Connaissance de deux nouvelles recommandations relatives aux légumes secs et produits céréaliers complets par les adultes : résultats du Baromètre de Santé publique France 2021
// Knowledge among adults of two new guidelines on pulses and wholegrain products: Results from the 2021 Santé publique France Health Barometer
Résumé
Introduction –
Les fibres alimentaires ont un intérêt avéré sur la santé, mais leur consommation est très insuffisante en France. Depuis 2019, à l’instar du message sur les « 5 fruits et légumes par jour », deux autres recommandations alimentaires sont promues auprès du grand public pour inciter à consommer davantage d’aliments vecteurs de fibres (féculents complets et légumes secs). Cet article présente les niveaux de connaissance de ces recommandations alimentaires par les adultes, ainsi que les fréquences de consommation en adéquation avec ces recommandations, encore jamais évalués. Les facteurs sociodémographiques potentiels des connaissances et les associations entre connaissances et consommations sont aussi explorés.
Méthode –
Les données utilisées proviennent d’un sous-échantillon de l’enquête Baromètre santé de 2021 réalisée par téléphone auprès d’un échantillon aléatoire de 24 514 adultes de 18-85 ans résidant en France hexagonale. Ce sous-échantillon de 4 542 adultes âgés de 18 à 75 ans avait répondu à un questionnaire spécifique concernant les connaissances des recommandations alimentaires et les consommations relatives aux féculents complets et légumes secs, ainsi que celles relatives aux fruits et légumes. L’association entre les caractéristiques sociodémographiques et la connaissance de ces recommandations et l’association entre cette connaissance et les consommations en adéquation avec les recommandations étaient investiguées à l’aide de régressions logistiques multivariées.
Résultats –
La recommandation relative aux fruits et légumes était connue par 71,0% des individus, celle des légumes secs par 77,7%, avec un pourcentage plus élevé de femmes, de personnes plus jeunes et ayant un niveau d’étude plus élevé (p<0,01). La recommandation de consommation des féculents complets était connue par 34,7% des individus avec un pourcentage plus élevé de femmes et de personnes plus jeunes (p<0,0001). Les consommations en adéquation avec les recommandations concernaient seulement un peu plus d’une personne sur 5 pour les fruits et légumes et légumes secs (respectivement 22,6% et 22,8%) et 28,0% pour les féculents complets. Les consommations pour chacun des groupes alimentaires étaient plus fréquemment en adéquation avec les recommandations chez les personnes qui connaissaient les recommandations que chez celles qui ne les connaissaient pas (p<0,0001).
Conclusion –
La connaissance des recommandations est donc bien un facteur associé du comportement alimentaire, mais il est nécessaire, en particulier pour les populations les moins favorisées, de renforcer les actions encourageant la consommation des trois groupes alimentaires étudiés (ateliers culinaires…), et surtout d’instaurer des mesures augmentant l’offre et l’accessibilité de ces aliments pour faciliter leur consommation.
Abstract
Introduction –
Dietary fibre is of proven benefit to health, but consumption levels remain very low in France. Since 2019, following the example of the ‘5 fruits and vegetables a day’ message, two additional food-based dietary guidelines (FBDGs) have been promoted to the general public to encourage people to eat more fibre-rich foods (wholegrain starches and pulses). This study aimed to investigate the level of knowledge among French adults regarding all three FBDGs and to assess, for the first time, consumption frequencies in accordance with the guidelines. Socio-demographic factors potentially linked to knowledge, as well as associations between knowledge and consumption were also explored.
Methods –
This study is based on data from the 2021 Santé Publique France Health Barometer, a telephone survey conducted on a random sample of 24,514 adults living in mainland France. A subsample of 4,542 adults aged 18 to 75 answered a specific questionnaire concerning FBDG knowledge and consumption frequency of wholegrain starches, pulses, fruits and vegetables. Multivariate logistic regressions were used to investigate the association between sociodemographic characteristics and knowledge of the three FBDGs, as well as the association between this knowledge and consumption in accordance with the FBDGs.
Results –
The fruit and vegetable guideline was known by 71.0% of individuals and the pulses guideline was known by 77.7%, with a higher percentage of women, younger people, and people with a higher level of education (p<0.01). The wholegrain starches guideline was known by 34.7% of individuals, with a higher percentage of women and younger people (p<0.0001). Consumption in accordance with the FBDG concerned just over one person in five for fruit and vegetables and pulses (22.6% and 22.8% respectively) and 28.0% for wholegrain starches. Consumption levels for each of the food groups were more frequently in accordance with the FBDGs among people who were aware of the guidelines than among those who were not (p<0.0001).
Conclusion –
While knowledge of FBDGs is a factor associated with dietary behaviour, there is still a need to encourage consumption of the three food groups (via culinary workshops, for example) and, above all, to improve the supply and accessibility of these foods in order to facilitate their consumption, particularly for people of low socio-economic status.
Introduction
Les recommandations alimentaires (RA) sont des messages courts, pratiques et applicables à destination du grand public. Elles sont fondées sur des données probantes concernant le lien entre l’alimentation et le risque d’obésité et de maladies chroniques. Leur élaboration et leur diffusion auprès de la population constituent l’une des premières actions des politiques nutritionnelles 1. En 2019, les RA françaises ont été réactualisées pour les adultes 2 dans le cadre du Programme national nutrition santé 3 (PNNS). Elles incluent désormais des recommandations spécifiques pour les légumes secs (LS) : « Au moins deux fois par semaine des légumes secs (lentilles, pois chiches, haricots secs…) », et les produits céréaliers complets (FC) (1) : « Au moins un féculent complet par jour (pain complet, pâtes complètes, riz complet…) ». La consommation des LS et FC permet notamment d’augmenter l’apport en fibres qui s’est avéré insuffisant pour près de neuf adultes sur 10 en France 4. Or la consommation d’aliments contenant des fibres est associée à une diminution du risque de maladies chroniques (comme les cancers, les maladies cardiovasculaires ou le diabète de type 2) 5,6.
Naturellement riches en fibres, mais également à un prix abordable, les LS et FC ont ainsi été priorisés pour faire l’objet d’une campagne de marketing social en 2019 7. Celle-ci a été conçue en se basant sur le modèle conceptuel de la littératie alimentaire 8, en particulier de sa composante intrinsèque qui inclut plusieurs déterminants du changement de comportement : les connaissances en matière d’alimentation et de nutrition, les compétences alimentaires et culinaires, l’auto-efficacité et la confiance en ses capacités (culinaires, etc.). Les objectifs de cette campagne télévisée et sur Internet étaient d’accroître la connaissance de la richesse en fibres des LS et des FC, et le sentiment d’auto-efficacité, ainsi que d’encourager une alimentation plus saine incluant davantage de LS et FC. L’évaluation de la campagne a permis d’observer : i) une amélioration de la connaissance de la richesse en fibres des FC et une augmentation de la consommation de LS chez les petits consommateurs de LS ; ii) une meilleure atteinte du public ciblé par la campagne (les femmes de moins de 50 ans, de profession et catégorie sociale modestes et de faible niveau de diplôme) 7. En 2020, le dispositif de communication s’est poursuivi, auprès du grand public et des professionnels exerçant dans le champ de la santé, par la diffusion large et pérenne d’une brochure et une communication numérique via le site internet mangerbouger.fr pour faire connaître cette fois les RA chiffrées relatives à tous les groupes alimentaires dont celles des LS et des FC.
Pour évaluer l’impact éventuel de la diffusion de l’ensemble des RA sur les comportements alimentaires, ou plus généralement, des actions mises en place dans le cadre du PNNS, disposer régulièrement d’indicateurs de consommations est indispensable, tout comme continuer à suivre les déterminants du comportement alimentaire dont les connaissances en matière d’alimentation font partie. Le suivi de ces différents indicateurs permet d’ajuster les stratégies de prévention. Aussi, consécutivement à la campagne de 2019 sur les LS et les FC, ainsi qu’à la promotion de toutes les RA du PNNS qui a suivi, des questions relatives à la connaissance de certaines RA et à des consommations alimentaires ont été intégrées dans le Baromètre santé de Santé publique France en 2021 9.
L’objectif de cet article est d’analyser à partir des données de cette enquête, d’une part, les niveaux de connaissance des RA relatives aux LS et FC et les facteurs sociodémographiques associés, et d’autre part, les niveaux de consommation en adéquation avec ces RA. Les associations entre la connaissance des recommandations et les consommations sont aussi investiguées. Ces mêmes paramètres sont analysés pour les fruits et légumes (FL) dont la RA est promue très largement depuis deux décennies en France.
Matériel et méthodes
Sources de données et population d’étude
Cette étude repose sur les données du Baromètre de Santé publique France 2021, enquête téléphonique menée entre février et décembre 2021 sur un échantillon aléatoire de la population des 18-85 ans résidant en France hexagonale (24 514 individus). Le taux de participation révisé, c’est-à-dire tenant compte de la part d’éligibles parmi les ménages non joints, était de 44,3%. La méthode détaillée de l’enquête a été précédemment décrite et publiée 9. Six sous-échantillons ont été constitués lors du Baromètre 2021 pour approfondir certains thèmes de santé publique. La version du questionnaire (sous-échantillon) était attribuée aléatoirement une fois la personne éligible sélectionnée pour répondre au tronc commun du questionnaire. Ainsi, un sous-échantillon de 4 542 participants âgés de 18 à 75 ans a été interrogé sur l’alimentation et la connaissance de certaines recommandations du PNNS (2) (tableau 1). La structure de ce sous-échantillon était similaire à celle de l’échantillon total 9.
Afin d’être représentatives de la population de France hexagonale, les données ont été pondérées pour tenir compte du plan de sondage, puis redressées sur les structures observées dans l’enquête emploi 2020 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) selon les variables suivantes : sexe croisé avec l’âge en tranches décennales, taille d’unité urbaine, région de résidence, niveau de diplôme, nombre d’habitants dans le foyer.
Agrandir l'imageVariables mesurées
Connaissances des recommandations alimentaires
Les variables correspondant à la connaissance des recommandations étaient estimées pour les groupes alimentaires « fruits et légumes » (FL), « légumes secs » (LS) et « féculents complets » (FC) à partir de questions spécifiques à chaque groupe (2) (tableau 1).
Étaient considérées comme connaissant les recommandations les personnes les ayant citées correctement, c’est-à-dire celles répondant : cinq fruits et légumes ou plus par jour, deux portions ou plus de légumes secs par semaine et une portion de féculents complets ou plus par jour respectivement.
Consommations alimentaires déclarées
Les variables correspondant à la consommation étaient estimées pour les mêmes groupes alimentaires que précédemment (FL, LS et FC) à partir de questions spécifiques à chaque groupe et posées avant les questions de connaissance des RA pour éviter les biais de réponse concernant la consommation (2) (tableau 1).
Les niveaux de consommation des trois groupes alimentaires ont été explorés, puis dichotomisés en fonction de l’atteinte ou non des RA.
Variables socio-économiques
Les variables socio-économiques suivantes ont été considérées : sexe, âge (<50 ans, ≥50 ans), niveau de diplôme (<baccalauréat, bac, >bac), revenu (catégorisé en quartiles) et situation financière perçue (se sent à l’aise ou ça va, c’est juste, y arrive difficilement ou ne peut y arriver sans faire de dettes) (2).
Analyses statistiques
Analyses descriptives
Les estimations de prévalence ont été réalisées sur des données pondérées. Les caractéristiques sociodémographiques associées à la connaissance des recommandations pour les trois groupes alimentaires étaient investiguées à l’aide de régressions logistiques multivariées. Les variables associées à un seuil de 20% dans les analyses univariées étaient introduites dans les modèles multivariés, puis considérées comme facteurs de confusion par la suite.
L’association entre la connaissance des recommandations alimentaires et la consommation en adéquation avec les recommandations pour chacun des groupes alimentaires considérés était investiguée par des régressions logistiques ajustées sur les facteurs de confusion déterminés précédemment.
Pour les analyses d’association, le seuil de 5% a été retenu. Lorsque les variables explicatives étaient catégorielles ordonnées, un p de tendance était calculé.
Données manquantes
Le total des données manquantes pour l’ensemble des variables étudiées étant inférieur à 10% du sous-échantillon (8,3%), les analyses ont été réalisées en « cas complet » (les données manquantes n’ont pas été imputées et chaque analyse a été réalisée avec les sujets pour lesquels les données étaient disponibles). Des analyses de sensibilité ont été faites en imputant les données manquantes, lorsqu’elles étaient inférieures à 5% par la valeur modale et situées entre 5% et 10% (seuls les revenus étaient concernés), par la création d’une catégorie « ne souhaite pas répondre ». Les résultats de ces analyses de sensibilité étaient similaires.
Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata® (version 14.2, StataCorp LLC).
Résultats
Les prévalences de connaissance des RA et de consommations en adéquation avec les RA de la population d’étude sont présentées dans le tableau 2. La recommandation relative aux LS était davantage citée que celle des FL (77,6% des individus vs 71,0%) ; en revanche, celle des FC était plus de deux fois moins citée (34,7%). En ce qui concerne les consommations alimentaires déclarées en adéquation avec les recommandations alimentaires, elles représentaient toutes trois des proportions assez faibles de l’échantillon, pour un peu plus d’une personne sur 5 pour les FL et les LS (respectivement 22,6% et 22,8%) et un peu plus d’un quart pour les FC (28,0%).
Agrandir l'imageLes associations entre les facteurs sociodémographiques et la connaissance des RA sont présentées dans le tableau 3. Parmi les variables retenues dans le modèle multivarié, le fait d’être une femme (73,7% vs 62,3% des hommes, p<0,001), d’être plus jeune (76,9% des moins de 50 ans vs 64,0% des 50 ans et plus, p<0,001) et d’avoir un niveau d’études plus élevé (75,6% chez ceux ayant un diplôme supérieur au bac vs 66,6% chez ceux n’ayant pas le bac, p=0,01) étaient associés à la connaissance plus fréquente de la recommandation des FL, alors qu’aucune association significative n’a été retrouvée avec les revenus (p=0,09).
Agrandir l'imagePour les LS, les femmes (79,3% vs 75,8%, p=0,01), les plus jeunes (81,6% vs 73,0%, p=0,002), les personnes ayant un niveau d’études plus élevé (82,1% chez ceux ayant un diplôme supérieur au bac vs 73,5% chez ceux n’ayant pas le bac, p<0,0001) connaissaient plus fréquemment la recommandation. Au contraire, les personnes ayant les revenus les plus élevés étaient moins nombreux à la citer (odds ratio, OR=0,73, intervalle de confiance à 95%, IC95%: [0,54-0,99]).
En ce qui concerne les FC, les femmes (38,1% vs 31,0%, p<0,0001) et les plus jeunes (38,1% vs 30,5%, p<0,0001) étaient proportionnellement plus nombreux à connaître la recommandation. Aucune association significative n’était retrouvée avec le niveau d’études (p=0,8).
Les associations entre la connaissance des recommandations et les consommations alimentaires sont présentées dans le tableau 4. Environ 1/4 des participants qui connaissaient la recommandation relative aux FL avaient une consommation en adéquation avec la recommandation alimentaire contre moins d’un 1/5 parmi ceux ne connaissant pas la recommandation. Ce résultat se retrouvait indépendamment des facteurs de confusion potentiels (OR=1,61 [1,29-2,02], p<0,0001).
Pour les LS, les participants connaissant la recommandation étaient 6 fois plus nombreux (en pourcentage) à atteindre une consommation en adéquation avec la recommandation que ceux qui ne la connaissaient pas (30% vs 5%) ; et ce résultat se retrouvait indépendamment des facteurs de confusion potentiels (OR=8,50 [5,42-13,34], p<0,0001).
Pour les FC, les participants étaient 2 fois plus nombreux (en pourcentage) à consommer au moins une fois par jour des féculents complets lorsqu’ils connaissaient la recommandation que lorsqu’ils ne la connaissaient pas. Ce résultat se retrouvait indépendamment des facteurs de confusion potentiels (41,3% vs 19,2%, OR [IC95%] : 2,74 [2,29-3,28], p<0,0001).
Agrandir l'imageDiscussion
D’après les résultats du Baromètre santé, si environ sept personnes sur 10 connaissaient en 2021 la recommandation relative aux FL, davantage connaissaient celle des LS (près de huit personnes sur 10), mais deux fois moins connaissaient celle des FC (un tiers des individus). Comme pour la recommandation sur les FL, les femmes et les personnes de moins de 50 ans étaient proportionnellement plus nombreuses à connaître les deux nouvelles RA sur les LS et les FC. Les plus diplômés étaient également plus nombreux à connaître les recommandations sur les FL et les LS, mais cette association positive n’a pas été retrouvée pour les FC. Enfin, si aucune association entre les connaissances des RA et le revenu n’a été trouvée pour les FL et les FC, les personnes ayant les revenus les plus faibles étaient un peu plus nombreuses à connaître la recommandation des LS. Les résultats ont également mis en avant des consommations plus fréquemment en adéquation avec les recommandations chez les personnes qui connaissaient celles-ci.
Connaissance des recommandations et consommations en adéquation avec les recommandations
La connaissance de la recommandation relative aux FL est suivie depuis une vingtaine d’années en France 10, mais nous ne disposions pas de données antérieures pour les deux autres groupes. Pour les FL, la connaissance a fortement augmenté à partir de l’apposition sur les publicités alimentaires depuis 2007 du message sanitaire « pour votre santé, mangez au moins 5 fruits et légumes par jour ». Elle a en effet été multipliée par 11 entre 2002 et 2008 10, puis est restée stable entre 2008 et 2015 avec 60% d’adultes âgés de 18 à 75 ans citant cette RA 11. La connaissance aurait donc augmenté de 11 points entre 2015 et 2021, 71% des adultes de cette même tranche d’âge citant cette RA en 2021. En France, la connaissance de cette recommandation s’est donc, non seulement, installée en 20 ans de diffusion du message, mais continue aussi à croître chez les adultes. Elle restait cependant inférieure à celle rapportée par d’autres pays (80-85%) 12 où la même recommandation est diffusée depuis longtemps, mais dépassait celle observée en Italie (54%) 13.
Cependant, malgré la notoriété élevée du message, moins d’un quart des participants à ce Baromètre déclaraient une consommation en FL en adéquation avec la RA. Cet écart a également été retrouvé dans d’autres pays malgré les campagnes d’information sur les FL 12, ce qui peut souligner l’intérêt limité de l’information sur les changements de comportements. Mais Appleton et coll. 12 observaient également qu’une meilleure connaissance de l’ensemble des détails de la recommandation (nombre et taille des portions, variété, intérêt des conserves et surgelés…) était associée à une consommation plus élevée en FL, alors que la seule connaissance du message « 5 fruits et légumes par jour » ne suffisait pas à augmenter les consommations 12. En France, une compréhension erronée du chiffre cinq ayant aussi été observée, une précision « par exemple, trois portions de légumes et deux fruits » a été ajoutée à la RA en 2019 2. Ce nouveau message ainsi complété a été testé et a obtenu une meilleure adhésion en termes de clarté et de pouvoir incitatif 2. De plus, une nouvelle approche dite « des petits pas » pour communiquer sur les RA a été élaborée en France en 2019 (3). Elle permet d’encourager à consommer certains aliments (comme les FL) par rapport à d’autres, ou à substituer des aliments d’une même catégorie par d’autres, car plus intéressants sur le plan nutritionnel (par exemple les féculents complets par rapport aux féculents raffinés), sans donner de quantité ou de fréquence à atteindre. Cette approche a été testée et s’est avérée plus incitative que les RA chiffrées pour changer, petit à petit, ses comportements, en particulier auprès des personnes dont les pratiques alimentaires sont les plus éloignées des recommandations 2.
Même si la RA sur les LS est diffusée depuis peu de temps, sa connaissance était élevée dans la présente étude, dépassant même celle des FL (78% vs 71%). Comme il est cependant peu probable que cette RA ait été assimilée par la population en seulement deux ans, d’autres hypothèses pourraient expliquer ce score élevé. Tout d’abord la RA est hebdomadaire et non quotidienne. Une consommation d’au moins deux fois par semaine était peut-être perçue comme plus aisément applicable, donc mieux acceptée et de ce fait citée plus fréquemment. Mais, des campagnes ont aussi été menées pour promouvoir les LS et même si leur impact sur la consommation ne s’est pas révélé très élevé 7,14, il est possible que le cumul des dispositifs de promotion ait influé sur la connaissance de la RA. Ce score peut aussi être lié à l’image positive des LS : selon de récents travaux, leurs bénéfices sur la santé et l’environnement et leur richesse en protéines seraient bien connus 15. Cependant, cette image positive n’induirait pas nécessairement leur achat 15. Et en effet, dans notre étude, seuls 23% des participants déclaraient en consommer suffisamment. Certains freins à leur consommation sont connus : leur goût peu apprécié, un manque de connaissances pour les cuisiner 2,15, ou la perception d’aliments plutôt destinés aux végétariens 15. De plus, assimilés à des féculents 15, ils sont peut-être suspectés de favoriser une prise de poids 10,16.
La recommandation sur les FC a été deux fois moins citée (35%) que celle des LS, alors que toutes les deux sont diffusées depuis 2019. Son niveau de connaissance rejoint toutefois ceux observés récemment en Australie (39%) 17 et en Afrique du Sud (38%) 18. Plusieurs éléments peuvent expliquer ce faible score. Tout d’abord, les FC sont des produits mal identifiés 2,17, ce qui peut rendre plus difficile la mémorisation d’une recommandation. Pour cette raison, des exemples de FC sont cités dans la RA en France 2, comme dans la question du Baromètre (tableau 1). Cependant, ces exemples reprenaient le terme « complets » qui peut lui-même manquer de sens pour les personnes interrogées. Par ailleurs, les FC sont moins présents que leurs équivalents raffinés, et très peu mis en évidence dans les rayons des magasins. L’encouragement à consommer cet aliment de manière quotidienne peut de ce fait sembler paradoxal. Enfin, la formulation des questions des RA mettait en avant un objectif de santé : « À votre avis, pour être en bonne santé, faut-il manger des féculents complets, comme du pain complet, des pâtes complètes ou du riz complet tous les jours ? ». Or l’intérêt des FC sur la santé semble mal connu 2,17. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la RA française a été complétée par « car ils sont riches en fibres » 2. Cette méconnaissance de l’effet des FC sur la santé est de plus renforcée par une mauvaise image, car comme les autres féculents, ils contiennent des glucides. Ils sont donc associés à des aliments qui peuvent faire prendre du poids ou être mauvais pour la santé 16. Ces différentes raisons pourraient également expliquer le faible niveau de consommation de FC déclarée, en adéquation avec la RA dans ce Baromètre. De plus, leur goût et leur texture seraient peu appréciés, et leur coût considéré comme étant plus élevé que celui de leurs équivalents raffinés 2,17.
Facteurs sociodémographiques associés à la connaissance des recommandations
L’analyse des facteurs associés à la connaissance des RA a mis en avant une connaissance plus élevée chez les femmes, chez les moins de 50 ans, ainsi que chez les plus diplômés (sauf pour les FC). Pour les FL, si cette association avec le genre et l’âge n’était pas observée en 2015 11, elle l’avait été en 2008 10. En revanche, le niveau de diplôme comme facteur associé serait inédit car il n’apparaissait ni en 2008, ni en 2015. De manière générale, la littérature rapporte des niveaux de connaissances nutritionnelles générales meilleurs chez les plus diplômés 13,19 et chez les femmes 19. Cette observation chez les femmes peut s’expliquer par le fait qu’elles sont davantage impliquées dans les achats alimentaires et la préparation des repas que les hommes, plus soumises à la pression sociale à l’égard de la minceur, mais aussi plus intéressées par les questions de santé et de prévention en général 10.
Pour les LS, la RA était significativement plus citée pour le quartile de revenu le plus faible. Le prix abordable des LS peut expliquer que les personnes aux revenus plus faibles aient cité davantage la recommandation. Par ailleurs, ce résultat est cohérent avec une récente étude évaluant l’impact d’une campagne promouvant les LS qui notait une augmentation de leur achat, surtout chez les personnes aux revenus les plus faibles 14.
Associations entre connaissances et consommations
Pour les trois groupes alimentaires, les personnes citant correctement chacune des RA avaient significativement plus de chance de déclarer une consommation en adéquation avec cette RA. Pour les FL, cette association a déjà été trouvée en France 20 et ailleurs 12,21, mais a été considérée faiblement significative dans une revue systématique 19. La valeur de l’OR relatif à cette association pour les LS était très similaire à celle rapportée par une étude transatlantique (8,2 vs 8,5), mais cette association n’était pas retrouvée pour les FL 22. Pour les FL et les LS, l’écart très élevé entre le pourcentage de personnes connaissant la RA et le pourcentage de personnes déclarant atteindre cette RA montre que la connaissance est insuffisante pour induire une consommation adéquate pour une grande partie de la population et que les autres déterminants du comportement alimentaire sont primordiaux. Concernant les FL, la connaissance de la recommandation a fortement augmenté au cours du temps, sans pour autant faire augmenter la consommation en FL. Certains freins à leur consommation, notamment le coût des FL frais, leur goût, et le temps de préparation peuvent expliquer cette stagnation 11. Il est ainsi essentiel que d’autres interventions ou mesures que l’information soient plus largement mises en œuvre en France pour inciter à consommer ces aliments ou à faciliter le choix de ces aliments par rapport à d’autres aliments moins sains : augmenter leur accessibilité économique, leur accessibilité physique (disponibilité dans tous les lieux d’achats), voire utiliser des nudges comportementaux (4) dans les lieux d’achats et de restauration collective 23, ou encore, à une échelle communautaire, mettre en place des ateliers culinaires pour apprendre à les préparer ; les interventions visant à améliorer les compétences culinaires en général permettraient en effet d’accroître la confiance des individus en leurs capacités à cuisiner sainement, autre facteur qui influe sur le niveau de littératie alimentaire 8.
Concernant les LS, la connaissance de la RA est d’emblée élevée. Leur consommation augmentera peut-être si leur image change (par exemple, qu’ils ne soient plus considérés par certains comme des aliments « réservés » aux végétariens) ou si, comme le nécessite la préservation de l’environnement, les régimes alimentaires deviennent moins carnés ou encore si l’offre commerciale ou en restauration collective propose des recettes séduisant les consommateurs. Contrairement aux FL, les LS présentent l’avantage d’être plus abordables.
Forces et limites
La principale force de cette étude est l’utilisation de données issues d’une enquête de grande ampleur, basée sur une méthodologie de sondage aléatoire et un protocole d’appels destiné à maximiser les chances de chaque individu d’être joint et interrogé 9. La méthode tend ainsi à représenter la diversité des comportements de la population résidant en France hexagonale, parlant le français et équipée d’un téléphone fixe ou mobile. Sa répétition depuis une trentaine d’années permet de suivre l’évolution des connaissances et comportements sur différents sujets de santé publique et d’intégrer de nouvelles questions à la suite de l’évolution des messages de santé publique.
Plusieurs limites de l’étude sont toutefois à souligner. Tout d’abord, le sous-échantillon n’incluait pas les départements et région d’outre-mer (DROM) pour lesquels des recommandations spécifiques doivent être élaborées. Par ailleurs, les questions de connaissances n’étaient pas posées de la même manière. Pour les FL, il était demandé : « combien de FL faut-il consommer par jour ou par semaine ? » ; pour les LS et les FC, une question filtre demandait s’il fallait en consommer tous les jours, puis, en cas de réponse négative, combien il fallait en consommer par semaine. Cette différence a pu conduire à une surestimation de LS ou de FC à consommer. Concernant les consommations alimentaires, le questionnaire ne reposait pas, pour des raisons de coût et de faisabilité, sur des rappels de 24h préconisés pour obtenir des données de consommations fiables, ce qui a pu induire un biais de réponses. De plus, les questions de connaissances et de consommations étaient proches dans le questionnaire, ce qui a pu induire des réponses similaires entre la citation de la recommandation et la consommation. Cependant sept questions, autres que relatives à des connaissances, ont été placées entre les questions de consommations et les connaissances (2) (tableau 1), ce qui a pu amoindrir ce biais. Enfin, le Baromètre santé étant une enquête déclarative, cette méthodologie est susceptible d’entraîner un biais de désirabilité sociale. Néanmoins, le nombre de thèmes très variés liés à la santé publique qui sont traités dans le Baromètre en peu de temps et la manière dont les questions ont été formulées, notamment de connaissance des RA (en commençant par « à votre avis, … »), ont pu limiter ce biais.
Conclusion
Les régimes alimentaires privilégiant les aliments végétaux sont considérés comme une stratégie permettant de prévenir les maladies nutritionnelles, de lutter contre l’impact des systèmes alimentaires actuels sur l’environnement, et de réduire leur contribution au changement climatique 24. En promouvant la consommation des fruits et légumes, légumes secs et produits céréaliers complets, ces préoccupations sanitaires et environnementales sont au cœur des dernières recommandations alimentaires françaises. Toutefois, malgré des recommandations assez largement connues par les adultes pour les fruits et légumes et les légumes secs, et une probabilité supérieure d’avoir des consommations en adéquation avec les recommandations alimentaires quand celles-ci sont connues, par rapport à lorsqu’elles ne le sont pas, les consommations en fruits et légumes et légumes secs s’avéraient très faibles dans notre étude ; celle des produits céréaliers complets l’était également. Ces données montrent qu’il est fondamental de mettre en place des mesures structurelles relatives à l’offre alimentaire et à l’accessibilité des aliments favorables à la santé pour faciliter la consommation de ces aliments, et en particulier auprès des personnes les moins favorisées sur le plan socioéconomique. L’information du public, quant à elle, permet de continuer à faire évoluer les connaissances et les représentations et peut aussi contribuer à accroître les compétences alimentaires et culinaires, facteurs qui permettent d’améliorer la littératie alimentaire 8. Par ailleurs, la connaissance des recommandations alimentaires relatives aux fruits et légumes et légumes secs moindre chez les moins diplômés montre la nécessité de continuer à cibler cette population lors des campagnes d’information, mais ces dernières doivent être complétées par des programmes d’éducation à la santé dans le cadre d’actions de proximité. L’approche communicationnelle « des petits pas » proposée depuis 2019 et qui s’articule autour de trois catégories d’aliments (à augmenter/substituer ou « aller vers »/diminuer) peut aussi être mieux perçue que des recommandations alimentaires chiffrées, parfois jugées inatteignables ou trop normatives. Les personnes les plus éloignées de ces recommandations peuvent alors exprimer à leur égard une forme de distance ou même de l’indifférence 25. Cette approche pourrait être plus efficace pour changer les représentations, voire pour amorcer un éventuel changement de comportement.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Remerciements
Les auteurs remercient François Beck, Pauline Ducrot et Valérie Deschamps pour la relecture de cet article, ainsi que l’équipe des baromètres santé pour la mise en œuvre de cette enquête.
Références
Citer cet article
docs/barometre-de-sante-publique-france-2021.-questionnaire-volet-metropole




