Connaissance des recommandations sur l’activité physique et la sédentarité, comportements et perceptions : résultats du Baromètre de Santé publique France 2021
// Knowledge, impact and perceptions of health recommendations for physical activity and sedentary behaviour: Results from the Santé publique France Health Barometer 2021
Résumé
Introduction –
Promouvoir les nouvelles recommandations sur l’activité physique (AP) et la sédentarité est l’une des mesures phares de la politique nutritionnelle française.
L’objectif de cet article est de décrire la connaissance de ces recommandations et leurs facteurs associés et d’analyser les liens entre atteinte et connaissance des recommandations. Pour la sédentarité, sont aussi présentées les associations entre comportement, perception de celui-ci et possibilité perçue de le changer.
Méthode –
Cette étude repose sur les données du Baromètre de Santé publique France 2021, enquête menée sur un échantillon aléatoire de la population résidant en France. L’analyse porte sur 4 571 participants âgés de 18 à 75 ans interrogés sur leurs connaissances sur l’AP et la sédentarité. Des analyses descriptives et des modèles multivariés ont été réalisés.
Résultats –
En 2021, la recommandation sur l’AP est partiellement connue : 96,7% des adultes citent « au moins 30 minutes d’AP par jour » mais moins d’un quart citent la bonne intensité recommandée. Au global, 21,6% des adultes connaissent la recommandation complète sur l’AP. Une association entre la connaissance et l’atteinte de cette recommandation est observée uniquement chez les femmes. La recommandation d’interrompre le temps passé assis au moins toutes les deux heures est citée par 93,9% des personnes et est associée au fait de la suivre. Les trois quarts des adultes pensent qu’il est recommandé de rompre la sédentarité plus souvent que toutes les deux heures. Passer plus de sept heures assis par jour est associé à la perception de rester trop longtemps assis dans la journée sans qu’il soit perçu la possibilité de réduire cette sédentarité élevée.
Conclusion –
La faible connaissance de la recommandation sur l’intensité de l’AP à pratiquer quotidiennement montre la nécessité de communiquer sur cette notion avec davantage de pédagogie. La croyance élevée qu’il faut rompre la sédentarité plus souvent que recommandé suggère qu’une recommandation dans ce sens serait facilement acceptée. Des travaux scientifiques récents sur les bénéfices sanitaires de ruptures de sédentarité toutes les heures ou demi-heures sont concordants et tendent à réinterroger la fréquence de rupture de sédentarité à recommander. Des stratégies de renforcement de la capacité perçue à réduire sa sédentarité sont aussi à développer, conjointement à des interventions environnementales.
Abstract
Introduction –
Promoting knowledge of the health recommendations for physical activity (PA) and sedentary behaviour is one of the priorities of the French nutrition policy. This article describes the level of knowledge of these recommendations as well as their associated factors, and analyses the links between knowledge of the recommendations and meeting them. For sedentary behaviours, associations between behaviour and perceived capacity to change it are also analysed.
Methods –
This study is based on data from the Santé publique France 2021 Health Barometer, a nationwide random sample survey of the population residing in France. The analysis focused on 4,571 participants aged 18 to 75 who answered questions about their knowledge of physical activity and sedentary behaviour. Descriptive analyses and multivariate models were performed.
Results –
The recommendation for physical activity was partially known: 96.7% of adults cited “at least 30 minutes of physical activity a day”, but less than a quarter of individuals correctly cited the recommended intensity. Overall, 21.6% of adults knew the full recommendation for physical activity. An association between meeting this recommendation and knowing it was found only among women. The recommendation to break prolonged sitting periods at least every 2 hours was cited by 93.9% of adults and associated with following it. Three quarters of participants believed the recommended frequency of breaks was higher. Sitting for more than 7 hours a day was associated with the perception of sitting down for too long during the day but no possibility of reducing this high level of sedentary behaviour was perceived.
Conclusion –
The low knowledge of the recommended intensity of daily PA shows the need to communicate this notion with clearer, more comprehensive explanations. The widely held belief that periods of prolonged sitting should be broken more often than recommended suggests that a recommendation in this direction would be easily accepted. Recent scientific studies on sitting breaks every hour or half hour are concordant and suggest a reconsideration of the recommended frequency. Strategies to reinforce the perceived capacity to reduce sedentary behaviour also need to be developed, in parallel with environmental interventions.
Introduction
La sédentarité correspond aux situations passées en position assise ou allongée caractérisées par une dépense énergétique faible 1. L’insuffisance d’activité physique (AP) et la sédentarité sont des facteurs de risque de mortalité, de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2, de cancers de l’endomètre, du sein, du côlon et du poumon 2,3,4,5,6,7.
En France, l’insuffisance d’AP est le 4e facteur de risque de mortalité parmi les risques comportementaux selon les données les plus récentes de l’enquête Global Burden of Disease Study (1) : environ 15 000 décès par an sont attribuables à un faible niveau d’AP.
De plus, les effets de l’insuffisance d’AP et de la sédentarité sur la santé peuvent se cumuler et sont difficilement compensables 7. La santé est aussi négativement corrélée à un temps passé assis peu souvent interrompu 8. Les bénéfices des ruptures de sédentarité, en se levant ou en faisant une AP quelle que soit son intensité, ont en revanche été démontrés sur certains facteurs de risque de maladies cardiovasculaires (glycémie, tension artérielle) 7.
Ces constats ont conduit les chercheurs à prôner la nécessité de mener des politiques de prévention pour promouvoir, distinctement, l’augmentation de l’AP, la limitation du temps passé assis 7 et son interruption. Des recommandations pour la population ont ainsi été établies par des groupes d’experts du domaine et sont actualisées au fur et à mesure de l’avancée de la recherche. Elles l’ont été au niveau national en 2016 2,5,9 et par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2020 10. Elles sont mises en place en France via le Programme national nutrition santé (PNNS) depuis 2001 et traduites pour le grand public par des campagnes media, brochures, et contenus sur le site mangerbouger.fr.
La connaissance des recommandations est un déterminant parmi d’autres des comportements d’AP et sédentaires. Informer la population des recommandations est une des stratégies permettant le changement de comportement, sachant que les interventions seront plus efficaces si elles sont menées à des niveaux multiples : individuel, social et culturel, environnemental et politique 11.
Les comportements d’AP et de sédentarité et les déterminants de leur changement ont aussi été analysés dans le champ de la psychologie comportementale 12. Selon ces théories, les comportements sont déterminés par l’intention, dépendant elle-même de différents facteurs : la capacité perçue par l’individu à changer son comportement a en particulier été identifiée pour l’AP 13.
Le suivi de la connaissance des recommandations sur l’AP et la sédentarité, le lien avec leur atteinte et la possibilité perçue de changer son comportement est nécessaire à l’évaluation du PNNS.
Sont analysés dans cet article, d’une part, la connaissance des recommandations sur l’AP et la sédentarité et leurs déterminants socio-économiques, d’autre part l’atteinte de ces recommandations et leurs facteurs associés. Ces derniers incluent la connaissance des recommandations sur l’AP et la sédentarité et, pour la sédentarité uniquement (2), la perception de son propre comportement et la possibilité perçue de le changer.
Méthode
Source de données
Cette étude repose sur les données du Baromètre de Santé publique France 2021, enquête menée par téléphone sur un échantillon aléatoire de la population des 18-85 ans résidant en France métropolitaine et parlant le français. La constitution de l’échantillon repose sur une génération aléatoire de numéros de téléphone fixes et mobiles. Au total, 24 514 individus ont été interrogés par téléphone entre février et décembre 2021. Le taux de participation est de 44,3%. La méthode générale du Baromètre de Santé publique France 2021 est détaillée par ailleurs 14.
Une partie des participants de 18 à 75 ans sélectionnés de façon aléatoire (n=4 571) ont été interrogés sur leurs connaissances sur l’AP et la sédentarité. Les analyses portent sur ce sous-échantillon.
Variables
Les variables principales d’intérêt de l’étude sur l’activité physique et la sédentarité sont :
La connaissance des recommandations :
–sur l’AP et son intensité, appréhendée par l’essoufflement : ont été considérées comme citant la recommandation correcte les personnes répondant « au moins 30 minutes par jour » et « avec essoufflement » ;
–sur la rupture de sédentarité : « au moins toutes les deux heures » était la fréquence d’interruption recommandée lors d’un temps prolongé passé assis.
Les comportements :
–la pratique de l’équivalent d’au moins 30 minutes par jour d’AP d’intensité modérée à élevée, ou « atteinte de la recommandation » : cet indicateur est défini ailleurs 15 ;
–la prévalence du temps passé assis : un temps supérieur ou égal à sept heures par jour est considéré comme une sédentarité élevée 16 ;
–les prévalences de la fréquence d’interruption du temps prolongé passé assis recommandée « au moins toutes les deux heures » et des autres fréquences citées.
Les perceptions :
–la perception de rester trop longtemps assis pendant la journée ;
–la perception d’avoir la possibilité de réduire son temps prolongé passé assis, la question ayant été posée uniquement à ceux assis au moins trois heures par jour.
Le questionnaire complet de l’enquête, à partir duquel sont construites ces variables, est disponible par ailleurs 17.
Analyses
Les variables d’intérêt ont été analysées en fonction de variables sociodémographiques : sexe, âge en 6 ou 3 classes, niveau de diplôme (inférieur au baccalauréat, bac, supérieur au bac), situation professionnelle (travail, études, chômage, retraite, autres inactifs), revenu par unité de consommation (UC) catégorisé en terciles, et une catégorie « NSP, ne se prononce pas ».
La prévalence de l’atteinte de la recommandation d’AP a été analysée hommes et femmes séparément, en raison des fortes spécificités de ces comportements par genre 18.
Les proportions sont pondérées afin de tenir compte de la probabilité d’inclusion (au sein du ménage et en fonction de l’équipement téléphonique) et de la structure de la population via un calage sur marges utilisant les variables suivantes : sexe croisé avec l’âge en tranches décennales et la région, taille d’unité urbaine, taille du foyer et niveau de diplôme (population de référence : enquête emploi 2020, Institut national de la statistique et des études économiques – Insee). Les différences ont été testées par le test du Chi2 de Pearson. Les variables d’intérêt ont été introduites dans des régressions logistiques multivariées incluant les variables explicatives significatives à p<0,20 en analyse univariée. La significativité des odds ratios ajustés a été testée par le test de Wald ajusté.
Résultats
Connaissance de la recommandation sur l’AP
Interrogés d’abord sur la durée d’AP à faire par jour pour être en bonne santé, les adultes déclarent principalement trois durées : une heure par jour pour 40,9% d’entre eux, 30 minutes par jour (27,9%) et deux heures par jour (14,5%). Seules 3,3% des personnes déclarent moins de 30 minutes par jour et 5,4% plus de deux heures.
La quasi-totalité des adultes (96,7%) déclarent ainsi qu’il est nécessaire de faire au moins une demi-heure d’AP par jour pour être en bonne santé, ceci sans différence significative pour l’ensemble des variables sociodémographiques étudiées.
Concernant l’intensité à laquelle il est recommandé de faire de l’AP : 22,3% des personnes déclarent que l’AP doit entraîner un essoufflement, 33,6% qu’elle doit être sans essoufflement, 42,3% « peu importe l’intensité » et 1,8% disent ne pas savoir.
Au global, 21,6% (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [20,1-23,1]) des adultes déclarent qu’il est nécessaire de pratiquer au moins 30 minutes d’AP par jour avec essoufflement, tel que recommandé. Les hommes sont en proportion près du double des femmes à citer cette recommandation (28,1% vs 15,4%, p<0,001). Les adultes de moins de 45 ans et ceux ayant les revenus les plus élevés ont aussi une probabilité plus élevée de la citer (tableau 1).
Connaissance de la recommandation sur la fréquence de rupture de sédentarité
Pour la recommandation de la fréquence de rupture de sédentarité, les fréquences les plus citées sont « toutes les heures » (43,1% des personnes), « toutes les demi-heures » (21,8%), et « toutes les deux heures » (17,9%). Plus des 3/4 des personnes (75,9%) déclarent qu’il est recommandé de rompre la sédentarité plus souvent que toutes les deux heures (figure).
Au global, 93,9% des adultes citent une fréquence de rupture de sédentarité correspondant à la recommandation de se lever au moins toutes les deux heures pour marcher un peu en cas de temps prolongé passé assis. Ce pourcentage n’est pas significativement plus élevé chez ceux qui passent plus de sept heures assis dans la journée. Il ne varie pas non plus selon le sexe et l’âge. La recommandation est davantage citée par les adultes ayant un niveau de diplôme supérieur au bac (96,9% contre 93,7% des diplômés du bac et 91,5% de ceux ayant un niveau inférieur au bac, p<0,001). Cette association se maintient en analyse multivariée (tableau 1).
Atteinte de la recommandation d’AP et association avec la connaissance de la recommandation
Dans le sous-échantillon du Baromètre santé 2021 analysé pour la présente étude, 68,4% des adultes font de l’AP suivant les recommandations (76,4% des hommes et 60,8% des femmes, p<0,001) (3).
Chez les hommes, après ajustement sur l’âge (en 3 classes) et le diplôme, aucune association n’est observée entre la pratique d’AP telle que recommandée et la connaissance de la recommandation.
En revanche, chez les femmes, après ajustement sur les mêmes variables, la connaissance de la recommandation sur l’AP augmente la probabilité de pratiquer de l’AP selon les recommandations (odds ratio, OR=1,5 [1,1-2,1]). Le niveau de diplôme est aussi positivement associé pour les femmes à une pratique d’AP telle que recommandée (OR=1,4) pour celles ayant un niveau de diplôme supérieur au bac.
Sédentarité élevée et association avec la perception de rester trop longtemps assis et de pouvoir réduire ce temps sédentaire
Dans le sous-échantillon étudié, 23,8% des adultes déclarent passer plus de sept heures assis par jour les jours de semaine, correspondant à une sédentarité élevée.
Passer plus de sept heures assis par jour (hors week-end) est fortement associé à la perception de passer trop de temps assis pendant la journée (OR=7,7). Les personnes très sédentaires déclarent néanmoins ne pas avoir la possibilité de réduire le temps quotidien passé assis (OR=1,8).
Une association négative entre une sédentarité élevée et l’âge est observée chez les moins de 45 ans, les plus jeunes d’entre eux étant les plus sédentaires (38% des 18-25 ans, OR=2,4). Ont aussi une probabilité plus élevée d’avoir une sédentarité importante les individus ayant un haut niveau de revenu (OR=1,5 pour le 3e tercile de revenu/UC), ceux qui travaillent (OR=1,8) et les étudiants (OR=1,9) (tableau 2).
Fréquence de rupture de sédentarité et association avec la connaissance de la recommandation
Dans le sous-échantillon du Baromètre étudié, 29,6% des adultes déclarent interrompre leur temps passé assis toutes les heures, 25,3% toutes les demi-heures et 14,5% toutes les deux heures (figure).
Au global, 92,7% des personnes déclarent se lever pour marcher un peu au moins toutes les deux heures en cas de temps prolongé passé assis. Les adultes connaissant la recommandation sont plus nombreux à la suivre (79,8 vs 93,4%, p<0,001), association qui se maintient en analyse multivariée (OR=3,6, p<0,001, [2,3-5,7]) après ajustement sur l’âge et la situation professionnelle en 3 classes, seules variables significatives en analyse univariée.
Discussion
D’après nos résultats, la recommandation sur l’AP est partiellement connue. « Pratiquer au moins 30 minutes d’AP par jour pour être en bonne santé » est cité par la quasi-totalité des adultes mais l’intensité recommandée, à savoir une AP entraînant un essoufflement, est connue de moins d’un quart des personnes. Au global, à peine plus d’un adulte sur cinq déclare qu’il est recommandé de pratiquer au moins une demi-heure d’AP par jour avec essoufflement, traduction de la recommandation scientifique d’AP d’endurance 5. Des recommandations sur d’autres types d’AP (renforcement musculaire, souplesse, équilibre) existent 2 mais n’ont pas été explorées dans cette enquête.
La connaissance très élevée de la première partie de la recommandation, ayant largement augmenté en une décennie, suggère que cette partie du message est aujourd’hui bien assimilée. En 2008 seuls 58,5% des adultes de 18-75 ans qui travaillaient considéraient nécessaire de faire au moins 30 minutes d’AP par jour pour être en bonne santé, selon le Baromètre santé nutrition 19. Dans l’enquête Inca3, menée de 2015 à 2016, c’était le cas de 71% des adultes de 18 à 79 ans 20.
Concernant la faible connaissance de la recommandation sur l’AP intégrant son intensité, explicitée par la notion d’essoufflement, plusieurs hypothèses peuvent être avancées.
Le vocabulaire utilisé dans la littérature scientifique et dans les questionnaires d’enquête peut différer de celui utilisé dans les recommandations vulgarisées pour le grand public. La formulation de ces dernières peut elle-même varier dans les campagnes de communication selon les modes de diffusion et en fonction de l’évolution des recommandations scientifiques.
Ainsi, l’intérêt d’une pratique d’AP à un seuil d’au moins 30 minutes par jour ou un équivalent par semaine et d’une AP cardiorespiratoire d’intensité modérée à élevée a été mis en évidence par des chercheurs en 1996 21 et fait l’objet de recommandations scientifiques internationales en 2008 22. Celles-ci ont ensuite été reformulées, par l’OMS en 2010 23, par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en 2016 5 et en 2019 par Santé publique France afin de les rendre accessibles au grand public 9. Depuis, les recommandations internationales et celles de l’OMS ont été actualisées, respectivement en 2018 24 et en 2020 10,25.
En France, lors des trois premiers exercices du Programme national nutrition santé (PNNS) de 2001 à 2013, la recommandation communiquée au grand public, via des campagnes média (2004, 2010, 2011), guide et brochure, était de faire « Au moins l’équivalent de 30 minutes de marche rapide chaque jour ». La formulation « Bougez au moins 30 minutes par jour » ou « Bouger c’est facile » a également été utilisée. Enfin le message « Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière » a été massivement diffusé au bas de publicités pour une alimentation peu saine, ce message ne spécifiant aucune intensité de l’AP.
Suite à l’actualisation des repères du PNNS en 2016, la formulation de la recommandation pour le grand public, devant être courte et signifiante est « Au moins 30 minutes d’activités physiques dynamiques par jour ». L’adjectif « dynamiques », utilisé pour qualifier l’intensité, résulte de propositions de formulations d’un groupe de chercheurs et acteurs de terrain, testées auprès d’adultes 9. La recommandation d’AP actuelle ne mentionne pas spécifiquement l’essoufflement mais l’évoque sous forme de formulation courte et facilement communicable. L’intensité de l’AP est explicitée en termes d’essoufflement sur le site mangerbouger.fr mais n’a pas été expliquée dans le cadre d’une communication de masse.
Ces différentes formulations des recommandations ont pu conduire à un message sur l’intensité de l’AP recommandée difficile à décrypter et à mémoriser.
Ces résultats montrent la nécessité de fournir davantage d’explications pédagogiques sur la notion de l’intensité de l’AP et sur les bénéfices sur la santé associés à cette intensité. Un subtil équilibre est ainsi à trouver pour faire comprendre, sans décourager les personnes éloignées de la pratique, qu’une intensité minimale est nécessaire pour avoir une pratique d’AP favorable à sa santé. Actuellement explicitées sur le site mangerbouger.fr, la diffusion de ces précisions sur de multiples canaux de communication pourrait permettre de les faire connaître davantage à l’ensemble de la population. Une action dans ce sens est déjà en cours, issue des résultats de cette étude. Une vidéo pédagogique sur l’intensité de l’AP est en cours de création. Elle sera diffusée dans un premier temps dans des salles d’attente de professionnels de santé.
L’association observée chez les femmes, dans notre étude, entre la connaissance de la recommandation et la pratique d’AP telle que recommandée s’avère par ailleurs tout à fait encourageante quant à la diffusion de recommandations. Connaître la recommandation augmente pour elles la probabilité de pratiquer au moins 30 minutes par jour d’AP d’intensité modérée à élevée. Cette association est par ailleurs du même ordre de grandeur que celle observée pour l’ensemble des adultes dans un précédent Baromètre santé 19.
La recommandation sur la rupture de sédentarité au moins toutes les deux heures est citée par plus de 9 adultes sur 10, le pourcentage de ceux qui déclarent la suivre étant tout aussi élevé. Les personnes connaissant la recommandation sont plus nombreuses à la suivre. Cette association s’avère favorable quant à l’impact potentiel du message de recommandation sur le comportement.
En outre, d’après nos résultats, plus de 7 adultes sur 10 pensent qu’il est recommandé de rompre la sédentarité plus souvent que toutes les deux heures. Ceci suggère qu’une fréquence supérieure de rupture de sédentarité pourrait être facilement acceptée. Certains travaux scientifiques récents révèlent d’ailleurs des bénéfices sanitaires pour des ruptures de sédentarité plus fréquentes 26,27.
Ainsi, selon les résultats d’un essai croisé randomisé de 2023, des interruptions de sédentarité de cinq minutes toutes les 30 minutes ont des effets sur la glycémie, et des interruptions d’une minute toutes les heures (ou de 5 minutes toutes les 30 minutes) peuvent suffire pour abaisser la tension artérielle 27. Des ruptures de sédentarité toutes les 30 minutes sont aussi préconisées par différents organismes pour des cibles spécifiques comme les travailleurs 28,29 ou les femmes enceintes 30.
Ces différents travaux dans lesquels une rupture de sédentarité toutes les heures ou toutes les 30 minutes est observée, recommandée ou montre des bénéfices sur la santé, peuvent conduire à s’interroger sur la fréquence actuellement recommandée, fondée sur l’expertise collective de 2016. Ils suggèrent éventuellement de réinterroger les membres de l’Expertise collective de l’Anses de 2016 ayant émis les recommandations françaises 5 sur la fréquence de rupture de sédentarité à recommander actuellement auprès du grand public et de certaines populations spécifiques.
Enfin, autre résultat notable de notre étude, les adultes très sédentaires, passant plus de sept heures assis par jour les jours de semaine perçoivent qu’ils passent trop de temps assis pendant la journée tout en déclarant ne pas pouvoir réduire leur temps quotidien passé assis. Cette constatation est concordante avec des résultats d’autres travaux. Selon les déclarations de personnes interrogées dans une enquête qualitative 9, la sédentarité au travail était subie et non choisie, perçue comme une contrainte sur laquelle elles avaient une marge de manœuvre limitée, sans réorganisation des conditions de travail. Des contraintes organisationnelles ou une productivité forte exigée peuvent en effet rendre difficile pour les personnes de réduire ou même d’interrompre leur sédentarité. L’entreprise peut alors mettre en place des stratégies ne reposant pas uniquement sur la motivation de l’individu mais sur des changements dans l’environnement de l’entreprise. Une revue de littérature a ainsi montré que les stratégies les plus efficaces pour réduire le temps passé assis au travail était la mise en place de mobilier actif, en particulier les bureaux assis-debout 31.
En parallèle et de façon complémentaire, des stratégies visant à agir sur la perception de sa capacité à agir sur son comportement, ici la possibilité perçue de réduire sa sédentarité, doivent aussi être envisagées. Des techniques de changements de comportement, développées dans le cadre de la psychologie comportementale 32 sont dans ce sens des pistes à explorer. Enfin, les interventions sur l’environnement visant à promouvoir l’activité physique ou à réduire la sédentarité dans tous les milieux de vie sont à favoriser. L’amélioration des comportements nécessite des interventions à des niveaux multiples, notamment individuel, environnemental et politique 11,33. Le plan vélo et mobilités actives 2023-2027 34 visant à encourager les déplacements à vélo de toutes les générations, par le financement de pistes cyclables, d’abris vélos sécurisés dans les destinations du quotidien, d’aide à l’achat de vélos, de développement du « savoir rouler » en est un exemple.
Parmi les limites de cette étude, il est important de souligner le caractère déclaratif des données et le biais de désirabilité sociale possible concernant les déclarations de pratique d’activité physique et de connaissance des recommandations 35. La complexité à déclarer « en moyenne » des fréquences et temps de comportements qui peuvent en réalité varier d’un jour à l’autre, notamment pour l’activité physique, est aussi à prendre en compte. L’estimation de la connaissance des recommandations sur l’AP et la sédentarité sur un échantillon aléatoire de la population, pour la première fois depuis leur actualisation, et l’analyse de leur association avec les comportements constitue une des forces de l’étude.
L’ensemble des résultats permet en outre d’évaluer et d’affiner les différentes stratégies de promotion de l’AP et de réduction de la sédentarité mises en place par les pouvoirs publics. Des ajustements sur les stratégies de diffusion de la recommandation sur l’AP, une mise en avant plus forte et plus pédagogique de l’intensité recommandée de l’AP, déjà en cours, le questionnement de la communauté scientifique sur la recommandation de rupture de la sédentarité, le développement de stratégies psycho-comportementales mais aussi environnementales pour réduire la sédentarité sont autant d’enjeux à poursuivre pour améliorer la santé de la population.
Remerciements
Les auteurs remercient toute l’équipe des baromètres santé de Santé publique France pour la mise en œuvre de cette enquête.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.