La santé des personnes détenues en France et à l’étranger : une revue de la littérature

// Health of inmates in France and abroad: a review

Élodie Godin-Blandeau (godin.elodie@neuf.fr), Charlotte Verdot, Aude-Emmanuelle Develay
Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
Soumis le 01.07.2013 / Date of submission: 07.01.2013
Mots-clés : Revue | Détenus | Prison | Santé | Prévalence
Keywords: Review | Inmate | Prison | Health | Prevalence

Résumé

Bien que la vulnérabilité des personnes détenues soit aujourd’hui reconnue (en matière d’emploi, de santé, de logement…), il n’existe que peu de systèmes de surveillance de leur santé. L’objectif de cette revue de la littérature était de décrire les données épidémiologiques concernant les principales pathologies rencontrées en milieu carcéral.

Les recherches bibliographiques ont été effectuées dans la base de données Scopus et dans la Banque de données en santé publique, afin d’identifier les études traitant de 14 problématiques de santé présélectionnées. Sur les 5 000 références obtenues, 120 ont été retenues. Les travaux concernaient majoritairement trois thématiques : pathologies mentales, addictions et maladies infectieuses, avec des résultats convergents en France et à l’étranger et des prévalences plus élevées qu’en population générale (1,7 à 2,1% pour l’infection par le VIH ; 74% de fumeurs ; 3,6 à 6% de personnes souffrant de troubles psychotiques). Les maladies chroniques, comme les maladies cardiovasculaires ou le diabète, restent moins étudiées. Quant aux autres problématiques, notamment les maladies dermatologiques ou les traumatismes, les données provenaient d’études présentant d’importantes limites méthodologiques.

Devant la morbidité de ces populations et les premiers résultats obtenus sur les maladies chroniques, il paraît nécessaire de développer les études épidémiologiques en milieu carcéral, afin d’adapter la prise en charge.

Abstract

Although inmates’ vulnerability (job, health, housing…) is well known, there are only few monitoring systems of prisoners’ health. The objective of this literature review is to describe the epidemiological data concerning the main pathologies found in prison.

The bibliographic searches were made on the “Scopus” database, as well as on the “Banque de Données en Santé Publique”, to obtain, after a two-level selection, the studies dealing with 14 selected health issues. Among the 5,000 available references, 120 were selected. Studies concerned mainly three themes (psychiatric disorders, addictions and infectious diseases) with convergent results in France and abroad and higher prevalence in prison than in the general population (1.7 to 2.1% for the HIV; 74% of smokers; 3.6 to 6% of psychotic disorders). Chronic diseases, such as cardiovascular disease, diabetes or cancer, were less studied. Concerning other health problems, particularly dermatology and traumas, data resulted from studies presenting numerous methodological limitations.

Considering the morbidity of this population and the first results obtained on chronic diseases, there is a need to develop epidemiological studies in prisons, to adapt prevention and care.

Introduction

La population carcérale peut être considérée comme un groupe vulnérable, si on la définit comme une population possiblement exposée, dans la durée et en amont de l’incarcération, à des risques se déployant sur plusieurs dimensions, et ce de façon cumulative (risque d’un revenu et d’un niveau d’éducation peu élevés, risque d’un logement précaire, risque de maladie). Les catégories sociales défavorisées y sont ainsi surreprésentées. Par ailleurs, à l'entrée en détention, les personnes incarcérées présentent un état de santé fragilisé en raison d’un faible accès et recours aux soins, d’une prévalence importante des comportements à risque (addictions, usage de drogues par voie intraveineuse, partenaires sexuels multiples par exemple) et des troubles mentaux 1. Ces difficultés préalables à l’incarcération peuvent être majorées par des conditions de détention potentiellement pathogènes : surpopulation, confinement, manque d’hygiène, sédentarité. De plus, on observe un vieillissement progressif de la population carcérale (au 1er janvier 2012, 16% des détenus avaient entre 40 et 50 ans, 7,8% entre 50 et 60 ans et 3,5% plus de 60 ans) ainsi qu’un allongement des peines (23,4% des personnes détenues sont condamnées à des peines supérieures à 5 ans 2), pouvant se traduire par un nombre croissant de pathologies chroniques à traiter et à prendre en charge en milieu pénitentiaire. Cette situation préoccupante nécessiterait un suivi épidémiologique régulier de pathologies telles que le diabète, l’hypertension artérielle, l’asthme, les cancers ou encore les maladies infectieuses en milieu carcéral. Cependant, aucun système de remontée de données ne permet d’obtenir et de suivre les prévalences de ces pathologies en France, hormis quelques études épidémiologiques ponctuelles et le recensement des décès organisé par l’administration pénitentiaire.

À l’étranger, il existe peu de dispositifs de surveillance de l’état de santé des personnes détenues, lesquels utilisent par ailleurs des méthodologies de recueil variées (enregistrement systématique des données, entretiens en face-à-face, recueil à partir des dossiers médicaux, questionnaires…). Outre le Canada et la Belgique, qui enregistrent toutes les données de santé en continu, quelques pays ont développé des programmes de surveillance en routine, portant principalement sur les maladies infectieuses ou les pathologies mentales (Canada, Royaume-Uni, Suisse, Finlande et Pays-Bas). Cependant, ces dispositifs sont encore peu développés. D’autres pays réalisent une surveillance épidémiologique via des enquêtes régulières réalisées chaque année en Australie, tous les deux ans en Nouvelle-Zélande et tous les cinq à sept ans aux États-Unis. Le reste des données disponibles se base essentiellement sur des enquêtes ponctuelles, comme c’est le cas en France, produisant des données de référence mais non actualisées.

Devant l’ensemble de ces constats, le ministère de la Santé a initié un plan d’actions stratégiques 2010-2014 portant sur la « Politique de santé pour les personnes placées sous main de justice », dans lequel la question de la surveillance épidémiologique de la santé des personnes détenues est posée. Dans ce cadre, l’Institut de veille sanitaire (InVS) a été mandaté pour réaliser une revue de la littérature, dont le but était de dresser un état des lieux des connaissances relatives à la santé des personnes incarcérées dans les pays occidentaux. L’objectif de cet article est de décrire les principales données épidémiologiques disponibles issues de cette revue et concernant les principales pathologies rencontrées en milieu carcéral, en France et à l’étranger, afin d’identifier les besoins sanitaires à couvrir.

Matériels et méthodes

Une recherche bibliographique a été effectuée dans la base de données Scopus. Elle a été réalisée en trois étapes : deux étapes communes à toutes les requêtes, spécifiant le type de document recherché et l’orientation épidémiologique des investigations menées, et une étape spécifique à chaque thématique de santé étudiée, avec des mots-clés ciblés. Cette recherche a été complétée par le repérage de publications dans les listes de références des articles précédemment identifiés ou dans la littérature grise (recherche spécifique dans la Banque de données en santé publique et sur des sites Internet gouvernementaux et internationaux).

Les thématiques de santé étudiées ont été sélectionnées selon des critères de santé publique : fréquence élevée en population générale, fréquence élevée attendue en prison, nécessité d’une prise en charge spécifique, de prévention ou d’éducation thérapeutique, préoccupation exprimée par le corps médical, présence de données comparatives en population générale. Ces thématiques concernaient des problématiques de santé (mortalité, actes auto-agressifs, pathologies mentales, addictions, maladies infectieuses, maladies chroniques, problèmes buccodentaires, pathologies ostéo-articulaires, pathologies dermatologiques, pathologies digestives et traumatismes) ou des populations spécifiques (femmes et seniors), dont l’inclusion à un système de surveillance de la santé des personnes détenues semblait pertinente. La santé des mineurs incarcérés, non inclus dans le projet initial, n’a pas fait l’objet d’une requête spécifique. Cependant, certaines des enquêtes retenues prenaient aussi en compte les mineurs dans leur population d’étude, mais les données n’y étaient pas présentées par classes d’âge.

Environ 5 000 références, publiées entre le 1er janvier 2000 et le 1er septembre 2012, ont été identifiées. La sélection des articles a été réalisée en double lecture par deux personnes, indépendamment. Un premier criblage a été effectué sur les titres et résumés, permettant de retenir 267 références. Le second criblage a isolé 120 travaux, après une étude complète des articles selon des critères prédéfinis : limitation aux publications en langue française ou anglaise, relatives aux pays occidentaux (Europe du Nord ou de l’Ouest, États-Unis, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), présentant une méthodologie robuste et clairement explicitée (type d’étude, méthode d’échantillonnage, effectif, méthode de recueil de données, outils utilisés) et apportant des données de prévalence ou d’incidence.

Résultats

Parmi les 120 références incluses à la revue, 15 ont été sélectionnées pour illustrer le présent article : quatre méta-analyses traitant des thématiques de santé les plus étudiées, cinq études présentant une méthodologie rigoureuse, réalisées sur de grands effectifs et citées dans la littérature internationale et six articles présentant les résultats des quatre grandes enquêtes françaises réalisées en milieu carcéral. Ces travaux ont été sélectionnés afin de couvrir l’ensemble des champs étudiés pour la revue de littérature et représenter la diversité des méthodologies utilisées (type d’enquête, population étudiée, type d’établissement…). De manière générale, il y a une certaine hétérogénéité dans les méthodologies d’enquête et les thématiques de santé étudiées. Les travaux cités dans cet article sont représentatifs de cette diversité (tableau 1).

On relève en effet des méthodologies très variées, concernant notamment les :

  • types d’études : revues de littérature, méta-analyses, études prospectives, rétrospectives, etc ;
  • méthodes d’échantillonnage : échantillonnage aléatoire, stratifié, file active, population spécifique, etc ;
  • modes de recueil de données : entretiens cliniques, questionnaires auto ou hétéro-administrés, analyse des dossiers médicaux, examens biologiques, etc ;
  • types d’établissements pénitentiaires : huit articles (six études) concernent tous les types d’établissements, dont sept sur l’intégralité du pays concerné 3,4,5,6,7,8,9 et un ne faisant référence qu’à un seul État des États-Unis 10, alors que trois références ciblent un seul type d’établissement : jails aux États-Unis 11,12 et maisons d’arrêt en France 1, qui sont des établissements accueillant des personnes prévenues ou condamnées à de courtes peines.

Les caractéristiques sociodémographiques semblent quant à elles assez comparables. La moyenne d’âge des personnes détenues se situe, pour toutes les enquêtes citées, entre 30 et 35 ans, et le pourcentage de femmes est compris entre 10% (en France) et 15% (études américaines).

Tableau 1 : Description des études citées
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Toutes les thématiques de santé ne sont pas investies et étudiées avec la même importance. Les maladies infectieuses, les pathologies mentales et les addictions sont pour leur part bien documentées et font l’objet de nombreuses études et de méta-analyses. Celles-ci font état de prévalences plus élevées en milieu carcéral qu’en population générale (tableau 2). À titre d’exemple, certaines études rapportent une prévalence de la psychose 10 fois supérieure à celle de la population générale 11,13. D’autres études montrent que trois-quarts des personnes détenues fument de façon régulière et que plus de la moitié d’entre elles présentent une consommation abusive d’alcool ou de drogues 3,11,14. Les addictions concernent les deux sexes, avec une prédominance de la dépendance aux drogues chez les femmes et à l’alcool chez les hommes 11. Ces résultats, contraires aux tendances relevées en population générale, s’expliquent par un effet de sélection des personnes, les femmes étant plus souvent incarcérées pour des infractions liées à la législation sur les stupéfiants ou des délits en lien avec une éventuelle toxicomanie. Concernant les maladies infectieuses, la prévalence du VIH s’élève à plus de 2% (versus 0,5% en population générale) et celle d’une virémie pour le VHC à plus de 30% 4,15,16. Cependant, les différents outils d’évaluation (examens biologiques, auto-déclaration…), ainsi que les différents statuts liés à l’hépatite C entraînent une importante variabilité dans les résultats obtenus, avec des prévalences pouvant être multipliées par un facteur 30. Les données sur le VHC sont de fait difficilement interprétables, notamment en raison de l’absence de différenciation entre les sujets présentant une hépatite aiguë, chronique ou simplement immunisés.

Tableau 2 : Principales prévalences des pathologies ou problématiques de santé bien documentées en milieu carcéral (revue de la littérature)
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Les maladies chroniques, telles que le diabète, l’hypertension artérielle, l’asthme ou encore les dyslipidémies, sont encore peu étudiées en prison. Les données internationales disponibles, peu nombreuses, sont de bonne qualité méthodologique (études nationales avec échantillonnages aléatoires ou exhaustivité des personnes détenues) et montrent des prévalences variables d’un pays à l’autre. Par exemple, la prévalence du diabète varie de 4% en Australie à 10% aux États-Unis 3,4 (tableau 3), mais également au sein d’un même pays ou sur la base d’un même jeu de données, selon la méthodologie utilisée. Ainsi, l’analyse des données de l’enquête américaine réalisée en 2002 dans les jails (prisons locales accueillant les prévenus et les condamnés à de très courtes peines) produit des prévalences pour l’asthme variant du simple au double selon la publication, le jeu de pondération et les ajustements appliqués 4,11.

Enfin, les autres thématiques de santé, telles que la dermatologie, la santé bucco-dentaire ou encore les traumatismes ne font l’objet que de très rares études, qui présentent le plus souvent d’importantes limites méthodologiques. Cependant, les premiers résultats suggèrent une fréquence élevée en milieu carcéral (tableau 3) et les auteurs soulignent la nécessité de développer la recherche dans ces domaines 3,10, 11,12.

Tableau 3 : Principales prévalences des pathologies ou problématiques de santé moyennement et peu documentées en milieu carcéral (revue de la littérature)
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En France, les connaissances épidémiologiques sur la santé de la population carcérale sont issues de quatre études réalisées à l’échelle nationale (tableau 1) :

  • l’enquête « HID-prisons » (Handicap, incapacités, dépendance), mise en œuvre en 2001 par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et l’Institut national d’études démographique (Ined) pour déterminer la prévalence du handicap, des incapacités et des déficiences en milieu carcéral (extension de l’enquête « HID-ménages », elle a été réalisée au moyen de questionnaires administrés par des enquêteurs) 5,6 ;
  • l’enquête réalisée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) en 1999 et reconduite en 2003 sur la santé des personnes entrant en maison d’arrêt (recueil de données réalisé par les professionnels de santé exerçant en milieu carcéral) 1 ;
  • l’enquête mise en œuvre par Cemka-Eval en 2004 pour déterminer la prévalence des troubles psychiatriques en milieu carcéral (réalisation sur la base d’entretiens cliniques et la passation d’outils psychométriques) 7 ;
  • l’enquête Prévacar (2010), mise en œuvre par l’InVS pour déterminer la prévalence du VIH, du VHC et des traitements de substitution aux opiacés en milieu carcéral (recueil réalisé à partir des dossiers médicaux des personnes détenues) 8,9.

Les pathologies couvertes par les enquêtes françaises correspondent à celles qui sont bien documentées dans la littérature internationale, notamment les maladies infectieuses, les addictions et les pathologies mentales. Ces études fournissent des données nationales de référence mais, hormis Prévacar réalisée récemment, la plupart remontent à une dizaine d’années ou plus et n’ont pas été réactualisées. Il n’existe par ailleurs aucune donnée française de prévalence des maladies chroniques (cardiovasculaires, respiratoires, cancéreuses, diabète) et les autres thématiques de santé (dermatologie, santé bucco-dentaire…), lorsqu’elles sont étudiées, font l’objet d’études réalisées localement, à l’échelle d’un établissement ou d’une région pénitentiaire.

Néanmoins, les principaux résultats de ces études (tableau 4) témoignent d’une situation similaire à celle des autres pays, à savoir une surreprésentation de toutes les addictions (un tiers des détenus concernés par une addiction à l’alcool ou à la drogue), des troubles mentaux (prévalence de la schizophrénie multipliée par 4) et des maladies infectieuses (prévalence du VIH de 2% versus 0,5% en population générale). Par ailleurs, d’après l’enquête HID-prisons, la prévalence du handicap est 2 fois plus élevée en prison qu’en population générale. En effet, deux tiers des personnes détenues présentent au moins une déficience versus un tiers en population générale. Il faut cependant préciser que cette enquête, déclarative en face-à-face, englobe les déficiences au sens large du terme, à savoir l’ensemble des déficiences physiques, viscérales, sensorielles, intellectuelles et psychiques 5,6.

Tableau 4 : Principales prévalences des pathologies en milieu carcéral documentées dans les études françaises
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Discussion et conclusion

L’analyse de la littérature internationale publiée sur la santé des personnes détenues met en évidence trois niveaux de documentation selon les pathologies considérées. Le niveau de documentation le plus élevé concerne les maladies infectieuses, les pathologies mentales et les addictions. En France aussi, ces pathologies sont celles qui sont le mieux documentées, et les résultats obtenus sont convergents avec ceux de la littérature internationale : ils montrent une prévalence de ces pathologies en prison supérieure à celle de la population générale (comme en témoignent les prévalences du VIH et de la schizophrénie, plus de 4 fois supérieures dans la population carcérale 7,9). Pour les maladies chroniques (niveau de documentation moyen), les données disponibles sont en nombre insuffisant pour produire des conclusions robustes. Néanmoins, les premiers résultats mettent en évidence l’existence de besoins en la matière, mais pas toujours supérieurs à ceux rencontrés en population générale. Le niveau de documentation le plus faible (peu d’études, le plus souvent locales et de qualité discutable) concerne les thématiques de santé telles que les problèmes bucco-dentaires, ostéo-articulaires, dermatologiques, digestifs et les traumatismes. Les études sur ces thématiques sont, en France comme à l’étranger, encore rares et peu conclusives, mais elles reflètent les préoccupations des professionnels quant à la présence de ces difficultés, leur importance et leur nécessaire inclusion dans le dispositif de prise en charge en milieu carcéral.

Cette revue dresse ainsi un état des lieux des études épidémiologiques disponibles sur la santé des personnes incarcérées, mais elle comporte toutefois plusieurs limites qu’il est nécessaire de discuter. Tout d’abord, cette revue a été restreinte aux publications en langue anglaise ou française, excluant de fait un certain nombre d’études publiées dans d'autres langues, mais dont certaines données ont toutefois pu être incluses indirectement via les méta-analyses et les revues de la littérature intégrées dans ce travail. Les études retenues présentent par ailleurs de nombreuses disparités rendant difficiles les comparaisons entre pays, et les méthodologies employées sont de qualité inégale. Il existe parfois des biais d’échantillonnage, liés aux taux de participation, qui ne sont que rarement évoqués. Les critères d’inclusion sont variables (études limitées aux entrants en détention, ou à la population carcérale masculine, ou encore portant sur l’intégralité des personnes détenues), ne permettant pas toujours de distinguer les prévalences des pathologies relevées lors de l’incarcération de celles présentes ou développées en cours de détention 1,4,11. Enfin, les comparaisons avec les prévalences en population générale sont rares car complexes à réaliser, en raison d’une nécessaire standardisation sur le sexe et l’âge qui n’est pas toujours effectuée, et du fait que les données en population générale n’incluent pas les personnes détenues.

Malgré certaines limites méthodologiques, les données épidémiologiques disponibles sur la santé des personnes incarcérées rendent compte d’une surreprésentation de nombreuses pathologies dans cette population, notamment en matière de troubles psychiatriques, d’addictions et de maladies infectieuses. La population carcérale est en effet à risque avant même l’incarcération (les politiques pénales en matière de législation sur les stupéfiants ou de responsabilité pénale par exemple concentrent en prison des personnes défavorisées et/ou cumulant de nombreuses difficultés en matière de toxicomanie ou de santé mentale) et les conditions de détention elles-mêmes génèrent certaines situations à risque (surpopulation, confinement, promiscuité…).

Au regard de la situation et de l’important turn-over ayant cours en détention (plus de 88 000 entrées par an en prison en France 2), il serait donc important de développer une surveillance régulière de cette population et/ou de réaliser des enquêtes épidémiologiques de grande envergure, avec des méthodologies rigoureuses et couvrant l’ensemble des problématiques de santé, incluant les maladies chroniques et les pathologies encore peu étudiées actuellement. Ces enquêtes permettraient de surveiller l’état de santé des personnes détenues et, ainsi, de mettre en place une prise en charge et une prévention adaptées.

Remerciements

Les auteurs remercient les membres du comité de pilotage constitué pour suivre les travaux de l’InVS sur la surveillance épidémiologique de la santé des personnes détenues, ainsi que l’ensemble du Département des maladies chroniques et traumatismes de l’InVS.

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Citer cet article

Godin-Blandeau E, Verdot C, Develay AE. La santé des personnes détenues en France et à l’étranger : une revue de la littérature. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(35-36):434-40.