Épidémiologie descriptive des déclarations de rapports sexuels non consentis au CeGIDD des Alpes-Maritimes

// Descriptive epidemiology of reported non-consensual sexual intercourse victims in the CeGIDD of Alpes-Maritimes, France

Cécile Milles-Simonet1 (cecile.milles@gmail.com), Julie Valbousquet2, Julie Garnaud2, Ciprian Ion2, Mélanie Taton2,
Anne-Lise Molinari2, Isabelle Aubanel2
1 Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, Université Nice Côte d’Azur, Nice
2 Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissible (CeGIDD)
du département des Alpes-Maritimes
Soumis le : 11.01.2025 // Date of submission: 01.11.2025
Mots-clés : Violences sexuelles | Dépistage | Victimes | CeGIDD
Keywords: Sexual violence | Screening | Victims | CeGIDD

Résumé

Introduction –

Les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) jouent un rôle clé dans la prévention, le dépistage et le diagnostic des infections sexuellement transmissibles (IST), s’inscrivant dans une approche globale de la santé sexuelle. Depuis fin 2022, l’équipe du CeGIDD des Alpes-Maritimes (CeGIDD 06) a souhaité systématiser le questionnement sur les situations de violences sexuelles en y consacrant un temps spécifique au cours des consultations avec l’ensemble des professionnels de santé.

Objectifs –

Ce travail vise à décrire le profil des usagers du CeGIDD des Alpes-Maritimes ayant déclaré avoir subi un ou plusieurs rapports sexuels non consentis au cours de leur vie, dans le contexte du renforcement du dispositif de dépistage. Il a également pour but d’estimer la prévalence de ces violences parmi ces usagers et d’en identifier les déterminants.

Résultats –

En 2023, 375 usagers du CeGIDD ont déclaré avoir subi un ou plusieurs rapports sexuels non consentis au cours de leur vie, soit environ 7% de l’ensemble des patients. Parmi ces victimes, une large majorité est féminine (76%), avec une moyenne d’âge relativement jeune. Environ une victime sur trois déclarait consommer des drogues, et deux sur trois se trouvaient en situation d’inactivité professionnelle. Des comportements sexuels à risque et une moindre utilisation de la contraception ont également été observés.

Conclusion –

Les profils des victimes identifiées rejoignent en grande partie les tendances observées dans la littérature nationale. Néanmoins, plusieurs biais doivent être considérés : un dépistage partiel (62% des patients), une possible sélection des publics liée à l’évolution de l’offre de soins (notamment gynécologique), et un remplissage plus détaillé des dossiers pour les patients ayant déclaré des violences. Ces éléments soulignent la nécessité d’approfondir l’analyse des pratiques de dépistage et de consolider les outils et conditions permettant une meilleure identification et prise en charge des victimes.

Abstract

Introduction –

The French Free Centers for Information, Screening, and Diagnosis (CeGIDD) play a key role in the prevention, screening, and diagnosis of sexually transmitted infections (STIs) as part of a comprehensive sexual health approach. Since the end of 2022, the CeGIDD team of the French department of Alpes-Maritimes (CeGIDD 06) has aimed to systematize questioning about situations of sexual violence, dedicating specific time to this during consultations with all healthcare professionals.

Objectives –

This study aims to describe the profile of CeGIDD users in Alpes-Maritimes who reported having experienced one or more non-consensual sexual encounters during their lifetime, in the context of the reinforcement of the screening system. It also seeks to estimate the prevalence of such violence among CeGIDD users and identify its determinants.

Results –

In 2023, 375 users of the CeGIDD reported having experienced one or more non-consensual sexual encounters during their lifetime, representing approximately 7% of all patients. Among the victims, the vast majority were female (76%), and the average age was relatively young. Around one in three victims reported drug use, and two in three reported being unemployed. Risky sexual behaviors and lower contraceptive use were also observed among this group.

Conclusions –

The characteristics of identified victims are broadly consistent with national data. However, several biases must be considered: only 62% of patients were screened, the evolving range of services (notably the introduction of gynecological care) may have influenced the patient population, and victims’ medical records tended to be more thoroughly completed. These findings highlight the need to further analyze current screening practices and to strengthen the tools and conditions necessary to better identify and support victims.

Introduction

Les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) jouent un rôle fondamental dans la prévention et la prise en charge des infections sexuellement transmissibles (IST), s’inscrivant dans une approche globale de santé sexuelle 1. Ces structures sont issues de la fusion des centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et des centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (Ciddist) en 2015, dans le cadre d’une réforme destinée à simplifier l’accès aux soins et à optimiser leur efficacité 2. Cette réforme élargit les missions des CeGIDD, en les intégrant dans une stratégie de santé sexuelle pilotée par les agences régionales de santé (ARS). Dans ce cadre, les CeGIDD, situés au plus près des lieux de vie, offrent des services gratuits et confidentiels : information, dépistage, orientation, ainsi qu’un accompagnement psychologique et social. Depuis 2019, le CeGIDD des Alpes-Maritimes (CeGIDD 06) va au-delà de ses missions obligatoires et s’est enrichi de consultations de sage-femme et de sexologie. Les violences sexuelles constituent un enjeu majeur de santé publique, affectant la santé physique, mentale et sociale des victimes. En France, les données disponibles illustrent l’ampleur du phénomène : au cours de l’enquête nationale Violences et rapports de genre (dite Virage) menée en 2015, 14,5% des femmes de 20 à 69 ans ont déclaré avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie et 3,7% des viols ou tentatives de viols 3,4.

À partir de fin 2022, l’équipe du CeGIDD 06 (site principal de Nice avec les antennes d’Antibes et Menton), sous la gestion du département des Alpes-Maritimes, a souhaité systématiser le questionnement sur les situations de violences vécues au cours de la vie. La sage-femme du CeGIDD, accompagnée d’une psychologue et d’une infirmière diplômée d’État (IDE), a proposé des interventions sur le sujet des violences sexuelles (conséquences, législation, dépistage…) ainsi que des temps de rencontres et d’échanges avec les différents partenaires locaux (réseau des assistantes sociales en commissariat, antenne départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, sage-femme des urgences gynécologiques…) et des relais d’aide aux victimes de violences (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles). Une intervention a été réalisée pour leur fournir des pistes pour aborder ce sujet délicat. Il leur a été proposé d’adapter la formulation selon leurs préférences. Les formulations suggérées incluaient : « Est-ce que vous avez déjà eu des rapports non consentis ou subi des violences ? », « Est-ce que vous avez déjà eu des rapports où vous n’étiez pas d’accord, ou subi des agressions sexuelles ? », et « Avez-vous été ou êtes-vous victime de violences sexuelles… verbales, psychologiques ou physiques ? ». Par la suite, un arbre décisionnel et un protocole de prise en charge ont été mis à disposition, ainsi qu’une fiche de contacts des acteurs impliqués et une fiche d’information sur le psychotraumatisme. En parallèle, un protocole « Information préoccupante » (IP) a également été établi au CeGIDD des Alpes-Maritimes pour faciliter la prise en charge des mineurs en danger, notamment en cas de violences sexuelles.

L’objectif de cette étude est de décrire le profil et estimer la prévalence des usagers du CeGIDD 06 ayant déclaré avoir subi un ou plusieurs rapports sexuels non consentis au cours de leur vie après l’introduction de cette démarche systématique.

Matériels et méthodes

Design de l’étude

Nous avons mené une étude transversale descriptive au sein du CeGIDD des Alpes-Maritimes. L’analyse a porté sur les patients ayant consulté entre le 1er janvier et le 31 décembre 2023.

Recueil des données

Les données ont été extraites du logiciel Cupidon d’Epiconcept. Notre variable de référence est issue d’une question référencée dans le logiciel métier qui est la suivante : « Au cours de votre vie, quelqu’un vous a-t-il forcé à avoir un rapport sexuel contre votre volonté ? ». Les usagers étaient considérés comme dépistés lorsque la réponse (« oui » ou « non ») était renseignée.

Les variables ont été sélectionnées a priori sur des bases théoriques et cliniques issues de la littérature 5, afin de limiter les biais liés aux tests d’hypothèse multiples. Parmi les variables exportées, une première analyse a permis d’identifier celles présentant des différences entre victimes et non-victimes, en tenant compte de leur pertinence clinique et du remplissage effectif dans le logiciel métier. Celles présentant un trop grand nombre de données manquantes ont été exclues. Les variables retenues incluaient :

des caractéristiques sociodémographiques : année de naissance, sexe, activité professionnelle, statut d’assurance maladie, possession d’une mutuelle, continent de naissance (ou naissance en France ou dans l’Union européenne hors France) ;

des variables comportementales : consommation de produits psychoactifs (alcool, drogues diverses), pratiques sexuelles à risque (bondage, domination, soumission et sado-masochisme – BDSM –, sexe en groupe, sexe contre rémunération) ;

des variables cliniques : suivi gynécologique, contraception, risque de grossesse.

Si un patient avait consulté plusieurs fois, l’âge retenu était la moyenne des âges enregistrés. Pour d’autres variables, telles que le sexe, la couverture maladie, la mutuelle, la pratique d’une activité professionnelle, le suivi gynécologique et la contraception régulière, la valeur retenue correspond à celle de la première consultation. En revanche, pour les autres variables, si au moins une réponse positive est donnée lors des consultations, le patient est classé comme ayant une réponse positive pour cette variable.

Analyse des données

Des analyses statistiques descriptives ont été utilisées pour caractériser les usagers et comparer les victimes de rapports sexuels forcés aux non-victimes. Les tests statistiques suivants ont été appliqués :

test exact de Fisher : pour les variables qualitatives avec faibles effectifs attendus ;

test de Wilcoxon : pour comparer les âges des victimes et des non-victimes, en raison d’une distribution asymétrique des données ;

test du Chi2 de Pearson.

Un ajustement des p-valeurs a été effectué avec la méthode de Benjamini-Hochberg pour contrôler le taux de fausses découvertes.

Éthique

L’anonymisation des données a été garantie, conformément à la Réglementation générale de protection des données (RGPD), et une autorisation préalable à l’extraction des données a été obtenue auprès de la délégation à la protection des données du département des Alpes-Maritimes.

Résultats

Usagers du CeGIDD

Au cours de l’année 2023, 15 060 consultations ont été réalisées dans les CeGIDD 06, concernant 5 658 usagers. Les usagers ayant consulté avaient en moyenne 30 ans et étaient majoritairement des hommes (61%). La plupart des usagers ont une couverture maladie (81%) et une mutuelle (68%). Près de la moitié (47%) sont en activité professionnelle, et un tiers (32%) sont étudiants. Environ 22% sont consommateurs de produits psychoactifs (tableau).

Tableau : Caractéristiques cliniques et épidémiologiques des usagers totaux, dépistés et des usagers victimes et non-victimes au CeGIDD des Alpes-Maritimes en 2023
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Usagers dépistés

Durant l’année 2023, 3 499 usagers ont été dépistés, soit 62% des usagers ayant consulté au cours de l’année.

Le dépistage a concerné environ 7 femmes sur 10 ayant consulté, 1 homme sur 2 et seulement 1 personne transgenre sur 10.

Usagers victimes

En 2023, 375 usagers ont déclaré avoir eu un ou des rapports sexuels non consentis au cours de leur vie, soit 6,6% des usagers ayant consulté au cours de l’année.

Parmi les usagers, 13,3% des femmes, 9,4% des personnes transgenres et 2,4% des hommes ont rapporté des rapports sexuels non consentis. Environ trois déclarants sur quatre étaient des femmes et près de la moitié (46%) étaient des femmes âgées de 18 à 24 ans. Au sein de la tranche d’âge des 20 à 69 ans, 13,2% des femmes déclaraient avoir été victimes au cours de leur vie.

L’âge médian des usagers ayant déclaré avoir été victimes était de 29 ans (intervalle interquartile : 22-37 ans). L’usager le plus jeune avait 15 ans au moment de la déclaration et le plus âgé, 65 ans. Parmi les victimes, 29 étaient mineures au jour de la déclaration, dont 79,3% étaient des filles.

Comparaison des usagers victimes et non-victimes

Caractéristiques sociodémographiques

On retrouvait une association significative entre le genre et les rapports sexuels forcés (p ajusté<0,001), et l’âge et les rapports sexuels forcés (p ajusté<0,001). Les victimes étaient significativement plus souvent en inactivité professionnelle que les non-victimes (64% vs 48%, p ajusté<0,001), et déclaraient significativement moins la souscription à une mutuelle (68% vs 74%, p ajusté<0,05). La couverture maladie universelle complémentaire (CMUc) était, quant à elle, plus fréquemment retrouvée chez les victimes (5,3%) que les non-victimes (2,9%) et ce de manière statistiquement significative (p ajusté<0,001). En revanche, aucune association significative n’a été observée concernant la couverture maladie.

Les pourcentages les plus élevés de victimes par continent de naissance étaient observés en Amérique du Sud (7,9%) et en Afrique (7,7%), bien qu’aucune association statistiquement significative n’ait été identifiée.

Variables comportementales

Parmi les facteurs significativement associés à ces violences sexuelles, on retrouvait la consommation des produits psychoactifs (34% vs 27%, p ajusté<0,01). Une association significative existait pour les drogues suivantes : cocaïne (11% vs 5%, p ajusté<0,001), drogues de synthèse (telles que la 3-méthylméphédrone, l’acide gamma-hydroxybutyrique (GHB), la méthamphétamine…) (10% vs 4%, p ajusté<0,001), cannabis (17% vs 11%, p ajusté<0,01) et drogues « autres » (3% vs 1%, p ajusté<0,05).

Les victimes rapportaient plus fréquemment des pratiques sexuelles à risque, comme le BDSM (4% vs 1%, p ajusté<0,001) et le sexe en groupe (10% vs 8%, p<0,05 avant ajustement, non significatif après ajustement). Une tendance était observée pour la pratique du sexe contre rémunération (4% vs 1%), bien que l’association ne soit pas statistiquement significative.

Suivi gynécologique, contraception et risque de grossesse

Le suivi gynécologique était moins fréquent chez les victimes que chez les non-victimes (50% vs 56%), sans association statistiquement significative, et la prise de contraception régulière était moins courante (40% vs 48%, p<0,05). Le risque de grossesse était presque deux fois plus élevé chez les femmes victimes de violences que chez les femmes non-victimes (10% vs 5%, p ajusté<0,01).

Discussion

Le renforcement du questionnement autour des violences sexuelles au sein du CeGIDD a permis d’identifier en 2023 un total de 375 usagers ayant déclaré avoir subi un ou plusieurs rapports sexuels non consentis au cours de leur vie, soit environ 7% des usagers.

En comparaison, l’étude Virage citée en introduction rapportait qu’environ 15% des femmes de 20 à 69 ans déclaraient avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie et 4% des viols ou tentatives de viols 3,4. Dans notre étude, la prévalence des rapports sexuels déclarés contre la volonté atteignait 13% chez les femmes de la même tranche d’âge. L’analyse des caractéristiques des victimes a révélé une majorité féminine (76%) et un âge médian de 29 ans. Ces données concordent avec les données de l’enquête Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS), qui indiquait qu’en 2021, les victimes de violences sexuelles physiques étaient majoritairement des femmes (88%) et des jeunes de moins de 25 ans (près de 60%) 6. Les victimes étaient environ un tiers à consommer des drogues. Elles déclaraient un risque accru de grossesse (+5%) et une prise de contraceptifs moins courante (-8%). Les pratiques sexuelles à risque étaient également signalées, bien que seule l’association avec le BDSM se soit avérée significative. De la même manière, les comportements à risque sont décrits par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme des conséquences possibles des violences sexuelles 5, ce qui souligne l’importance d’une approche proactive pour éduquer et soutenir les victimes.

Les victimes étaient souvent inactives professionnellement (64%), bénéficiaient moins fréquemment d’une mutuelle, plus fréquemment d’une couverture par la CMUc, et un pourcentage notable était né sur d’autres continents, bien que cela ne soit pas significatif. Ces éléments évoquent une précarité sociale. On peut se demander si cette vulnérabilité ne constitue pas un facteur facilitant pour les auteurs de violences, qui pourraient cibler des victimes plus faciles à contrôler, sur lesquelles ils peuvent exercer une emprise et provoquer une dépendance.

Il convient toutefois de souligner les défis sémiologiques inhérents à ce type d’enquête. Dans ce travail, nous avons choisi d’utiliser le terme « rapports sexuels non consentis », tel qu’il est employé dans le logiciel métier du CeGIDD. Cependant, ce choix sémantique pourrait entraîner des interprétations variées : usagers comme professionnels peuvent restreindre la notion de « rapports sexuels non consentis » à des situations de contrainte physique explicite, sans toujours inclure les cas de pression psychologique, de chantage, ou de consentement altéré par l’usage de substances. La formulation de la question utilisée dans le logiciel – « Au cours de votre vie, quelqu’un vous a-t-il forcé à avoir un rapport sexuel contre votre volonté ? » – présente elle aussi des limites. En insistant sur la notion explicite de « force » et « d’absence de volonté », elle peut laisser de côté d’autres formes de violences sexuelles, notamment celles où le consentement est compromis de manière plus insidieuse. De plus, la notion même de « rapport sexuel » peut être interprétée de manière variable selon les individus, certains pouvant y inclure uniquement la pénétration, tandis que d’autres y englobent des actes plus larges. Cette imprécision sémantique peut également influencer les déclarations recueillies. Ainsi, une réflexion approfondie sur les termes employés et les modalités de questionnement apparaît essentielle pour harmoniser les outils de dépistage et améliorer la fiabilité des futures investigations.

Sur le plan opérationnel, malgré le souhait initial d’un dépistage systématique, seuls 62% des patients semblent avoir été effectivement questionnés. Cet écart peut s’expliquer par plusieurs facteurs : contraintes de temps, réticence des professionnels, refus des patients, ou encore un remplissage incomplet des dossiers. Par ailleurs, un dépistage ultérieur pourrait ne pas apparaître dans les données, faussant ainsi les résultats. Une analyse approfondie des freins à ce dépistage permettrait d’identifier des pistes d’amélioration pour tendre vers une mise en œuvre réellement systématique.

De plus, le dépistage semblait cibler des profils différents de ceux des usagers du CeGIDD, mais cela reste à confirmer par une étude plus approfondie. Les consultations des usagers dépistés positifs comportaient moins de données manquantes, ce qui pourrait refléter un meilleur remplissage des dossiers et des consultations plus détaillées. Ainsi, il apparaît nécessaire de mieux comprendre les pratiques de dépistage actuellement mises en œuvre.

Enfin, bien que le suivi gynécologique et la planification familiale ne soient pas des missions habituelles des CeGIDD, l’ajout de cette offre a pu modifier le profil des usagers, en attirant davantage de femmes, donc potentiellement plus de personnes susceptibles de déclarer des violences. Cette évolution a également pu contribuer à la création d’un tiers lieu inhabituel susceptible de renforcer la confiance des usagers et de faciliter leur prise de parole. Il serait pertinent d’explorer plus finement les effets de cette diversification de l’offre.

Il serait utile de travailler sur des pistes potentielles d’amélioration de l’identification des victimes. Il pourrait par exemple être envisagé de cibler les publics, puisque des écarts significatifs ont été observés dans nos données sur certains facteurs qui se surexpriment. Par exemple, certaines catégories de population, telles que les femmes jeunes, les personnes en situation de précarité sociale ou celles ayant un faible niveau d’instruction, apparaissent particulièrement exposées. Un ciblage plus précis de ces groupes pourrait permettre de renforcer le repérage et l’accompagnement, à condition qu’il s’inscrive dans une démarche éthique et non stigmatisante.

Enfin, afin de renforcer le dépistage des violences sexuelles dans les CeGIDD, il pourrait être pertinent de mettre en place une transmission systématique des données relatives à ce dépistage aux ARS et à Santé publique France, comme cela est déjà le cas pour les données de dépistage du VIH et des IST 7. Une telle démarche améliorerait la visibilité de cette problématique au niveau national, permettant une réponse de santé publique mieux adaptée aux besoins des usagers.

Conclusion

Cette étude offre un éclairage sur le profil des usagers des CeGIDD des Alpes-Maritimes ayant déclaré avoir subi un ou plusieurs rapports sexuels non consentis au cours de leur vie. Avec 375 victimes identifiées (6,6% des usagers), une prévalence élevée a été observée chez les jeunes femmes, notamment celles âgées de 18 à 24 ans. Nos résultats ne permettent pas d’affirmer que le renforcement du questionnement sur les violences sexuelles a conduit à une meilleure identification des victimes, mais ils soulignent la nécessité d'une attention accrue face au nombre élevé de victimes identifiées. Les données recueillies mettent en lumière des enjeux critiques, tels que la consommation de drogues et l’absence d’activité professionnelle, qui semblent être des facteurs associés aux violences subies. Ces résultats concordent avec la littérature existante et soulignent l’importance de stratégies de prévention et d’intervention adaptées.

Un dispositif renforçant et systématisant la collecte et l’analyse des données sur les violences sexuelles serait bénéfique pour améliorer la visibilité de ces problématiques et optimiser la prise en charge des victimes à l’échelle nationale afin de lutter efficacement contre ces violences sexuelles.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

2 Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Décret n° 2015-796 du 1er juillet 2015 relatif aux centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine et des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. JORF. 2015;(0151):49-52. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000030824374
3 Debauche A, Lebugle A, Brown E, Lejbowicz T, Mazuy M, Charruault A, et al. Présentation de l’enquête Virage et premiers résultats sur les violences sexuelles. Documents de travail n°229. Aubervilliers: Ined; 2017. 67 p. https://www.ined.fr/fr/publications/editions/document-travail/enquete-virage-premiers-resultats-violences-sexuelles/
4 Brown E, Debauche A, Hamel C, Mazuy M. Violences et rapports de genre – Enquête sur les violences de genre en France. Aubervilliers: Ined éditions; 2021. 528 p. https://www.ined.fr/fr/publications/editions/grandes-enquetes/
violences-et-rapports-de-genre/
5 Organisation mondiale de la santé. Violence à l’encontre des femmes. Genève: OMS ; 2021. https://www.who.int/
fr/news-room/fact-sheets/detail/violence-against-women
6 Service statistique ministériel de la sécurité intérieure. Vécu et ressenti en matière de sécurité. – Victimation, délinquance et sentiment d’insécurité – Rapport d’enquête – édition 2022. Paris: SSMSI; 2023. 294 p. https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites/Rapport-d-enquete-Vecu-et-ressenti-en-matiere-de-securite-2022-victimation-delinquance-et-sentiment-d-insecurite
7 Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Arrêté du 23 novembre 2016 fixant le modèle de rapport d’activité et de performance devant être fourni au directeur général de l’agence régionale de santé et à l’Agence nationale de santé publique par les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine et des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles (CeGIDD). JORF. 2016;(0279):49-68. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000033507483?r=DSZdFvUwG6

Citer cet article

Milles-Simonet C, Valbousquet J, Garnaud J, Ciprian I, Taton M, Molinari AL, et al. Épidémiologie descriptive des déclarations de rapports sexuels non consentis au CeGIDD des Alpes-Maritimes. Bull Epidemiol Hebd. 2025;(11):189-94. https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2025/11/2025_11_2.html