Situation socioéconomique des personnes vivant avec le VIH suivies à l’hôpital en France métropolitaine en 2011. Premiers résultats de l’enquête ANRS-Vespa2

// Socioeconomic conditions of people living with HIV followed at hospital in metropolitan France. Results of the ANRS-VESPA2 Study

France Lert (france.lert@inserm.fr)1,2, Margot Annequin1,2, Laure Tron1,2, Cindy Aubrière1,2, Christine Hamelin1,2, Bruno Spire3,4,5, Rosemary Dray-Spira1,2 et le groupe Vespa2

1 Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Inserm, U1018, Villejuif, France
2 Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, UMRS 1018, Villejuif, France
3 Inserm, UMR912 (Sesstim), Marseille, France
4 Aix-Marseille Université, UMR-S912, IRD, Marseille, France
5 ORS Paca - Observatoire régional de la santé Provence-Alpes-Côte d'Azur, Marseille, France
Soumis le 09.04.2013 / Date of submission: 04.09.2013
Mots-clés : Infection à VIH | Conditions de vie | Statut social | France
Keywords: HIV infection | Living conditions | Social status | France

Résumé

Bien que les dernières années aient confirmé l’efficacité des traitements antirétroviraux, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) subissent la détérioration du contexte socioéconomique général. Cet article a pour objectif de décrire les caractéristiques démographiques, sociales et économiques des PVVIH en 2011 et leur évolution depuis 2003, en France.

Les données présentées reposent sur l’enquête ANRS-Vespa2 (VIH : Enquête sur les personnes atteintes), enquête nationale représentative auprès des PVVIH suivies à l’hôpital en 2011, qui fait suite à une première enquête réalisée en 2003 selon un protocole similaire. Les données ont été analysées selon plusieurs groupes sociodémographiques : hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, usagers de drogues, personnes originaires d’Afrique subsaharienne, autres.

L’âge médian est passé de 41 à 48 ans entre 2003 et 2011. Les immigrés représentent un tiers des PVVIH contre 21% en 2003, hausse en lien avec une forte augmentation des personnes originaires d’Afrique subsaharienne, en particulier des femmes. Près de la moitié des personnes vivent seules ou en famille monoparentale, proportion stable depuis 2003. En revanche, le taux d’activité professionnelle a augmenté de 5 points depuis 2003. La proportion d’allocataires des minima sociaux est stable, mais les difficultés financières sont devenues plus fréquentes. Près de 9 personnes sur 10 ont un logement personnel, situation stable depuis 2003, avec une augmentation de 3% des propriétaires. Ces caractéristiques diffèrent fortement selon les groupes sociodémographiques, avec des conditions de vie particulièrement difficiles pour les personnes infectées par usage de drogue et pour les malades originaires d’Afrique subsaharienne.

Ainsi, parmi les PVVIH, les progrès thérapeutiques ont peu de traduction en termes d’amélioration de la situation sociale.

Abstract

Recent years have seen the efficacy of antiretroviral treatments confirmed. However, people living with HIV (PLWH) face the deterioration of the overall social and economic environment. This article aims at describing the main features of PLWH’s socioeconomic conditions in the current context in France.

Results are based on data from the ANRS-VESPA2 Study, a national representative survey conducted in 2011 among HIV-infected hospital outpatients, following a first study conducted in 2003 using the same protocol. This article provides descriptive information on demographic, social and economic characteristics of PLWH in 2011, overall and by socio-epidemiological group, and their time trends since 2003.

Median age increased from 41 to 48 years between 2003 and 2011. Immigrants account for a third of PLWH in 2011 versus 21% in 2003, an increase attributable to persons originating from sub-Saharan Africa, particularly women. Almost half of the population lives alone or in a single-parent family, proportion unchanged since 2003. The rate of occupational activity increased by 5 points since 2003. The proportion of beneficiaries of social welfares showed limited change, though financial difficulties have become more frequent. Almost 9 persons out of 10 have a personal accommodation, proportion unchanged since 2003 though the proportion of homeowners increased by 3%. These characteristics show marked differences across the various socio-epidemiological groups, with particularly adverse living conditions among persons infected through intravenous drug use and among patients originating from sub-Saharan Africa.

These results suggest that among PLWH, therapeutic advances have resulted in limited changes regarding social conditions.

Introduction

Les dernières années ont confirmé l’efficacité des traitements antirétroviraux (ARV) avec l’enrichissement de la palette thérapeutique, la recommandation d’une initiation plus précoce permettant un meilleur contrôle de la réplication virale et une réponse immunitaire améliorée, en plus d’un effet préventif sur la transmission du virus 1,2. Dans le même temps, comme l’ensemble de la population française, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont fait face à la détérioration du contexte socioéconomique, notamment en termes d’emploi et de revenus. La population vivant avec le VIH est aussi particulièrement concernée par les infléchissements de la protection sociale ou par le renforcement des mesures restrictives sur l’entrée, le séjour et l’accès aux soins des étrangers. Cet article a pour objectif de décrire, dans le contexte actuel, les grands traits de la situation socioéconomique de la population des PVVIH en France.

Matériel et méthodes

Enquête nationale représentative auprès de la population vivant avec le VIH suivie à l’hôpital, l’enquête Vespa2 (VIH : Enquête sur les personnes atteintes) conduite en 2011 fait suite à une première enquête réalisée en 2003 3 selon un protocole similaire (voir le focus « Méthodologie générale de l’enquête ANRS-Vespa2 »,dans ce même numéro).

Cet article analyse les caractéristiques démographiques (âge, nationalité, pays de naissance, type de ménage, ainsi que l’année, l’âge et les circonstances de l’arrivée en France pour les personnes étrangères), sociales (niveau de diplôme, profession et catégorie socioprofessionnelle) et économiques (situation d’emploi, ressources, conditions de vie et conditions de logement) des PVVIH. Les données sont présentées globalement pour l’ensemble des PVVIH, en mettant en évidence les évolutions entre 2003 et 2011, et séparément par groupe socio-épidémiologique : hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), hommes et femmes ayant utilisé des drogues par injection au cours de la vie (UDI), hommes et femmes immigrés originaires d’Afrique subsaharienne, et un groupe « autres » constitué d’hommes et de femmes, français ou immigrés nés hors d’Afrique subsaharienne, infectés principalement lors de relations sexuelles avec un partenaire de sexe opposé.

Toutes les données présentées sont pondérées et redressées, fournissant ainsi des estimations extrapolables à l’ensemble de la population séropositive diagnostiquée depuis au moins six mois et suivie à l’hôpital à l’échelle de la France métropolitaine. Les comparaisons entre 2003 et 2011 ont été effectuées par des tests du Chi2, en prenant pour référence le seuil de signification de 0,05.

Résultats

Caractéristiques de la population vivant avec le VIH en 2011 et comparaison avec 2003

Près de la moitié de la population séropositive prise en charge à l’hôpital en 2011 vit en Île-de-France (47,8%), proportion stable par rapport à 2003. Cette surreprésentation des PVVIH en Île-de-France est beaucoup plus marquée pour les immigrés d’Afrique subsaharienne (tableau 1).

Tableau 1 : Caractéristiques démographiques des personnes vivant avec le VIH et suivies à l’hôpital en France métropolitaine, globalement et par groupe socio-épidémiologique. Enquêtes ANRS-Vespa (2003) et ANRS-Vespa2 (2011), pourcentages pondérés et redressés
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Caractéristiques sociodémographiques

L’âge médian a significativement augmenté entre 2003 et 2011, de 41 à 48 ans. Ainsi, en 2011, les moins de 40 ans représentent moins du quart des PVVIH (contre 40,8% en 2003), tandis que la proportion des plus de 50 ans a doublé, passant de 19,8% en 2003 à 41,2% en 2011 ; 13,3% ont 60 ans ou plus, dont plus de la moitié ont entre 60 et 65 ans.

Les immigrés représentent un tiers de la population vivant avec le VIH. Parmi eux, 77,0% sont de nationalité étrangère et 23,0% sont devenus Français par naturalisation. L’origine d’Afrique subsaharienne prédomine nettement dans la population immigrée (75,5%, soit 24,4% de l’ensemble des PVVIH), tandis que les personnes originaires des pays de l’Union européenne (UE) en représentent 8,6% et celles originaires du Maghreb 5,6%. La proportion d’immigrés au sein des PVVIH est en augmentation depuis 2003, principalement du fait de la forte augmentation de la population d’immigrés africains, en particulier parmi les femmes. Parmi les Français de naissance, un peu plus d’une personne sur 5 (21,7%) a un parent immigré, originaire pour la majorité des trois pays du Maghreb ou, dans une moindre mesure, d’un pays d’Europe du sud (Italie, Espagne, Portugal).

Un peu moins de la moitié de la file active (46,6%) a le baccalauréat ou un diplôme supérieur : 19,7% ont un diplôme de niveau Bac+3 ou plus élevé, tandis qu’environ 1 personne sur 5 a un niveau d’études primaires. En termes de catégorie socioprofessionnelle, plus de la moitié des personnes séropositives sont dans les catégories employé ou ouvrier, proportion stable depuis 2003. En revanche, la part des cadres a augmenté et celle des professions intermédiaires a diminué depuis 2003.

Près de la moitié (48,7%) des personnes vivent seules ou en famille monoparentale, proportion stable depuis 2003. En revanche, la part des personnes vivant en couple, et plus particulièrement celle des couples avec enfants, a diminué (de 16,4% à 13,1%) entre 2003 et 2011.

Activité professionnelle, ressources et conditions de vie (tableau 2).

La situation d’emploi est décrite pour les moins de 60 ans (86,7% des PVVIH), compte tenu de l’âge légal de la retraite jusqu’en 2009. Parmi eux, 58,5% travaillent, 13,0% sont en recherche active d’emploi, 19,4% en invalidité. Le taux d’activité (personnes occupées ou en recherche d’emploi) gagne 5 points entre 2003 et 2011, tandis que l’invalidité perd près de 2 points. Au moment de l’étude, 5,4% sont en congé maladie, dont un peu moins de 1 sur 2 (47,8%) depuis plus de 6 mois.

Tableau 2 : Emploi, ressources et conditions de vie des personnes vivant avec le VIH et suivies à l’hôpital en France métropolitaine, globalement et par groupe socio-épidémiologique. Enquêtes ANRS-Vespa (2003) et ANRS-Vespa2 (2011), pourcentages pondérés et redressés
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La médiane du revenu par unité de consommation est de 1 333€ par mois. Parmi les moins de 60 ans, la proportion d’allocataires des minima sociaux (Allocation adulte handicapé - AAH et Revenu de solidarité active - RSA) est restée globalement stable entre 2003 et 2011. Cependant, la part de l’AAH est en baisse de 20,0% à 17,5%, tandis que les allocataires du RSA (anciennement Revenu minimum d’insertion - RMI) augmentent de 4,5% à 6,5%. En 2011, 8,7% des moins de 60 ans reçoivent une pension d’invalidité de la sécurité sociale ou d’un autre organisme.

L’évaluation subjective de l’aisance financière -capacité pour les ménages à faire face à leurs besoins- est plus défavorable en 2011 qu’en 2003, avec une augmentation des personnes déclarant faire face difficilement à leurs besoins ou devoir s’endetter pour y parvenir (de 28,7% à 31,5%), et une baisse de plus de 5 points des personnes se déclarant à l’aise ou très à l’aise (de 41,7% à 36,5%). Les privations alimentaires par manque d’argent sont rapportées en 2011 comme en 2003 par 1 personne sur 5. En outre, 8% des répondants rapportent utiliser les aides alimentaires caritatives. Un indicateur de restriction de consommation 4, utilisé dans les enquêtes européennes pour mesurer la pauvreté en conditions de vie (impossibilité de satisfaire des besoins fondamentaux comme l’alimentation, le chauffage du logement, la célébration des événements festifs, etc.) a été introduit dans le questionnaire en 2011. Selon les critères de l’Insee, plus d’une personne sur 4 (28,2%) rapporte un niveau élevé de restriction de consommation (au moins 4 restrictions de consommation parmi les 9 de l’échelle Insee).

Près de 9 personnes sur 10 ont un logement personnel, avec une augmentation de 3 points des personnes propriétaires de leur logement (de 28,2% à 31,6%).

Participation à la vie des associations de patients

Plus d’un tiers des répondants ont donné de l’argent aux associations de lutte contre le sida dans les 12 mois précédant l’enquête, 13,5% ont participé à des activités proposées par les associations, 9% se déclarent militants ou volontaires associatifs. La participation aux activités est plus élevée en 2011 qu’en 2003 (13,5% versus 11,6%), tandis que la proportion de ceux qui font des dons est en recul (37,3% versus 40,3%).

Caractérisation de la population vivant avec le VIH en 2011 par groupe socio-épidémiologique (tableaux 1 et 2)

Hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH)

En 2011, les HSH ont un âge médian de 49 ans ; seulement 4% ont moins de 30 ans et 16,3% plus de 60 ans. Près de 9 sur 10 sont Français de naissance, parmi lesquels 16,5% ont au moins un parent immigré. Par rapport à 2003, la proportion des immigrés a augmenté dans ce groupe (de 6,9% à 9,1%), mais de façon non significative.

La situation sociale des HSH est plus favorable en moyenne que celle des autres PVVIH. Ils appartiennent pour plus de la moitié (52%) aux catégories cadre supérieur ou profession intermédiaire.

L’isolement gagne du terrain par rapport à 2003, ces hommes vivant majoritairement seuls (54,8% contre 50,9% en 2003).

Au moment de l’enquête, près de 7 hommes sur 10 travaillent et 7,9% cherchent un emploi, soit une situation d’emploi similaire à celle de 2003. Un homme sur 5 reçoit une allocation d’invalidité, et dans un cas sur deux il s’agit de l’AAH. Le revenu mensuel médian est de 2 000€ et plus de la moitié se déclarent sans difficulté financière, en baisse par rapport à 2003 (51,3% en 2011 contre 54,6% en 2003). Plus de 90% ont un logement personnel et 44,2% en sont propriétaires, soit une hausse de plus de 8 points entre 2003 et 2011.

Usagers de drogue par injection (UDI)

Les personnes infectées par injection de drogue ont un âge médian de 49 ans pour les hommes et 48 ans pour les femmes, aucune n’a moins de 30 ans et très peu ont dépassé 60 ans (respectivement 1,5% et 3,1% selon le sexe). Près de 9 sur 10 sont Français de naissance, dont plus de 35% sont descendants d’immigrés. Parmi ces derniers, les parents originaires du Maghreb dominent, en particulier d’Algérie et de Tunisie.

Deux tiers environ des UDI appartiennent aux catégories employé ou ouvrier. La proportion de personnes en invalidité est très élevée (48,9% chez les hommes et 58,2% chez les femmes) et a augmenté depuis 2003. En corollaire, le taux d’activité professionnelle est particulièrement bas dans cette population (35,8% des hommes et 18,2% des femmes sont actifs, en baisse par rapport à 2003).

Avec un revenu médian de 1 000€/mois, hommes et femmes sont nombreux à déclarer des difficultés financières (respectivement 43,3% et 48,7%). Plus d’un quart des hommes et 40,3% des femmes rapportent des privations alimentaires par manque d’argent. Ces indicateurs de conditions de vie se sont détériorés par rapport à 2003. En outre, les hommes sont 16,6% à ne pas avoir de logement personnel, les femmes moins de 10%, chiffres stables par rapport à 2003.

Immigrés originaires d’Afrique subsaharienne

Les immigrés d’Afrique subsaharienne viennent pour plus de 80% de cinq pays, dans l’ordre : Côte-d’Ivoire, Cameroun, Congo-Brazzaville, République démocratique du Congo et Centrafrique. Les femmes sont majoritaires (66,5%), dans des proportions comparables à 2003. L’écart d’âge entre hommes et femmes est de 9 ans, ils ont respectivement 48 et 39 ans d’âge médian, 26,2% des hommes et 51,9% des femmes ont moins de 40 ans.

Dans cette population, 17,2% des hommes et 22,0% des femmes ont acquis la nationalité française. Parmi les personnes de nationalité étrangère, 4 sur 10 ont une carte de résident, la moitié une carte de séjour d’un an, et 1 sur 10 a déclaré être en cours de régularisation ou « sans papier ». Au moment de l’enquête en 2011, l’ancienneté de l’arrivée en France de ces personnes immigrées est respectivement de 11 et 9 ans en médiane, avec 36,6% des hommes et 43,5% des femmes arrivés en France depuis 2003.

Alors que 37,4% des hommes ont un diplôme universitaire, c’est le cas de seulement 11,1% des femmes, qui se concentrent dans les niveaux inférieurs au bac (70,6%). Les ouvriers et les employés sont très largement majoritaires dans les deux sexes (respectivement 70,2% des hommes et 87,5% des femmes).

Hommes et femmes se distinguent quant à leur mode de vie : 45,7% des hommes et 36,1% des femmes vivent en couple, et 2,3% et 31,9%, respectivement, vivent seul(e)s avec des enfants.

La situation d’activité des immigrés d’Afrique subsaharienne se distingue par un taux de chômage élevé (près d’un quart des hommes et des femmes cherchent un emploi) et un taux d’invalidité très bas (5,8% et 9,5%).

Avec un revenu médian par mois de 964€ chez les hommes et 783€ chez les femmes, les difficultés financières concernent respectivement 49,4% et 55,9% d’entre eux, tandis que 28,9% et 34,3% rapportent des privations alimentaires, soit une situation moins mauvaise qu’en 2003. Comparées aux hommes, les femmes sont plus nombreuses à recevoir un minimum social. Près d’une personne sur 5 n’a pas de logement personnel, ce qui marque cependant une amélioration par rapport à 2003.

Autres hommes et femmes

Cette catégorie rassemble principalement des personnes infectées lors de relations sexuelles avec un partenaire de l’autre sexe. Elle est constituée en grande majorité par des Français de naissance (85,5% chez les hommes et 85,1% chez les femmes, dont plus d’un sur 5 a un parent immigré). Parmi les immigrés, les origines sont diverses (Maghreb : 4,4% ; Union européenne : 4% ; autres : 6,1%). Les hommes, âgés de 53 ans en médiane et comptant 28,3% de plus de 60 ans, sont plus âgés que les femmes (âge médian de 47 ans, 16,3% de plus de 60 ans).

La distribution des catégories sociales est assez voisine entre hommes et femmes, les femmes comptant plus d’employés et les hommes plus d’ouvriers. Les hommes vivent plus souvent en couple que les femmes (53,9% contre 42,4%).

La proportion de personnes en emploi est plus élevée chez les hommes que chez les femmes (62,9% contre 57,4%) tandis que les pourcentages de chômeurs sont voisins (9,7% et 9,9%). Le taux d’invalidité atteint presque 20%. Par rapport à 2003, la proportion d’actifs en emploi est un peu plus élevée et le taux de chômage stable.

Les allocataires des minima sociaux sont plus nombreux chez les femmes (RSA : 8,5% ; AAH : 21,3%) que chez les hommes (5,8% et 13,9%). Ainsi, les hommes ont un niveau de revenu plus élevé que les femmes (1 533€ contre 1 300€), avec pour corollaire la déclaration d’un meilleur niveau d’aisance financière. Les hommes sont plus souvent propriétaires de leur logement que les femmes, avec une augmentation pour les deux sexes par rapport à 2003. Cependant, la proportion d’hommes sans logement personnel est un peu plus élevée que celle des femmes (12,1% contre 5,9%).

Discussion

Les évolutions de la situation socioéconomique des PVVIH sont restées modestes entre les deux vagues de l’enquête Vespa, espacées de huit ans. Ceci est à mettre en relation avec différents phénomènes. Tout d’abord, la chronicité de l’infection et la forte baisse de la mortalité 5 ont conduit à un faible renouvellement de la population des PVVIH entre 2003 et 2011. En 2003, les personnes atteintes vivaient déjà avec le VIH depuis une durée médiane de 10 ans environ et étaient âgées d’une quarantaine d’années en moyenne. Leurs trajectoires sociales étaient donc probablement déjà en grande partie tracées. Cependant, on ne peut exclure que l’amélioration de la situation sociale rendue possible par les progrès thérapeutiques ait pu être contrainte par l’infection. Par ailleurs, l’évolution des conditions de vie des PVVIH entre 2003 et 2011 a probablement été influencée par la crise économique majeure apparue en 2008, dont les effets sur la dégradation du contexte socioéconomique général sont massifs. Enfin il faut ajouter, pour comprendre les conditions de vie difficiles d’une partie importante des PVVIH, l’effet de facteurs défavorables tels que le fait de vivre seul et donc d’avoir moins de ressources que les personnes en couple, la fréquence des situations d’inactivité et, pour les immigrés, une immigration assez tardive dans l’âge adulte (30 ans environ pour les immigrés d’Afrique subsaharienne). Ainsi, l’inertie du profil social de la file active serait la résultante, d’une part, d’une amélioration de la santé et du pronostic, qui joue en faveur d’une meilleure insertion et, d’autre part, d’une détérioration du contexte social qui lui est défavorable. On observera cependant la progression de la proportion de propriétaires de leur logement, certes inégale selon les groupes, à mettre à l’actif du combat pour l’accès au crédit des personnes séropositives. Toutefois, la propriété du logement reste très inférieure à celle mesurée en population générale (32% contre 58%) 6. Ces évolutions globales masquent des différences importantes entre les groupes socio-épidémiologiques et pourraient s’expliquer en partie par les changements de composition de la population des PVVIH survenus entre 2003 et 2011 (voir l’article de R. Dray-Spira et coll. dans ce même numéro).

L’étude Vespa2 apporte une information nouvelle sur les Français issus de l’immigration, sur lesquels on ne disposait à ce jour d’aucune donnée. En France, d’après les données de l’Insee, les descendants directs d’immigrés (qu’ils soient de nationalité française ou non) comptent pour 9,2% de la population générale 7 ; par comparaison, ils constituent 12,9% de la population enquêtée dans Vespa2. Cette proportion est particulièrement élevée chez les usagers de drogue, où elle dépasse 30%, avec une surreprésentation des descendants d’Algériens et de Tunisiens, reflétant une épidémie de toxicomanie et de sida qui a touché spécifiquement ces populations issues de l’immigration dans les années 1980. À noter que ces observations concernent uniquement les personnes survivantes en 2011 au sein de cette population des UDI, qui a été et reste affectée par une très forte mortalité 5. La proportion de « deuxième génération » est aussi élevée parmi les « autres hommes et femmes », de l’ordre de 15%, soit une proportion plus élevée qu’en population générale.

Le vieillissement de la population séropositive, qui traduit l’impact de l’efficacité des traitements, fait surgir de nouvelles questions de nature sociale et médicale. Les données récentes suggèrent qu’à l’ère des multithérapies antirétrovirales, l’espérance de vie des personnes séropositives se rapproche de celle de la population générale 8. C’est pourquoi, la part des PVVIH de plus de 70 ans, encore limitée en 2010, devrait augmenter dans les années qui viennent.

Enfin, les résultats confirment la place importante des associations de lutte contre le sida comme acteur collectif de la sociabilité des PVVIH. Plus élevée dans les groupes en plus grandes difficultés sociales, la participation à la vie associative concerne tous les groupes de patients et souligne son intérêt dans le contexte de chronicité de l’infection par le VIH.

Références

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[4] Godefroy P, Ponthieux S. Pauvreté en conditions de vie en France et privations matérielles dans les pays de l’Union européenne. Les Travaux de l'Observatoire 2009-2010. 2010;289-314. http://www.onpes.gouv.fr/IMG/pdf/Godefroy.pdf
[5] Roussillon C, Hénard S, Hardel L, Rosenthal E, Aouba A, Bonnet F, et al. Causes de décès des patients infectés par le VIH en France en 2010. Étude ANRS EN20 Mortalité 2010. Bull Epidémiol Hebd. 2012:(46-47):541-45. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11148
[6] Institut national de la statistique et des études économiques. France, portrait social - Insee Références- Édition 2012. http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/sommaire.asp?codesage=FPORSOC12
[7] Institut national de la statistique et des études économiques. Immigrés et descendants d'immigrés en France - Insee Références - Édition 2012. http://insee.fr/fr/publications-et-services/sommaire.asp?codesage=IMMFRA12
[8] May M, Gompels M, Delpech V, Porter K, Post F, Johnson M, et al. Impact of late diagnosis and treatment on life expectancy in people with HIV-1: UK Collaborative HIV Cohort (UK CHIC) Study. BMJ. 2011;343:d6016.

Citer cet article

Lert F, Annequin M, Tron L, Aubrière C, Hamelin C, Spire B, et al, et le groupe Vespa2. Situation socioéconomique des personnes vivant avec le VIH suivies à l’hôpital en France métropolitaine en 2011. Premiers résultats de l’enquête ANRS-Vespa2. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(26-27):293-9.