Prévalence de l’hypertension artérielle déclarée dans les départements et régions d’outre-mer, l’enquête Baromètre de Santé publique France de 2021

// Prevalence of hypertension in French overseas territories: The Santé publique France Health Barometer survey, 2021

Valérie Olié1 (valerie.olie@santepubliquefrance.fr), Amélie Gabet1, Clémence Grave1, Arnaud Gautier1, Jacques Blacher2,3
1 Santé publique France, Saint-Maurice
2 Centre de diagnostic et de thérapeutique, Hôtel-Dieu, AP-HP, Paris
3 Université Paris Cité, Paris
Soumis le 20.02.2023 // Date of submission: 02.20.2023
Mots-clés : Hypertension artérielle | DROM | Baromètre
Keywords: Hypertension | Overseas France | Survey

Résumé

Contexte –

L’hypertension artérielle (HTA) constitue le principal facteur de risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) et un facteur de risque important de morbi-mortalité cardiovasculaire. L’objectif de notre étude était d’estimer la prévalence de l’HTA déclarée à la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion et de décrire plusieurs indicateurs de la connaissance et de la prise en charge.

Méthodes –

Les données du Baromètre de Santé publique France DROM 2021 ont été utilisées. Plus de 6 500 personnes (1 511 en Guadeloupe, 1 526 à la Martinique, 1 478 en Guyane et 2 004 à La Réunion), âgées de 18 à 85 ans et résidant dans quatre départements et régions d’outre-mer (DROM) ont été interrogées par téléphone sur l’HTA. Les analyses ont été pondérées pour tenir compte du plan de sondage et de la participation afin d’être représentatives de la population de chaque DROM. Les données de la métropole utilisées pour comparaison étaient issues du Baromètre de santé publique France 2019.

Résultats –

La prévalence de l’HTA déclarée était de 31,5% en Martinique, 29,9% en Guadeloupe, 22,7% en Guyane et 20,8% à La Réunion. La prévalence était significativement plus élevée chez les femmes que chez les hommes dans chaque DROM. La proportion de patients traités par un médicament antihypertenseur parmi les adultes se déclarant hypertendus ne variait ni en fonction du territoire, ni en fonction du sexe et dépassait les 80% comme en métropole. Entre 65% et 73% des adultes hypertendus déclaraient avoir eu des conseils pour modifier leur mode de vie dans les DROM contre 58,5% en métropole. En Guyane 51,5% des hypertendus possédaient un appareil d’automesure tensionnelle à leur domicile, alors qu’ils étaient 53,8% à La Réunion et plus de 70% à la Guadeloupe et la Martinique.

Conclusion –

La prévalence de l’HTA reste très élevée dans les DROM, particulièrement chez les femmes. En revanche, plusieurs éléments de la prise en charge ne différaient pas de la métropole avec plusieurs indicateurs favorables comme la dispensation de conseils hygiéno-diététiques ou la possession d’appareil d’automesure tensionnelle. Les complications de l’HTA étant fréquentes dans les DROM, la prévention nutritionnelle doit être renforcée et tout particulièrement auprès des femmes.

Abstract

Background –

Hypertension (HT) is the main risk factor for stroke and an important risk factor for cardiovascular morbidity and mortality. The objective of our study was to estimate the prevalence of hypertension declared in Guadeloupe, Martinique, French Guiana and Reunion, and to describe indicators of awareness and HT management.

Methods –

We used data from the 2021 Health Barometer survey carried out by Santé publique France in the French overseas regions. More than 6,500 people (1,511 in Guadeloupe, 1,526 in Martinique, 1,478 in French Guiana and 2,004 in Reunion) aged 18 to 85 years and residing in four overseas departments and regions (DROM) were interviewed by telephone about hypertension. The analyses were weighted to take into account the survey design and participation in order to be representative of the population of each DROM. The data used for comparison came from the 2019 Health Barometer survey carried out in metropolitan France by Santé publique France.

Results –

The prevalence of declared hypertension was 31.5% in Martinique, 29.9% in Guadeloupe, 22.7% in French Guiana and 20.8% in Reunion, with a significantly higher prevalence among women than among men in every DROM. Among adults aware of their hypertension, the proportion of patients treated with an antihypertensive drug did not vary according to territory or according to sex and exceeded 80%, as in mainland France. Between 65% and 73% of hypertensive adults living in the DROM said they had received advice on how to change their lifestyle, compared to 58.5% in mainland France. In French Guiana 51.5% of hypertensives had a home blood pressure measurement device, whereas they were 53.8% in Reunion and more than 70% in Guadeloupe and Martinique.

Conclusion –

The prevalence of HT remains very high in the DROM, particularly among women. On the other hand, several elements of HT management did not differ from mainland France with several favorable indicators such as the availability of dietary advice or a home blood pressure measurement device. Given the frequency of HT complications in the DROM, a concerted effort to provide nutritional information in these regions is required, particularly among women.

Introduction

L’hypertension artérielle (HTA) constitue le principal facteur de risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) et un facteur de risque important de morbi-mortalité cardiovasculaire. Au-delà des maladies cardiovasculaires, l’HTA est également la cause de nombreuses autres pathologies invalidantes comme l’insuffisance rénale et les démences. Elle serait responsable de plus de 10 millions de décès dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé 1,2. Les complications de l’HTA, notamment l’AVC et l’insuffisance rénale, sont entre 1,3 et 2 fois plus fréquentes dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) qu’en métropole, en raison d’une prévalence élevée de l’HTA dans ces territoires (1) 3,4,5,6. En effet, les DROM présentent un profil particulier, compte tenu d’une transition démographique encore en cours dans certains départements, mais aussi d’une transition nutritionnelle et alimentaire récente dans ces territoires 7. Ainsi, l’alimentation déséquilibrée, pauvre en fruits et légumes, la sédentarité et une activité physique insuffisante conduisent à une prévalence élevée d’obésité qui est un facteur de risque majeur d’HTA 4,8. Le contexte socio-économique des DROM avec des taux de chômage et de pauvreté plus élevés qu’en métropole et un niveau d’éducation plus bas, contribue largement aux inégalités de santé dans le champ des maladies chroniques et métaboliques. D’autre part, ces territoires présentent des spécificités liées aux origines ethniques et génétiques particulièrement prégnantes dans le contexte de l’HTA au regard du risque d’HTA accru des populations d’origine afro-caribéenne par rapport aux populations caucasiennes. La prévalence de l’HTA reste élevée dans les DROM, néanmoins, le dépistage et la prise en charge des hypertendus ont progressé au cours des 20 dernières années, notamment, chez les femmes 4,8. En outre, la proportion d’hypertendus non contrôlés (deux hypertendus sur trois environ) reste particulièrement préoccupante dans ces territoires 4,8,9. Les études épidémiologiques comportant un examen de santé et permettant d’accéder à la prévalence réelle de l’HTA par des mesures de la pression artérielle restent rares en raison de leur coût et de la complexité de la mise en œuvre. Les études par entretiens téléphoniques permettent, en revanche, d’accéder à l’HTA déclarée sur un large échantillon représentatif de la population.

L’objectif de notre étude était de fournir une estimation récente de la prévalence de l’HTA déclarée dans quatre DROM : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion, et de décrire plusieurs indicateurs de la connaissance et de la prise en charge de l’HTA à partir des données d’une enquête représentative de la population générale de ces territoires.

Méthodes

Notre étude a été réalisée à partir des données du Baromètre de Santé publique France DROM 2021 10,11, enquête téléphonique réalisée auprès d’un échantillon de 6 519 personnes âgées de 18 à 85 ans et résidant dans quatre DROM (1 511 en Guadeloupe, 1 526 à la Martinique, 1 478 en Guyane et 2 004 à La Réunion).

Cette enquête qui vise à mieux connaître les connaissances, opinions et habitudes de la population en matière de santé, explorait les thèmes suivants : l’environnement, les addictions (tabac, alcool, cannabis), la vaccination, le diabète, l’hypertension artérielle, la Covid-19, la santé mentale, les conduites suicidaires, l’alimentation et l’activité physique.

L’échantillonnage de cette enquête a reposé sur une génération aléatoire de numéros de téléphone fixe et mobile. Un individu par ménage a été sélectionné au hasard par la méthode Kish sur ligne fixe. La personne décrochant sur ligne mobile était automatiquement interrogée. L’enquête a été menée par l’institut Ipsos, entre le 7 avril et le 12 octobre 2021. Les taux de participation révisés s’élevaient à 46% en Guadeloupe et Martinique, 51% à La Réunion et 54% en Guyane.

Afin d’obtenir des données représentatives de la population de chaque DROM, des pondérations ont été calculées en tenant compte de la probabilité d’inclusion (au sein du ménage et en fonction de l’équipement téléphonique) et de la structure de la population de chaque département via un calage sur marges utilisant les variables suivantes : le sexe croisé avec l’âge en tranches décennales, la taille du foyer et le niveau de diplôme (population de référence : Institut national de la statistique et des études économiques – Insee –, enquête emploi 2020).

Les données de la métropole sont issues de l’enquête Baromètre de Santé publique France 2019 utilisant une méthodologie similaire et ayant porté sur un échantillon de 10 352 personnes. De la même manière, les données ont été pondérées afin de tenir compte de la probabilité d’inclusion, puis redressées sur la structure de la population par sexe croisée avec l’âge en tranches décennales, la région, la taille d’unité urbaine, la taille du foyer et le niveau de diplôme (population de référence : Insee, enquête emploi 2018). Le taux de participation révisé de cette enquête s’élevait à 50,8%.

L’HTA déclarée a été définie par une réponse positive à l’une des trois questions suivantes : « Un professionnel de santé vous a-t-il dit que vous aviez de l’hypertension ? » ; « Vous a-t-on déjà prescrit un médicament (ou plusieurs) contre l’hypertension artérielle ? » ; « Prenez-vous actuellement un traitement contre l’hypertension artérielle ? ». La prévalence de l’HTA déclarée mesurée dans cette enquête correspond à la part de l’HTA dépistée et connue des adultes et non la prévalence totale de la maladie.

Toutes les prévalences, ainsi que les intervalles de confiance à 95% (IC95%), ont été pondérés pour tenir compte de la probabilité d’inclusion et de la structure de la population de chaque DROM.

Les comparaisons de proportions ont été effectuées par des tests de Chi2 de Rao-Scott et les comparaisons de moyennes de variables quantitatives par une analyse de variances de données pondérées. Les odds ratios ajustés (ORa) et leurs IC95% ont été estimés par une régression logistique multivariée qui a été effectuée pour étudier les déterminants de la possession d’un appareil d’automesure tensionnelle.

Les analyses ont été effectuées sur le logiciel SAS software® (version 7.1, SAS Institute, Cary, NC, USA).

Résultats

Les caractéristiques des adultes inclus dans cette enquête sont présentées dans le tableau 1. L’âge moyen des adultes inclus différait entre les quatre DROM avec 10 ans d’écart entre la Guyane (42,0 ans) et la Martinique (52,0 ans). Le niveau d’éducation était également variable avec un niveau d’éducation moindre en Guyane où 66% de la population interrogée avait un niveau inférieur au baccalauréat. Le niveau d’éducation dans les DROM était très inférieur à celui de la métropole où moins de 50% de la population interrogée avait un niveau inférieur au Baccalauréat. Le taux de chômage dans les DROM variait de 18,0% à La Réunion à 29,4% en Guyane, dépassant très largement le taux en métropole (7,3%). Si la proportion d’obésité déclarée était plus faible à La Réunion (14,7%) que dans les trois autres territoires (respectivement 20,9% pour la Guadeloupe, et 22,1% en Martinique et 20,9% en Guyane, p<0,0001), la prévalence du tabagisme y était plus élevée avec 19,9% de fumeurs quotidiens contre 9,5% en Guyane.

Tableau 1 : Caractéristiques des adultes inclus dans l’enquête Baromètre de Santé publique France DROM 2021
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La proportion de personnes interrogées dans cette enquête déclarant avoir eu une mesure de la pression artérielle dans l’année variait en fonction du sexe et du département, avec seulement 66,7% chez les hommes guyanais, et plus de 86% chez les femmes martiniquaises. Cette proportion était significativement plus basse chez les hommes que chez les femmes dans les quatre territoires d’outre-mer (figure 1).

Figure 1 : Proportion d’adultes ayant eu une mesure de la pression artérielle dans l’année en fonction du sexe, enquête Baromètre de Santé publique France DROM 2021
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Prévalence de l’HTA déclarée

La prévalence de l’HTA déclarée variait en fonction des territoires avec une prévalence plus élevée en Martinique (31,5%) et Guadeloupe (29,9%) qu’en Guyane (22,7%) et à La Réunion (20,8%) (tableau 2). En 2019, la prévalence de l’HTA déclarée en métropole était de 20,0%.

Contrairement au territoire métropolitain, la prévalence dans chaque DROM était significativement plus élevée chez les femmes que chez les hommes (p<0,01 dans chaque DROM). Cette différence était particulièrement marquée en Guadeloupe (23,6% chez les hommes contre 35,0% chez les femmes, p<0,0002).

La prévalence de l’HTA déclarée augmentait significativement avec l’âge dans les quatre territoires pour atteindre plus de 55% dans la tranche d’âge des 75-84 ans, soit plus de 10 points de plus en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion par rapport à la métropole.

Tableau 2 : Prévalence (%) et intervalle de confiance à 95% de l’HTA déclarée dans les DROM en fonction du sexe et de l’âge en 2021 et en France métropolitaine en 2019
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Perception de la maladie

Parmi les adultes se déclarant hypertendus, 31,9% avaient répondu « non » à la question « Avez-vous une maladie chronique ou un problème de santé durable » mais 88,6% se disaient plutôt bien informés sur la maladie. Cette proportion ne variait pas en fonction du département, mais elle était supérieure chez les patients traités pharmacologiquement (87,9% chez les traités vs 79,1% chez les non traités). Ces proportions étaient très proches de celles observées en métropole (88,2%).

Prise en charge de l’HTA

Chez les adultes se déclarant hypertendus, la possession d’un appareil d’automesure tensionnelle variait de manière importante en fonction des territoires (51,5% en Guyane, 53,8% à La Réunion et plus de 70% en Guadeloupe et en Martinique) (tableau 3). Cette proportion variait également en fonction des caractéristiques des individus. En effet, les personnes ayant un travail, ou avec un indice de masse corporelle (IMC) normal étaient plus susceptibles de posséder un appareil d’automesure tensionnel (figure 2). En revanche, un diplôme supérieur au baccalauréat (OR=1,99, IC95%: [1,24-3,20]) comparativement aux personnes sans diplôme, le fait d’être traité pour son hypertension par un traitement pharmacologique (1,87 [1,15-3,04]) ou des mesures hygiéno-diététiques (1,45 [1,07-1,96]), comparativement aux personnes non traitées, était associé à une chance supérieure de disposer d’un appareil de ce type (figure 2).

Tableau 3 : Prise en charge des patients hypertendus dans les DROM (2021) et en France métropolitaine (2019) en fonction du sexe
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Figure 2 : Facteurs associés à la possession d’un appareil d’automesure tensionnelle à son domicile, enquête Baromètre de Santé publique France DROM 2021
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Les femmes étaient plus souvent suivies pour leur HTA par un médecin généraliste que les hommes dans les DROM (87,5% vs 82,2%).

La proportion de patients se déclarant hypertendus traités par médicaments antihypertenseurs était similaire entre les DROM et la métropole, sans différence entre les sexes (tableau 3). En revanche, chez ces patients on notait une différence entre les DROM et la métropole sur les conseils préconisés pour modifier le mode de vie (régime alimentaire, activité physique, réduction de la consommation d’alcool) (entre 65% et 73% dans les DROM vs 58,5% en métropole).

L’observance déclarée était plus faible dans les DROM par rapport à la métropole (respectivement de 81 à 91% contre 94%), sans différence entre les sexes. Les principales raisons déclarées pour la non-observance sont répertoriées dans la figure 3. Les oublis (68,7%) restaient la première cause déclarée devant le fait de ne plus en avoir besoin avec une pression artérielle qui s’est normalisée (9,2%) et pour limiter les effets secondaires (7,0%). La lassitude de la prise quotidienne ou le grand nombre de médicaments quotidien était la 4e cause la plus fréquemment déclarée (6,7%).

Enfin, une proportion importante des adultes se déclarant hypertendus a indiqué avoir dû renoncer à des soins au cours des 12 derniers mois pour des raisons financières. Cette proportion atteignait les 26,3% en Guyane contre 11,2% à La Réunion. En Martinique les femmes étaient plus nombreuses à renoncer aux soins que les hommes (respectivement 20,0 vs 11,9%). Cette différence entre les sexes n’était pas observée dans les autres DROM.

Figure 3 : Classement des 10 raisons les plus fréquentes chez les hypertendus ayant déclaré ne pas prendre systématiquement leur traitement, enquête Baromètre de Santé publique France DROM 2021
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Discussion

La prévalence de l’HTA déclarée dans cette étude était hétérogène en fonction des territoires d’outre-mer, avec une prévalence plus élevée en Guadeloupe et en Martinique qu’en métropole. En revanche, la prise en charge des hypertendus connus était équivalente à celle décrite en métropole (proportion de patients traités pharmacologiquement). Elle était même meilleure en Guadeloupe et en Martinique pour la possession d’appareil d’automesure tensionnelle et dans les quatre DROM pour les conseils hygiéno-diététiques. En revanche, l’observance déclarée aux traitements antihypertenseurs était plus faible dans les DROM qu’en métropole.

Les données de prévalence de l’HTA déclarée dans cette enquête sont cohérentes avec les données récentes de l’Enquête Santé européenne (EHIS 2019) 12, mais supérieures à certaines études antérieures menées dans les DROM 4,12. Dans l’étude Consant réalisée en Guadeloupe en 2007, la prévalence de l’HTA connue déclarée avait été estimée à 19% chez les hommes et à 30% chez les femmes, contre 23,6% chez les hommes et 35,0% chez les femmes dans notre étude. De même, à La Réunion, nos résultats donnaient des prévalences de l’HTA déclarée supérieures à celles estimées dans l’étude Rédia réalisée au début des années 2000 : 10,4% chez les hommes (25,7% d’HTA connue parmi les 40,3% d’hypertendus) et 16,4% chez les femmes (44,6% d’HTA connue parmi les 36,7% d’hypertendues), contre 17,7% chez les hommes et 23,5% chez les femmes dans notre étude 6. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette différence entre ces deux enquêtes. Celle-ci pourrait être liée à une augmentation de la prévalence de l’HTA dans les DROM, mais également à une amélioration de la connaissance et du dépistage de l’HTA au cours du temps. Une persistance d’un plus faible taux de dépistage et de connaissance de l’HTA à La Réunion par rapport aux autres DROM pourrait expliquer la plus faible prévalence rapportée à la Réunion dans notre étude comparativement à la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane 6. Les différences de prévalence observées entre les DROM dans notre enquête étaient partiellement liées à une différence de caractéristiques des adultes interrogés. En effet, l’âge moyen était 10 ans plus faible en Guyane qu’en Martinique pouvant expliquer une part du différentiel observé sur la prévalence. Néanmoins, la prévalence observée à La Réunion était plus faible que dans les autres DROM et ce, dans toutes les classes d’âge.

Contrairement à ce qui est observé en métropole, la prévalence de l’HTA dans les DROM était très supérieure chez les femmes par rapport aux hommes. Ce différentiel de prévalence entre les hommes et les femmes, classiquement rapporté pour l’HTA dans les DROM, s’explique, en partie, par le différentiel de prévalence de l’obésité entre les deux sexes dans les DROM. En effet, alors que la prévalence de l’obésité est d’environ 17% dans la population métropolitaine, sans différence significative entre les hommes et les femmes, l’obésité déclarée dans cette enquête est 2,3 fois plus prévalente chez les femmes que chez les hommes en Guadeloupe (27% vs 12% respectivement), 1,8 fois plus en Martinique et à La Réunion et 1,6 fois plus en Guyane. De la même manière, l’enquête Unono Wa Maore réalisée à Mayotte, estimait la prévalence de l’HTA à 38,4% avec des taux d’HTA déclarée supérieurs chez les femmes que chez les hommes 13. Dans cette population, on retrouvait des taux d’obésité particulièrement élevés chez les jeunes et les femmes, pouvant expliquer en partie les prévalences d’HTA dans ces sous-groupes. Si la méthodologie d’identification de l’HTA était différente (avec un examen de santé dans l’étude mahoraise) et rend impossible la comparaison directe de la prévalence de l’HTA à celles des autres DROM, elle souligne le rôle de l’obésité dans la survenue d’HTA chez les jeunes et chez les femmes.

Un meilleur dépistage de l’HTA dans les DROM chez les femmes est également un élément pouvant expliquer cette différence entre les sexes sur la prévalence de l’HTA déclarée. L’étude Consant, réalisée en Guadeloupe, a mis en évidence une meilleure connaissance de la maladie chez les femmes, liée à un dépistage particulièrement efficace chez les femmes (80% des hypertendues sont connues en Guadeloupe contre 63% en métropole) 3. Notre étude montre que la mesure de la pression artérielle dans l’année était plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Ces résultats sont relativement stables dans le temps puisque ces proportions de mesures dans l’année étaient de 80% chez les hommes et de 89% chez les femmes dans l’enquête Kannari réalisée en 2013 en Guadeloupe et Martinique 5. Ce meilleur dépistage chez les femmes avait également été décrit dans l’enquête Unono Wa Maore à Mayotte 13.

Le niveau socio-économique des habitants des DROM constitue également un point essentiel compte tenu du lien multidimensionnel qui existe entre défaveur sociale et HTA. Si la prévalence des facteurs de risque cardiovasculaires individuels est plus élevée dans les populations défavorisées, le lien entre défaveur sociale et HTA est également lié à des facteurs individuels psychosociaux ou professionnels et des facteurs contextuels comme le logement ou les conditions de vie 14,15. Les résultats concernant le niveau d’éducation et la situation professionnelle dans cette étude mettent en évidence des taux de chômage jusqu’à quatre fois plus élevés qu’en métropole, mais également un renoncement aux soins particulièrement marqué en Guyane.

Malgré une prévalence plus élevée dans les DROM, la prise en charge thérapeutique semble être quasiment équivalente à celle observée en métropole, avec une proportion d’hypertendus connus traités supérieure à 80%. Ce chiffre peut paraître élevé, mais il ne prend pas en compte la proportion importante d’hypertendus non dépistés qui ne reçoivent pas de traitement (40% des hypertendus en métropole 16). Si la prise en charge pharmacologique ne différait pas entre les DROM et la métropole, la prise en charge par des mesures hygiéno-diététiques était plus souvent rapportée par les hypertendus dans les DROM. Cet élément constitue un point très positif, compte tenu de l’efficacité de ces mesures dans le contrôle de la pression artérielle de manière isolée ou en complément d’un traitement pharmacologique ; mais aussi compte tenu de l’effet bénéfique de ces mesures sur les autres facteurs de risque cardiovasculaire, notamment les désordres métaboliques 17,18. Autre élément très positif, la possession d’un appareil d’automesure tensionnelle au domicile est très répandue en Guadeloupe et en Martinique avec près de trois-quarts des hypertendus qui déclaraient en posséder un, soit plus de 10 points de plus qu’en métropole. La Haute Autorité de santé préconise aujourd’hui l’usage de l’automesure tensionnelle dans le diagnostic, mais aussi le suivi des hypertendus et recommande d’effectuer une automesure avant une consultation de suivi chez son médecin 19. La possession d’un appareil à son domicile possède un autre atout, puisqu’il peut également permettre le dépistage opportuniste de l’HTA d’autres membres de la famille.

La proportion d’hypertendus se déclarant observant à son traitement pharmacologique était proche des 90% dans cette enquête. Ce pourcentage est légèrement inférieur à ceux observés dans les enquêtes Flahs en métropole sur un échantillon d’hypertendus, mais reste élevé 20. Ces taux sont, néanmoins, un mauvais reflet de la réalité en raison du biais de désirabilité sociale dans les enquêtes déclaratives sur l’observance 21. Il a été estimé dans l’étude Esteban que cette observance était plutôt de l’ordre de 40% 22. Malgré cette sous-déclaration probable des « oublis » dans cette enquête, les raisons avancées par ceux qui déclarent ne pas être complètement observants apportent des éléments intéressants dans la compréhension de ces comportements qui sont associés à un mauvais contrôle de l’HTA. Un certain nombre d’idées reçues comme la nécessité de prendre le traitement à heure fixe, l’accoutumance ou la prise concomitante d’alcool pourraient être discutées en amont de la prescription pour essayer de limiter le risque de non prise du traitement.

Les résultats sur la prise en charge de l’HTA décrit dans cette étude témoignent des progrès accomplis dans ce champ dans les DROM. Le développement de réseaux et de programmes d’éducation thérapeutique comme le réseau HTA-Gwad qui existe depuis plus de 20 ans en Guadeloupe a participé à une amélioration du dépistage, de la prise en charge, du recours à l’automesure tensionnelle et du contrôle de l’HTA dans ces territoires 23. Néanmoins, ces résultats ne doivent pas éclipser l’ampleur du problème de l’HTA dans la population d’outre-mer qui présente une prévalence des autres facteurs de risque cardiovasculaire très élevée à l’exception du tabagisme qui était plus bas en Guadeloupe, Guyane et Martinique par rapport à la métropole. De plus, malgré certains éléments favorables, le contrôle de l’HTA reste très bas, comme en témoignent les résultats de l’étude Consant avec 21,7% des hommes et 43,5% des femmes hypertendus qui avaient une pression artérielle contrôlée en Guadeloupe 3. Le renoncement aux soins pour des raisons financières dans certains DROM est également un point d’attention majeur, d’autant plus depuis le retrait de l’ALD n° 12 (hypertension sévère).

La principale limite de cette étude concerne le caractère déclaratif de l’HTA ne permettant d’évaluer que la part dépistée connue et déclarée de l’HTA. Cet indicateur est le reflet de la prévalence réelle, mais aussi du niveau de dépistage, dans chaque territoire. Il reste donc difficile d’interpréter les résultats à partir des données de cette seule enquête. Néanmoins, les résultats obtenus sont cohérents avec les enquêtes réalisées avec une mesure de la pression artérielle quand on limite les comparaisons à la proportion d’HTA connue. Une enquête avec examen de santé en cours à La Réunion (étude Réunion) devrait permettre d’apporter de nouveaux éléments concernant la prévalence totale de l’HTA dans ce territoire. Les taux de participation à cette enquête, bien qu’en baisse par rapport au baromètre de 2014 restaient élevés pour ce type d’enquête. De plus, le design de cette enquête permet d’avoir une photographie représentative de la population de ces territoires d’outre-mer et apporte des éléments sur la connaissance et la prise en charge de l’HTA. La comparaison avec les données du Baromètre de Santé publique France réalisé en métropole en 2019 est également à prendre avec précaution, puisque la standardisation a été réalisée sur des populations pouvant légèrement différer.

Conclusion

La prévalence de l’HTA reste très élevée dans les DROM, particulièrement chez les femmes. En revanche, la prise en charge ne différait pas de la métropole avec même plusieurs indicateurs comme la dispensation de conseils hygiéno-diététiques ou la possession d’appareil d’automesure tensionnelle qui y sont plus fréquents dans certains DROM. Compte tenu de la fréquence et de la gravité de ses complications, l’HTA constitue un enjeu important pour une amélioration de la santé dans les DROM avec un effort tout particulier de prévention nutritionnelle à fournir chez les femmes.

Remerciements

Les auteurs remercient les équipes Ipsos en charge du recueil des données et notamment les enquêteurs pour cette édition du Baromètre de Santé publique France dans les DROM.

Liens d’intérêt

Valérie Olié, Amélie Gabet, Clémence Grave et Arnaud Gautier déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt pour ce travail.
Jacques Blacher déclare des liens d’intérêt avec Abbott, Bayer, Bottu, Ferring, Steripharma, Kantar, Teriak, Pfizer, Sanofi, Servier et Quantum Genomics en dehors du travail soumis.

Références

1 Organisation mondiale de la santé. Panorama mondial de l’hypertension, un « tueur silencieux » responsable d’une crise de santé publique mondiale. Genève: OMS; 2013. 39 p. https://apps.who.int/iris/handle/10665/85334
2 Lewington S, Clarke R, Qizilbash N, Peto R, Collins R, Prospective Studies Collaboration. Age-specific relevance of usual blood pressure to vascular mortality: A meta-analysis of individual data for one million adults in 61 prospective studies. Lancet. 2002;360(9349):1903-13.
3 Atallah A, Kelly-Irving M, Zouini N, Ruidavets JB, Inamo J, Lang T. Controlling arterial hypertension in the French West Indies: A separate strategy for women? Eur J Public Health. 2010;20(6):665-70.
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Citer cet article

Olié V, Gabet A, Grave C, Gautier A, Blacher J. Prévalence de l’hypertension artérielle déclarée dans les départements et régions d’outre-mer. Bull Épidémiol Hebd. 2023;(8):138-47. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/8/2023_8_2.html