Migrants en situation de vulnérabilité et tuberculose, suivi et dépistages autour des cas. Enquête au centre de santé du Comede, France, 2009-2011

// Tuberculosis testing and treatment among vulnerable migrants. Survey in Comede healthcare centre, France

Axelle Romby (romby.axelle@gmail.com), Françoise Fleury, Pascal Revault

Comede (Comité médical pour les exilés), Hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre, France
Soumis le 28.08.2012 / Date of submission: 08.28.2012
Mots-clés : Tuberculose | Vulnérabilité | Migrants-étrangers | Dépistage | Continuité des soins
Keywords: Tuberculosis | Vulnerability | Migrants | Testing | Continuity of patient care

Résumé

Introduction -

Le traitement et le suivi de la tuberculose chez les migrants/étrangers en situation de vulnérabilité représentent un enjeu majeur de santé publique. Le Comité médical pour les exilés (Comede) s’intéresse au suivi des patients qui ont consulté dans la structure et aux enquêtes de dépistage dans leur entourage.

Méthode -

Une étude rétrospective des cas de tuberculose chez les patients suivis entre 2009 et 2011 a été menée. Les données sociodémographiques et d’issues de traitement, le vécu de la maladie et les données de dépistage autour de ces cas ont été recueillis.

Résultats -

Sur 13 patients, un a arrêté le traitement. Trois enquêtes n’ont pas pu être réalisées et deux n’ont pas identifié de sujets contact. Seules trois enquêtes ont donné lieu au dépistage des sujets contact identifiés. Des difficultés de communication entre patients et soignants ainsi qu’entre professionnels ont été identifiées.

Conclusion -

Les données de suivi de traitement et d’enquêtes sont semblables à celles retrouvées en population générale. L’étude des cas ayant posé un problème de suivi ou de dépistage a permis d’identifier des pistes d’amélioration. La création d’un réseau régional de prise en charge des patients migrants/précaires souffrant de tuberculose, formant un maillage entre les équipes des centres hospitaliers, des associations et des Centres de lutte antituberculeuse, permettrait d’apporter des réponses mieux adaptées aux problèmes de compréhension et d’exclusion des personnes, et de pallier les difficultés de coordination entre professionnels.

Abstract

Introduction -

The treatment and monitoring of tuberculosis among vulnerable migrants/foreigners represents a major public health issue. The Comede (Medical Committee for the Exiles) aims to monitor persons received in the health centre and screening surveys among their relatives.

Methods -

A retrospective study of tuberculosis in patients followed between 2009 and 2011 was conducted. The collected data were about: social and demographic situation, treatment completed, patient feeling about his/her illness experience and screening data.

Results -

Among 13 patients, one stopped the treatment. Three have not gone through any investigation and for two of them, no contact was identified. There were communication problems between patients and caregivers, and between professionals themselves.

Conclusion -

The data related to monitoring of treatment and investigations are similar to those observed in the general population. The study of cases with monitoring problems revealed different areas that could be improved. Creating a regional network for migrant patients, linking the hospital professionals, medical and community associations and TB centres, would help to deal with problems such as communication, people exclusion and interprofessional coordination.

Introduction

Malgré une diminution constante du nombre de cas de tuberculose en France, les taux de déclaration restent très élevés dans certaines populations, notamment celles dont les conditions socio-économiques sont les plus défavorables et celles originaires de zones d’endémie 1. Ces taux varient en effet de 8,2/100 000 habitants en population générale en France à respectivement 23,4/100 000 et 30,3/100 000 pour Paris et la Seine-Saint-Denis, départements dans lesquels vit une proportion importante de personnes en situation de précarité 2.

Les caractéristiques sociodémographiques des personnes souffrant de tuberculose sont connues et prises en compte dans les plans de lutte et les recommandations nationales 3,4,5. On observe, parmi les cas déclarés, 14,2% de personnes résidant en collectivité et une part importante de personnes nées à l’étranger (environ 50%, dont 36% en Afrique subsaharienne).

Le Comité médical pour les exilés (Comede - http://www.comede.org) est une association qui a pour mission la promotion de la santé des migrants/étrangers en situation précaire, leurs soins et leur accompagnement social, psychologique et médical, ainsi que l’aide à l’accès aux droits. Il reçoit majoritairement des demandeurs d’asile. Les délais d’obtention d’un rendez-vous en préfecture pour le dépôt de la demande d’asile s’allongeant très significativement, cette population est de plus en plus précaire. Dans ce cadre, le centre de santé du Comede, situé à l’hôpital Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne), accueille environ 4 000 personnes par an (dont 60% sont vus en consultation médicale) 6. Majoritairement originaires de zones d’endémie de la tuberculose, les personnes accueillies sont très souvent arrivées en France depuis peu, après un parcours de migration difficile. Elles n’ont pas eu accès au bilan de santé proposé aux migrants ayant un droit au séjour. Ces caractéristiques en font des personnes particulièrement vulnérables à cette maladie. Nous nous sommes interrogés sur la qualité du suivi des patients atteints d’une tuberculose et consultant au Comede, ainsi que sur l’exhaustivité des enquêtes et dépistages réalisés autour de ces cas.

L’objectif principal de cette étude était d'analyser la continuité des soins et la qualité des dépistages réalisés autour d’un échantillon de personnes étrangères migrantes en situation de vulnérabilité, souffrant de tuberculose et suivies au Comede. Les objectifs secondaires étaient d’identifier les freins au bon déroulement du suivi et de la réalisation des enquêtes, et d’en tirer des pistes d’amélioration.

Méthodes

Le Comede propose un bilan de santé aux personnes lors de leur première consultation. Ce bilan comprend notamment un dépistage de la tuberculose par examen clinique et radiographie de thorax 7, complété par un test à l’interféron gamma chez les enfants de 2 à 15 ans depuis 2011. La tuberculose a pu être diagnostiquée par le Comede ou par une autre structure de soins, à travers un dépistage proposé systématiquement et/ou à la suite de signes cliniques. Le suivi est alors réalisé par la structure de soins spécialisée (traitement) et le Centre de lutte antituberculeuse (Clat) du lieu de domicile (recherche autour des cas). Le Comede assure le suivi pluridisciplinaire complémentaire.

Cette étude rétrospective a été réalisée au second semestre 2011. Elle a porté sur les patients atteint d'une tuberculose maladie entre janvier 2009 et octobre 2011 et ayant consulté au moins une fois au centre de santé du Comede sur cette période.

Ont été recueillies, les données relatives au lieu de diagnostic et de suivi de la tuberculose et celles relatives au type et à l’issue de traitement, via l’étude des dossiers du Comede et, en cas de données manquantes, par l’intermédiaire des services hospitaliers qui avaient pris en charge le patient. Certaines données sociodémographiques ont été recherchées : nationalité (et non pas lieu de naissance), langue parlée, durée de séjour et lieu de vie en France, situation administrative et existence ou non d’une couverture maladie. Les Clat des lieux de vie ont été contactés afin de recueillir les informations sur les enquêtes autour des cas : réalisation ou non d’une enquête, nombre de sujets contact (SC) identifiés (SCid), nombre de sujets contact dépistés (SCex) et éventuelles difficultés rencontrées. Les SC ont été considérés comme dépistés lorsqu’ils avaient respecté le schéma de dépistage en place dans le Clat correspondant.

Les patients concernés ont été contactés et un entretien semi-directif mené en face-à-face ou par téléphone par deux enquêteurs, un professionnel de santé publique et un médecin clinicien. L’objectif était de préciser les difficultés qu’avaient rencontrées les Clat et, le cas échéant, les raisons des absences d’enquête, ainsi que la perception des patients sur leurs soins et sur la démarche d’enquête.

Résultats

Sur la période 2009-2011, 12 480 personnes ont été reçues au Comede ; 7 535 étaient des nouveaux patients en consultation médicale et 5 460 ont bénéficié d’un bilan de santé entre janvier 2009 et octobre 2011. Parmi ces derniers, 55 (1%) présentaient une radiographie avec des anomalies pulmonaires ou nécessitaient une orientation pour exploration après l'examen clinique. Parmi eux, 13% (7/55) ont eu un diagnostic de tuberculose maladie. Pour 6 autres patients, le diagnostic a été réalisé dans d’autres structures.

Au total, le centre de santé du Comede a suivi 13 patients atteints de tuberculose maladie entre 2009 et 2011, soit une prévalence estimée de 173/100 000 personnes (considérant les 13 personnes sur les 7 535 nouveaux patients suivis en consultation sur la période janvier 2009- octobre 2011).

Suivis et issues de traitement

Au moment de l’étude, 10 patients avaient terminé leur traitement, 1 l’avait interrompu et 2 étaient encore en cours de traitement (tableau).

Enquête autour d’un cas

Sur les 12 cas nécessitant une recherche de SC, 9 n’ont pas donné lieu à une enquête suivie du dépistage des SC : trois enquêtes n’ont pas été réalisées, trois ont été faites mais n’ont pas identifié de SC et trois ont identifié des SC dont aucun n’a été dépisté. Seules les trois enquêtes restantes ont abouti à un dépistage de SC (tableau).

Dans les trois enquêtes ayant abouti au dépistage de SC, ceux-ci ont quasiment tous été dépistés (tableau). Ils relevaient du même Clat que les cas index.

Tableau : Caractéristiques sociodémographiques des patients au diagnostic, caractéristiques des tuberculoses, issues de traitement et enquêtes autour des cas des 13 patients suivis au Comede, France, 2009-2011
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Dans les trois enquêtes où des SC identifiés n’ont pas été dépistés, dans 2 cas les SC n’étaient pas domiciliés dans le même département que le cas index (les dossiers avaient donc été transférés après enquête). Dans le 3e cas, le cas index et les SC vivaient dans le même département. Ces derniers n'ont pas été considérés comme dépistés, ne s’étant rendus au Clat qu’une fois sur les trois recommandées 3.

Pour les trois enquêtes non réalisées : la première patiente dit n’avoir eu aucun SC, la seule personne qu’elle côtoyait étant décédée peu de temps après le diagnostic des suites d’une autre maladie (pour le Clat, cette patiente a refusé de répondre). Le 2e patient n’a pas été contacté, le Clat ayant pris la décision d’arrêter les investigations suite son absence à une consultation hospitalière, la nécessité d’un interprète et des cultures de BK négatives. À l’issue de cette étude, ce patient a donné les noms de ses SC au Comede (le Clat va donc réaliser le dépistage). Le 3e patient, porteur d’une tuberculose maladie multi-résistante et bacillifère, a été considéré comme vivant au Congo, mais réside en réalité en France où il bénéficie d’un suivi hospitalier (il n'a pas pu être joint).

Sur les 3 personnes ayant donné lieu à des enquêtes et à des SC dépistés, 2 avaient un hébergement stable et 1 vivait dans une église ; 2 avaient un droit au séjour provisoire et une couverture maladie, tandis que la dernière ne bénéficiait ni de l’un ni de l’autre (tableau).

Entretien autour de la prise en charge, du traitement et de l’enquête autour d’un cas

Sur les 13 patients, 8 ont pu être contactés pour un retour sur leur suivi. Les 5 autres avaient des numéros de téléphone non valides ou n’ont pas rappelé après trois messages.

Parmi ces 8 personnes, 6 avaient fini leur traitement et 1 était en cours de traitement. Elles ont toutes déclaré avoir été satisfaites de leur prise en charge et de leur suivi.

Le dernier patient avait interrompu son traitement. Il considérait avoir été mal informé, n’avait pas compris et mal vécu le terme de « suspicion » diagnostique, sa mise sous traitement en l’absence de confirmation bactériologique et l’isolement du début d’hospitalisation. Il avait également mal supporté le traitement (effets secondaires).

Pour ces 8 personnes, 5 enquêtes ont pu être réalisées (même si toutes n’ont pas abouti au dépistage des SC) et toutes se sont dites satisfaites du contact et de la démarche.

Quatre patients ont pu informer sans difficulté leur entourage de leur maladie. Deux étaient très isolées et n’en avaient parlé à personne (l’une a été abandonnée par ses proches à l’annonce de sa séropositivité VIH ; l’autre a perdu son unique contact, décédé des suites d’une autre maladie). Pour 2 personnes, l’annonce de la tuberculose a mis en danger l’hébergement, l’une a été obligée de quitter son logement et l’autre s’est vue menacer de devoir partir mais a réussi à garder son logement.

Discussion

La petite taille de l'échantillon ne permet pas de généraliser les observations de cette étude. Le biais de mémoire possible pour les résultats recueillis lors de l’entretien a été considéré comme mineur, les plus anciennes tuberculoses datant de deux ans avant l’étude. Le positionnement d’aidant associatif du Comede vis-à-vis de cette population permet de penser que les personnes ont parlé ouvertement des problèmes rencontrés.

La prévalence de la tuberculose est probablement sous-estimée. Les patients sont souvent récemment arrivés et la médiane de leur suivi au Comede est de 2 mois au cours de la période considérée. La probabilité de survenue de la maladie étant maximale au cours de la première année après la migration, une partie d’entre eux déclare la maladie peu de temps après 8.

Les issues de traitement sont assez favorables, un seul patient l’ayant interrompu car il ne le comprenait pas et souffrait d’effets secondaires. Dans cette situation, le travail de liaison hôpital-association aurait pu être mieux géré, en permettant d’améliorer la compréhension du traitement et de son observance par un travail de médiation.

L’information de l’entourage en vue d’un dépistage peut poser problème. Cette population, déjà précaire d’un point de vue administratif et financier, s’expose au moment de l’annonce de la maladie à un rejet et à un isolement social aggravant encore sa situation. Les associations travaillant avec ces populations pourraient davantage servir de relais et de soutien à cette annonce, afin d’éviter les situations d’exclusion.

Bien que nous ayons observé de relativement bons résultats pour les issues de traitement, la précarité des conditions de logement et les difficultés d’accès aux soins et de droit au séjour peuvent être autant de freins à l’adhésion à un traitement long et contraignant.

La mise à disposition de solutions d’hébergement pour les personnes en situation de grande vulnérabilité et souffrant de tuberculose permettrait, d’une part, de s’assurer de leur observance au traitement, afin d’éviter la rupture de soins et l’émergence de résistances, et d’autre part de faciliter leur inscription dans le système de santé. L’importance d’un logement stable pour l’observance thérapeutique a été prouvée dans le champ du VIH 9.

Trois patients nécessitaient l’intervention d’un interprète et en ont bénéficié, sans que cela entraîne une différence dans le suivi ou la réalisation des enquêtes. Le recours à l’interprétariat est indispensable pour plus de la moitié de la file active du Comede, confirmant la fréquence du problème de la langue chez les migrants en situation de précarité récemment arrivés en France. L’utilisation de l’interprétariat professionnel par l’ensemble des acteurs de la lutte contre la tuberculose, quand cela est nécessaire, apparaît essentielle pour l’efficacité de l’action. Pour certains patients, le recours à un médiateur de santé peut également être utile, la barrière de la langue étant parfois doublée de difficultés liées à des incompréhensions entre soignants et soignés.

Le travail d’enquête et de dépistage des Clat est plus difficile à mener chez les migrants précaires 10,11,12. Bien que les trois quarts des patients aient donné lieu à une enquête et la moitié à l’identification de SC, seules 3 personnes (soit un quart) ont donné lieu à une enquête dont les SC ont été dépistés. Les objectifs nationaux sont de 100% d’enquêtes réalisées et de 90% d’enquêtes identifiant des SC.

Environ deux tiers des SCid ont été explorés (l’objectif national est de 90%), mais ce résultat est comparable à ceux obtenus en population générale 3.

Une revue de la littérature des dépistages effectués autour de cas nés à l’étranger montre un nombre moyen de SC identifiés plus élevé (7,5 vs. 3,4 pour les patients de cette enquête) et un taux de dépistage plus élevé également (73,5%) 13. Le faible nombre de SC identifiés peut être lié au grand isolement des personnes consultant au Comede. Le recueil des cas d’isolement relationnel et/ou d’isolement social ayant été initié en 2011, ces déterminants pourront bientôt être documentés.

Les difficultés linguistiques, les réticences des patients devant une démarche pouvant paraître intrusive et leur grande mobilité rendent l’identification des SC difficile. Ces éléments, associés à la difficulté des professionnels à s’adapter à ces obstacles éventuels, peuvent constituer des freins à la mise en œuvre effective des enquêtes et des dépistages, expliquant les résultats des enquêtes.

Un système de recueil des facteurs de difficultés de suivi ou de réalisation efficace d’enquêtes, partagé entre services hospitaliers, Clat et associations, pourrait permettre de repérer plus rapidement les situations difficiles et de travailler de façon collégiale dès le diagnostic.

Pour les enquêtes ayant abouti à des SC identifiés mais non explorés, les SC ne vivaient pas dans le même département que le cas index et ne dépendaient donc pas du même Clat. L’enquête pour laquelle nous ne disposons pas d’information mais dont les SC semblent avoir été explorés se trouve dans le même cas. Le Clat ayant réalisé le dépistage n’a pas conservé de dossier, car le cas index n’était pas sur son territoire. La liaison entre les Clat départementaux est apparue dans ces cas comme un élément indispensable au bon déroulement du dépistage. Il serait intéressant de travailler au niveau régional sur cette coordination.

Par ailleurs, deux personnes pour lesquelles les enquêtes n’ont pas été faites ont été recontactées. Il semble qu’un problème de communication se soit posé pour l’une d’elles. Pour l’autre, les équipes du Clat ont pris la décision d’arrêter les investigations. Un partenariat entre Clat et associations pourrait permettre une médiation et limiterait ces situations, sur la base de la mesure d’indicateurs de vulnérabilité partagés.

Le plan régional de lutte contre la tuberculose prévoyait, en 2008, la création d’un réseau précarité-migrant-tuberculose 4. Ce réseau, qui n’a pas encore été créé, permettrait une articulation entre hôpitaux, Clat et associations autour des patients ayant besoin d’un maillage plus étroit, pour le suivi du traitement, pour une médiation avec l’entourage, pour la réalisation de l’enquête et pour le dépistage des SC. Il pourrait se concevoir comme un groupe de travail régional opérationnel, se réunissant autour des cas posant ou susceptibles de poser problème. Bien que non illustrée ici, l’articulation entre régions peut également poser problème. Les Agences régionales de santé (ARS) pourraient jouer le rôle de relais dans le cas de mobilité interrégionale des patients, afin de s’assurer de la bonne coordination entre les structures. La création d’un réseau informatique commun pourrait également constituer une solution aux pertes d’informations liées à la mobilité intra-régionale des personnes et au manque de coordination entre les Clat. Cette problématique doit également être portée par d'autres acteurs, tant dans le cadre de la lutte contre les inégalités sociales de santé que dans les politiques d'accueil des étrangers/migrants en France.

Conclusion

Les patients migrants en situation de vulnérabilité suivis au Comede et souffrant de tuberculose étaient, dans cette étude, globalement observants. Une part significative de ces patients n’a pu bénéficier d’une enquête aboutie autour d’un cas. Des difficultés ont été identifiées dans le suivi et la réalisation des enquêtes. Ces difficultés sont dues, le plus souvent, à un défaut de compréhension entre soignants et soignés, problèmes liés à l’absence de langue commune ou à l’absence de prise en compte des spécificités de la vulnérabilité de ces patients. Le maintien de l’hébergement dans de bonnes conditions doit être anticipé dans le cadre d’une enquête, l’annonce pouvant fragiliser la situation sociale de la personne (stigmatisation). Les associations travaillant avec les migrants, et plus particulièrement avec les migrants en situation de vulnérabilité, pourraient ici jouer un rôle de médiation et de facilitateur qui apparaît indispensable. Le recours à l’interprétariat physique ou téléphonique - à chaque fois que nécessaire - est aussi primordial. Des difficultés liées à l’articulation entre les acteurs sont également apparues. Malgré le faible effectif des cas index de cette étude, les résultats obtenus confirment ceux de la littérature et les remontées des professionnels de terrain. Ainsi, la création d’un réseau opérationnel autour des personnes migrantes et vulnérables souffrant de tuberculose, articulant hôpital, Clat et associations, sur la base d’un recueil commun d’indicateurs de vulnérabilité, semble particulièrement pertinente et urgente. Si les problématiques d’hébergement sont bien documentées, la protection maladie, le droit au séjour, l’isolement relationnel et social sont des cofacteurs qui doivent être également être pris en compte dans l’adaptation du suivi et de l’accompagnement des personnes.

Remerciements

Aux personnes touchées par la tuberculose qui ont répondu aux questions ; aux Clat et aux services hospitaliers ; à D. Che de l’Institut de veille sanitaire (InVS) pour ses conseils, A. Veïsse du Comede pour son soutien à l’étude et la Dases (Direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé) pour son aide au dépistage radiographique.

Références

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Citer cet article

Romby A, Fleury F, Revault P. Migrants en situation de vulnérabilité et tuberculose, suivi et dépistages autour des cas. Enquête au centre de santé du Comede, France, 2009-2011. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(28-29):348-53.