Éclairages sur l’état de santé des populations migrantes en France
// Highlights on migrant populations health in France
La situation sanitaire des personnes précaires est un sujet de préoccupation, un enjeu de société. Dans un rapport très récent, publié le 20 juin 2017 sous le titre « Précarité, pauvreté et santé » 1, l’Académie de médecine fait un état des lieux et des propositions : les migrants y sont identifiés comme l’une des populations qui, parce qu’elles présentent de nombreux facteurs de vulnérabilité et de précarité, nécessitent qu’» elles bénéficient d’une attention particulière du point de vue médical ».
Ce numéro spécial du BEH, principalement consacré à la santé des migrants les plus précaires, pour la plupart récemment arrivés sur le sol français, vient apporter des éclairages supplémentaires émanant de diverses structures amenées à les prendre en charge. On y trouvera ainsi :
–la situation sanitaire de certaines catégories de personnes en très grandes difficultés : les migrants qui vivaient dans les camps de Calais et de Grande-Synthe, et ceux évacués des camps de fortune sis à Paris et relogés en centre d’hébergement ;
–les caractéristiques des migrants accueillis dans 30 permanences d’accès aux soins de santé (les PASS, structures hospitalières dédiées aux patients en situation de précarité) et celles recueillies dans les centres d’accueil, de soins et d’orientation (Caso) de Médecins du Monde ou dans les consultations assurées par le Comité pour la santé des exilés (Comede) ;
–les inégalités sociales en santé maternelle observées chez les femmes immigrées ;
–les fréquences de consommation alimentaire d’une population immigrée en voie d’insertion.
Ces données, certes parcellaires, sont pleines d’intérêt. Elles soulignent l’extrême fragilité sociale de certaines populations migrantes vivant dans les camps et dans la rue, mais aussi l’action exemplaire menée par des structures publiques (les PASS, le Samusocial…) et des associations humanitaires (le Comede, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, la Croix-Rouge…) pour soigner, ouvrir les droits des migrants à la santé et trouver des réponses à des situations sociales dramatiques.
Le retentissement sur la santé de ces situations sociales est très important, tant sur le plan somatique que psychique, marqué par la grande fréquence des problèmes de santé et le renoncement aux soins.
Dans les camps, les pathologies infectieuses sont très présentes, notamment les infections respiratoires aiguës, les syndromes grippaux et la gale ; des épisodes épidémiques ont été détectés qui ont donné lieu, pour les limiter, à des campagnes de vaccination : rougeole, varicelle, grippe. De très nombreuses violences subies sont aussi rapportées. Ces constats sont également ceux établis dans les PASS pour les immigrés sans domicile et sans couverture maladie, en France depuis moins de un an. Enfin, l’enquête sur l’alimentation menée par Médecins du Monde dans sept Caso montre que les trois quart des personnes qui se présentent dans ces centres sont en situation d’insécurité alimentaire.
Le bilan du Comede offre un regard complémentaire, car il visait à mesurer et caractériser les violences subies par les exilés, leurs conditions de vulnérabilité et les troubles psychiques graves. Un bilan sur près de 10 ans sur 16 000 consultants montre que les antécédents de violence concernent 62% d’entre eux, variables selon le pays d’origine et le statut social des personnes. Tortures (14%) et violences de genre (13%) sont très fréquentes. La vulnérabilité de ces personnes est réelle : un quart des consultants présentent au moins cinq critères de vulnérabilité. Il n’est pas étonnant dans ce contexte d’observer des troubles psychiques graves (16%), du type syndrome post-traumatique, ou des tableaux dépressifs (22%).
Enfin, les travaux de l’Inserm sur l’accès aux soins prénatals et la santé maternelle, basés sur quatre études françaises, soulignent des niveaux de suivi prénatal très inadéquats et un risque accru de décès maternels, notamment chez les femmes nées en Afrique subsaharienne ; données très convergentes avec la littérature internationale, qui doivent interroger sur les barrières aux soins des femmes immigrées et sur les moyens de lever les obstacles qui, au-delà de leurs effets sur les mères, ont très probablement aussi des conséquences sur les enfants à naître.
Toutes ces études mettent en exergue la très grande précarité de beaucoup de ces migrants primo-arrivants, qu’ils soient immigrés de fraîche date, réfugiés, demandeurs d’asile et qui présentent de nombreux problèmes de santé, tant somatiques que psychiques, avec des difficultés importantes d’accès aux soins. Les données issues de ces travaux contribueront, je l’espère, au plaidoyer pour favoriser leur accès aux droits à la santé et à l’intégration sociale. Il faut saluer très sincèrement les actions humanitaires qui tentent de pallier aux situations sanitaires les plus extrêmes, dans l’attente de solutions plus pérennes.