Caractéristiques des passages aux urgences en période de surveillance canicule 2023

// Characteristics of emergency department visits in France during the 2023 heatwave monitoring period

Émile Falola, Agnès Verrier (agnes.verrier@santepubliquefrance.fr), François Beck
Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le : 22.01.2025 // Date of submission: 01.22.2025
Mots-clés : Canicule | Surveillance syndromique | Soins d’urgences | Morbidité
Keywords: Heatwave | Syndromic surveillance | Emergency care | Morbidity

Résumé

Une surveillance de l’impact sanitaire des canicules a été mise en place après l’épisode exceptionnel de 2003. Elle repose notamment sur les passages aux urgences du 1er juin au 15 septembre pour hyperthermie, déshydratation ou hyponatrémie (indicateur iCanicule) parmi 11 diagnostics disponibles. Au cours de la période de surveillance 2023, 16 361 passages aux urgences pour iCanicule ont été dénombrés. Presque tous les passages étaient uniques (98,1%) et majoritairement effectués dans la région de résidence des patients (>90%) sauf en Corse (68,6%). Au niveau de l’Hexagone, le taux était de 24,4 passages aux urgences pour 100 000 habitants avec une nette élévation pour les patients âgés de 70 ans et plus, et un taux significativement supérieur chez les femmes par rapport aux hommes (p<0,0001). À âge constant, les taux régionaux d’admission supérieurs à la moyenne nationale étaient surtout observés dans la partie sud de l’Hexagone. En période caniculaire, près de la moitié des enfants âgés de moins de 6 ans ayant été admis aux urgences pour iCanicule ont consulté pour une déshydratation. L’hyperthermie était le principal diagnostic des personnes âgées de 6 à 49 ans tandis que l’hyponatrémie représentait environ le tiers des diagnostics des personnes âgées de 60 ans et plus. La morbidité liée à la chaleur pouvait être associée à des pathologies concomitantes : infectieuses chez les plus jeunes et les symptômes non spécifiques chez les seniors. La proportion d’hospitalisation en période de canicule était de 62,0%. Si les résultats doivent être consolidés par des analyses complémentaires, ils apportent déjà des éléments utiles pour améliorer à court terme la prévention. Ils renforcent aussi la nécessité de faire prendre conscience que l’exposition aux fortes chaleurs concerne l’ensemble de la population.

Abstract

The French Health data monitoring system of emergency care use and mortality was established after the 2003 heatwave. The analysis of data for hyperthermia, dehydration or hyponatremia (iCanicule indicator) among 11 diagnoses available collected from June 1 to September 15, 2023, identified 16,361 emergency department visits for iCanicule. Almost all visits were unique (98.1%). They predominantly occurred in the metropolitan residents region of residence (>90%), except in Corse (68.6%). The metropolitan rate was 24.4 emergency visits per 100,000 inhabitants, with a marked increase among patients aged 70 and older, and a significantly higher rate for women compared to men (p<0.0001). At a constant age, rates exceeding the metropolitan average were mostly observed in the southern part of mainland France. During heatwave periods, nearly half of the children under 6 admitted to emergency departments for iCanicule consulted for dehydration. Hyperthermia was the primary diagnosis among individuals aged 6 to 49, while hyponatremia accounted for about one-third of diagnoses in those aged 60 and older. Heat-related morbidity could be associated with concomitant conditions: infectious diseases in the youngest and nonspecific symptoms in seniors. The hospitalization rate during heatwaves was 62.0%. While these results need to be consolidated by further analysis, they already provide useful insights for improving short-term prevention. They also underscore the necessity of raising awareness that exposure to heatwave affects the entire population.

Introduction

L’impact sanitaire des fortes chaleurs est souvent abordé par le prisme de la mortalité 1. Pourtant, des impacts sur l’économie 2 et sur la morbidité 3,4 sont également observés. À la suite de la canicule de 2003, un plan national canicule (1) a été mis en place dans l’Hexagone pour anticiper et prévenir les risques sanitaires liés aux fortes chaleurs 5. Il repose notamment sur une surveillance syndromique des passages aux urgences hospitalières du 1er juin au 15 septembre pour hyperthermie, déshydratation, hyponatrémie. Cette surveillance est destinée à apporter des éléments aux décideurs pour adapter, si besoin, les mesures de prévention et de gestion dans les meilleurs délais 6. À travers celle-ci, des milliers de passages aux urgences en lien avec la chaleur sont observés chaque été, avec des augmentations notables pendant les canicules 7. Outre les variables de la surveillance syndromique exploitées en routine dans le cadre du Système d’alerte canicule santé (Sacs) 6, les autres variables de cette surveillance ont été explorées pour la première fois afin d’identifier d’éventuels éléments utiles à la prévention.

Matériel et méthodes

L’analyse porte sur la période de surveillance canicule de l’année 2023, caractérisée sur la période du 1er juin au 15 septembre par quatre canicules : du 7 au 13 et 17 au 26 juillet, du 11 au 26 août et du 3 au 11 septembre. Un épisode long et intense en août a concerné 73% de la population hexagonale 8. Les données sont issues du réseau Organisation de la surveillance coordonnée des urgences (Oscour®) qui s’inscrit dans la surveillance syndromique coordonnée par Santé publique France 9. Ont donc été sélectionnés dans cette base de données les passages aux urgences survenus dans l’Hexagone, du 1er juin au 15 septembre 2023, pour iCanicule, indicateur composite rassemblant hyperthermie/coup de chaleur (Classification internationale des maladies, 10e révision – CIM10 : T67, T670-T679, X30, X300-X309), déshydratation (CIM10 : E86) ou hyponatrémie (CIM10 : E871, E8710, E8718) comme diagnostic parmi les onze disponibles (diagnostic principal et dix associés). Il s’agit donc de repérer des passages aux urgences où l’indicateur iCanicule est présent, en diagnostic principal ou en diagnostic associé pour d’autres pathologies identifiées comme diagnostic principal. Cet indicateur n’a pas vocation à retranscrire l’ampleur de l’impact de la chaleur sur la morbidité, puisqu’il a été défini pour décrire la dynamique de recours aux urgences hospitalières selon la situation météorologique, la zone géographique et les classes d’âge 6. Les autres variables, issues du résumé des passages aux urgences (RPU), sont le sexe, la date de naissance, le code postal de résidence, le lieu de résidence (« domicile » vs « établissement de santé »), les moyens de transport et de prise en charge, la date et le mode d’entrée/sortie. L’âge étant un facteur de vulnérabilité à la chaleur, des classes d’âge ont été proposées pour isoler les jeunes enfants et les personnes âgées de 65 ans et plus. Les canicules, au niveau départemental, ont été identifiées à partir des températures observées (moyenne de la température minimale et maximale sur trois jours : J, J+1, J+2) supérieures aux valeurs seuils. L’impact sanitaire en période de canicule a été mesuré en prenant en compte les passages aux urgences jusqu’à trois jours après la fin de la vigilance canicule orange ou rouge, en raison de la survenue courante d’effets retardés sur la mortalité. Les passages multiples ont été dénombrés à partir d’un identifiant composé de la date de naissance, du sexe et du code postal de résidence. Les taux ont été calculés à partir de l’estimation de la population par région, sexe et classes d’âge en 2023 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) 10. Une standardisation indirecte sur l’âge des taux régionaux de passages aux urgences a été réalisée.

Résultats

Du 1er juin au 15 septembre 2023, 16 361 passages aux urgences pour iCanicule ont été recensés en France hexagonale. Un premier pic d’admission était observé en dehors de toute alerte canicule, du 24 au 27 juin 2023, avec des effectifs de passages quotidiens supérieurs à ceux observés pendant trois des quatre épisodes caniculaires (figure 1).

Figure 1 : Nombre de passages aux urgences pour iCanicule durant la période de surveillance estivale 2023, France hexagonale, du 1er juin au 15 septembre 2023 (N=16 361)
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Caractéristiques sociodémographiques

Le lieu de résidence des patients se situait dans l’Hexagone (99,3%), à l’étranger (0,6%) ou dans les départements et régions d’outre-mer (DROM, 0,1%) (n=16 242). Dans plus de 90% des cas, les patients de l’Hexagone étaient admis aux urgences dans leur région de résidence, excepté en Corse où la proportion était plus faible (68,6%). L’âge médian des femmes, de 79 ans (quartiles, Q1-Q3 : [61-88]), était supérieur à celui des hommes, 68 ans (Q1-Q3 : [37-81] ; p<0,0001).

Le taux de passages aux urgences pour iCanicule des personnes résidant dans l’Hexagone était de 24,4 passages pour 100 000 habitants. Ce taux variait en fonction du sexe et de l’âge (tableau 1). Les femmes avaient globalement un taux de passage significativement supérieur à celui des hommes (p<0,0001). Les taux par classes d’âge décrivaient une courbe en U, avec un risque plus élevé de passage aux urgences pour les personnes âgées de moins de 5 ans ou de 70 ans et plus. Dans cette dernière classe d’âge, le taux augmentait notablement à partir de 80 ans. Le taux de passage aux urgences des personnes âgées de 60-69 ans était inférieur à celui de la population générale. Par classes d’âge et de sexe, chez les 30-69 ans, les hommes avaient un taux de passage supérieur à celui des femmes, et chez les 70 ans et plus, les femmes avaient un taux supérieur à celui des hommes.

Tableau 1 : Taux de passages aux urgences pour iCanicule par sexe et classe d’âge, France hexagonale, du 1er juin au 15 septembre 2023 (N=16 067)
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Après ajustement sur l’âge, les taux variaient de 11,0 pour 100 000 habitants en Pays de la Loire à 41,1 pour 100 000 habitants en Corse (figure 2, tableau 2), avec des taux supérieurs à celui de l’Hexagone en Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Hauts-de-France et Corse.

Figure 2 : Taux standardisés sur l’âge (pour 100 000 habitants) des passages aux urgences pour iCanicule par région parmi les patients ayant consulté dans leur région de résidence, France hexagonale, du 1er juin au 15 septembre 2023 (N=15 113)
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Tableau 2 : Taux standardisés sur l’âge (pour 100 000 habitants) des passages aux urgences par région parmi les patients ayant consulté aux urgences dans leur région de résidence, France hexagonale, du 1er juin au 15 septembre 2023 (N=15 113)
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Caractéristiques des passages

Entre le 1er juin et le 15 septembre 2023, presque tous les passages aux urgences étaient uniques (98,1%) ; 1,8% des patients y étaient passés deux fois et seuls 0,1% des patients ont eu recours aux urgences pour iCanicule trois fois.

Les patients venaient du « domicile » (98,6%) ou d’un établissement de santé (1,4%) (n=15 715). Ils étaient arrivés aux urgences à l’aide d’un moyen de transport personnel (40,2%), d’une ambulance (36,6%), d’un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (21,2%), d’un véhicule des services mobiles d’urgence et de réanimation (1,6%), d’un hélicoptère (0,4%) ou avec les forces de l’ordre (0,1%) (n=15 185). Les trois principaux modes de transport variaient en fonction de l’âge (p<0,0001). En particulier, les patients âgés de moins de 20 ans étaient principalement arrivés aux urgences avec un moyen de transport personnel (87,7%). La majorité des arrivées aux urgences en ambulance (87,4%), avec une structure mobile d’urgence et de réanimation (68,9%), ou avec un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (61,1%) concernait les personnes âgées de 60 ans et plus.

Une hospitalisation était envisagée dans 68,2% des cas, un retour au domicile dans 31,6% et 30 décès (0,2%) ont été notifiés (n=15 674). La proportion d’hospitalisation variait en fonction de l’âge (figure 3). Si près des deux tiers des patients âgés de moins de 6 ans étaient hospitalisés, la proportion la plus faible était observée pour la classe 20-29 ans, puis elle augmentait avec l’âge pour atteindre près de 80% chez les plus âgés.

Figure 3 : Proportion d’hospitalisations pour iCanicule à la suite d’un passage aux urgences selon la classe d’âge et la période (canicule ou non), France hexagonale, du 1er juin au 15 septembre 2023 (N=15 674)
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Caractéristiques des diagnostics

En détaillant l’indicateur composite iCanicule, tous diagnostics confondus, les passages aux urgences au cours de la période de surveillance (n=16 361) concernaient une hyponatrémie (44,8%), une déshydratation (38,9%) et une hyperthermie (17,3%). Cent cinq patients présentaient à la fois une déshydratation et une hyponatrémie et 52 patients une déshydratation associée à une hyperthermie.

En ce qui concerne le diagnostic principal (n=16 339), 32,6% des passages concernaient une hyponatrémie, 25,2% une déshydratation, 15,8% une hyperthermie et 26,4% un « autre » diagnostic. La répartition du diagnostic principal variait selon l’âge. Près de la moitié des personnes âgées de moins de 6 ans présentaient une déshydratation (47,0%). L’hyperthermie concernait plus de la moitié des diagnostics principaux (58,9%) des personnes âgées de 6 à 39 ans. À partir de 60 ans, l’hyponatrémie représentait 41,9% des diagnostics principaux.

Parmi l’ensemble des passages, 4 314 concernaient un diagnostic principal « autre ». Plus des deux tiers des diagnostics principaux « autres » des patients âgés de moins de 6 ans (n=358) étaient d’origine infectieuse : infections intestinales (60,3%), infections ORL (5,9%) et infections respiratoires (1,1%). Des nausées/vomissements (10,1%) et des fièvres inexpliquées (6,1%) étaient aussi observées. Chez les patients âgés de 75 ans et plus, les « autres » diagnostics principaux (n=2 323) étaient divers : les affections urinaires (15,6%), les malaises et altérations de l’état général (15,1%), les affections cardiovasculaires (7,8%), les infections et autres affections digestives (7,6%), les infections respiratoires (7,4%), les traumatismes (5,7%) et les autres types de déséquilibre hydro-électrolytique (4,3%).

Parmi les 6 364 passages aux urgences pour déshydratation, 35,3% étaient en lien avec un « autre » diagnostic principal. Cette proportion était de 27,2% pour l’hyponatrémie (n=7 326) et de 8,8% pour l’hyperthermie (n=2 828).

Périodes de canicule

Dans les départements en canicule, 2 242 passages aux urgences sont survenus au cours des quatre épisodes caniculaires.

Les patients admis aux urgences résidaient dans l’Hexagone (99,3%) ou à l’étranger (0,7%) (n=2 214). Dans plus de 90% des cas (n=2 195), les patients métropolitains étaient admis aux urgences dans leur région de résidence, excepté en Corse (63,2%), Pays de la Loire (77,8%), et Provence-Alpes-Côte d’Azur (87,8%). L’âge médian des femmes était de 80 ans (Q1-Q3 : [59-88]), alors que celui des hommes était de 70 ans (Q1-Q3 : [35-83]) (p<0,0001).

La déshydratation représentait 27,7% des diagnostics principaux, l’hyponatrémie 26,5%, l’hyperthermie 20,3% et un « autre diagnostic » 25,5%. Le diagnostic principal différait selon l’âge (figure 4). Le principal diagnostic des passages aux urgences des personnes âgées de 6 à 49 ans était l’hyperthermie. Près de la moitié des passages des enfants âgés de moins de 6 ans étaient en lien avec une déshydratation. Pour cette classe d’âge, les « autres » diagnostics concernaient dans plus des deux tiers des cas une pathologie infectieuse : infections intestinales (61,8%), infections ORL (2,9%), autres infections (2,9%) ; et dans des proportions moindres, des nausées/vomissements (20,6%), des affections cutanées (2,9%) ou des troubles métaboliques (2,9%).

Chez les patients âgés de 60 ans et plus, l’hyponatrémie représentait environ un tiers des passages. Dans un tiers des cas, c’est un autre diagnostic qui était notifié : il s’agissait surtout de malaises et altérations de l’état général (17,2%), d’affections urinaires (15,2%), d’infections respiratoires (8,5%), d’infections et autres affections digestives (6,7%), de traumatismes (6,2%), d’affections cardiovasculaires (5,6%) et des autres types de déséquilibre hydro-électrolytique (4,0%).

En période de canicule, la proportion d’hospitalisation était de 62,0% (n=2 199). Excepté pour les patients âgés de 90 ans et plus, la proportion d’hospitalisation par classes d’âge était inférieure en périodes de canicule par rapport au reste de la période de surveillance (figure 3).

Figure 4 : Répartition du diagnostic principal par grandes classes selon la classe d’âge, en période de canicule, France hexagonale, 2023 (N=2 210)
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Discussion

Cette première description exploratoire des passages aux urgences pour iCanicule, durant la période de surveillance, et plus particulièrement en période de canicule, prenant en compte l’ensemble des informations disponibles de la surveillance syndromique, dégage des éléments utiles pour la prévention et propose des axes pour la mise en place d’études ad hoc.

Les résultats montrent que la quasi-totalité des patients résidaient dans l’Hexagone, étaient admis une seule fois aux urgences pour iCanicule dans leur région de résidence, sur tout le territoire et en particulier dans la partie sud de l’Hexagone. Les passages aux urgences pour iCanicule sont aussi observés tout au long de la période de surveillance avec des augmentations notables du nombre de passages, non seulement en période de canicule, mais aussi dès que les températures augmentent comme au mois de juin. Ces premiers éléments mettent en exergue que toutes les régions sont touchées par les impacts sanitaires de la chaleur, y compris celles du pourtour méditerranéen, habituées aux fortes chaleurs. Ils montrent aussi le besoin d’agir pour prévenir les risques sanitaires sans attendre les périodes caniculaires. Dans cette optique, Santé publique France propose depuis 2024 un nouveau dispositif national d’adaptation à la chaleur qui s’appuie notamment sur le site « Vivre avec la chaleur » (2) pour diffuser des conseils et astuces, afin d’adapter ses habitudes de vie dès que les températures augmentent, et plus uniquement en période de canicule.

Le risque de passer aux urgences des femmes âgées de 70 ans et plus, supérieur à celui des hommes, est un résultat déjà observé dans d’autres études dédiées à la mortalité liée à la chaleur 11. Concernant la prévention, les facteurs de vulnérabilité à la chaleur des femmes restent toutefois à préciser pour développer des actions de prévention ciblées.

Des différences en matière de diagnostic principal en fonction de l’âge ont été observées. En période de canicule, l’hyperthermie est le premier diagnostic des personnes âgées de 6 à 49 ans. La proportion élévée de cet indicateur, très spécifique d’une surexposition aux fortes chaleurs, peut s’expliquer par le « défaut de perception de risque pour soi » et des conditions d’exposition contrainte ou choisie observés dans les études menées auprès de la population générale 12. Chez les plus âgés, la présence fréquente de pathologies chroniques, s’accompagnant le plus souvent d’un traitement médicamenteux, rappelle que la chaleur peut venir aggraver une pathologie chronique, et que les traitements médicamenteux peuvent augmenter la sensibilité à la chaleur ou leur efficacité être altérée par des températures élevées 13. Afin d’accompagner la population concernée, divers outils ont été développés pour les professionnels de santé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) 13, ou par Santé publique France 14,15,16. Concernant les personnes âgées, la méconnaissance du lieu de résidence dans cette analyse, qui aurait permis de distinguer le domicile d’un établissement hébergeant des personnes âgées, illustre le besoin d’études ad hoc complémentaires pour mieux cibler les actions de prévention. Comme le soulignent Campbell et coll. 1, il serait globalement nécessaire d’identifier les facteurs de risque de morbidité, afin de préciser ce qui relève de l’individu et d’autres déterminants de santé comme les conditions de vie, de travail ou le contexte social.

Ces études complèteraient cette analyse exploratoire car, bien que la surveillance syndromique fournisse des informations quotidiennes sur l’état de santé de la population pour évaluer l’impact sanitaire des fortes chaleurs sur la morbidité et permettre des actions de santé publique urgentes, elle repose sur un recueil limité d’informations 9. Recourir à ces seules données ne permet donc pas de rechercher des facteurs de risque pouvant influer sur un impact sanitaire en lien avec la chaleur et ne concerne que les passages aux urgences pour lesquels une hyperthermie, une déshydratation ou une hyponatrémie ont été identifiées en diagnostic principal ou associé. Ces données ne prennent en compte qu’une partie des pathologies (cardiovasculaires, endocrines, rénales…) connues pour être en lien avec la chaleur. Cette analyse permet toutefois de corroborer le fait que les vagues de chaleur entraînent une augmentation du nombre de passages aux urgences, des pathologies en lien avec la chaleur ou des exacerbations de pathologies chroniques 17, et touchent de manière disproportionnée les personnes âgées de 75 ans et plus.

En conclusion, si cette présente analyse fournit des éléments pour améliorer à court terme la prévention, elle amène à promouvoir des études destinées à mieux comprendre les mécanismes à l’origine de la morbidité liée à la chaleur, afin d’accroître l’efficience des dispositifs de prévention. Elle renforce aussi la nécessité de faire prendre conscience que l’exposition aux fortes chaleurs concerne l’ensemble de la population, et en particulier les plus vulnérables en raison d’un état (âge, maladie, événement de vie (grossesse)) ou d’une surexposition à la chaleur en lien avec des conditions de vie, comme un logement exposé à la chaleur, des activités physiques comme le sport ou des expositions professionnelles à la chaleur, non seulement en extérieur, mais aussi en intérieur.

Remerciements

Les auteurs remercient Jebraiel Ben Raies (Santé publique France, Data) pour la réalisation de la carte, ainsi que l’équipe climat de la DSET pour sa relecture et l'équipe Oscour de la Data de Santé publique France.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Campbell S, Remenyi TA, White CJ, Johnston FH. Heatwave and health impact research: A global review. Health Place. 2018;53:210-8.
2 De Sario M, de’Donato FK, Bonafede M, Marinaccio A, Levi M, Ariani F, et al. Occupational heat stress, heat-related effects and the related social and economic loss: A scoping literature review. Front Public Health. 2023;11:1173553.
3 Atiki N, Pascal M, Wagner V. Influence de la chaleur sur quelques causes de recours aux soins d’urgences en France métropolitaine durant les étés 2015-2017. Bull Epidemiol Hebd. 2019;(1):9-14. https://beh.santepublique
france.fr/beh/2019/1/2019_1_2.html
4 Chen T, Sarnat SE, Grundstein AJ, Winquist A, Chang HH. Time-series analysis of heat waves and emergency department visits in Atlanta, 1993 to 2012. Environ Health Perspect. 2017;125(5):057009.
5 Ministère des Solidarités et de la Santé. Guide ORSEC départemental S6 – Disposition spécifique « gestion sanitaire des vagues de chaleur ». 2021. 72 p. https://www.adaptation-changement-climatique.gouv.fr/agir/espace-documentaire/guide-orsec-gestion-sanitaire-des-vagues-chaleur
6 Santé publique France. Canicule : dispositif d’alerte et de surveillance et dispositif de prévention de Santé publique France. Saint-Maurice: Santé publique France; 2024. 10 p. https://www.santepubliquefrance.fr/
determinants-de-sante/climat/fortes-chaleurs-canicule/documents/rapport-synthese/canicule-dispositif-d-alerte-et-de-surveillance-et-dispositif-de-prevention-de-sante-publique-france
8 Santé publique France. Bulletin de santé publique. Été 2023. Canicule et santé. Saint-Maurice: Santé publique France; 2024. 13 p. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/climat/fortes-chaleurs-canicule/documents/bulletin-national/canicule-et-sante.-bulletin-de-sante-publique-bilan-de-l-ete-2023
10 Institut national de la statistique et des études économiques. Estimation de la population au 1er janvier 2023. Montrouge: Insee; 2023. https://www.insee.fr/fr/statistiques/1893198
11 van Steen Y, Ntarladima AM, Grobbee R, Karssenberg D, Vaartjes I. Sex differences in mortality after heat waves: Are elderly women at higher risk? Int Arch Occup Environ Health. 2019;92(1):37-48.
12 Verrier A, Rey J, Salvaing L, Gorza M, Bonmarin I. Freins à l’adoption des gestes de prévention en période de canicule. Bull Epidemiol Hebd. 2022;(6):116-21. https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/6/2022_6_1.html
13 Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Votre traitement en cas de fortes chaleurs. 2024 https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/le-point-sur-vos-traitements
14 Santé publique France. Canicule – Adultes vulnérables – Repères pour votre pratique. Saint-Maurice: Santé publique France; 2021. 4 p. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/climat/fortes-chaleurs-canicule/documents/depliant-flyer/canicule-adultes-vulnerables-reperes-pour-votre-pratique
15 Santé publique France. Prévenir les risques liés aux fortes chaleurs chez l’enfant – Repères pour votre pratique. Saint-Maurice: Santé publique France; 2021. 4 p. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/
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16 Santé publique France. Fortes chaleurs : prévenir les risques sanitaires chez la personne âgée. Saint-Maurice: Santé publique France; 2024. 4 p. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/climat/fortes-chaleurs-canicule/documents/depliant-flyer/fortes-chaleurs-prevenir-les-risques-sanitaires-chez-la-personne-agee
17 PoshtMashhadi A, Ijadi Maghsoodi A, Wood LC. The impact of extreme temperatures on emergency department visits: A systematic review of heatwaves, cold waves, and daily temperature variations. Sci Total Environ. 2025;970:178869.

Citer cet article

Falola É, Verrier A, Beck F. Caractéristiques des passages aux urgences en période de surveillance canicule 2023. Bull Epidemiol Hebd. 2025;(11):182-8. https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2025/11/2025_11_1.html

(1) Remplacé depuis 2021 par l’Instruction interministérielle relative à la gestion sanitaire des vagues de chaleur en France hexagonale, qui comprend notamment la disposition spécifique Orsec de gestion sanitaire des fortes chaleurs. https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/
instruction_vague_de_chaleur_
2024_70.pdf