Fréquences nationales et régionales de consommations alimentaires par rapport aux recommandations nutritionnelles des adultes français : résultats des Baromètres 2021 hexagonal et DROM de Santé publique France
// National and regional food consumption frequencies in relation to dietary guidelines for French adults: Results from the 2021 Santé publique France Health Barometer for mainland and overseas France
Résumé
Introduction –
L’alimentation est aujourd’hui reconnue comme un des principaux facteurs de risque modifiables intervenant dans le déterminisme de nombreuses maladies chroniques non transmissibles. En France, le Programme national nutrition santé (PNNS) vise depuis 2001 à améliorer l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur ce facteur. Une étape importante de cette démarche est l’évaluation des consommations alimentaires de la population.
Méthodes –
Cet article présente, à partir des résultats du Baromètre de Santé publique France 2021 (hexagonal et DROM – départements et régions d’outre-mer), les niveaux de fréquences de consommation par les individus adultes de quelques groupes alimentaires : les fruits, légumes, féculents complets, légumes secs et boissons sucrées par rapport aux recommandations du PNNS, ainsi que les facteurs sociodémographiques associés.
Résultats –
En France hexagonale en 2021, 19% des hommes et 25% des femmes âgés de 18 à 85 ans déclaraient des consommations de fruits et légumes en adéquation avec les recommandations du PNNS. Près de 23% des adultes consommaient des légumes secs deux fois par semaine ou plus alors que 29% des hommes et 26% des femmes déclaraient une consommation quotidienne de féculents complets. Par ailleurs 18% des hommes et 12% des femmes consommaient plus d’un verre de boissons sucrées par jour. Le non-respect des recommandations, en particulier une consommation insuffisante de fruits et légumes ou une consommation excessive de boissons sucrées, concernait davantage les hommes que les femmes. Le respect des recommandations s’améliorait avec l’âge et le niveau de diplôme, sauf pour la consommation de féculents complets. Des associations différentes ont été mises en évidence avec la situation professionnelle, le revenu, le type de ménage et la taille de l’agglomération. Les régions Hauts-de-France, Normandie et Grand Est se distinguaient par une moindre adhésion que la moyenne hexagonale. Les DROM présentaient des situations qui différaient de la France hexagonale.
Conclusion –
La déclinaison régionale de la consommation de quelques groupes alimentaires par les individus adultes contribue à mieux définir, piloter et évaluer les politiques régionales de santé publique en matière d’alimentation.
Abstract
Introduction –
Diet is a modifiable risk factor for numerous non-communicable chronic diseases. Launched in 2001, the National Nutrition and Health Programme (PNNS) aims to improve the health status of the French population by acting on this determinant. Evaluating food consumption in the population is an important aspect of this approach.
Method –
Based on data from the 2021 Santé publique France Health Barometer surveys (conducted in mainland and overseas France), this article presents consumption frequencies for specific food groups – fruits, vegetables, wholegrain starches, pulses and sweet beverages – compared to the PNNS guidelines for recommended intake and in relation to associated sociodemographic factors.
Results –
In mainland France, 19% of men and 25% of women declared meeting the recommended intake for fruits and vegetables in 2021. Nearly 23% of adults consumed pulses at least twice a week, while 29% of men and 26% of women reported daily consumption of wholegrain starches. Concerning sweet beverages, 18% of men and 12% of women consumed more than one glass of a day. Non-compliance with the recommendations, whether in terms of insufficient fruit and vegetable intake or excessive consumption of sweet beverages, was more common among men than among women. Compliance with the recommendations increased with age and level of education, except regarding consumption of wholegrain starchy foods. Differences in consumption frequencies were associated with occupational status, income level, family structure and size of urban area. The regions of Hauts-de-France, Normandy and Grand Est showed levels of compliance with the recommendations significantly lower than the average for mainland France. The French overseas departments and regions also presented situations that differed from mainland France.
Conclusion –
Understanding regional variations in adults’ consumption of certain food groups helps to define, guide and evaluate regional public health policies on nutrition.
Introduction
L’alimentation intègre l’ensemble des consommations alimentaires sous forme d’aliments ou de boissons. Elle est aujourd’hui reconnue comme un des principaux facteurs de risque, ou de protection, modifiables des maladies chroniques les plus répandues dans le monde industrialisé : obésité, cancers, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2 1,2,3. Au niveau mondial, l’alimentation est un des principaux facteurs de risque de mortalité, responsable d’environ 1 décès sur 5 4. Une alimentation pauvre en céréales complètes, fruits et légumes, fruits à coques, poissons, et riche en produits salés est associée à un peu plus de 10 millions de décès par an dans le monde, ce qui représente environ 20% de la mortalité mondiale 5. Les impacts de certains comportements alimentaires ont été plus étudiés que d’autres, et un consensus international semble s’établir sur les bénéfices associés à une consommation adéquate de fruits et légumes. L’apport insuffisant de fruits et légumes causerait 14% de la mortalité par cancers gastro-intestinaux, 11% de la mortalité par maladies ischémiques et 9% par accidents cardiovasculaires 6.
En France, le Programme national nutrition santé (PNNS) vise à améliorer l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur ce déterminant majeur. Décliné depuis 2001, il est entré dans sa quatrième phase en 2019 avec l’élaboration par Santé publique France de nouvelles recommandations 7 sur la base de l’avis du Haut Conseil de la santé publique (lui-même basé sur le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – Anses) 8,9. Le site internet mangerbouger.fr, des campagnes de communication audiovisuelles et la diffusion de brochures ont permis de diffuser ces nouvelles recommandations au sein de la population dès 2019. Une dimension importante de cette démarche de prévention et d’éducation pour la santé est l’évaluation des comportements alimentaires de la population et de leur évolution au cours du temps en lien avec les actions réalisées. C’est dans cet objectif que des questions permettant d’évaluer les fréquences de consommation de certains groupes alimentaires ont été incluses dans le Baromètre de Santé publique France réalisé en 2021 en France hexagonale et dans les départements et régions d’outre-mer (DROM).
L’objectif principal de cet article est de décrire la fréquence de consommation de ces groupes alimentaires par les individus adultes vivant en France, au niveau national et régional incluant les DROM (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion) à partir des données du Baromètre 2021 de Santé publique France. Les facteurs sociodémographiques associés à ces consommations ont également été relevés.
Méthode
Méthodologie de l’enquête
Cette étude a été réalisée à partir des données du Baromètre 2021 de Santé publique France. La méthode d’enquête est identique à celle du Baromètre 2020 10 et repose sur une génération aléatoire de numéros de téléphone fixes et mobiles. Les participants sont sélectionnés via un sondage aléatoire à deux degrés sur ligne fixe (sélection aléatoire d’un individu éligible par ménage), et une interrogation de la personne qui décroche sur ligne mobile.
L’enquête, menée par l’institut Ipsos, s’est déroulée, pour la France hexagonale, du 11 février au 15 décembre 2021 (avec une trêve estivale du 19 juillet au 22 août), auprès de 24 514 personnes âgées de 18 à 85 ans. Le taux de participation révisé (calcul décrit dans la méthodologie de l’enquête 10) s’élève à 44,3% (39,5% sur fixe et 46,5% sur mobile), pour un questionnaire d’une durée moyenne de 36 minutes.
Dans les DROM, l’enquête s’est déroulée selon la même méthodologie, du 7 avril au 12 octobre 2021, auprès de 1 511 personnes résidant en Guadeloupe, 1 526 en Martinique, 1 478 en Guyane et 2 004 à La Réunion.
Afin que l’enquête soit représentative des populations investiguées, les pondérations tiennent compte de la probabilité d’inclusion (au sein du ménage et en fonction de l’équipement téléphonique), et de la structure de la population hexagonale et de chaque DROM, via un calage sur marges utilisant la variable sexe croisée avec l’âge en tranches décennales, la taille du foyer et le niveau de diplôme, auxquelles se rajoutent les variables région et la taille d’unité urbaine pour la métropole (population de référence : Institut national de la statistique et des études économiques – Insee –, enquête emploi 2020).
Variables d’intérêt
Les consommations alimentaires ont été estimées au moyen d’un questionnaire fréquentiel de groupes d’aliments. Cinq groupes alimentaires ont été investigués : les fruits, les légumes, les féculents complets, les légumes secs et les boissons sucrées. Ces groupes ont été choisis pour décrire à la fois des recommandations désormais bien diffusées dans la population (comme celles des « 5 fruits et légumes par jour » et la « limitation des boissons sucrées »), et deux nouvelles recommandations (relatives aux légumes secs et féculents complets). En ce qui concerne la formulation des questions, pour les légumes et les fruits, il était demandé si la consommation était quotidienne. Quand la réponse était positive, la fréquence de consommation était demandée selon une échelle allant de 1 à 5 par jour et plus. En cas de réponse négative, les propositions s’échelonnaient de « 4 à 6 fois par semaine » à « jamais » en passant par « au moins 4 fois par semaine », « 2 à 3 fois par semaine » et « une fois par semaine ou moins ». Pour les légumes secs, la question initiale portait sur la consommation hebdomadaire. Les fréquences de consommation proposées inférieures à la semaine étaient : « 2 à 3 fois par mois », « une fois par mois ou moins » et « jamais ».
Pour chaque groupe d’aliments, des consignes standardisées étaient données aux participants pour apporter certaines précisions. Pour les légumes, il était ainsi spécifié que les pommes de terre ne devaient pas être comptabilisées et la question sur les légumes secs comprenait la précision « comme des lentilles, pois chiches, haricots secs ». Pour les féculents complets, les exemples « comme du pain complet, des pâtes complètes ou du riz complet » étaient donnés. Les boissons sucrées étaient définies comme suit : « c’est-à-dire du jus de fruits, du sirop ou des sodas même light ».
Pour les DROM, la liste des aliments (notamment les fruits et légumes) donnés en exemple a été adaptée à chaque territoire.
Les indicateurs créés visent à décrire l’adéquation des consommations aux recommandations du PNNS. Les consommations suivantes étaient jugées conformes :
–pour les fruits et légumes : « au moins cinq fruits et légumes par jour », les petits consommateurs étant définis par la consommation de « moins de 3,5 fruits et légumes par jour » ;
–pour les féculents complets : « au moins un par jour » ;
–pour les légumes secs : « au moins deux fois par semaine » ;
–pour les boissons sucrées (à limiter) : « un verre maximum par jour ».
Analyses
Les facteurs sociodémographiques associés aux recommandations alimentaires ont été étudiés à partir des données de France hexagonale par des régressions logistiques multivariées. Les variables d’intérêt étaient : le sexe, l’âge (en 7 classes), le niveau de diplôme (aucun diplôme ou diplôme inférieur au baccalauréat, bac ou équivalent, supérieur au bac), la situation professionnelle (en emploi, au chômage, en études ou inactif), le niveau de revenu mensuel par unité de consommation du foyer de la personne interrogée (en terciles de la distribution observée dans l’échantillon), le type de ménage (en couple/seul et avec ou sans enfant) et la densité de la commune de résidence (selon les critères de l’Insee de 2020).
Les fréquences régionales ont été standardisées sur la structure par sexe et âge de la population de France hexagonale afin de pouvoir comparer les régions (DROM inclus) à structure égale. Les fréquences de chaque région ont été comparées à la fréquence nationale (France hexagonale) afin de tester, au moyen du test du Chi2 de Pearson, la significativité d’éventuelles différences.
Résultats
Niveaux de consommation des aliments selon le genre
En France hexagonale, en 2021, 19,3% des hommes et 25,2% des femmes (p<0,001) âgés de 18 à 85 ans déclaraient une consommation de fruits et légumes en adéquation avec les recommandations (tableau 1). Une consommation quotidienne de féculents complets était déclarée par 28,9% des hommes et 26,2% des femmes (p<0,001). Près de 23% des individus adultes consommaient des légumes secs deux fois par semaine ou plus, sans différence de consommation observée selon le sexe. En ce qui concerne la consommation de boissons sucrées, une différence de 6 points était observée entre les hommes (18,2%) et les femmes (11,9%) (p<0,001).
La non-adhésion aux recommandations relatives aux fruits et légumes et aux boissons sucrées concernait davantage les hommes que les femmes. Deux hommes sur trois (65,5%) étaient « petits consommateurs de fruits et légumes » contre 57,1% des femmes (p<0,001) (tableau 1).
d’après le Baromètre de Santé publique France, France hexagonale, 2021
Agrandir l'imageFacteurs associés aux consommations alimentaires
Les facteurs sociodémographiques significativement associés à l’adhésion aux recommandations variaient selon les groupes alimentaires considérés.
Les femmes étaient moins souvent des petites consommatrices de fruits et légumes que les hommes (tableau 2). Le pourcentage de petits consommateurs diminuait avec l’âge, de 72,9% chez les 18-24 ans à 64,3% chez les 45-54 ans et 46,3% chez les plus de 75 ans (p<0,001). Les titulaires du bac ou d’un diplôme supérieur étaient moins souvent des petits consommateurs de fruits et légumes que les personnes sans diplôme ou ayant un diplôme inférieur au bac (odds ratio, OR=0,9 et OR=0,67 respectivement ; p<0,001). Le fait d’être cadre, d’avoir une profession intellectuelle supérieure, ou d’exercer une profession intermédiaire était associé à un moindre risque d’être un petit consommateur de fruits et légumes par rapport aux ouvriers (p<0,001). Ceci était également le cas des personnes vivant en couple sans enfant par rapport aux célibataires (OR=0,9 ; p<0,01), et des individus vivant en couple avec ou sans enfant. Les personnes habitant l’agglomération parisienne étaient aussi moins souvent de petits consommateurs en comparaison des personnes vivant dans des villes moyennes (OR=0,9 ; p<0,01).
Agrandir l'imageLa consommation d’au moins 5 fruits et légumes par jour était, quant à elle, associée au fait d’être une femme (OR=1,4 ; p<0,001), d’avoir un niveau de diplôme égal (OR=1,2 ; p<0,05) ou supérieur au bac (OR=1,3 ; p<0,001) et d’occuper une profession intellectuelle supérieure (OR=1,4 ; p<0,001) ou une profession intermédiaire (OR=1,2 ; p<0,01). Le pourcentage de personnes en adéquation avec cette recommandation augmentait avec l’âge, passant de 17,0% chez les 18-24 ans à 30,1% chez les 65-74 ans.
La consommation de légumes secs était associée au niveau de diplôme, avec un pourcentage d’adéquation plus important chez les personnes possédant le bac (OR=1,24 ; p<0,001) ou un diplôme supérieur (OR=1,53 ; p<0,001) en comparaison des personnes de niveau inférieur au bac (tableau 3). Par rapport aux habitants des villes moyennes, les personnes vivant dans des communes rurales étaient moins nombreuses (OR=0,87 ; p<0,05) à consommer des légumes secs deux fois par semaine, alors que celles habitant l’agglomération parisienne étaient plus nombreuses (OR=1,22 ; p<0,05). Les personnes se situant dans le deuxième et le troisième terciles de revenus atteignaient moins souvent cette recommandation (respectivement OR=0,78 et OR=0,76 ; p<0,001) par rapport à celles du premier tercile, correspondant aux revenus les moins élevés.
Le revenu était également associé négativement à la consommation de féculents complets, puisque les personnes se situant dans le deuxième et le troisième terciles atteignaient moins souvent la recommandation d’au moins un féculent complet par jour (respectivement OR=0,78 et OR=0,76 ; p<0,001), en comparaison du premier tercile (tableau 3). Les femmes étaient moins nombreuses (26,0%) que les hommes (28,9%) à consommer au moins un féculent complet par jour (OR=0,84 ; p<0,001). Le taux d’adéquation à la recommandation propre aux féculents complets était le plus élevé chez les 18-24 ans (33,6%), et le taux le plus bas concernait les 25-44 ans (25,5%, OR=0,73 ; p<0,001).
La consommation de plus d’un verre de boissons sucrées par jour (données non présentées) était moins fréquente chez les femmes (12,0%) par rapport aux hommes (18,4%) (OR=0,59 ; p<0,001). Les plus jeunes (18-24 ans) étaient davantage des consommateurs de plus d’un verre quotidien (29,0%) et la consommation diminuait avec l’âge : OR=0,77 chez les 25-34 ans, puis OR=0,57 ; OR=0,38 ; OR=0,23 et OR=0,16 (p respectif=0,001) par tranche d’âge de 10 ans pour atteindre OR=0,15 (p<0,001) chez les individus les plus âgés. La consommation de boissons sucrées était également associée au niveau de revenus et au niveau de diplôme. Les individus issus du premier tercile de revenus (les moins élevés) étaient plus fréquemment des consommateurs de plus d’un verre quotidien que les individus issus des terciles supérieurs (respectivement pour le 2e et 3e tercile : OR=0,70, OR=0,9 ; p<0,001). Concernant le niveau de diplôme, les individus adultes déclarant un niveau inférieur au bac étaient moins souvent des consommateurs de plus d’un verre quotidien de boissons sucrées, en comparaison à ceux possédant le bac ou un diplôme supérieur (respectivement pour le niveau bac et supérieur au bac : OR=0,64, OR=0,49). Par rapport aux ouvriers, seuls les cadres et les professions intermédiaires présentaient des pourcentages de consommation moins importants (respectivement OR= 0,51 et 0,69 ; p<0,001).
Agrandir l'imageConsommations alimentaires par région
En France hexagonale
En ce qui concerne la consommation de fruits et légumes, les pourcentages d’adéquation à la recommandation variaient de 15,1% à 21,0% chez les hommes et 19,4% à 29,8% chez les femmes selon les régions de France hexagonale (Corse incluse) (tableau 4). Ce pourcentage était moins élevé en Normandie en comparaison de l’ensemble de la France hexagonale chez les hommes et les femmes, comme dans le Grand Est et les Hauts-de-France pour les femmes uniquement. À l’inverse, le pourcentage d’adéquation à la recommandation de fruits et légumes était plus élevé chez les femmes d’Île-de-France et de Nouvelle-Aquitaine, en comparaison de l’ensemble de la France hexagonale.
Agrandir l'imageLes Hauts-de-France étaient caractérisés par le pourcentage le plus élevé de petits consommateurs de fruits et légumes chez les femmes, parmi toutes les régions hexagonales. Des pourcentages significativement plus élevés de petits consommateurs que ceux de la France hexagonale étaient observés dans le Grand Est et en Normandie, chez les hommes comme chez les femmes. La région Centre-Val de Loire présentait des pourcentages significativement moins élevés chez les hommes, et la région Nouvelle-Aquitaine chez les femmes.
En considérant les deux indicateurs de consommation de fruits et légumes (les petits consommateurs et l’atteinte de la recommandation), les régions Grand Est, Normandie et les Hauts-de-France pour les femmes uniquement présentaient des situations plus défavorables que l’ensemble de la France hexagonale.
Les hommes résidant en Île-de-France présentaient un pourcentage plus élevé d’adéquation aux recommandations de consommation de féculents complets et de légumes secs que l’ensemble de la France hexagonale (p<0,01). Seule la région Grand Est présentait un pourcentage plus élevé d’adéquation de consommation de féculents complets chez les femmes (p<0,05) et la région Nouvelle-Aquitaine pour les légumes secs (p<0,001) (tableau 5). Le pourcentage de consommateurs en adéquation avec la recommandation de féculents complets était moins élevé en Occitanie chez les hommes (p<0,05), et en Auvergne-Rhône-Alpes chez les femmes (p<0,01). Pour ce qui est des légumes secs, les Hauts-de-France présentaient un pourcentage d’adéquation de consommation moins élevé que l’ensemble de la France hexagonale chez les hommes comme chez les femmes (p<0,001), alors que c’était uniquement le cas chez les hommes en Normandie (p<0,05).
Agrandir l'imageEn ce qui concerne les boissons sucrées (tableau 6), la région Hauts-de-France présentait un pourcentage de consommation de plus d’un verre par jour plus élevé que l’ensemble de la France hexagonale, chez les hommes comme chez les femmes (p<0,001), alors que la région Auvergne-Rhône-Alpes se distinguait par des pourcentages moins élevés chez les femmes par rapport au reste du territoire (p<0,05). Des pourcentages de consommation plus faibles se retrouvaient également en région Pays de la Loire (p<0,01) pour les hommes, et en Bretagne pour les femmes (p<0,05).
Agrandir l'imageDans les DROM
Les DROM se caractérisaient par des pourcentages de consommation particulièrement contrastés par rapport à la France hexagonale. La Guyane présentait à la fois des pourcentages de petits consommateurs de fruits et légumes plus élevés (p<0,001) et des pourcentages d’adéquation aux recommandations moins élevées que la France hexagonale, tant chez les hommes (p<0,001) que chez les femmes (p<0,05). La Guadeloupe présentait des pourcentages de petits consommateurs de fruits et légumes plus élevés (p<0,05) mais des pourcentages d’adéquation aux recommandations plus élevées que la France hexagonale (p<0,001). La Martinique se caractérisait par des pourcentages moins élevés de petits consommateurs uniquement chez les femmes (p<0,05) (tableau 4). La Martinique présentait un pourcentage d’adéquation aux recommandations en féculents complets moins élevé chez les hommes (p<0,05) comme chez les femmes (p<0,001), alors que c’était uniquement le cas des hommes en Guadeloupe (p<0,001) (tableau 5). La Guyane, quant à elle, présentait un pourcentage d’adéquation à cette recommandation plus élevé qu’en France hexagonale, uniquement chez les femmes (p<0,05). En ce qui concerne les légumes secs, les quatre DROM enquêtés présentaient des pourcentages de consommation en adéquation avec la recommandation plus élevés qu’en France hexagonale, chez les hommes comme chez les femmes (tableau 5). Enfin, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane présentaient des pourcentages de consommateurs de plus d’un verre de boissons sucrées par jour plus élevés que la France hexagonale et ce, pour les deux sexes (tableau 6). La Réunion présentait, quant à elle, des pourcentages de consommateurs moins élevés, uniquement chez les femmes (p<0,001).
Au global
En France hexagonale, les Hauts-de-France présentaient souvent des situations défavorables en termes de consommation des groupes alimentaires interrogés, surtout chez les femmes. Les recommandations alimentaires étaient également moins respectées dans quelques autres régions comme la Normandie et le Grand Est. La situation des DROM était contrastée, avec des situations souvent défavorables en Guadeloupe, Guyane et Martinique (plus particulièrement chez les femmes). L’ensemble des DROM se caractérisait également par des pourcentages plus favorables en termes de consommations de légumes secs.
Discussion
Cette étude présente les niveaux d’adéquation aux recommandations relatives aux fruits et légumes, légumes secs, féculents complets et boissons sucrées de la population adulte française (hexagone et DROM) en 2021. Les pourcentages d’adéquation aux recommandations relatives aux fruits et légumes et féculents complets observés dans cette étude sont moins élevés que dans l’Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban) 11. Si dans ce Baromètre, 19,3% des hommes consommaient au moins cinq fruits et légumes par jour, ils étaient 30,6% dans Esteban. Pour les féculents complets, les fréquences relevées chez les hommes étaient de 28,9%, contre 34,1% dans Esteban. Pour les légumes secs au contraire, les pourcentages d’adéquation observés dans ce Baromètre sont supérieurs à ceux observés dans Esteban. Seuls les pourcentages de consommateurs quotidiens de plus d’un verre de boissons sucrées sont du même ordre. Les années séparant ces études (2014-2016 pour Esteban et 2021 pour le Baromètre) peuvent expliquer ces différences, mais également les différences méthodologiques de recueil des consommations alimentaires. En effet, la méthodologie utilisée dans le Baromètre de Santé publique France, basée sur la seule fréquence de consommation, rend difficile les comparaisons avec les résultats des études nutritionnelles plus robustes incluant une quantification des aliments consommés 12. Malgré ces différences, les pourcentages d’adéquation aux recommandations décrites restent toutefois faibles en 2014-2016 comme en 2021.
D’après le Baromètre 2021, l’adéquation à la recommandation relative aux fruits et légumes est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Les niveaux d’adéquation augmentent avec l’âge et le niveau de diplôme et sont associés à la profession de l’individu référent du ménage. Ces associations sont également retrouvées lorsque l’on considère, à l’inverse, les petits consommateurs de fruits et légumes. Les associations avec le sexe, l’âge et le niveau d’éducation sont en accord avec les facteurs habituellement associés à la consommation de fruits et légumes dans les enquêtes nutritionnelles telles que l’enquête Esteban 12. Ces différences de comportements peuvent être mises en regard de la littérature relative aux niveaux de connaissance générale en matière de nutrition des femmes 13 et des plus diplômés 13,14. L’association entre connaissances et consommations conformes aux recommandations a été montrée par ailleurs 15. De plus, le fait que, contrairement à la consommation adéquate, les faibles niveaux de consommation soient aussi associés indépendamment à deux facteurs supplémentaires (le type de ménage et le type de commune de résidence) montre l’importance de décrire l’ensemble de la distribution des fréquences de consommation. En effet, le fait que les ménages avec enfants, et a fortiori les familles monoparentales, présentent des prévalences de petits consommateurs plus élevées que les autres catégories, alors que l’on ne montre aucune relation sur la prévalence d’adéquation aux recommandations, signifie que la structure du ménage va être importante à prendre en compte si l’on veut appréhender des groupes à risques de faible consommation. De plus, le fait que dans certains territoires (comme en Guadeloupe ou en Île-de-France chez les femmes) une meilleure adhésion à la recommandation de fruits et légumes cohabite avec un taux élevé de petits consommateurs renforce bien la nécessité de décrire ces deux groupes et leurs caractéristiques. Celles-ci permettent de cibler les consommateurs très éloignés de la recommandation, pour lesquels l’approche « chaque petit pas compte et finit par faire une grande différence » a été démontrée comme particulièrement adaptée 7. Dans cette approche les recommandations ne sont pas chiffrées. Contrairement au repère de « 5 fruits et légumes par jour », qui pour des faibles consommateurs peut paraître inatteignable, cette approche vise à promouvoir une augmentation, quelle que soit son ampleur et le niveau initial de consommation d’où l’on parte.
La consommation quotidienne de plus d’un verre de boissons sucrées était plus fréquente chez les hommes. Comme pour la consommation de fruits et légumes, il semble que les recommandations soient mieux suivies par les femmes que par les hommes. Ce comportement a été décrit dans un échantillon de jeunes adultes issus de 23 pays. Les auteurs expliquent ces différences par la plus grande susceptibilité des femmes au contrôle de leur poids et leur intérêt pour la prévention en général et l’alimentation saine en particulier 16. La consommation de boissons sucrées était également inversement associée avec le niveau de diplôme au même titre que le respect de la recommandation des fruits et légumes 13,14. Ces facteurs associés, retrouvés aussi dans l’enquête Esteban 12, permettent également de donner des éléments d’orientation des actions de prévention vers ces groupes à risques de consommation excessive. De nombreuses études soulignent l’importance de caractériser les consommateurs de boissons sucrées, en raison notamment de leur impact sur la santé. En effet, souvent considérées comme préoccupante chez les enfants et les adolescents, la consommation de boissons sucrées a été mise en relation avec la prise de poids à tous les âges 17. Des données mondiales (Global Dietary Database, GDD) ont montré que 2,2 millions [2,2‑2,3], soit 9,8% des nouveaux cas de diabète de type 2 dans le monde en 2020, étaient attribuables à la consommation de ces boissons. Dans le même temps, elle contribuerait à 3,1% des nouveaux cas de maladies cardiovasculaires, soit environ 1,2 million de cas 18.
En complément, ce Baromètre fournit des données d’intérêt sur deux nouvelles recommandations relatives aux légumes secs et aux féculents complets. Les féculents complets semblent moins consommés par les femmes et les personnes de plus de 25 ans. Le point commun entre la consommation de féculents complets et celle des légumes secs semble être que des niveaux plus élevés de consommation sont observés dans le tercile de revenus le plus faible. Ce résultat devra être confirmé par des études ultérieures (comme la future étude Albane (1)). Pour les féculents complets, il conviendrait notamment d’identifier plus précisément le type de féculents consommés. Pour les légumes secs, leur consommation est à la fois associée à un niveau de diplôme équivalent au bac et plus, mais aussi au 1er tercile de revenus, ce qui semble différencier l’effet revenu de l’effet niveau d’éducation. Le faible coût de ces aliments et leur image perçue (potentiellement différente selon le niveau de diplôme) pourraient être des pistes d’interprétation. Là encore ce résultat demanderait une étude complémentaire, de façon à être interprété et objectivé en termes de mise en place d’actions de prévention.
L’action au niveau individuel nécessite également d’être complétée par une prise en compte de l’environnement global des consommateurs. Des actions qui agissent sur l’environnement comme la diminution de la publicité pour les boissons sucrées, des actions sur l’offre alimentaire dans les distributeurs, sur la restauration collective, sur les taxes, etc.) peuvent aussi être proposées. Par exemple, des nudges comportementaux (2) ont montrés leur efficacité dans les lieux d’achat ou la restauration collective 19.
Enfin, ces données viennent compléter celles relatives à la sédentarité et l’activité physique recueillies dans ce même Baromètre, et déjà publiées 20. Elles permettent ainsi de mieux renseigner l’adhésion au PNNS qui inclut l’ensemble de ces dimensions. À ce titre, la région Hauts-de-France semble cumuler des indicateurs nutritionnels défavorables alors que les DROM apparaissent très contrastés, d’où la nécessité de mieux les décrire (par exemple en termes de situations géographiques très contrastées au sein d’un territoire (littoral vs intérieur) ou encore d’accès à certains groupes d’aliments comme les produits laitiers…) pour mieux orienter les actions spécifiques à mettre en place sur chacun de ces territoires.
Dans les DROM, ces données viennent compléter celle de l’étude Kannari menée en 2013-2014 en Martinique et Guadeloupe 21, en mettant l’accent sur le pourcentage de petits consommateurs de fruits et légumes qui reste plus élevé qu’en France hexagonale. À ce titre, il semble important que ce territoire demeure la cible de campagnes de prévention et également d’une réflexion sur l’amélioration de l’offre (en termes d’accessibilité, d’approvisionnement et de prix). La situation favorable des DROM quant aux fréquences de consommation de légumes secs est à souligner. L’ensemble de ces territoires rapportent des fréquences de consommations en légumes secs plus élevées qu’en France hexagonale. Cette particularité, propre à l’alimentation de ces territoires, devrait être prise en compte dans la réflexion autour de l’application des recommandations nutritionnelles. Cette consommation « positive » pour la santé pourrait être la base de campagnes de promotion de la santé encourageant l’association des légumes secs avec d’autres groupes d’aliments (comme les féculents par exemple) qui restent insuffisamment consommés par ailleurs. L’ensemble des données relatives aux DROM devrait permettre d’enrichir les études nutritionnelles qui restent encore trop rares dans ces territoires 22.
La force de cette étude repose sur l’utilisation d’une enquête basée sur une méthodologie de sondage aléatoire de grande envergure, avec un protocole d’appels destiné à maximiser les chances de chaque individu d’être joint et interrogé. L’échantillon permet de décliner les données au niveau régional.
Limites
Malgré la répétition régulière du Baromètre, les questions concernant les consommations alimentaires posées dans les éditions antérieures ne permettent pas de juger d’évolution des comportements au cours du temps. En effet, dans les versions précédentes les consommations étaient questionnées sur la veille : « la veille, avez-vous mangé… ». Les réponses ne peuvent être comparées aux questions posées dans ce Baromètre, qui sont relatives à une fréquence de consommation habituelle.
La plus grande des limites de cette étude en termes d’évaluation des consommations alimentaires réside dans la méthodologie contrainte par une enquête multithématique réalisée lors d’un appel téléphonique unique. Ce schéma d’étude ne permet pas d’utiliser la méthode recommandée au niveau européen pour réaliser des études de surveillance nutritionnelle. Seules des études dont la nutrition est un des objectifs principaux, type Esteban ou Inca 3 (3), permettent de réaliser des rappels de 24h (au moins 2 sur 15 jours), sur un échantillon recruté tout au long d’une année pour tenir compte de la saisonnalité des consommations alimentaires, et ainsi de renseigner précisément les fréquences de consommations. À défaut de renseigner avec précision les niveaux de fréquences, les questions posées ici permettent toutefois de disposer, à un coût moindre, des premiers éléments, homogènes et comparables entre les régions, d’orientation des politiques nutritionnelles.
Conclusion
Ces données régionales sont importantes. Elles permettent d’identifier pour les recommandations nutritionnelles renseignées (consommation de fruits et légumes, de féculents complets, de légumes secs et de boissons sucrées) les régions davantage à risque de comportements défavorables pour la santé et d’orienter les actions (ou politiques nutritionnelles) à mettre en place (éducation et/ou sur l’environnement alimentaire). De plus, l’inclusion des DROM permet de rendre compte de leurs situations souvent contrastées avec la France hexagonale mais également entre eux. Cela a permis de mettre en évidence la situation particulièrement défavorable au sein de ces territoires en ce qui concerne les consommations de fruits et légumes (à l’exception de la Guadeloupe) et de boissons sucrées.
Les données de ce Baromètre 2021 devraient permettre d’alimenter les projets régionaux de santé (PRS), de façon à favoriser la planification et la programmation des moyens. En cohérence avec la politique nationale nutrition santé, ces données devraient aider les PRS à orienter les mesures à mettre prioritairement en œuvre, pour diminuer les inégalités territoriales et sociales de santé en matière d’alimentation.
Remerciements
Les auteurs remercient toute l’équipe responsable de la réalisation des baromètres de Santé publique France.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.




