Prévalence de l’infection par le VIH et le virus de l’hépatite C chez les personnes détenues en France. Résultats de l’enquête Prévacar 2010*

// Prevalence of HIV and hepatitis C virus among French prison inmates in 2010: Results from Prevacar survey 2010

Élise Chiron1, Marie Jauffret-Roustide1, Yann Le Strat1, Khadoudja Chemlal2, Marc-Antoine Valantin2, Patrick Serre3,4, Laurence Caté5, Christine Barbier5, Caroline Semaille1 (c.semaille@invs.sante.fr) et le Groupe Prévacar**
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Centre hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France
3 Unité sanitaire, Centre hospitalier, Le Mans, France
4 Associations des professionnels de santé exerçant en prison (Apsep), France
5 Direction générale de la santé, Paris, France

* Article adapté de : Semaille C, Le Strat Y, Chiron E, Chemlal K, Valantin M, Serre P, et al. Prevalence of human immunodeficiency virus and hepatitis C virus among French prison inmates in 2010: a challenge for public health policy. Euro Surveill. 2013;18(28). doi:pii: 20524.

** Membres du groupe Prévacar (par ordre alphabétique) : Julie Bouscaillou, Gregory Braz, Martine Clément, Emeline Chaigne, Jean-Claude Cognet, Dominique de Galard, Sandra Essid, Bernard Faliu, Caroline Gasiglia, Lionel Lavin, Dimitri Legrand, Etienne Lucas, Christophe Michon, François Moreau, Hélène Morfini, Ridha Nouiouat, Fabrice Pilorgé, Pierre Pouyanne, Chantal Vuldy.

Soumis le 31.07.2013 / Date of submission: 31.07.2013
Mots-clés : Prison | VIH | VHC | Prévalence
Keywords: Prison | HIV | HCV | Prevalence

Résumé

La prévalence du VIH et de l’hépatite C a été estimée en 2010 chez les personnes détenues en France à partir d’une étude transversale s’appuyant sur un plan de sondage à deux degrés (tirage des établissements pénitentiaires puis des individus). Les estimations sont redressées à l’ensemble des personnes détenues par post-stratification sur l’âge, le sexe, le continent de naissance et la région de l’établissement.

Parmi les 60 975 personnes détenues en mai 2010 dans 188 établissements pénitentiaires, 2 154 individus ont été tirés au sort dans 27 établissements. La prévalence du VIH  était estimée à 2,0% (IC95%:[0,9-4,2]), et était plus élevée chez les femmes (2,6% ; IC95%:[0,7-8,8]) que chez les hommes (2,0% ; IC 95%:[0,9-4,3]) ; 75% des personnes détenues porteuses du VIH recevaient un traitement pour leur infection. La prévalence du VHC était estimée à 4,8% (IC95%:[3,5-6,5]) et était plus élevée chez les femmes (11,8% ; IC95%:[8,5-16,1]) que chez les hommes (4,5% ; IC95%:[3,3-6,3]). Près de la moitié des personnes infectées par le VHC avaient une hépatite chronique (ARN du VHC positif) et 44% avaient reçu ou recevaient un traitement pour le VHC. La prévalence du VIH et du VHC était six fois plus élevée  en milieu carcéral qu’en population générale et 2,5% des personnes détenues étaient virémiques (charge virale positive) pour le  VHC. Le dépistage et la prise en charge de ces pathologies infectieuses pendant l’incarcération sont essentiels pour en limiter la transmission et améliorer le pronostic de ces patients.

Abstract

The prevalence of human immunodeficiency virus (HIV) and hepatitis C virus (HCV) among prison inmates in France in 2010 was evaluated in a cross-sectional study based on a two-stage design. Sampling favoured larger establishments and included all types of prisons. Establishments were stratified by geographical region. Estimates were adjusted by post-stratification of the total population of inmates in France.

From 60,975 inmates in 188 prisons on the sampling day, 2,154 were selected from 27 prisons, and 1,876 questionnaires completed. HIV prevalence was estimated at 2.0% (95% confidence interval (CI):0.9-4.2), 2.6% (95% CI: 0.7-8.8) in women and 2.0% (95% CI:0.9-4.3) in men; 75% of HIV positive inmates were receiving treatment for HIV. HCV prevalence was estimated at 4.8% (95% CI:3.5-6.5) and was higher for women (11.8%; 95% CI:8.5-16.1) than men (4.5%; 95% CI:3.3-6.3). Almost half of HCV-infected inmates had chronic hepatitis C and 44% were receiving or had received treatment for HCV. HIV and HCV prevalence was six times higher than in general population, and 2.5% of inmates had viraemic hepatitis C. The moment of incarceration provides an ideal opportunity for testing and treating these infectious diseases, limiting their spread and improving patients’ prognosis.

Introduction

La vulnérabilité des personnes détenues en termes de maladies infectieuses, notamment vis-à-vis de l’infection par le VIH et des hépatites, est bien documentée dans la littérature internationale 1,2,3. Cette vulnérabilité peut s’expliquer en partie par la proportion plus élevée, par rapport au milieu libre, d’usagers de drogues et  de personnes originaires de pays où la prévalence du VIH et du virus de l’hépatite C (VHC) est  moyenne ou forte 4, ainsi que par des conduites à risque majorant le risque de transmission.

Estimer la prévalence de l’infection à VIH et de l’hépatite C parmi les personnes détenues  en France est essentiel pour le développement de programmes de prévention et l’amélioration de  la prise en charge des personnes infectées, dans le cadre notamment du Plan d’actions stratégiques 2010-2014  définissant la politique de santé pour les personnes placées sous main de justice 5.

Les données disponibles sur la prévalence du VIH ou du VHC chez les personnes détenues en France sont anciennes ou parcellaires. Sur la période 1997-2003, seuls deux dispositifs d’enquêtes ont permis d’estimer la prévalence du VIH et/ou du VHC au niveau national, mais ne permettaient pas de caractériser les personnes infectées en termes de sexe, âge et continent de naissance 6,7. Les autres études menées en France ne concernaient qu’un seul établissement pénitentiaire ou une seule région, avec des résultats très variables en fonction de la proportion d’usagers de drogues (UD) parmi les personnes détenues dans l’établissement 8,9,10,11,12.

L’objectif principal de l’enquête Prévacar 2010 était d’estimer la prévalence de l’infection par le VIH, par le VHC et des traitements de substitution aux opiacés (TSO) chez les personnes détenues en France, et de décrire les caractéristiques des personnes concernées. Les résultats concernant les TSO feront l’objet d’une publication ultérieure. Les résultats du second volet de l’enquête, portant spécifiquement sur l’offre de soins en milieu carcéral, ont par ailleurs déjà été publiés 13.

Matériel et méthodes

L’enquête Prévacar est une étude transversale réalisée dans les établissements pénitentiaires français en juin 2010. Elle a été conçue et mise en œuvre conjointement par la Direction générale de la santé (DGS, promoteur) et l’Institut de veille sanitaire (InVS, coordination scientifique) avec le soutien de la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP), rattachée au ministère de la Justice, et des unités sanitaires (US) (anciennement UCSA, unités de consultations et de soins ambulatoires) qui relèvent du ministère de la Santé.

La méthodologie de l’enquête a été détaillée dans une précédente publication 14. Il existe une liste complète des établissements pénitentiaires, ainsi qu’un fichier national des personnes détenues (FND), mis à jour quotidiennement par la DAP. À chaque personne détenue est assigné un numéro d’identifiant unique (numéro d’écrou). Des informations notamment sur  l’âge, le sexe,  le continent de naissance ou la catégorie socioprofessionnelle sont également recueillies dans le FND.

Un dépistage de l’infection par le VIH et le VHC est proposé systématiquement à chaque personne détenue lors de sa visite d’entrée.

Population source et stratégie d’échantillonnage

La population source était constituée de l’ensemble des personnes âgées de plus de 18 ans, incarcérées en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer (DOM) le jour du tirage au sort (15 mai 2010). Un plan de sondage à deux degrés a été mis en œuvre à partir de la liste (stratifiée sur 10 zones géographiques) des établissements pénitentiaires puis  du fichier national des personnes détenues. Au premier degré, le tirage au sort a pris en compte le type d’établissements (maison d’arrêt, centre pénitentiaire, maison centrale, établissement accueillant des femmes et/ou des hommes) ainsi que le nombre de personnes détenues. Au deuxième degré, les personnes détenues ont été sélectionnées par sondage aléatoire simple dans les établissements tirés au sort.

En mai 2010, on comptait 188 établissements pénitentiaires dans lesquels 60 975 personnes étaient incarcérées.

Recueil des données et confidentialité

Pour chaque personne détenue tirée au sort, un questionnaire individuel a été rempli par un enquêteur de l’équipe Prévacar ou un membre de l’US, à partir des données contenues dans le dossier médical le jour de l’enquête. Les informations recueillies dans le questionnaire portaient sur les caractéristiques démographiques, le statut relatif à l’infection par le VIH et le VHC, les modes de contamination, le stade clinique et les traitements. Des informations complémentaires (continent de naissance, catégorie socioprofessionnelle, niveau d’éducation) ont été recueillies à partir du FND, en réalisant une fusion dans les locaux de la DAP, grâce à un numéro unique identifiant chaque personne détenue. Afin de préserver l’anonymat, un numéro aléatoire a été assigné à chaque personne sélectionnée, et seul ce numéro figurait sur le questionnaire ainsi que dans la base de données analysée par l’InVS.

L’enquête a reçu l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) en janvier 2010. Une information collective par voie d’affichage en plusieurs langues a été réalisée dans les établissements sélectionnés, doublée d’une information individuelle pour les personnes détenues tirées au sort, avec possibilité de refus de participation.

Définition de cas

Une personne détenue a été considérée comme infectée par le VIH ou le VHC lorsqu’au moins l’un des éléments suivants était documenté dans son dossier médical :

  • pour le VIH : test Elisa et/ou Western Blot positif ou taux de lymphocytes CD4 ou résultat de charge virale VIH ;
  • pour le VHC : test Elisa et/ou un résultat de quantification de l’ARN du VHC positif dans les 12 derniers mois.

Analyse

L’analyse a pris en compte le  plan de sondage et les estimations ont été redressées pour l’ensemble des personnes détenues par post-stratification. La post-stratification permet  de faire correspondre le nombre estimé de personnes détenues au nombre réel de personnes détenues. Ce calage est réalisé en découpant la population et l’échantillon en strates après la constitution de l’échantillon.  Dans l’étude, les post-strates ont été constituées selon le sexe, les classes d’âge, le continent de naissance et la zone géographique de l’établissement (données recueillies pour toutes les personnes détenues grâce au FND). La base des personnes détenues étant exhaustive, les effectifs réels sont connus au moment du tirage. Le calage s’effectue en modifiant les poids de sondage pour que les effectifs estimés (qui dépendent de ces poids de sondage) soient égaux aux effectifs réels.

L’analyse a été effectuée avec le logiciel Stata® 11.0.

Résultats

À l’issue du tirage au sort, 2 154 personnes détenues ont été sélectionnées dans 27 établissements pénitentiaires.

La population carcérale était majoritairement masculine (97%) avec une moyenne d’âge de 34 ans (tableau 1). Les personnes nées en France représentaient 76% des personnes détenues, celles nées en Afrique du Nord 9% et celles nées en Afrique subsaharienne 5%. Les personnes nées en Europe de l’Est ou de l’Ouest représentaient chacune 3% des personnes détenues  et 4% étaient nées en Asie, Amérique ou Océanie.

Tableau 1 : Nombre de personnes détenues par sexe et âge, France, mai 2010 (N=60 975)
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Population d’étude

Sur les 2 154 personnes détenues tirées au sort, 57 ont refusé de participer. Les questionnaires ont été complétés pour 1 876 personnes (soit 87% des individus tirés au sort) : 1 607 hommes et 267 femmes. Le sexe était inconnu pour deux questionnaires. Les questionnaires étaient incomplets pour 221 individus, car leurs dossiers n’étaient pas consultables à l’US le jour de l’enquête du fait de modifications intervenues dans leurs conditions de détention (libérations, transferts…).

Sur les 1 876 questionnaires, l’information sur le statut vis-à-vis du VIH ou du VHC était manquante pour respectivement 28% et 30% des dossiers.

Infection par le VIH

Prévalence de l’infection par le VIH

La prévalence de l’infection par le VIH a été estimée à 2,0% (IC95%:[1,0-4,2]) (tableau 2). Elle était plus élevée chez les femmes que chez les hommes, respectivement 2,6% et 2,0% (non significatif). La prévalence augmentait avec l’âge jusqu’à 50 ans et variait en fonction du continent de naissance : la plus élevée était retrouvée chez les personnes nées en Afrique subsaharienne (15,4%). Elle était de 1,1% pour les personnes nées en France.

Tableau 2 : Estimation du nombre de personnes détenues infectées par le VIH ou le VHC et prévalence de l’infection à VIH et du VHC par sexe, âge et continent de naissance, France, mai 2010 (n=1 876)
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Caractéristiques des personnes détenues infectées par le VIH

Dans l’échantillon, 26 personnes étaient infectées par le VIH, avec une moyenne d’âge  de 36 ans (35 ans ; IC95%:[29-42]) chez les hommes et 44 ans ; IC95%:[43-46] chez les femmes). Le mode de contamination probable n’était pas connu dans 66% des cas. Lorsque le mode de contamination était connu, la transmission était liée à des rapports hétérosexuels dans 75% des cas.

Le délai moyen depuis la découverte de la séropositivité était de 9 ans (IC95%:[5-13 ans]) et 24% des personnes détenues ont découvert leur séropositivité lors de la cette incarcération.

Près d’un tiers des individus infectés par le VIH était au stade sida (28%), 16% était symptomatiques (non sida) et 55% asymptomatiques. Le taux de lymphocytes CD4 était inférieur à 350/mm3 pour 74% des personnes détenues séropositives, compris entre 350 et 500 pour 8,0% et supérieur à 500 pour 18%.

Un traitement antirétroviral était en cours pour 75% des personnes détenues séropositives et, parmi les personnes détenues ayant moins de 350 lymphocytes CD4, 72% étaient traitées. Parmi les personnes au stade sida, 94% étaient traitées.

Hépatite C

Prévalence de l’hépatite C

La prévalence de l’hépatite C a été estimée à 4,8% (IC95%:[3,53-6,50]) (tableau 2). Elle était significativement plus élevée chez les femmes que chez les hommes, respectivement 11,8% et 4,5%. Elle augmentait significativement avec l’âge jusqu’à 50 ans et variait en fonction du continent de naissance : les prévalences les plus élevées étaient retrouvées chez les personnes nées en Asie et en Europe de l’Est, respectivement 12,4% et 12,3% (tableau 2).

Caractéristiques des personnes infectées par le VHC

Soixante-trois personnes  étaient infectées par le VHC, avec une moyenne d’âge de 41 ans. Le mode de contamination probable était l’usage de drogues dans 70% des cas, inconnu pour 22% des personnes détenues et lié à une transfusion ou un tatouage pour 8%.

Le délai moyen depuis la découverte de l’hépatite C était de 7 ans (IC95%:[4-10 ans]) et 21,2% des personnes détenues l’avait découverte lors de l’incarcération actuelle. Près de la moitié des personnes détenues infectées par le VHC recevaient ou avaient reçu un traitement pour le VHC.

Une quantification de l’ARN du VHC était disponible dans 94% des dossiers des personnes détenues VHC+ et elle était positive dans 46,4% (IC95%:[27,3 66,5]) des cas.

Parmi les personnes détenues ayant une hépatite chronique (quantification ARN du VHC positive), 40,7% (IC95%:[18-68]) avaient bénéficié d’une évaluation de la fibrose au cours des 12 derniers mois et 36% recevaient un traitement.

La prévalence de la co-infection VIH/VHC chez les personnes détenues était faible (0,08%, IC95%:[0,00-0,65]).

Discussion - Conclusion

L’enquête Prévacar a permis pour la première fois d’estimer la prévalence de l’infection à VIH et de l’hépatite C parmi l’ensemble des personnes détenues en France 14. La prévalence du  VIH a été estimée à 2,0%, correspondant à plus de 1 200 personnes infectées parmi les 61 000 personnes détenues adultes. La prévalence du VHC a été estimée à 4,8%, représentant près de 3 000 personnes détenues, dont la plupart ont été contaminées par usage de drogues. Au total, 2,5% de l’ensemble des personnes incarcérées en France étaient virémiques pour le VHC (présentaient une hépatite chronique).

La méthodologie de l’étude, s’appuyant sur un plan de sondage à deux degrés (établissements puis individus) et sur un redressement par post-stratification sur des variables recueillies dans le FND, a permis de produire des estimations pour l’ensemble des  personnes détenues, y compris celles qui n’étaient pas sélectionnées par tirage au sort. Certaines limites de l’étude peuvent cependant être soulignées, comme l’absence de tests biologiques le jour de l’enquête ou la proportion non négligeable d’information manquante (30%) vis-à-vis du statut VIH ou VHC, bien que ces dépistages soient systématiquement proposés aux personnes détenues à l’entrée 13. À ce jour, les comités d’éthique en France considèrent qu’il est difficile de demander un consentement éclairé en vue d’un prélèvement à une personne en situation de privation de liberté ; c’est pourquoi la réalisation de prélèvements n’a pas été envisageable dans le cadre de la présente étude. La proportion élevée d’information manquante n’a pas nécessairement biaisé nos estimations. En effet, aucune différence n’a été observée en termes de sexe, âge ou continent de naissance (variables liées à la prévalence du VIH et du VHC dans la littérature) entre les personnes détenues pour lesquelles le résultat était disponible et celles pour lesquelles il ne l’était pas (analyse multivariée, résultats non présentés). En revanche, des différences ont été notées en fonction du type d’établissement (longue, moyenne ou courte peine), le résultat du test étant plus souvent retrouvé  dans les établissements de longue peine. Un résultat de test absent dans le dossier ne signifie cependant pas que le test n’a pas été proposé, ni réalisé (refus, réalisation du dépistage anonymement…). La répétition de la proposition de test de dépistage est essentielle en milieu carcéral, le volet « offre de soins » de l’enquête Prévacar ayant en effet montré que le renouvellement de cette offre ne concernait que la moitié des établissements pénitentiaires 13.

Les résultats de cette enquête confirment l’importance de la prévalence du VIH et de de l’hépatite C en milieu pénitentiaire, estimées six fois plus importantes qu’en population générale. En 2009, la prévalence du VIH en population générale était estimée à 0,35% alors que celle du VHC était de 0,8% en 2004 (IC95%:[0,6-1,1]).

La prévalence du VIH estimée en 2010 chez les personnes détenues en France est proche de celles publiées dans des études réalisées en Amérique du Nord et dans l’enquête « un jour donné » de juin 2003 de la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) (1,04%) 1,2,3,6. En dehors de Prévacar et de l’enquête de la DHOS, les études réalisées en France reposent sur une région ou sur un seul établissement, la prévalence du VIH variant de 0% dans un établissement à Caen (2000-2003) 11, 0,6% en Île-de-France 12 et 0,7% à Strasbourg 10, à 4% à Marseille en 1996-1997 9 .

Dans la littérature internationale, la prévalence du VHC en milieu carcéral peut varier très largement 2, entre 1% et 50%, en fonction de la proportion d’UD dans l’établissement. Ainsi, les quatre études réalisées en France à l’échelle d’un(e) établissement/région 8,10,11,12 ont montré une prévalence du VHC variant de 5% à 30%. Dans  une enquête réalisée auprès de l’ensemble des US en 2003 7 et dans celle de la DHOS réalisée la même année 6, la prévalence du VHC était respectivement de 6,9% et 4,2%, assez proche de notre estimation de 2010 avec Prévacar (4.8%, IC95%:[3,5-6,5]).

L’enquête Prévacar a également permis de bien  caractériser les personnes détenues infectées par le VIH ou le VHC. Il s’agit de personnes ayant découvert leur infection depuis de nombreuses années et qui sont pour la plupart à un stade avancé d’immunodépression pour le VIH (75% ont moins de 350 CD4) ou porteuses d’une hépatite chronique pour le VHC (près de la moitié des personnes détenues positives pour le VHC ont une quantification de l’ARN du VHC positive). Les trois-quarts de l’ensemble des personnes détenues VIH+ reçoivent un traitement antirétroviral. Parmi celles présentant une indication de traitement (CD<350 ou stade sida), ce sont respectivement 72% et 94% des personnes séropositives qui sont traitées. Près de la moitié des VHC+ ont reçu ou reçoivent un traitement pour leur pathologie et plus d’un tiers des personnes détenues présentant une hépatite chronique reçoivent un traitement. L’enquête n’a pas permis de distinguer les personnes qui ont refusé un traitement de celles qui n’ont pas eu de proposition de traitement. Cependant, ces résultats indiquent que les traitements sont disponibles en milieu carcéral, mais leur accès pourrait être amélioré pour les personnes détenues les plus immunodéprimées et celles ayant une hépatite C chronique. D’autre  part, 2,5% de l’ensemble des  personnes détenues sont virémiques pour le VHC, suggérant ainsi un risque de transmission par voie sanguine du VHC en cas de partage de matériel ou de pratiques à risque.

Cette étude a montré la faisabilité d’enquêtes au  niveau national en milieu pénitentiaire en France, afin d’améliorer la surveillance de la santé des personnes détenues. Elle ouvre la voie à de nouveaux projets réalisables selon une méthodologie similaire sur d’autres thématiques de santé, qu’il s’agisse de maladies infectieuses (tuberculose, hépatite B…) ou chroniques (diabète, santé mentale). Ces données de prévalence du VIH et du VHC sont nécessaires aux pouvoirs publics et confirment l’intérêt du dépistage du VIH et du VHC et d’une politique de réduction des risques en milieu carcéral  afin de limiter la transmission de ces infections et améliorer leur pronostic 15.

Remerciements

À l’administration pénitentiaire pour son appui  (Dominique de Galard, Jean-Claude Cognet, Dimitri Legrand), aux personnels des US, aux membres du groupe Prévacar ainsi qu’à Charlotte Verdot (InVS) pour sa relecture.

Financements

Ce travail a été financé par le ministère de la Santé et l’InVS.

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Citer cet article

Chiron E, Jauffret-Roustide M, Le Strat Y, Chemlal K, Valantin MA, Serre P, et al ; et le groupe Prévacar. Prévalence de l’infection par le VIH et le virus de l’hépatite C chez les personnes détenues en France. Résultats de l’enquête Prévacar 2010. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(35-36):445-50.