Prévalences nationales et régionales de l’activité physique et de la sédentarité des adultes en France : résultats du Baromètre de Santé publique France 2021
// National and regional prevalence of physical activity and sedentary behaviour among adults in France: Results from the Santé publique France Health Barometer 2021
Résumé
Introduction –
Le manque d’activité physique (AP) et la sédentarité sont deux facteurs de risque de nombreuses maladies non transmissibles. Le suivi régulier de ces comportements au sein de la population générale est nécessaire pour évaluer leur impact sanitaire et adapter les politiques de prévention aux besoins de la population.
Méthode –
Cet article présente les niveaux d’AP et de sédentarité de la population adulte en France en 2021, à partir des résultats du Baromètre de Santé publique France 2021 (France hexagonale et départements et régions d’outre-mer), ainsi que les facteurs sociodémographiques qui y sont associés. Le dimensionnement de ces enquêtes permet pour la première fois d’estimer ces prévalences au niveau régional.
Résultats –
En 2021, 73% des hommes et 59% des femmes atteignaient les recommandations en matière d’AP. La prévalence d’atteinte des recommandations complémentaires de renforcement musculaire était de 31% chez les hommes et 20% chez les femmes. Plus d’un adulte sur cinq déclarait passer plus de sept heures par jour en position assise et la prévalence d’un temps écran de loisirs supérieur à trois heures quotidiennes atteignait 39%. Seule la recommandation de rupture de sédentarité semblait bien observée. L’atteinte des recommandations d’AP était associée au sexe, à l’âge, au niveau de diplôme et à la taille de l’agglomération, de même que la situation professionnelle pour les hommes et la structure du ménage pour les femmes. La sédentarité était associée à l’âge, au niveau de diplôme, à la taille de l’agglomération, à la structure du ménage et à la situation professionnelle. L’atteinte des recommandations d’AP variait de plus de 15 points selon les régions. La Bretagne et l’Occitanie se distinguaient par une prévalence significativement supérieure à la prévalence nationale contrairement à l’Île-de-France et au Nord-Est de l’Hexagone qui présentaient des prévalences significativement inférieures à la prévalence nationale.
Conclusion –
Ces données permettent de dresser un état des lieux des niveaux d’AP et de sédentarité des adultes en France en 2021 et ciblent les populations et territoires à prioriser en matière de prévention.
Abstract
Introduction –
Physical inactivity and sedentary behaviour are risk factors for many non-communicable diseases. Monitoring these behaviours is necessary to assess their health impact and adapt prevention to the needs of the population.
Method –
This article presents the levels of physical activity (PA) and sedentary behaviour of the adult population in France in 2021, based on the 2021 Santé publique France Health Barometer surveys (mainland and overseas France), as well as the associated sociodemographic factors. The size of these surveys was sufficient to produce prevalences at the regional level for the first time.
Results –
In 2021, 73% of men and 59% of women were meeting the health recommendations for PA. The prevalence of meeting complementary recommendations for muscle strengthening was 31% for men and 20% for women. More than one in five adults reported sitting down for over seven hours a day, and the prevalence of leisure screen time exceeding three hours a day was 39%. Only the recommendation for breaks in sedentary behaviour appeared to be properly followed. Meeting PA recommendations was associated with gender, age, level of education and size of urban area, as well as occupational status for men and family structure for women. Sedentary behaviour was associated with age, level of education, size of urban area, family structure and occupational status. Meeting PA recommendations varied by more than 15 points between regions. Brittany and Occitania had a prevalence significantly higher than the national level, while Île-de-France and the northeast of France had significantly lower prevalence than the national level.
Conclusion –
These data enabled us to produce an overview of the levels of PA and sedentary behaviour among adults in France in 2021, and to identify the populations and regions to target for prevention.
Introduction
L’activité physique (AP) est un facteur de protection de nombreuses maladies non transmissibles comme les maladies cardiovasculaires, métaboliques ou certains cancers 1,2. Elle est recommandée pour maintenir ou améliorer la santé physique et mentale à tous les âges de la vie et elle est même reconnue comme une thérapeutique non médicamenteuse à part entière pour de nombreuses pathologies 3. En parallèle, la sédentarité est un facteur de risque distinct, influant sur les mêmes pathologies et la mortalité toutes causes 4,5. L’AP et la sédentarité ne se compensent pas directement. Il faut une certaine « dose » d’AP (en termes de durée et d’intensité) pour compenser les effets délétères d’une sédentarité élevée 6. Il est donc nécessaire, pour maintenir ou améliorer sa santé, de limiter sa sédentarité autant que possible, et d’augmenter conjointement son niveau d’AP.
Si ces constats sont partagés, les chiffres ne sont pas rassurants pour autant. D’une part le manque d’AP reste prégnant dans les pays développés 7, et d’autre part la sédentarité ne cesse de gagner du terrain 8. En France, les données de l’Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban) faisaient état en 2014-2016 d’un niveau d’AP insuffisant (en-dessous des recommandations) pour trois hommes sur 10 et une femme sur deux et d’un niveau de sédentarité élevé (plus de sept heures d’activités sédentaires par jour) pour plus de 40% des adultes de 18-75 ans 9. L’évolution de ces comportements depuis l’Étude nationale nutrition santé 2006-2007 (ENNS) n’était pas favorable puisqu’une diminution de l’AP des femmes et une augmentation de la sédentarité pour l’ensemble de la population étaient observées au cours des 10 années écoulées 10.
Au regard de cette situation, il est important de développer des actions et stratégies visant à augmenter l’AP et diminuer la sédentarité de la population, mais il est également indispensable de pouvoir mesurer régulièrement ces indicateurs, afin d’en suivre l’évolution et d’adapter les politiques de santé publique au plus près des besoins. Si les grandes enquêtes de santé (ENNS, Esteban et prochainement l’enquête Alimentation, biosurveillance, santé, nutrition, environnement – Albane) permettent d’évaluer et de décrire en détail ces comportements au sein de la population, leur réalisation tous les 10 ans, du fait de la complexité de leur dispositif, ne permet pas un suivi fin des évolutions ou des tendances de ces indicateurs au cours du temps. L’inclusion de questions relatives aux comportements d’AP et de sédentarité dans le Baromètre de Santé publique France (BS) 2021 a permis d’obtenir des données représentatives, à mi-chemin des grandes enquêtes épidémiologiques en France hexagonale et dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), et donne lieu pour la première fois à l’analyse de ces données à un niveau infranational, compte tenu de la taille de l’échantillon. Cet article présente les prévalences des niveaux d’AP et de sédentarité de la population adulte en France en 2021, les facteurs sociodémographiques qui y sont associés et l’estimation de ces prévalences par région.
Méthode
Méthodologie de l’enquête
Les données sont issues du BS 2021 (France hexagonale et DROM) de Santé publique France. La méthode d’enquête est identique à celle du BS 2020 qui a déjà été publiée par ailleurs 11. Les BS sont des enquêtes périodiques, réalisées par téléphone, qui visent à décrire les connaissances, les attitudes, les opinions et les habitudes des Français en matière de santé. Le champ de l’enquête inclut les personnes âgées de 18 à 85 ans résidant en France et parlant le français. L’échantillonnage repose sur une génération aléatoire de numéros de téléphone fixe et mobile. Les participants sont sélectionnés selon un sondage à deux degrés sur ligne fixe (sélection d’un individu par ménage selon la méthode Kish 12) et à un degré sur ligne mobile (sélection de la personne qui décroche). Dans l’édition 2021, la passation du questionnaire (1) durait en moyenne 36 minutes.
Le BS en France hexagonale a été réalisé du 11 février au 15 décembre 2021 (avec une trêve estivale du 19 juillet au 22 août). Au total, 24 514 personnes ont été interrogées. Le taux de participation s’est élevé à 44,3%.
Le BS DROM s’est déroulé du 7 avril au 12 octobre 2021 pour les Antilles et la Guyane, et du 20 avril au 13 juillet 2021 pour La Réunion. Du fait de l’existence d’une enquête spécifiquement dédiée, Mayotte n’a pas été incluse dans le BS DROM. Plus de 6 000 personnes ont été interrogées : 1 511 à la Guadeloupe, 1 526 à la Martinique, 1 478 en Guyane et 2 004 à La Réunion. Les taux de participation s’élevaient à 46% en Guadeloupe et en Martinique, 51% à La Réunion et 54% en Guyane.
Afin d’être représentatives de la population hexagonale et de chaque DROM, les estimations ont été pondérées de façon à tenir compte de la probabilité d’inclusion (au sein du ménage et en fonction de l’équipement téléphonique), et de la structure de la population via un calage sur marges utilisant les variables suivantes : le sexe croisé avec l’âge en tranches décennales, la taille du foyer et le niveau de diplôme, ainsi que la région et la taille d’unité urbaine pour la France hexagonale (population de référence : enquête emploi 2020 de l’Institut national de la statistique et des études économique – Insee).
Indicateurs d’activité physique et de sédentarité
Le module « Activité physique et sédentarité » du BS 2021 était constitué de cinq questions mesurant l’AP des individus (AP modérée et intense au cours des sept derniers jours et activités de renforcement musculaire) et de trois questions portant sur la sédentarité (temps passé assis et temps d’écran quotidiens ainsi que la fréquence de rupture de sédentarité). Des indicateurs spécifiques ont été construits afin de rendre compte des niveaux globaux d’AP et de sédentarité de la population.
Concernant l’AP, l’indicateur étudié est la prévalence d’individus considérés comme physiquement actifs, c’est-à-dire atteignant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière d’AP pour la santé. Cela revient, pour les adultes, à « pratiquer au moins 150 à 300 minutes d’activité physique aérobie d’intensité modérée ou au moins 75 à 150 minutes d’activité physique aérobie d’intensité soutenue ou une combinaison équivalente d’activité physique d’intensité modérée ou soutenue par semaine » 2. Un second indicateur correspond à la prévalence d’atteinte de la recommandation complémentaire relative aux activités de renforcement musculaire (RM), préconisant, pour les adultes, la pratique de telles activités au moins deux fois par semaine 2.
Concernant la sédentarité, celle-ci est appréhendée par le temps quotidien passé assis et le temps passé devant les écrans. En l’absence de recommandation chiffrée (il est juste recommandé de « limiter le temps de sédentarité ») 2, nous nous sommes basés sur des seuils généralement utilisés dans la littérature pour définir un niveau de sédentarité élevé 13,14 : passer plus de sept heures par jour en position assise ou passer plus de trois heures par jour devant un écran en dehors de toute activité professionnelle. Enfin, un dernier indicateur rend compte de la fréquence de rupture de sédentarité. En cas de position assise prolongée, la recommandation française datant de 2019 est de se lever pour marcher un peu au moins toutes les deux heures (2).
Analyse des données
Les prévalences nationales de chaque indicateur sont présentées par sexe, avec les intervalles de confiance à 95% (IC95%). Les comparaisons par sexe ont été testées au moyen du Chi2 de Pearson avec correction de Rao-Scott pour tenir compte du plan de sondage.
Les facteurs sociodémographiques associés aux niveaux d’AP et de sédentarité (atteinte des recommandations d’AP et sédentarité élevée) ont été étudiés sur les données de France hexagonale par des régressions logistiques multivariées. Les variables d’intérêt étaient le sexe, l’âge (en 7 classes), le niveau de diplôme (en 3 classes : <baccalauréat, bac, >bac), la situation familiale (seul, famille monoparentale, couple sans enfant, couple avec enfant(s), autres), la situation professionnelle (travail, études, chômage, retraite, autres) et la région.
Enfin, les prévalences régionales et par DROM ont été standardisées sur la structure par sexe et âge de la population de France hexagonale afin de pouvoir comparer les régions et DROM à structure égale. Les prévalences de chaque région ou DROM ont été comparées aux prévalences nationales (France hexagonale) afin de tester au moyen du test du Chi2 de Pearson la significativité d’éventuelles différences.
L’ensemble des analyses a été réalisé sur des données pondérées et redressées à l’aide du logiciel Stata14®. Le plan de sondage de l’enquête a été pris en compte, en particulier dans l’estimation des variances et des intervalles de confiance à 95% en utilisant la fonction « svyset » sous Stata®.
Résultats
Niveaux d’activité physique et de sédentarité
En 2021, en France hexagonale, 72,9% des hommes et 59,3% des femmes (p<0,001) âgés de 18 à 85 ans atteignaient les recommandations de l’OMS en matière d’AP pour la santé (tableau 1). La prévalence d’atteinte des recommandations complémentaires de RM s’élevait à 31,1% chez les hommes et 20,2% chez les femmes (p<0,001). Les différences observées selon le sexe en matière d’AP ne se retrouvaient pas dans les comportements sédentaires. Plus d’un adulte sur cinq déclarait passer plus de sept heures par jour en position assise et la prévalence d’un temps d’écran de loisirs supérieur à trois heures quotidiennes atteignait 39%. Seule la recommandation de rupture de sédentarité semblait être bien observée avec plus de 9 adultes sur 10 déclarant se lever au moins toutes les deux heures en cas de position assise prolongée. Au total, 8,6% des hommes et 9,9% des femmes (p<0,01) cumulaient les deux facteurs de risque, à savoir une AP insuffisante et une sédentarité élevée (tableau 1).
de France hexagonale, Baromètre de Santé publique France, 2021
Facteurs associés à l’atteinte des recommandations d’AP en France hexagonale
Les facteurs sociodémographiques associés à l’atteinte des recommandations d’AP différaient selon le sexe (tableau 2).
Chez les hommes, l’atteinte des recommandations d’AP était associée à l’âge, avec une prévalence plus élevée chez les plus jeunes (odds ratio ajusté, ORa=1,7 [1,3-2,3] chez les 18-24 ans, 1,2 [1,0-1,5] et 1,3 [1,0-1,5] chez les 25-34 et 35-44 ans respectivement, par rapport aux 45-54 ans). À l’inverse, les plus âgés (75-85 ans) avaient une prévalence plus faible (0,6 [0,4-0,8]). Le fait d’avoir un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat était associé à une moindre prévalence d’atteinte des recommandations d’AP (0,9 [0,7-1,0]), de même que de déclarer être au chômage ou inactif (0,7 [0,5-0,8] et 0,5 [0,3-0,7] respectivement). Enfin, les hommes vivant en milieu rural étaient plus nombreux à atteindre un niveau d’AP suffisant (1,2 [1,0-1,4] en comparaison de ceux vivant dans des agglomérations de moins de 20 000 habitants), contrairement à ceux vivant dans l’agglomération parisienne (0,7 [0,6-0,9]).
Chez les femmes, l’âge était également associé à la prévalence d’atteinte des recommandations. Les femmes les plus âgées (75-85 ans) étaient en effet moins nombreuses à atteindre un niveau d’AP suffisant (0,7 [0,5-0,8]) en comparaison des 45-54 ans. Comme pour les hommes, un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat était associé à une moindre prévalence d’atteinte des recommandations (0,7 [0,6-0,8]), mais contrairement à ces derniers, la situation professionnelle des femmes n’était pas associée à leur niveau d’AP. En revanche, la structure du ménage y était associée : les femmes vivant en couple avec des enfants avaient une moindre probabilité d’atteindre les recommandations d’AP (0,8 [0,7‑0,9]) en comparaison de celles vivant seules. Cela était également le cas des femmes vivant dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants ou en agglomération parisienne (0,8 [0,7-1,0] et 0,7 [0,6-0,9] respectivement).
Facteurs associés à un niveau de sédentarité élevé en France hexagonale
Le niveau de sédentarité n’était pas associé au sexe. En revanche, un niveau de sédentarité élevée était associé à l’âge, les plus jeunes étant davantage sujets à passer plus de sept heures par jour en position assise, en comparaison des plus âgés chez qui cette probabilité était moindre (0,8 [0,7‑1,0] pour les 55-64 ans et 0,6 [0,5-0,8] pour les 65-74 ans en référence aux 45-54 ans (tableau 3). Le niveau de sédentarité était également associé au niveau de diplôme des individus. Les titulaires d’un diplôme supérieur au baccalauréat avaient une plus grande probabilité de passer plus de sept heures par jour en position assise en comparaison de ceux de niveau bac (2 [1,8-2,3]). À l’inverse, les personnes sans diplôme ou de niveau inférieur au baccalauréat étaient moins nombreuses à avoir une sédentarité élevée (0,7 [0,6-0,8]). En comparaison des personnes déclarant travailler, les personnes inactives, au chômage ou retraitées avaient une moindre probabilité de passer plus de sept heures par jour en position assise (0,4 [0,3‑0,5] ; 0,5 [0,4-0,6] et 0,3 [0,2-0,4] respectivement). Les étudiants avaient quant à eux une plus grande probabilité d’avoir un niveau de sédentarité élevé (2 [1,7-2,4]). Le temps quotidien passé assis était également associé au fait de vivre seul, les ménages regroupant plusieurs individus (famille monoparentale, couple avec ou sans enfant) étant moins nombreux à déclarer une sédentarité élevée (0,7 [0,6-0,8] ; 0,7 [0,7-0,8] et 0,8 [0,7-0,9] respectivement). Enfin, la prévalence d’une sédentarité élevée était plus importante dans les agglomérations à forte densité (à l’exception des agglomérations de 100 000 à 199 999 habitants) atteignant 33,2% dans l’agglomération parisienne (1,7 [1,5‑1,9] en comparaison des agglomérations de moins de 20 000 habitants).
à sept heures par jour) en France hexagonale, Baromètre de Santé publique France, 2021
Prévalences régionales d’atteinte des recommandations d’AP
En 2021, la prévalence d’atteinte des recommandations d’AP variait de 65,0% à 78,9% chez les hommes selon les régions de France (France hexagonale et DROM). Quatre régions avaient une prévalence significativement moins élevée que la prévalence nationale (p<0,05 ; figure 1a) : la Guyane (65,0%), le Centre-Val de Loire (66,7%), l’Île-de-France (67,7%) et les Hauts-de-France (69,2%). En revanche, deux régions se démarquaient avec une prévalence significativement plus élevée que la prévalence nationale (p<0,05) : la Bretagne (78,9%) et l’Occitanie (77,2%).
Chez les femmes, la prévalence d’atteinte des recommandations d’AP variait de 54,5% à 64,7% selon les régions. Quatre régions avaient une prévalence significativement inférieure à la prévalence nationale (figure 1b) : les Hauts-de-France (54,8%), la Martinique (55,4%), le Grand Est (55,6%) et l’Île-de-France (56,8%). Comme pour les hommes, la Bretagne (64,7%) et l’Occitanie (64,0%) se distinguaient avec une prévalence significativement supérieure à la prévalence nationale.
Prévalences régionales d’une sédentarité élevée (temps passé assis >7h/jour)
La prévalence d’une sédentarité élevée variait chez les hommes en 2021 de 14,3% à 31,5% selon les régions de France. Seule l’Île-de-France avait une prévalence significativement supérieure à la prévalence nationale (31,5% ; figure 2a). En revanche, trois régions hexagonales (Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine), ainsi que chacun des DROM enquêtés (La Réunion, Martinique, Guadeloupe, Guyane), avaient une prévalence significativement inférieure.
Chez les femmes, la prévalence de la sédentarité élevée s’échelonnait de 15,6% à 29,2% selon les régions. Comme pour les hommes, on retrouvait une prévalence significativement plus élevée en Île-de-France (29,2% ; figure 2b) comparée à la prévalence nationale. À l’inverse, la prévalence était moindre dans les Hauts-de-France (16,3%) et dans les DROM à l’exception de la Guyane.
Discussion
Cette étude présente les prévalences nationales et régionales de l’AP et de la sédentarité des adultes en France en 2021. Malgré des méthodologies différentes, l’estimation des niveaux d’AP de la population en 2021 diffère peu des niveaux relevés précédemment en 2016 dans l’étude Esteban 10. Les données collectées ici pour la première fois dans les DROM ne se démarquent pas non plus des données de la France hexagonale. En effet, d’après le BS 2021, trois hommes et quatre femmes sur 10 n’atteignent pas les recommandations d’AP. La recommandation spécifique concernant la pratique d’activités de RM (préconisée à hauteur de deux séances par semaine 2) est encore moins suivie, puisque sept hommes et huit femmes sur 10 déclarent ne pas réaliser de telles activités. Cette recommandation est certes plus récente et probablement moins connue de la population. Elle peut être par ailleurs difficile à appréhender et a pu être sous-évaluée par les personnes interrogées. De nombreuses AP permettent en effet de travailler à la fois l’endurance et le RM (ex. vélo, danse, natation). Le renforcement des muscles peut par ailleurs être réalisé lors d’AP de la vie quotidienne comme monter et descendre des escaliers, contexte de pratique peut-être moins connu de la population et donc moins pris en compte dans les déclarations. La recommandation sur le RM est diffusée sur le site mangerbouger.fr. Une information spécifique avec une diffusion plus large est une piste à envisager pour en améliorer la connaissance, afin que le RM soit davantage intégré dans les comportements d’AP.
De manière générale, ces données mettent en évidence le manque d’AP dans le quotidien des Français (et notamment des Françaises) et la nécessité d’agir en faveur de la modification des modes de vie pour y inclure davantage de mouvement. Les constats observés il y a déjà plusieurs années, en France et dans l’ensemble des pays occidentaux, demeurent d’actualité 2 : le niveau d’AP des femmes, toujours inférieur à celui des hommes, en fait un public prioritaire, de même que les plus âgés et les moins diplômés 15. L’absence d’évolution favorable du niveau d’AP, notamment chez les femmes, suggère de penser la prévention d’un mode de vie actif de manière plus systémique (dans une perspective socio-écologique), au-delà des seules actions destinées à modifier les comportements individuels, pour rendre notre environnement de vie davantage propice à l’adoption de comportements favorables à la santé. Cela peut notamment passer par un aménagement urbain repensé, à l’image du Plan d’action mondial de l’OMS pour l’AP et la santé 2018-2030 16 ou des projets de design actif 17,18. De telles perspectives présentent l’avantage de s’adresser à toute la population, sans distinction, et de lutter de fait contre les inégalités de santé et d’accès à la pratique d’AP. Le niveau d’AP est en effet encore très lié au genre et à la position socio-économique avec une pratique plus développée chez les hommes et chez les plus diplômés. Or, il a été démontré par exemple qu’un environnement favorisant la marche était associé à une réduction de ces inégalités en matière d’AP 19. En effet, la « marchabilité » augmente le niveau d’AP de tous (quels que soient la localisation géographique ou l’âge) et cette relation entre « marchabilité » et niveau d’AP profite davantage aux femmes 19. Il a également été montré que la densité des transports publics et le nombre de parcs au sein des quartiers étaient associés à un niveau supérieur d’AP d’intensité modérée à élevée (telle que recommandée) et ce, dans tous les groupes sociodémographiques et quelles que soient les caractéristiques perçues du quartier 20. Penser le développement de l’AP pour le plus grand nombre est ainsi possible en continuant à : 1) diversifier l’offre (au sein des clubs, des associations, des municipalités, par la création d’événements sportifs, de stages de découverte, de pratiques libres ou encadrées), 2) développer l’accessibilité (géographique, temporelle, financière, culturelle et organisationnelle), et 3) créer pour tous des environnements favorables à la santé, comme la réhabilitation des quartiers isolés en espaces urbains dynamiques, le développement des pistes cyclables, la démocratisation de l’accès aux infrastructures sportives, le réaménagement des cours d’école et des parcs ou le développement de dispositifs de « street workout » (appareils de musculation et de gymnastique mis à disposition en plein air).
En complément, et dans la mesure où les facteurs associés aux niveaux d’AP diffèrent entre hommes et femmes, il est important de développer des actions plus ciblées vers les femmes, comme l’augmentation de leur accès à l’AP de loisirs (en les déchargeant notamment de certaines contraintes familiales encore peu partagées au sein des foyers 21), l’augmentation de l’offre sportive féminine ou l’implantation de davantage d’AP au sein des entreprises (séances d’AP pour le personnel, généralisation du mobilier actif).
Développer la mobilité et l’AP présente l’intérêt d’agir également sur la sédentarité. Favoriser les modes de vie actifs dans les agglomérations, rendre l’environnement attractif et dynamique notamment pour les jeunes, créer des alternatives au travail sédentaire prolongé sont autant de moyens de lutter contre le manque d’AP et la sédentarité croissante. Même les plus actifs peuvent être très sédentaires et près de 10% de la population cumule les deux facteurs de risque, à savoir un manque d’AP et une sédentarité élevée. Il est donc impératif d’inverser la tendance. Fractionner le temps sédentaire, remplacer une partie du temps assis par la station debout, par quelques pas ou quelques mouvements, ou intégrer des pauses actives dans toutes situations de sédentarité prolongée (travail, études) seront bénéfiques pour réduire les effets négatifs de la sédentarité. Si la recommandation française en vigueur conseille de se lever pour marcher un peu toutes les deux heures, de récents travaux ont mis en évidence les bienfaits physiologiques associés à des ruptures de sédentarité plus fréquentes, et notamment l’intérêt de solliciter l’organisme dès 20 minutes d’inactivité 5. Par ailleurs, augmenter progressivement l’intensité de son AP pour aller vers une AP d’intensité au moins modérée engagera les bénéfices sanitaires liés à la pratique physique 2,5.
Ce changement doit se penser de manière globale et être décliné au sein de chaque territoire, au regard de la situation locale. En effet, l’analyse des données au niveau régional révèle que deux régions (la Bretagne et l’Occitanie) se distinguent par une prévalence d’AP supérieure à la prévalence nationale, tant chez les hommes que chez les femmes. En revanche, le nord du pays présente des prévalences plus faibles. Bien que cette étude ne permette pas d’avancer de facteurs explicatifs de ces différences, il est reconnu que l’AP est liée à certaines caractéristiques socio-économiques (comme les revenus ou l’accès aux diplômes et à l’emploi) 22. Il existe un gradient social et un impact des inégalités sociales de santé sur les niveaux d’AP ce qui pourrait expliquer pour une part ces différences. Selon les données de l’Insee 23, les Hauts-de-France rendent en effet compte des indicateurs sociaux les plus défavorables de l’Hexagone (taux de chômage le plus élevé, PIB par habitant et niveau de vie médian les plus faibles, mortalité plus élevée…) alors que la Bretagne présente à l’inverse des indicateurs très favorables (taux de chômage le plus faible, niveau de vie médian élevé, taux de pauvreté parmi les plus faibles). Ces différences se retrouvent également au niveau de l’engagement sportif, puisqu’en 2018 le nombre d’équipements sportifs par habitant et la pratique sportive fédérale étaient les plus développés en Bretagne alors que les Hauts-de-France tenaient le bas du tableau 23. Une analyse plus fine des caractéristiques de ces populations régionales, de leur cadre de vie, des initiatives ou politiques développées au sein de ces territoires pourrait permettre de mettre en exergue des orientations à promouvoir ou des exemples à suivre dans les régions où la population est manifestement moins active, concentrée en Île-de-France et dans le Nord-Est de l’Hexagone.
Limites
La principale limite de cette étude concerne la concision et la nature déclarative des données ayant permis d’estimer les niveaux d’AP et de sédentarité de la population enquêtée. La majorité des études épidémiologiques évaluent l’AP par questionnaires, dont l’utilisation et le déploiement sont moins contraignants que les mesures objectives via le port de dispositifs du type accéléromètre par exemple. Les questionnaires apportent de nombreuses informations sur l’AP des individus, mais ils se heurtent à certains biais, comme les biais de mémoire ou de désirabilité sociale, ou encore la difficulté de pouvoir estimer la fréquence, la durée et l’intensité des AP rapportées. Cela est notamment vrai pour cette étude, où les questions posées nécessitaient que les répondants puissent déclarer leur AP selon des indicateurs de durée et d’intensité ressentie (modérée ou élevée). Par ailleurs, le nombre restreint de questions n’a pas permis de renseigner les domaines, types et modalités d’AP pratiquées, ce qu’il serait intéressant d’analyser dans le cadre notamment de l’étude des inégalités sociales et territoriales de santé. Cependant, le fait que les résultats obtenus soient cohérents avec ceux de l’étude Esteban utilisant un questionnaire beaucoup plus développé, couplé à la puissance et la robustesse de cette enquête, conforte les estimations et les conclusions avancées et apporte déjà de nombreuses informations.
Conclusion
Cette étude permet de dresser une cartographie des prévalences d’AP et de sédentarité en France en 2021. La puissance de cette étude nationale représentative permet d’estimer pour la première fois ces prévalences à un niveau infranational, DROM inclus. Cette étude dresse un état des lieux de la situation française et met en exergue les principaux facteurs liés à ces comportements de santé. Ce sont autant de pistes sur lesquelles il est possible d’agir pour espérer inverser la tendance, afin de lutter efficacement contre l’inactivité physique et la sédentarité.
La proclamation de la promotion de l’activité physique et sportive comme Grande Cause nationale en 2024 24, année des Jeux olympiques et paralympiques en France, devrait contribuer à impulser de nombreuses initiatives pour développer l’AP du plus grand nombre. Tout l’enjeu sera d’inclure l’ensemble des territoires et de la population et de faire perdurer cet élan dans le temps.
Remerciements
Les auteurs remercient toute l’équipe responsable de la réalisation des Baromètres de Santé publique France.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.