Vivre avec le VIH aujourd’hui : données nouvelles

Living with HIV today: new data

Patrick Yeni
Président du Conseil national du sida, France

Les données fournies par l’enquête Vespa2 (VIH : Enquête sur les personnes atteintes) sont essentielles pour comprendre les conditions de vie de la population infectée par le VIH, car elles sont d’une part globales, n’interrogeant pas seulement les aspects sanitaires mais aussi sociaux, économiques et comportementaux et, d’autre part, parce que la méthodologie de l’enquête les rend extrapolables à l’ensemble de la population séropositive. Elles complètent donc avantageusement les données recueillies par la surveillance épidémiologique et à partir des bases hospitalières et des cohortes. En outre, elles peuvent être utilement comparées aux données de la première enquête Vespa, datant de 2003, et à des données de recensement dans la population générale.

En ce qui concerne les données démographiques et socio-économiques relevées en métropole, Vespa2 confirme le vieillissement de la population des personnes vivant avec le VIH et l’augmentation de la proportion d’immigrés d’Afrique subsaharienne par rapport à 2003. L’enquête a également relevé que les Français descendant d’immigrés y sont davantage représentés que dans la population générale, en particulier parmi les usagers de drogues par voie intraveineuse. L’évolution socio-économique globale au cours du temps est modeste depuis 2003, et contrastée : une faible augmentation du revenu disponible, mais une situation financière perçue comme dégradée. Cette observation est peut-être la résultante d’une amélioration de la santé des personnes contrastant avec la détérioration du contexte social. La situation socio-économique globale des personnes infectées reste inférieure à celle de la population générale et diffère considérablement selon les catégories de population : ainsi, 18% des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), mais 49% des hommes immigrés d’Afrique subsaharienne perçoivent leur situation financière comme difficile.

Sur le plan sanitaire, et alors que les indicateurs de santé directement liés au VIH s’améliorent nettement, la perception du niveau général de santé par les personnes infectées n’évolue que marginalement depuis 2003, au moins en partie en raison des fréquentes comorbidités : si les co-infections par le VHC et le VHB sont en baisse, les prescriptions d’antihypertenseurs et d’hypolipémiants sont fréquentes (17% environ), 13% des patients rapportent un épisode dépressif majeur dans l’année et 24% une hospitalisation complète. Là encore, les différences sont importantes entre les groupes à risque. Quelques données rapportées chez les personnes diagnostiquées VIH entre 2003 et 2010 soulignent les difficultés liées au dépistage : un taux insuffisant de dépistage volontaire, en particulier dans certains groupes à risque, un dépistage qui reste très tardif chez 30% des patients, et 13,5% des dépistages considérés comme ayant été réalisés à l’insu de la personne, une donnée qu’il conviendra d’analyser plus en détail.

Malgré des différences territoriales importantes, la situation des DOM est également marquée par le contraste entre les progrès importants réalisés dans la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH et l’absence d’amélioration socio-économique nette. Le dépistage tardif et un contexte de stigmatisation persistent également dans ces territoires, et contribuent à rendre compte de ces données.

Sur le plan des comportements sexuels, les personnes vivant avec le VIH utilisent davantage le préservatif qu’en 2003 à l’occasion de relations avec des partenaires occasionnels, mais cette utilisation est loin d’être systématique et l’utilisation du préservatif est moins fréquente parmi les couples stables qu’avec les partenaires occasionnels.

Au total, la lecture des premiers résultats de Vespa2 nous éclaire déjà significativement sur les actions qu’il convient d’amplifier dans la lutte contre le VIH-sida, au-delà de la consolidation de la prise en charge médicale VIH des personnes infectées : prise en charge des comorbidités, amélioration du dépistage précoce et renforcement du discours préventif incluant le TasP (Treatment as Prevention), optimisation du soutien social aux populations les plus démunies. Des analyses complémentaires permettront vraisemblablement de mieux comprendre l’intrication de paramètres de nature différente qui interfèrent pour expliquer les conditions de vie des personnes vivant avec le VIH.

Citer cet article

Yeni P. Éditorial. Vivre avec le VIH aujourd’hui : données nouvelles. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(26-27):284.