Entred 3 est arrivé !

// Entred 3 has arrived!

André Grimaldi
Professeur émérite, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, Paris

Ce numéro thématique du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), dont la parution coïncide avec
la Journée mondiale du diabète, livre les tous premiers résultats de la troisième édition 2019 de l’étude Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques (Entred), portant sur un peu moins
de 10 000 adultes tirés au sort.

Cette nouvelle version, tout en suivant une méthodologie similaire à celle d’Entred 1 (2001-2003) et d’Entred 2 (2007-2010), a pu bénéficier des données du Système national des données de santé (SNDS) sur les hospitalisations, durant les 10 années précédentes. De plus, un sur-échantillonnage des personnes diabétiques de type 1 a permis d’apporter des données plus précises sur cette population que celles fournies par les éditions antérieures. Le premier article (1) de ce numéro rapporte les caractéristiques recueillies par une enquête auprès des personnes diabétiques vivant en France métropolitaine, associées aux données extraites du SNDS (des publications ultérieures porteront sur les populations de La Réunion, de la Guyane et des Antilles).

Le premier intérêt de cette publication est de permettre la comparaison avec les données des éditions antérieures. En ce qui concerne le diabète de type 2, si on n’observe pas de progrès en termes de poids (avec 80% de surpoids et d’obésité) et de tabagisme (13%), les publications ultérieures diront si la diminution rapportée de la perte de vue d’un œil et d’un mal perforant plantaire est corrélée, comme on peut le penser, à une amélioration de l’équilibre glycémique. Elles devront aussi confirmer la diminution
des complications coronariennes, rapportées par les patients, que pourrait expliquer une plus large prescription de statines. Quoi qu’il en soit, le vieillissement enregistré de la population des diabétiques de type 2 et l’allongement de la durée moyenne du diabète témoignent à la fois du ralentissement de la progression de l’incidence de la maladie, et de l’accroissement de l’espérance de vie des patients traités. Les progrès thérapeutiques rapportés sont certes numériquement modestes, mais ils sont encourageants et engagent à poursuivre les actions d’information et de formation des professionnels et des patients.
La grande question reste cependant celle de la prévention primaire du diabète de type 2, grâce à l’équilibre alimentaire et à l’accroissement de l’activité physique.

Les patients diabétiques de type 1, comme on pouvait s’y attendre sont plus jeunes que les diabétiques
de type 2, avec un niveau socio-culturel plus élevé. Ils ont un diabète plus ancien, présentent moins de complications macrovasculaires, mais nettement plus de complications microvasculaires (œil, pied, rein,
la classique « triopathie » diabétique). Ce qui frappe concernant ce diabète qu’on appelait jadis « maigre » est, en revanche, le pourcentage de patients en surpoids ou obèses (50%) et tabagiques (25%). Si bien que le phénotype moderne du diabète de type 1 associe à la carence insulinique absolue qui le caractérise le développement d’une insulinorésistance, autrefois apanage du diabète de type 2.

D’après ces premières données déclaratives d’Entred 3, le tabagisme semble se maintenir à un taux élevé chez les patients diabétiques, alors qu’il tend à régresser dans la population générale. Il fait l’objet du deuxième article de ce numéro (2). Le tabac joue un rôle particulièrement pervers, puisqu’il est un facteur de risque du diabète de type 2, à la fois en favorisant la répartition abdominale viscérale des graisses, et en induisant fréquemment lors de l’arrêt de l’intoxication une prise de poids importante. En plus de ses propres complications, notamment oncologiques et vasculaires, le tabagisme aggrave les complications du diabète et singulièrement la néphropathie diabétique. Si on ajoute à ces données épidémiologiques l’existence d’un gradient social concernant l’obésité, le diabète de type 2, le tabagisme, on conçoit qu’on puisse parler de « syndémie » (intrication de maladies touchant de très larges populations et s’aggravant réciproquement). L’origine commune de cette syndémie tiendrait au développement des comportements addictifs dans une société de consommation, urbanisée, sédentarisée, archipellisée où chacun, pour lutter contre la maladie du siècle, l’anxiodépression, tente d’activer les circuits bio-neuronaux du plaisir, sachant que cette dernière est deux fois plus fréquente chez les patients atteints de maladies chroniques. Mais, les comportements compulsifs ou la consommation de drogues qui soulagent le mal-être dans l’instant, l’aggravent secondairement, tandis que le marketing des industriels concernés stimule le sentiment illusoire de liberté pour mieux assujettir leurs clients. La lutte contre cette syndémie passe donc par une politique de santé publique globale, dont chaque élément doit être évalué. Cette évaluation régulièrement répétée est indispensable pour décider des actions à poursuivre ou à mettre en œuvre.

C’est ce qu’avait parfaitement compris Anne Fagot-Campagna qui nous a quittés le 19 janvier 2022. Elle avait initié et conduit les études Entred 1 et 2, alors qu’elle travaillait à l’Institut de veille sanitaire, ancêtre de Santé publique France. Elle avait rejoint la Sécurité sociale il y a dix ans. Médecin, à la fois diabétologue et épidémiologiste, elle savait en effet que l’efficacité de l’action passe par le développement d’une relation constructive entre le financeur, la Sécurité sociale, et la communauté médicale, autour de la question centrale pour l’avenir de notre système de santé, de la pertinence et de la qualité des soins. Il suffit de rappeler ici ses travaux sur la chirurgie bariatrique et la chirurgie thyroïdienne. Toutes celles et tous ceux qui ont eu la chance de la connaître ou de travailler avec elle, gardent le souvenir de sa très grande compétence et de son extrême gentillesse. C’était une personnalité rayonnante. Le plus bel hommage qu’on puisse lui rendre est de poursuivre son œuvre, dont Entred fut un volet important.

Merci à tous les investigateurs d’avoir entrepris et mené à bien Entred 3, dont les diabétologues attendent avec impatience les multiples publications annoncées.

Citer cet article

Grimaldi A. Éditorial. Entred 3 est arrivé ! Bull Epidémiol Hebd. 2022;(22):382-3. http://beh.santepublique
france.fr/beh/2022/22/2022_22_0.html