Overall 28% of patients were followed by a specialist, an increase of +7 pts; over a one-year period, in the liberal sector, at least three HbA1c measurements were available for 35%, a creatinine measurement for 61%, a proteinuria or an albuminuria for 42% and an ophthalmologist visit for 54%, and these increased by 8, 3, 7 and 6 pts respectively in comparison with the 2001 patient population.

Discussion –

The vascular risk of people with T1D remained elevated with a high frequency of smoking, an increasing obesity and insufficient glycaemic control. Screening for complications improved even though progress remains to be made, and the frequency of complications did not decrease.

Introduction

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune caractérisée par un déficit majeur en insuline ; il apparaît le plus souvent de manière brutale chez l’enfant ou le jeune adulte. Cette maladie rend indispensable le traitement à vie par insuline.

La prévalence du diabète traité a été estimée par l’assurance maladie à 4%, sur la base des remboursements pour antidiabétiques en 2009, sans pour autant pouvoir différencier les diabétiques de type 1 (DT1) des diabétiques de type 2 (DT2). Toutefois, si l’on considère les données de l’étude Entred 2007 (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques), 5,6% des personnes diabétiques traitées étaient identifiées comme DT1 en métropole (France hors départements d’outre-mer). On peut donc estimer à environ 122 000 le nombre de personnes DT1 en France métropolitaine en 2007.

Selon les résultats de l’étude Eurodiab, réalisée entre 1989 et 2003 dans 17 pays européens, dont la France, il y a une augmentation moyenne de 5 à 40 nouveaux cas de diabète de type 1, par an pour 100 000 habitants 1. En France, l’incidence du diabète de type 1 chez l’enfant a quasiment doublé ces 20 dernières années 2. L’apparition du diabète de type 1 semble se décaler vers un âge de plus en plus précoce, avec pour conséquence le développement des complications liées à la maladie chez l’adulte plus jeune. En effet, le diabète de type 1 peut entraîner des complications graves telles qu’une rétinopathie, une néphropathie, une amputation d’un membre inférieur ou un infarctus du myocarde, rendant indispensables un bon contrôle de l’équilibre glycémique et des facteurs de risque cardio-vasculaire ainsi qu’une prévention des complications par un suivi régulier.

L’objectif de ce travail était de décrire, à partir des données de l’étude Entred 2007, les caractéristiques, l’état de santé et la qualité des soins des personnes DT1, ainsi que leurs évolutions entre 2001 et 2007.

Matériel et méthodes

La population d’étude Entred 2007 a été décrite dans un précédent article 3 ; elle est constituée de personnes âgées d’au moins 18 ans au 31 juillet 2007, ayant bénéficié d’au moins trois remboursements de médicaments antidiabétiques oraux et/ou d’insuline au cours des 12 derniers mois. Au total, 9 781 adultes diabétiques ont été inclus, dont 8 926 étaient domiciliés en France métropolitaine. En métropole, Entred 2007 reposait sur cinq sources de données : 1) les consommations de soins réalisés d’août 2006 à juillet 2008 (médicaments, actes médicaux et biologiques, montants remboursés) pour l’ensemble de l’échantillon tiré au sort ; 2) un suivi des hospitalisations de 2006 à 2007 pour les personnes n’ayant pas refusé de participer à l’enquête ; 3) une enquête téléphonique brève réalisée entre octobre et décembre 2007 par les médecins-conseils auprès des personnes diabétiques ayant donné leur accord écrit ; 4) une enquête postale détaillée, réalisée entre novembre 2007 et juin 2008, pour les personnes n’ayant pas refusé de participer à l’enquête (questionnaire patient) ; 5) une enquête postale réalisée entre novembre 2007 et juin 2008 auprès des médecins des personnes diabétiques ayant répondu au questionnaire postal et transmis les coordonnées de leur médecin (questionnaire médecin-soignant).

En métropole, 47% (n=4 238) des personnes tirées au sort ont participé à l’enquête téléphonique, 48% (n=4 277) à l’enquête postale et 28% (n=2 485) à l’enquête médecin-soignant. Les caractéristiques des répondants et des non-répondants aux différentes enquêtes ont été comparées précédemment 3.

La typologie du diabète a été définie à partir des réponses au questionnaire patient (ancienneté du diabète et insulinothérapie) selon le même algorithme épidémiologique que celui utilisé pour Entred 2001. Les personnes diagnostiquées avant l’âge de 45 ans et traitées par insuline dans les deux années suivant le diagnostic ont été considérées comme ayant un DT1. Un âge au diagnostic inférieur à 45 ans permettait d’éliminer les DT2 diagnostiqués tardivement au stade des complications et pour lesquels la mise sous insuline intervient rapidement. Cet algorithme a été testé en 2001, comme en 2007, sur un sous-échantillon auprès d’un groupe d’endocrinologues. Dans Entred 2007, 275 personnes (5,6%) ont été ainsi identifiées comme DT1, et 234 dans Entred 2001. La fonction rénale a été évaluée par le débit de filtration glomérulaire (DFG) estimé selon l’équation simplifiée du Modification of Diet in Renal Disease (MDRD). Le stade d’insuffisance rénale a été défini par un DFG<60 mL/min/1,73 m2 ou la déclaration d’une dialyse ou d’une greffe. Une excrétion urinaire d’albumine <30 mg/24h (ou <20 mg/L) définissait une albuminurie normale. Lorsqu’elle était comprise entre 30 et 300 mg/24h (ou 20 et 200 mg/L), il s’agissait du stade de microalbuminurie et, au-delà de 300 mg/24h (ou 200 mg/L), de macroalbuminurie.

Les analyses présentées ici ont été réalisées à partir des données de consommation, d’hospitalisation, des enquêtes téléphoniques et postales auprès des patients, et de l’enquête médecin-soignant, pour les personnes DT1 vivant en métropole. Toutes les données ont été pondérées afin de tenir compte du plan de sondage. Afin de limiter les biais liés à la non-participation aux enquêtes par questionnaires, les données des questionnaires ont de plus été pondérées pour prendre en compte certaines caractéristiques des non-répondants (âge, sexe, traitement par un seul antidiabétique oral, plusieurs antidiabétiques oraux, ou par insuline avec ou sans antidiabétiques oraux). Les analyses ont été réalisées en utilisant le logiciel SAS®.

Afin de juger de l’évolution entre 2001 et 2007, des analyses comparatives ont été réalisées et ont été exprimées en points d’augmentation. Entred 2001 et 2007 sont des enquêtes transversales, dont les échantillons tirés au sort sont indépendants. La méthodologie d’Entred 2007 a été modifiée et améliorée par rapport à celle d’Entred 2001, la population source s’est élargie et la définition du diabète a changé. C’est ce qui a conduit à restreindre les analyses, pour les données d’Entred 2007, aux personnes affiliées au régime général (seul régime d’assurance maladie participant à Entred 2001), ayant eu au moins un remboursement d’antidiabétique oral ou d’insuline au cours des trois derniers mois (définition du diabète traité retenue en 2001), et à ne pas les pondérer.

Résultats

Une ancienneté moyenne du diabète de 17 ans

En 2007, d’après les données de consommation médicale, la moyenne d’âge de la population DT1 en France métropolitaine était de 42 ans (déviation standard =0,8) ; 62% des DT1 (IC95%: [56%-68%]) étaient âgés de moins de 45 ans et 18% de 55 ans et plus. L’âge moyen était resté globalement stable entre 2001 et 2007 (-1 an). La moitié des DT1 (48% [42%-54%]) étaient des hommes, alors qu’en 2001 il y avait un peu plus d’hommes (-12 points depuis 2001).

La presque totalité des personnes DT1 (97%) bénéficiaient d’une prise en charge à 100% pour affection de longue durée (diabète ou autre maladie), stable depuis 2001, et 8% bénéficiaient de la couverture maladie universelle (+1 point).

Financièrement, dans leur foyer, plus de la moitié des DT1 (55%) déclaraient « c’est juste », « y arriver difficilement » ou « ne pouvant y arriver sans faire de dettes ». Plus de la moitié (53%) avaient un niveau collège ou inférieur, 19% un niveau lycée (général ou technique), Bac ou Bac+1 et 27% avaient un niveau Bac+2 ou supérieur.

Au total, 87% des personnes DT1 étaient nées en France, 7% dans un pays du Maghreb et 6% dans un autre pays.

L’ancienneté moyenne du diabète était estimée à 17 ans (-1 point). Le diabète était diagnostiqué depuis moins de 5 ans pour 18%, entre 5 et 9 ans pour 13% et depuis plus de 10 ans pour 69%.

Un contrôle glycémique insuffisant

Le taux moyen d’HbA1c (qui reflète l’équilibre glycémique des 3 derniers mois), rapporté par les médecins, était de 7,9% (sd=0,1) chez les personnes DT1 (+ 0,2%). Trente-sept pour cent avaient un taux d’HbA1c en dessous de 7,5% (-4 points) (figure 1).

Figure 1 : Évolution du contrôle glycémique (HbA1c) chez les personnes diabétiques de type 1 en France métropolitaine. Entred 2001 (n=119) et Entred 2007 (n=166)
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Un risque vasculaire encore élevé, mais en légère amélioration

L’indice de masse corporelle moyen (poids autodéclaré en kg divisé par la taille auto-déclarée en m2) des personnes DT1 était estimé à 25 kg/m2, soit +0,6 kg/m2 en moyenne depuis 2001. Un peu plus de la moitié (57%) avaient une corpulence normale (<25 kg/m2 ; -8 points), 31% étaient en surpoids (25-29 kg/m2 ; +3 points) et 14% étaient obèses (≥30 kg/m2 ; +4 points) (figure 2). Les femmes DT1 étaient plus souvent obèses (16% vs 11%) et moins souvent en surpoids (27% vs 33%) que les hommes.

Figure 2 : Évolution de 2001 à 2007 de l’indice de masse corporelle chez les personnes diabétiques de type 1 en France métropolitaine. Entred 2001 (n=234) et Entred 2007 (n=248)
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Au total, un tabagisme actuel était rapporté par 39% [33%-44%] des personnes DT1 (40% [32%-49%] des hommes et 37% [29%-45%] des femmes) et chez 47% des moins de 45 ans, 31% des 45 à 54 ans, et 20% des 55 ans et plus.

En 2007, la pression artérielle moyenne des personnes DT1 était de 125/77 mmHg (sd=0,8/0,6), soit -3/-1 mmHg depuis 2001. La distribution s’était décalée vers des valeurs inférieures, avec une chute de 8 points des valeurs comprises entre 140/90 et 159/94 mmHg, et de 2 points des valeurs extrêmes (supérieures ou égales à 160/95 mmHg). Le taux moyen de cholestérol-LDL était estimé à 1,07 g/L (sd=0,03) (-0,1 g/L depuis 2001) et la proportion de personnes ayant un niveau de cholestérol-LDL ≥1,3 g/L avait diminué de 3 points. Le taux moyen de cholestérol-HDL était estimé à 0,6 g/L (sd=0,01) ; il était stable par rapport à 2001, de même que le taux moyen de triglycérides (0,98 g/L, sd=0,06). Cependant, la distribution s’était décalée vers les valeurs les plus faibles, entraînant une baisse de 5 points des niveaux de triglycérides ≥1,5 g/L. Dans plus d’un quart des cas (27%), le médecin n’avait pas transmis les valeurs des cholestérol-LDL et -HDL et, dans 23% de cas, les valeurs de triglycérides.

L’albuminurie n’était pas communiquée par les médecins pour 21% des personnes DT1 ; pour 10%, elle correspondait au stade de microalbuminurie (-3 points), et pour 5%, au stade de macroalbuminurie (+2 points).

Un tiers des personnes DT1 (34%) avait bénéficié d’un traitement à visée cardiovasculaire quel qu’il soit (antihypertenseurs, diurétiques, hypolipémiants ou antithrombotiques), remboursé au cours des 3 mois précédant le début de l’étude. Quinze pour cent avaient été remboursées d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) et 13% d’un antagoniste du récepteur de l’angiotensine II (ARA II). Parmi les personnes DT1, 7% avaient été remboursées d’une délivrance de diurétique, 9% d’un inhibiteur calcique et 7% d’un β-bloquant. Un traitement antithrombotique avait été remboursé à 14% des personnes DT1 et à 65% de celles souffrant d’une complication coronarienne. Il s’agissait principalement d’un antiagrégant plaquettaire (respectivement 13% des personnes DT1 et 60% des coronariens). Un traitement hypolipémiant avait été remboursé à 28% des personnes DT1, privilégiant les statines (25%) aux fibrates (3%).

Par rapport à 2001, l’utilisation globale des traitements à visée cardiovasculaire quels qu’ils soient était restée stable. La fréquence des remboursements d’ARA avait augmenté (+5 points) sans augmentation des IEC (-3 points). L’augmentation des traitements hypolipémiants était majeure, de 12 points, essentiellement due aux statines (+14 points), aux dépens des fibrates (-2 points).

Une prévalence des complications ne s’améliorant pas

Un antécédent d’angor ou d’infarctus du myocarde était rapporté par 7,2% des personnes DT1 (+0,3 point) (tableau). La fréquence des revascularisations coronariennes était de 5,7% (+1 point) et la fréquence des complications coronariennes (incluant les revascularisations par angioplastie ou chirurgie) atteignait 8,4% (+1 point).

Tableau 1 : Prévalence des complications du diabète de type 1 en France métropolitaine. Entred 2007 (n=275)
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D’après les déclarations des personnes diabétiques, la fréquence de la perte de la vue d’un œil était estimée à 2,9% (stable depuis 2001) et celle du traitement ophtalmologique par laser à 24,4% (-1 point).

Un mal perforant plantaire actif ou cicatrisé était rapporté par 12,4% (+6 points) des personnes, mais par 4,1% (+2 points) de leurs médecins.

Une dialyse ou une greffe rénale était déclarée par 1,5% des personnes DT1. Le DFG ou la possibilité de l’estimer manquait pour 19% des personnes. Il était normal pour un tiers des patients (33%), se situait entre 60 et 90 mL/mn/1,73m2 pour 40% et à un stade signant une insuffisance rénale avérée (<60 mL/mn/1,73m2) pour 8%.

En 2007, 39% des personnes DT1 déclaraient avoir eu au moins une hypoglycémie sévère (nécessitant l’intervention d’une tierce personne pour remonter la glycémie) au cours des 12 mois précédant le début de l’étude (en moyenne, 2 épisodes par an) et 17% déclaraient 3 hypoglycémies sévères ou plus.

La fréquence des hypoglycémies sévères variait peu avec l’âge : 38% chez les moins de 45 ans et 41% chez les personnes DT1 âgées de 45 ans et plus (+2 points tous âges confondus). Elle avait augmenté chez les plus jeunes (+4 points chez les moins de 45 ans et +5 points chez les 45 à 54 ans), alors qu’elle avait diminué chez les 55 ans et plus (-8 points). La proportion de personnes ayant déclaré avoir eu au moins 3 hypoglycémies sévères était restée stable.

Des consultations chez le médecin généraliste et le spécialiste plus fréquentes et un moindre recours aux hospitalisations

D’après les données de remboursements médicaux, les patients DT1 consultaient en moyenne 7 fois dans l’année leur médecin généraliste. Au total, 28% [22%-33%] des patients avaient bénéficié d’un acte ou d’une consultation d’endocrinologie libérale sur une année de consommation de soins (+7 points). Enfin, 45% [40%-54%] des personnes DT1 avaient été hospitalisées au moins une fois dans l’année (-7 points).

Selon les déclarations de l’enquête « patient », au cours des 12 derniers mois, 36% [30%-42%] des patients DT1 avaient bénéficié d’une consultation diététique (-3 points).

Parmi les personnes DT1, 3% étaient complètement dépendantes d’une autre personne (infirmière ou autre) pour les injections d’insuline et 7% déclaraient se faire aider régulièrement par une tierce personne. Les personnes dépendantes avaient en moyenne 49 ans, les personnes se faisant aider régulièrement par un tiers, 46 ans, et les personnes réalisant elles-mêmes leurs injections d’insuline, 41 ans.

L’utilisation d’un lecteur de glycémie chez les personnes DT1, qui était systématique en 2001, avait légèrement diminué entre 2001 et 2007, soit 96% (-4 points). En 2007, 81% des DT1 déclaraient effectuer au moins 3 glycémies capillaires quotidiennes.

Une surveillance du diabète plus fréquente, mais encore nettement insuffisante

D’après les remboursements médicaux, 35% [29%-41%] des personnes DT1 avaient bénéficié des 3 dosages d’HbA1c recommandés dans l’année pour surveiller leur glycémie (figure 3). Entre 2001 et 2007, la pratique des 3 dosages annuels de l’HbA1c avait augmenté de 8 points. Ce pourcentage passait à 51% [45%-57%] si l’on considérait que ce dosage était effectué systématiquement au cours des hospitalisations quelles qu’elles soient. Trois-quarts des patients 75% [69%-80%] avaient eu au moins un dosage dans l’année.

Au moins un dosage de lipides, quels qu’ils soient, avait été remboursé à 54% [48%-61%] des personnes DT1 (+7 points) sur une année et à 74% sur deux ans. Au total 67% [61%-73%]  des patients sur une année, ou 86% sur deux années, avaient eu un dosage de lipides ou au moins une hospitalisation en médecine sur une année.

Le pourcentage des personnes ayant bénéficié de soins dentaires dans l’année était de 44% [38%-51%] (+2 points). Un électrocardiogramme (ECG) ou une consultation de cardiologie avait été remboursé à 18% [13%-23%] des patients, soit une baisse de 4 points. Ce pourcentage était de 40% [34%-46%] quand l’on considérait qu’un ECG était réalisé systématiquement lors des hospitalisations et de 58% [52%-64%] si l’on prenait en compte les données disponibles sur deux ans. Au moins 54% [40%-53%] des patients avaient bénéficié d’une consultation ophtalmologique en secteur libéral dans l’année (+6 points) et 72% [67%-78%] sur deux ans. Quand on prenait en compte les hospitalisations en médecine, le pourcentage passait à 68% et il était de 83% [77%-87%] si on tenait compte des données sur deux années. Enfin, en ce qui concerne la surveillance de la fonction rénale, un dosage de la créatininémie avait été remboursé à 61% des patients (+2 points par rapport à 2001) et un dosage de l’albuminurie ou de la protéinurie chez 42%, ce qui correspondait à une progression de 7 points.

Figure 3 : Évolution de la proportion de patients diabétiques de type 1 du régime général en France métropolitaine, bénéficiant des actes recommandés entre 2001 et 2007 (actes réalisés en secteur libéral seulement). Entred 2001 (n=235) et Entred 2007 (n=255)
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Discussion

Entred 2007 a permis de dresser un état des lieux des caractéristiques, de l’état de santé et de la qualité des soins pour les personnes DT1 en France métropolitaine et, en particulier, d’apporter d’importantes informations sur leur évolution depuis la première étude Entred en 2001.

La population DT1 en métropole est jeune. Près des deux tiers ont moins de 45 ans. En 2001, la population de DT1 comptait plus d’hommes que de femmes. La plupart des publications sur l’incidence du diabète de type 1 indiquent qu’elle est plus élevée chez les hommes 4,5. En 2007, la proportion de femmes a augmenté. Ceci pourrait être dû au fait qu’en 2007, contrairement à 2001, les diabètes gestationnels n’ont pas pu être identifiés et exclus de la population d’étude. Toutefois en 2001, très peu de diabètes gestationnels avaient été identifiés (13/10 000). Si l’on suppose que ce chiffre était similaire en 2007, cela correspondrait à 6 personnes sur les 275 de l’échantillon ayant répondu au questionnaire et identifiées comme DT1.

Entre 2001 et 2007, la fréquence du surpoids et de l’obésité a augmenté chez les personnes DT1. En 2007, elle était proche de celle de la population générale (surpoids 30% vs 32% ; obésité 13% vs 15%) 6. De plus, le poids et la taille ont été auto-déclarés, ce qui a probablement conduit à une sous-estimation de la corpulence. Si le surpoids et l’obésité ne sont pas des facteurs de risque du diabète de type 1, ils constituent en revanche des facteurs de risque cardiovasculaire modifiables majeurs. La première mesure pour lutter contre ce facteur de risque reste les mesures hygiéno-diététiques. Seules 35% des personnes DT1 en surpoids et 55% des obèses avaient eu au moins une consultation diététique au cours des 12 derniers mois. Des efforts sont à faire en vue d’inciter les personnes DT1 à mettre davantage en œuvre des modifications de leur hygiène de vie.

Autre facteur de risque modifiable, le tabagisme est fréquent chez les personnes DT1, puisque 39% déclaraient être fumeurs au moment de l’étude. Une étude menée récemment, avec une méthodologie proche d’Entred, dans un département de l’Est de la France (Haute-Saône) a montré que 22% des DT1 étaient actuellement fumeurs 7 ; il est possible que cette différence soit due au caractère essentiellement rural de cette région. Il apparaît important de sensibiliser davantage les patients au risque accru de complications cardiovasculaires lié au tabac et de les inciter à consulter des spécialistes du sevrage tabagique.

Entre 2001 et 2007, le contrôle glycémique ne s’était pas amélioré. La Haute Autorité de santé (HAS) a émis des recommandations sur la prise en charge des personnes DT1 8. L’objectif, en matière d’équilibre glycémique, est d’avoir un taux d’HbA1c inférieur à 7,5% ; or, seules 2 personnes sur 5 atteignaient cet objectif. Ceci reflète la réelle difficulté d’équilibrer la glycémie des patients DT1, difficulté liée à la carence en insuline endogène. L’effet secondaire le plus important du traitement par insuline est l’hypoglycémie. Il a été montré que les hypoglycémies sévères sont associées à un risque élevé de mortalité et de complications microvasculaires, macrovasculaires et non vasculaires 9,10, ainsi qu’à un impact important sur la qualité de vie 11. La fréquence des hypoglycémies sévères dans Entred 2007 était élevée, puisque 39% des personnes DT1 déclaraient avoir eu au moins une hypoglycémie sévère au cours de l’année ; une fréquence similaire était également retrouvée dans une autre étude 12. Cependant, il est probable que cette fréquence soit surestimée, les hypoglycémies sévères étant auto-déclarées, donc sans preuve biologique, et la notion de « tierce personne » (question : « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous fait une (des) hypoglycémie(s) sévère(s), c'est-à-dire au cours de laquelle (desquelles) vous avez eu besoin de l'aide d'une autre personne pour remonter votre taux de sucre ? ») a certainement été mal interprétée par les patients. La notion de « sévère » est certainement différente selon que l’on considère le point de vue du patient ou du médecin, et des épisodes ayant marqué le patient, et donc vécus comme sévères, peuvent être considérés comme non sévères selon la définition médicale.

Les niveaux lipidiques s’étaient améliorés entre 2001 et 2007 et apparaissaient bien contrôlés. Il est possible que cela soit dû à l’intensification des hypolipémiants, en particulier des statines. Cette intensification du traitement fait partie des recommandations émises par la HAS 8. Le contrôle de la pression artérielle s’était également amélioré ; toutefois, en 2007, 37% seulement des DT1 avaient une pression artérielle inférieure au seuil de 130/80 mmHg. L’intensification du traitement antihypertenseur est un axe d’amélioration et doit se poursuivre.

La fréquence des complications n’avait pas diminué, le mal perforant plantaire, en particulier, ayant augmenté entre 2001 et 2007. Il est possible que cela s’explique par un dépistage plus important des complications. En effet, on note une augmentation nette des pratiques, surtout en matière de dosage de l’HbA1c, des lipides et de l’albuminurie, ainsi que des consultations ophtalmologiques. Les mêmes tendances étaient observées chez les personnes DT2 3. Les progrès étaient moins nets en ce qui concerne le dosage de la créatininémie, qui était cependant l’acte recommandé le plus réalisé, et le suivi dentaire.

Moins d’un tiers (28%) des patients DT1 avait eu au moins une consultation chez un endocrinologue dans l’année ; l’étude réalisée en Haute-Saône en retrouvait 71%. Toutefois, pour cette dernière étude, les hospitalisations étaient prises en compte en considérant qu’elles avaient conduit à une visite par un endocrinologue hospitalier. En prenant en compte les hospitalisations dans Entred, ce sont 58% des patients DT1 qui avaient eu au moins une consultation chez un endocrinologue dans l’année. En comparaison avec l’étude en Haute-Saône (résultats optimisés) 7, la proportion de personnes DT1 ayant réalisé au moins 3 dosages d’HbA1c dans l’année était plus faible dans Entred (prise en compte des hospitalisations) (51% vs 69%), ainsi que la réalisation de dosage de la créatininémie (33% vs 61%) ou de l’albuminurie (23% vs 42%). Concernant la proportion des DT1 ayant eu au moins une consultation ophtalmologique dans l’année, les chiffres étaient proches (68% vs 70%). Malgré une amélioration globale du suivi des DT1 entre 2001 et 2007, il reste beaucoup d’efforts à fournir par les professionnels de santé et les patients pour atteindre l’objectif de la loi de santé publique de 2004, qui visait à ce que 80% des personnes diabétiques bénéficient en 2008 du suivi actuellement recommandé.

Cette étude a fait appel à différentes sources de données, qui pouvaient chacune induire des biais, essentiellement de participation et de déclaration dans les questionnaires. Les bases de remboursements de l’assurance maladie, disponibles pour tous, ne comportent que les données présentées au remboursement et n’incluent pas les dosages biologiques ou actes réalisés à l’hôpital, en consultation ou hospitalisation, alors que 45% des personnes DT1 avaient été hospitalisées au moins une fois au cours des 12 derniers mois. Les prescriptions faites par les médecins et non réalisées par les patients ne pouvaient pas non plus être prises en compte. Ainsi, cette analyse sous-estime la qualité de la prise en charge médicale.

L’utilisation d’un algorithme épidémiologique de typologie du diabète dans Entred pourrait avoir sélectionné quelques DT2 parmi les patients présumés DT1. Afin d’éliminer les personnes DT2 diagnostiquées tardivement et dont la mise sous insuline intervient peu de temps après le diagnostic, l’âge au diagnostic (<45 ans) entrait dans l’algorithme d’identification des DT1. De plus, au premier trimestre 2008, période concomitante au questionnaire patient, ils étaient en effet 9% à ne pas être sous insuline. Les données de remboursement des années suivantes (2008 et 2009) de ces patients ont été analysées individuellement. Il apparaît qu’ils ont eu des remboursements répétés les années suivantes, mais à intervalle de temps irréguliers. Cela peut s'expliquer par le fait que ces diabétiques recevaient de faibles doses d’insuline et que les conditionnements leur permettaient d’avoir la quantité nécessaire d’insuline pour plus de 3 mois. Il est possible également que ces diabétiques aient été hospitalisés pour une longue période.

Conclusion

Le constat réalisé à partir des études Entred 2001 et 2007 montre qu’après 6 ans, seuls les niveaux de pression artérielle et de lipides se sont légèrement améliorés, alors que le tabagisme reste fréquent et que l’obésité augmente, comme en population générale. Le contrôle glycémique, paramètre difficile à contrôler dans le DT1 avec les outils thérapeutiques actuels reste insuffisant. La prévalence des complications n’a pas diminué, celle du mal perforant plantaire a même nettement augmenté. Le dépistage des complications, bien qu’il se soit globalement amélioré, reste encore insuffisant, en particulier pour les complications rénales. Pour améliorer l’état de santé des personnes DT1, deux types d’action sont donc nécessaires : des modifications du mode de vie et un meilleur dépistage des complications.

Remerciements

Les personnes diabétiques et les médecins qui ont généreusement participé à l’étude sont chaleureusement remerciés.
Les auteurs remercient l’ensemble des membres des comités scientifique et de pilotage d’Entred ainsi que les organismes ayant soutenu cette initiative : Ministère chargé de la Santé, Ordre national des médecins, SFD (ex Alfédiam), Fénarédiam, Sedmen, Ancred.
Entred 2007 a été financé par l’InVS, la CnamTS, le RSI, l’Inpes et la HAS.

Références

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Citer cet article

Dossou Y, Roudier C, Penfornis A, Fagot-Campagna A, Druet C. Diabète de type 1 en France métropolitaine : caractéristiques, risque vasculaire, fréquence des complications et qualité des soins. Entred 2001 et Entred 2007. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(37-38):477-84.