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Facteurs associés à l’hospitalisation des personnes diabétiques adultes en France. Entred 2007
// Factors associated with hospitalizations of people with diabetes in France. The 2007 ENTRED Survey
Résumé
Objectifs –
Décrire les séjours hospitaliers et les caractéristiques des personnes diabétiques hospitalisées, et identifier les facteurs associés à ces hospitalisations.
Méthodes –
En 2007, 8 926 adultes diabétiques remboursés à au moins 3 reprises d'antidiabétiques oraux et/ou d'insuline au cours des 12 derniers mois ont été tirés au sort à partir des données de l’assurance maladie. Les consommations médicales étaient disponibles pour tous, un questionnaire disponible pour 48% (N=4 277) des patients et un questionnaire médical pour 28%. Les séjours hospitaliers des personnes qui n’ont pas exprimé de refus de participer à l’étude (N=7 534, 84%) ont été extraits du PMSI entre août 2006 et juillet 2009. Les déterminants des admissions en hospitalisation complète (≥24h) ont été analysés sur les séjours hospitaliers enregistrés entre août 2008 et juillet 2009.
Résultats –
Près d’un tiers (31%) des personnes diabétiques (type 1 : 45% ; type 2 : 31 %, p<0,0001) ont eu au moins un séjour hospitalier dans l’année : 13% en hospitalisation de moins de 24 h (type 1 : 23% ; type 2 : 13%, p<0,0001), 24% en hospitalisation complète (type 1 : 31% ; type 2 : 24%, p<0,0001). Les personnes admises en hospitalisation complète étaient plus âgées que les autres patients (âge médian, 69 ans vs 65 ans), plus souvent prises en charge à 100% pour une affection de longue durée (91%), déclaraient plus souvent des difficultés financières (59%), un diabète ancien (≥10 ans, 54%) et des complications. Elles avaient un recours aux soins et un traitement par insuline (29%) plus fréquents. Elles avaient eu en moyenne 1,6 séjour, soit 11 jours cumulés d’hospitalisation par personne. En analyse multivariée, l’âge élevé, les difficultés financières, les antécédents de complications microvasculaires ou coronariennes, le contrôle glycémique inadéquat et le traitement par insuline seule étaient indépendamment associés au recours à une hospitalisation complète chez les diabétiques de type 2.
Conclusion –
Les hospitalisations restent fréquentes chez les personnes diabétiques, plus particulièrement chez les personnes âgées, fragiles et défavorisées. Il est donc indispensable de renforcer les mesures de prévention secondaire chez ces personnes.
Abstract
Objectives –
To describe hospital stays, characteristics of hospitalized people with diabetes in France, and to identify factors associated with these hospital admissions.
Methods –
For 2007, we randomly selected among French national' health insurance database 8,926 adults reimbursed for antidiabetic agents at least three times during the past 12 months. Medical reimbursement data were extracted for all these patients; two sets of questionnaires were mailed: one to the patients (N=4,277; response rate 48%), and the other to their physician (N=2,485; response rate 62%). During the study period (August 2006-July 2009), hospital data were extracted from the French national hospital discharge database for patients who accepted to participate to the survey (N=7,534, response rate 84%). Factors associated with overnight hospital admission between August 2008 and July 2009 were studied.
Results –
Nearly one-third (31%) of people with diabetes [type 1, 45%; type 2, 31%, p<0.0001] had been hospitalized at least one time in the year: 13% as day cases (type 1, 23%; type 2, 13%), p<0.0001), 24% as overnight cases (type 1, 31%; type 2, 24%, p<0.0001). Those admitted as overnight cases were older than other patients with diabetes (median age, 69 vs 65 years); they benefited more often long-term illness health insurance coverage (91%), reported more often financial difficulties (59%), a long-standing diabetes (≥10 years, 54%), and a history of complications. They used more frequently health care and were more often treated with insulin (29%). The average of hospital stays was 1.6 days, and the average cumulative length was 11 days per patient. In people with type 2 diabetes, higher age, financial difficulties, history of coronary or microvascular complications, inadequate glycemic control, and insulin therapy alone were independently associated with overnight case admission.
Conclusion –
Hospitalizations are frequent in people with diabetes, especially among the elderly, the most vulnerable or disadvantaged people. Therefore, it is essential to strengthen secondary prevention measures for these patients.
Introduction
Le diabète est un problème majeur de santé publique avec, selon l’Organisation mondiale de la santé 1,une progression épidémique du fait du vieillissement de la population, de l’augmentation de l’obésité et de la sédentarité. En 2012, sa prévalence était estimée à 8,3% chez les 20-79 ans, soit plus de 371 millions d’adultes diabétiques dans le monde 2 et elle devrait atteindre 9,9% de la population en 2030, soit 552 millions de personnes. En France, alors que la prévalence du diabète traité a augmenté considérablement (de 2,6% à 4,4%) au cours de la dernière décennie, soit de 1,6 à 2,9 millions de personnes, le coût global de la prise en charge des patients avec un diabète est passé de 7,1 milliards d’euros en 2001 à 12,5 milliards d’euros en 2007, dont 4,7 milliards liés à l’hospitalisation 3. En 2010, ce coût atteignait 17,7 milliards d’euros 4.
Le diabète est une maladie épidémique chronique souvent négligée et grave de par ses complications. Celles-ci sont en partie évitables, grâce à un bon contrôle du risque vasculaire, à un diagnostic précoce et à une prise en charge adaptée qui peut nécessiter un recours à l’hospitalisation 5.
Du fait de son impact humain et de son coût financier important, le diabète est devenu une priorité de santé publique en France. C’est dans ce contexte qu’a été mise en place en 2001 l’étude Entred (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques). Elle a été renouvelée en 2007 (Entred 2007) en vue de décrire les caractéristiques des personnes diabétiques, leur état de santé et la qualité de leur prise en charge médicale, et leurs évolutions. Entred 2001 avait permis d’estimer à 27,5% le taux de recours à l’hospitalisation des personnes diabétiques traitées en France 6, à partir des remboursements d’hospitalisations enregistrés dans les bases de données de consommation médicale. Dans Entred 2007, grâce à l’extraction des séjours du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information) incluse d’emblée dans l’étude, il a été possible de décrire les séjours hospitaliers publics ou privés et les caractéristiques des personnes diabétiques hospitalisées, et d’identifier les facteurs associés à ces hospitalisations.
Matériel et méthodes
Population
La méthodologie de l’étude Entred 2007 a été décrite précédemment 7. Cette étude a concerné 8 926 adultes diabétiques, remboursés à au moins 3 reprises d'antidiabétiques oraux et/ou d'insuline au cours des 12 derniers mois, résidant en France métropolitaine, sélectionnés à partir des bases de consommation médicales du régime général de l’assurance maladie (CnamTS), hors sections mutualistes, et du régime social des indépendants (RSI). Les données de consommation médicale ont été extraites pour l’ensemble des personnes sélectionnées, suivies de l’extraction, à partir du PMSI, des séjours hospitaliers des personnes qui n’ont pas exprimé de refus de participer à l’étude (N=7 534) sur trois années glissantes, d’août 2006 à juillet 2009. Deux questionnaires ont été administrés, entre octobre 2007 et septembre 2008. Le premier s’adressait à l’ensemble des patients (N=4 277, taux de réponse 48%) en vue de collecter les données relatives à leurs caractéristiques sociodémographiques, leur état de santé sur le diabète, leurs complications et comorbidités. Le second était envoyé aux médecins soignants (généraliste ou spécialiste) des patients ayant transmis les coordonnées de leur médecin (N=2 485 ; taux de réponse 62% par rapport aux patients ayant transmis les coordonnées de leur médecin-soignant ; 28% par rapport à l’échantillon initialement tiré au sort), en les invitant à fournir les données médicales de leurs patients.
Un algorithme épidémiologique de typologie du diabète, basé sur l’âge au diagnostic du diabète (seuil à 45 ans) et la mise sous insuline dans un délai de 2 ans après le diagnostic, a été utilisé. Il a permis de classer 275 personnes comme ayant un diabète de type 1 et 3 894 un diabète de type 2. Le type de diabète restait indéterminé pour les personnes n’ayant pas renseigné le questionnaire. La description des séjours et des caractéristiques des patients a porté sur les données enregistrées durant l’année précédant le tirage au sort (1er août 2006-31 juillet 2007). L’étude des déterminants des admissions en hospitalisation complète a porté sur les séjours hospitaliers enregistrés un an après le tirage au sort (1er août 2008-31 juillet 2009), afin de garantir que les questionnaires avaient été renseignés avant l’hospitalisation. Ces déterminants ont été étudiés chez les personnes diabétiques de type 2 pour lesquelles les données médicales avaient été complétées par le médecin soignant (N=2 232), après exclusion des personnes perdues de vue ou décédées après le 1er août 2008 (n=28).
Informations sur les séjours
Une hospitalisation est définie par toute admission d’un patient dans un hôpital public ou privé, quels qu’en soient le motif ou la durée. Un séjour de durée supérieure ou égale à 24 heures est appelé hospitalisation complète.
La description des caractéristiques sociodémographiques des personnes hospitalisées, de la durée et du nombre de séjours, des complications du diabète et du recours aux soins a été réalisée sur la base des hospitalisations complètes.
Certaines complications graves du diabète (cardiopathies ischémiques, amputations, accidents vasculaires cérébraux et ischémiques transitoires, insuffisance cardiaque et insuffisance rénale chronique) ont été recherchées à partir d’algorithmes (tableau 1).
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Analyses statistiques
Les analyses ont été pondérées afin de tenir compte du plan de sondage et des taux de réponse aux enquêtes (questionnaires, hospitalisation).
Analyses descriptives des séjours hospitaliers et des caractéristiques des personnes diabétiques hospitalisées
Les résultats sont présentés sous forme de moyennes ou de pourcentages accompagnés de leur intervalle de confiance à 95% (IC95%). Les comparaisons entre les groupes ont été effectuées, le cas échéant, par régression logistique pour les variables catégorielles et par analyse de variance pour les variables continues. Les comparaisons entre les personnes admises et non admises en hospitalisation complète ont été ajustées sur l'âge, celles entre personnes diabétiques de type 1 et de type 2 admises en hospitalisation complète ont été ajustées sur l’âge, la prise en charge à 100% pour une affection de longue durée (ALD), l’existence de complications microvasculaires et coronariennes.
Analyses des facteurs associés aux hospitalisations
Les déterminants des admissions en hospitalisation complète ont été recherchés par régression logistique, après deux niveaux d’ajustement successifs correspondant à deux groupes de variables explicatives d’intérêt, et les résultats présentés sous forme d’odds ratios (OR) accompagnés de leurs intervalles de confiance à 95%. Le premier niveau d’ajustement concernait les facteurs liés aux caractéristiques sociodémographiques des personnes, le second à leur état de santé, en considérant que le traitement antidiabétique au cours des 12 mois précédents est un « proxy » de gravité du diabète. Le seuil de significativité a été fixé à 0,05. Les analyses ont été réalisées en utilisant le logiciel SAS® Version 9.2 et exécutées en utilisant les procédures survey (freq, means, logistic, reg) pour l’analyse descriptive et surveylogistic pour l’analyse des déterminants.
Résultats
Caractéristiques des hospitalisations des personnes diabétiques
Près d’un tiers (31%, IC95%:30-32) des personnes diabétiques (tous types de diabète) ont eu au moins un séjour hospitalier dans l’année. Après ajustement sur l’âge, la prise en charge à 100% pour une ALD et sur l’existence de complications microvasculaires et coronariennes, les personnes diabétiques de type 1 ont été plus souvent hospitalisées que les personnes diabétiques de type 2 (45% [39-51] vs 31% [30-33], p<0,0001]. Les hospitalisations étaient plus fréquentes avant 45 ans chez les femmes diabétiques de type 1 ; au-delà, elles étaient plus souvent observées chez les hommes diabétiques (figure 1A). Cette tendance était aussi observée chez les personnes diabétiques de type 2 avec un seuil à 65 ans (figure 1B).
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Treize pour cent (13%, [12-14]) des personnes diabétiques avaient été admises en hospitalisation de moins de 24 heures (23% [18–27] des personnes diabétiques de type 1 vs 13% [12–14] des personnes diabétiques de type 2, p<0,0001), contre près d’un quart en hospitalisation complète (type 1 : 31% [25-36] vs type 2 : 24% [22-25], p<0,0001], dont 3% pour une durée supérieure ou égale à 15 jours. Treize pour cent (13%, (12-14]) des personnes diabétiques avaient été réhospitalisées. Ces séjours multiples étaient plus fréquents chez les personnes diabétiques de type 1 que chez celles de type 2 (18%, [14-23] vs 13%, [11-14]).
Caractéristiques des personnes diabétiques admises en hospitalisation complète
Les personnes admises en hospitalisation complète dans l’année étaient plus âgées que les autres personnes diabétiques (âge médian, 69 vs 65 ans), bénéficiaient plus souvent d’une ALD pour le diabète ou autre pathologie chronique et déclaraient plus souvent avoir des difficultés financières (tableau 2). Elles avaient eu plus fréquemment au moins 6 consultations ou visites annuelles chez un médecin généraliste (80% vs 61%, p<0,0001), au moins une consultation annuelle d’ophtalmologie en secteur libéral (47% vs 44, p=0,05), au moins une consultation annuelle d’endocrinologie libérale (14% vs 9%, p<0,0001), au moins une consultation annuelle de cardiologie libérale ou un électrocardiogramme (54% vs 29%, p<0,0001). Le taux de recours à une consultation dentaire était de 34% chez les personnes admises en hospitalisation complète, similaire à celui des personnes n’ayant pas été admises en hospitalisation complète. Les personnes admises en hospitalisation complète avaient en outre déclaré davantage d’antécédents de complications microvasculaires ou coronariennes et avaient plus souvent un diabète ancien. Elles avaient plus souvent un diabète mal équilibré, une pression artérielle élevée et étaient plus souvent sous insuline (tableau 2).
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Motifs d’hospitalisation complète
Cinquante-quatre pour mille personnes diabétiques avaient été admises en hospitalisation complète pour au moins une des complications recherchées (tableau 3). Ce taux était plus élevé chez les personnes diabétiques de type 1 que chez celles de type 2 (64,6 vs 50,9‰).
Les hospitalisations complètes pour cardiopathie ischémique (21,2 pour 1 000 personnes diabétiques), insuffisance rénale chronique (10,6‰), insuffisance cardiaque (9,6‰) ou accident vasculaire cérébral et ischémique transitoire (8,4‰) étaient les motifs d’admission les plus fréquemment évoqués parmi les complications du diabète identifiées, alors que celles pour amputation du membre inférieur et plaie du pied avaient des taux inférieurs à 5‰. Le cancer, avec un taux de recours de 15,7 pour 1 000 personnes diabétiques, représentait également un motif d’admission fréquent en hospitalisation complète (tableau 3).
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Description des séjours en hospitalisation complète
Les personnes diabétiques admises en hospitalisation complète avaient bénéficié de 1,6 séjour, sans différence statistiquement significative selon le type de diabète (tableau 4). Les ré-hospitalisations étaient plus fréquentes lors d’une hospitalisation pour insuffisance rénale chronique (1,6 séjour en moyenne), insuffisance cardiaque et plaies du pied (1,4 séjour en moyenne) (tableau 3). Les personnes hospitalisées nées au Maghreb avaient eu en moyenne moins de séjours hospitaliers dans l’année (1,4 séjour en moyenne vs 1,6 pour celles nées en France ou 1,7 pour celles nées dans un autre pays).
La durée moyenne de séjour (DMS) était égale à 10,6 jours et ne variait pas sensiblement selon le type de diabète (tableau 4). Elle augmentait à la fois avec l’âge, de 8 jours en moyenne avant 55 ans à 13 jours pour les 75 ans et plus, et avec les difficultés financières, de 8 jours pour les personnes qui déclaraient être à l’aise financièrement à 11 jours pour celles qui déclaraient des difficultés financières. Toutefois, aucune différence n’était observée en fonction de l’existence d’une couverture maladie universelle complémentaire (CMUc) chez les moins de 60 ans. La DMS des personnes nées au Maghreb était plus courte que celle des personnes nées en France ou dans un autre pays (tableau 4). Le taux d’hospitalisation multiples était de 8,5%, 6,5% et 7,5%, respectivement chez les personnes nées en France, au Maghreb ou ailleurs, sans que cette différence soit statistiquement significative. La DMS variait selon les motifs d’admission. Elle était en moyenne de 6 journées d’hospitalisation lors des séjours pour cardiopathie ischémique, 15 pour insuffisance rénale chronique, 28 pour plaie du pied et 31 pour amputation d’un membre inférieur (tableau 3).
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Déterminants des admissions en hospitalisation complète chez les personnes diabétiques de type 2
Après ajustement sur les caractéristiques sociodémographiques et l’état de santé, le recours à une hospitalisation complète chez les personnes diabétiques de type 2 augmentait avec l’âge (tableau 5). Il était également plus fréquent chez les personnes ayant des difficultés financières, des antécédents de complications microvasculaires ou coronariennes, un contrôle glycémique inadéquat et un traitement par insuline seule.
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Discussion – conclusion
L’originalité de cette étude tient au fait qu’elle est basée sur le croisement des données du PMSI avec des données d’enquêtes en population diabétique et des données de consommation médicale, une condition peu fréquente pour une étude réalisée en France en 2007. Cette approche permet de décrire non seulement les caractéristiques des personnes diabétiques hospitalisées et les séjours hospitaliers, mais également d’identifier les facteurs associés à un recours à une hospitalisation complète chez les personnes diabétiques de type 2.
Cette étude comporte cependant des limites méthodologiques. Elle est notamment basée sur l’utilisation de données médico-administratives dont les limites sont difficilement quantifiables. L’identification des complications graves du diabète repose sur des algorithmes admis et validés par des groupes d’experts. En revanche, les codes utilisés pour la recherche des cancers et des comas diabétiques n’ont pas fait l’objet de validation. Le PMSI ne permet pas de distinguer les différents comas diabétiques. Ces derniers ont donc été étudiés dans leur globalité, sans tenir compte des différents types (hypoglycémie, acidocétose, coma hyperosmolaire). Néanmoins, le croisement de plusieurs sources de données a permis de montrer qu’indépendamment de leur motif et de leur durée, les hospitalisations sont fréquentes chez les personnes diabétiques (31%) et varient sensiblement avec l’âge, le sexe et le type de diabète. Chez les personnes diabétiques de type 2, les hospitalisations complètes sont indépendamment associées à la gravité de la maladie (antécédents de complications microvasculaires ou coronariennes, contrôle glycémique inadéquat et traitement par insuline seule) et à la présence de difficultés financières.
À notre connaissance, aucune autre étude française n’a décrit les hospitalisations chez les personnes diabétiques de type 2. La première étude Entred, réalisée en 2001 7, intégrait une enquête d’hospitalisation ad hoc basée sur les remboursements d’hospitalisations enregistrés dans les bases de données de consommation médicale. Cette étude rapportait un taux d’hospitalisation de 27,5%. Toutefois, la méthodologie utilisée différait de la nôtre et ne permettait pas d’effectuer des comparaisons sur les motifs d’hospitalisation.
À âge égal, les hospitalisations (quels que soient leur motif et leur durée) sont plus fréquentes chez les femmes diabétiques que chez les hommes dans les groupes d’âge les plus jeunes ; cette tendance s’inverse avec l’âge. Ceci ne peut uniquement s’expliquer par la fréquence des hospitalisations pour diabète gestationnel. Les personnes nées au Maghreb bénéficient plus souvent de séjours de durée moins longue, peut-être grâce à un retour au domicile facilité par une plus large solidarité familiale.
Le recours à l’hospitalisation (en dehors des complications graves) est étroitement lié au système de santé 8 et limite les comparaisons internationales. Toutefois, le lien entre le recours à l’hospitalisation des personnes diabétiques de type 2 et les facteurs de gravité de la maladie a été précédemment souligné par Bo et coll. 9 en Italie et récemment confirmé par Edward et coll. 10 au Canada. Le traitement par insuline était indépendamment associé à une hospitalisation chez les personnes diabétiques de type 2 après ajustement sur l’âge, la présence de comorbidités et le contrôle glycémique. Dans notre étude, l’insulinothérapie a été utilisée comme un « proxy » de la gravité du diabète. Les personnes traitées par insuline avaient plus souvent des antécédents de complications microvasculaires ou coronariennes et un contrôle glycémique inadéquat. Ceci expliquerait qu’elles aient une probabilité plus élevée d’être hospitalisées.
L’association positive entre le niveau de précarité et le recours plus fréquent à l’hospitalisation a été mise en évidence par certains auteurs 11,12. Notre étude rapporte des séjours plus fréquents et de durées plus longues chez les personnes ayant des difficultés financières. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer la plus longue durée de séjour hospitalier observée chez les personnes défavorisées : une mise sous insuline plus difficile, des difficultés sociales empêchant le retour à domicile, une éducation thérapeutique plus compliquée et des bilans plus longs. Ces personnes présentent également une prévalence élevée de complications microvasculaires, à type de plaie du pied, et macrovasculaires, à type de complications coronariennes 13,14, dont la prise en charge nécessite le plus souvent de longs séjours en milieu hospitalier.
Un recours aux soins plus fréquent est fortement corrélé à la présence de comorbidités chez les personnes diabétiques de type 2 15. Ainsi, nous avons choisi de ne pas inclure les indicateurs de recours aux soins dans l’analyse des déterminants afin de ne pas sur-ajuster la gravité du diabète. Un recours aux soins plus fréquent n’est pas la cause de l’hospitalisation, mais plutôt le reflet de la gravité de la maladie 10,16,17,18,19,20.
Les hospitalisations pour complications du diabète à type d’infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, autres complications cardiovasculaires, amputation, séances de dialyse, opération de la cataracte représentaient 35% des dépenses d’hospitalisation des personnes traitées pour diabète, soit près de 1,3 milliard d’euros en 2007, avec une forte progression de 4,7% entre 2007 et 2008 21. Vingt pour cent (20%) des séjours des personnes diabétiques sont en lien avec au moins une complication du diabète identifiée parmi celles recherchées, ce qui concerne près d’un quart (23%) des personnes avec en moyenne 2,2 séjours et 17 journées d’hospitalisation cumulées par personne. Les amputations du membre inférieur avec, en moyenne, 31 journées d’hospitalisation cumulées par personne, les plaies du pied (28 journées), l’insuffisance rénale chronique (15 journées) et l’insuffisance cardiaque (13 journées) sont associées à des séjours particulièrement longs.
Bien que potentiellement évitables par des mesures de prévention ciblées et adaptées, les complications du diabète sont un motif fréquent d’admission en hospitalisation complète et représentent, par conséquent, un fardeau humain et économique considérable pour la collectivité. Il paraît donc indispensable de renforcer les mesures de prévention secondaire chez les personnes diabétiques, plus particulièrement lorsque qu’elles sont âgées, fragiles et défavorisées.
Remerciements
Les personnes diabétiques et les médecins qui ont généreusement participé à l’étude sont chaleureusement remerciés.
Les auteurs remercient l’ensemble des membres des comités scientifique et de pilotage d’Entred ainsi que les organismes ayant soutenu cette initiative : Ministère chargé de la Santé, Ordre national des médecins, SFD (ex Alfédiam), Fénarédiam, Sedmen, Ancred.
Entred 2007 a été financé par l’InVS, la CnamTS, le RSI, l’Inpes et la HAS.