Pratiques de tests diagnostiques grippe, Covid-19 et virus respiratoire syncytial dans les services d’urgence hospitaliers, en France métropolitaine, entre décembre 2021 et mars 2022

// Influenza, COVID-19 and respiratory syncytial virus diagnostic testing practices in hospital emergency departments, metropolitan France, December 2021 to March 2022

Joséphine Cazaubon, Sibylle Bernard-Stoecklin, Marie-Michèle Thiam, Anne Fouillet, Cécile Forgeot, Céline Caserio-Schönemann, Christine Campèse (christine.campese@santepubliquefrance.fr)
Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le 19.07.2022 // Date of submission: 07.19.2022
Mots-clés : Test diagnostique | Pratiques diagnostiques | Diagnostic | Covid-19 | SARS-CoV-2 | Grippe | Virus respiratoire syncytial (VRS) | Urgences | Oscour®
Keywords: Diagnostic test | Diagnostic practices | Diagnosis | COVID-19 | SARS-CoV-2 | Influenza | Respiratory syncytial virus (RSV) | Emergencies | Oscour®

Contexte

En France, la surveillance de la grippe s’appuie sur un large réseau de partenaires et de sources de données, notamment sur des données de passages aux urgences et d’hospitalisations après passages aux urgences pour grippe (confirmée ou suspectée). Ces données sont transmises à Santé publique France par 670 services d’urgence hospitaliers appartenant au réseau Oscour® (Organisation de la surveillance coordonnée des urgences) qui couvre, en 2022, 94% des passages aux urgences au niveau national. Depuis le début de la pandémie de Covid-19 en mars 2020, les services d’urgence ont connu une évolution de leurs pratiques de tests diagnostiques. La saison 2021-2022 a été marquée par une co-circulation de SARS-CoV-2, de virus respiratoire syncytial (VRS) (1) et de virus grippaux à des niveaux élevés. Par ailleurs, l’épidémie de bronchiolite est survenue plus précocement, et celle de la grippe plus tardivement que ce qui est habituellement observé en France 1,2,3. Compte-tenu de la grande similitude entre les tableaux cliniques de la grippe et de la Covid-19, l’interprétation des données « grippe, syndrome grippal » collectées auprès des services d’urgence peut s’avérer difficile.

Objectif

Cette enquête documente les pratiques diagnostiques aux urgences face à un syndrome grippal, selon le type d’établissement et de service d’urgence. L’objectif est de permettre une meilleure interprétation des données de surveillance, essentielle à la caractérisation de l’impact des différentes épidémies, particulièrement lors de la circulation concomitante de virus grippaux, du SARS-CoV-2, du VRS et/ou d’autres agents pathogènes respiratoires.

Matériel et méthodes

Un questionnaire, élaboré par Santé publique France en collaboration avec la Fédération des observatoires régionaux des urgences (Fedoru), visant à évaluer les pratiques de tests diagnostiques pour la grippe, la Covid-19 et le VRS dans les différents types d’établissements dédiés aux urgences a été envoyé par voie électronique aux 670 services d’urgence du réseau Oscour® en novembre 2021. Le recueil des données a débuté en décembre 2021 et a été clôturé en mars 2022. Le questionnaire devait, de préférence, être rempli par un médecin urgentiste « senior ».

Ces derniers ont été interrogés sur leurs méthodes diagnostiques vis-à-vis d’un syndrome grippal et sur leurs pratiques de tests diagnostiques de la grippe, du Covid-19 et du VRS durant la saison hivernale 2021-2022, incluant :

les conditions de réalisation d’un test diagnostique devant un syndrome grippal ;

le ou les agent(s) pathogène(s) recherché(s) ;

le ou les type(s) de test(s) utilisé(s) ;

le délai d’obtention du résultat.

Les tests diagnostiques utilisés sont, soit réalisés in situ (au chevet du patient) comme les tests antigéniques SARS-CoV-2 (coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère), les tests rapides d’orientation diagnostique de la grippe et les tests diagnostiques rapides de type moléculaire, soit en laboratoire comme les tests RT-PCR (Reverse Transcription – Polymerase Chain Reaction). Certains d’entre eux ciblent un seul agent pathogène comme les tests antigéniques SARS-CoV-2, les tests rapides d’orientation diagnostique de la grippe, ou les tests RT-PCR simplex, tandis que d’autres, notamment les tests RT-PCR multiplex, permettent de rechercher simultanément plusieurs agents pathogènes.

Résultats

Profil des établissements ayant répondu à l’enquête

La participation des services d’urgence à cette enquête déclarative en ligne est de 22% (148 établissements répondeurs sur 670 établissements sollicités), avec l’ensemble des régions françaises représentées, à l’exception des Antilles. Les réponses collectées proviennent de différents types d’établissements : 70% de centres hospitaliers (CH), 15% de centres hospitaliers universitaires (CHU), 8% de cliniques privées, 6% des établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) et 1% des hôpitaux d’instruction des armées (HIA). La part des répondants parmi l’ensemble des établissements en France est de 11% pour les CH (103 CH répondants sur 943 CH en France (2)) et de 73% pour les CHU (22 CHU répondants/30 CHU en France (3)).

Par ailleurs, différents types de service d’urgence ont répondu à cette enquête : 64% des services d’urgences générales, 27% des services d’urgences adultes et 9% des services d’urgences pédiatriques. Les résultats sont présentés de façon à pouvoir identifier une éventuelle différence de pratiques diagnostiques entre les CH et les CHU d’une part, et entre les urgences générales/adultes et pédiatriques d’autre part.

Conditions de réalisation d’un test diagnostique devant un syndrome grippal

Cette étude montre que, devant un syndrome grippal, un test diagnostique est réalisé de manière systématique dans la majorité des cas (65% tous établissements confondus). En revanche, dans les services d’urgences pédiatriques et dans les CHU, la réalisation systématique d’un test diagnostique devant un syndrome grippal est moins pratiquée (respectivement 15% et 50%) (figures 1A et 1B). Pour 35% des établissements (52/148 tous établissements confondus), un test diagnostique est réalisé uniquement dans certaines situations, en s’appuyant sur différents critères. Les deux principaux critères de décision sont l’existence d’enjeux organisationnels (hospitalisation, attente de transfert, vie en collectivité, retour à domicile, etc.) et la présence d’une symptomatologie grave (quels que soient l’âge et l’état de santé initial du patient), pris en compte dans près de 90% des cas. Par ailleurs, la présence de facteurs de risque de complication pour la grippe ou le Covid-19 (patient âgé de plus de 65 ans ou de moins de 6 mois, patient atteint de maladie(s) chronique(s), femme enceinte, etc.) est prise en considération dans 62% des cas, et la réalisation par le patient d’un test Covid-19 négatif avant son entrée aux urgences l’est dans 15% des cas.

Figure 1A : Réalisation d’un test diagnostique devant un syndrome grippal, tous services d’urgence confondus, dans les CH et dans les CHU, en France, entre décembre 2021 et mars 2022
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Figure 1B : Réalisation par les services d’urgence interrogés, d’un test diagnostique devant un syndrome grippal, par type d’établissement et type de service, en France, entre décembre 2021 et mars 2022
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Agents pathogènes recherchés par le test diagnostique

Lorsqu’un test diagnostique est réalisé, les participants à l’enquête ont indiqué que le SARS-CoV-2 est recherché dans 100% des cas, le virus de la grippe dans 70% des cas et le VRS dans 34% des cas, tous services confondus. Les services d’urgences pédiatriques et les CHU ont déclaré rechercher plus fréquemment le virus de la grippe et le VRS (respectivement 100% et 92% pour les services d’urgences pédiatriques, et 86% et 64% pour les CHU) que les services d’urgences générales (67% et 29%) et les CH (70% et 33%) (figures 2A et 2B).

Les tests diagnostiques utilisés peuvent cibler uniquement le SARS-CoV-2 (30% des cas), le SARS-CoV-2 et la grippe (35% des cas) ou encore le SARS-CoV-2, la grippe et le VRS (35% des cas). Lorsqu’un établissement indique rechercher plusieurs agents pathogènes, cette recherche est simultanée dans 60% des cas et différée dans 40% des cas (réalisation d’un test Covid-19 puis, si le résultat est négatif, d’autres agents pathogènes sont recherchés).

Figure 2A : Agents pathogènes recherchés par le test diagnostique réalisé devant un syndrome grippal, tous services d’urgence confondus, dans les CH et dans les CHU, en France, entre décembre 2021 et mars 2022
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Figure 2B : Agents pathogènes recherchés par le test diagnostique réalisé devant un syndrome grippal, dans les services d’urgences générales/adultes et pédiatriques, en France, entre décembre 2021 et mars 2022
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Tests diagnostiques utilisés et délai d’obtention des résultats

D’après les résultats obtenus, les tests diagnostiques les plus utilisés diffèrent selon l’agent pathogène recherché. Pour une recherche diagnostique ciblant le Covid-19, les établissements prescrivent le plus fréquemment un test RT-PCR ciblant uniquement le SARS-CoV-2 (76%), un test antigénique SARS-CoV-2 (39%), ou plus rarement un test RT- PCR multiplex ciblant plusieurs agents pathogènes respiratoires (26%). En revanche, pour une recherche diagnostique de grippe, les établissements utilisent le plus couramment un test RT-PCR multiplex (46%), un test RT-PCR ciblant uniquement la grippe (31%), un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) spécifique de la grippe (27%), ou, plus rarement, un test diagnostique rapide de type moléculaire (7%) (figures 3A et 3B).

Les résultats des tests diagnostiques du Covid-19 et de la grippe sont obtenus dans la grande majorité des cas avant la sortie du patient des urgences (73%).

Figure 3A : Tests diagnostiques Covid-19 utilisés par les services d’urgence en France, entre décembre 2021 et mars 2022
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Figure 3B : Tests diagnostiques grippe utilisés par les services d’urgence en France, entre décembre 2021 et mars 2022
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Discussion et conclusion

L’enquête menée par Santé publique France auprès des services d’urgence du réseau Oscour® avait pour objectif de caractériser les pratiques diagnostiques ciblant ces agents pathogènes aux urgences et leur impact sur le codage diagnostique des passages aux urgences, donc sur les données de surveillance collectées. Si près de 150 services d’urgence ont participé à cette étude, ils ne représentent que 22% des services sollicités, ce qui incite à interpréter les résultats avec prudence.

Les données présentées dans cet article indiquent que, face à un patient présentant un syndrome grippal, près de 2/3 des services d’urgence réalisent systématiquement un test diagnostique (65%), dont le résultat est connu dans près de 3/4 des cas avant la sortie du patient des urgences. Cela permet d’identifier l’agent pathogène en cause et d’utiliser un code spécifique à cet agent pathogène. Lorsqu’un test diagnostique est réalisé, le SARS-CoV-2 est recherché dans 100% des cas, le virus de la grippe dans plus de 2/3 des cas, et le VRS dans environ 1/3 des cas. Cela suggère que le codage de la cause du recours aux soins utilisé par les urgentistes qui pratiquent ces tests est spécifique de l’agent pathogène impliqué dans une majorité des cas des infections respiratoires aiguës (IRA). La fréquence d’utilisation des tests diagnostiques est hétérogène sur l’ensemble du territoire (utilisation systématique d’un test diagnostique devant un syndrome grippal de 72% en Nouvelle-Aquitaine versus 36% en Île-de-France) et variable au sein même d’un établissement selon la période, la disponibilité des tests, la charge de travail du personnel, etc.

La pandémie de Covid-19 et la mise en place des mesures barrières ont eu un impact considérable sur l’épidémiologie des autres infections respiratoires, dont celles de la bronchiolite et de la grippe. Après une forte diminution de la circulation des virus de la grippe et du VRS en 2020 et 2021, l’hiver 2021-2022 a été marqué par une circulation de SARS-CoV-2, de VRS et de virus grippaux de façon concomitante, à des niveaux élevés et atypiques par rapport à ce qui est habituellement observé pour le VRS et les virus de la grippe 1,2,3. Le diagnostic clinique ne peut donc plus s’appuyer sur les épidémiologies classiques de ces virus. La recherche systématique des virus respiratoires SARS-CoV-2, influenza et VRS par des méthodes sensibles, spécifiques et ayant un délai de rendu court apparaît donc particulièrement indiquée lors de périodes de co-circulation de ces virus, afin de garantir une prise en charge optimale du patient et une caractérisation plus fine de l’impact spécifique de chaque agent pathogène à partir des données issues de la surveillance hospitalière. Si les tests RT-PCR semblent déjà être largement adoptés dans les services d’urgences pédiatriques, ils le sont encore apparemment moins dans les services d’urgences générales ou adultes.

Remerciements

Nous remercions Jeannot Schmidt (centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand), Mélanie Goument (centre hospitalier de Nantes), Françoise Cellier (centre hospitalier Yves Le Foll, Saint-Brieuc) et Agnès Barondeau-Leuret (Réseau urgences de Bourgogne-Franche-Comté (RUBFC)/Observatoire régional des urgences de Bourgogne-Franche-Comté (ORUBFC)) pour leur participation à l’élaboration du protocole de cette enquête et du questionnaire diffusé auprès des urgentistes du réseau Oscour®. Nous remercions également l’ensemble des acteurs du réseau Oscour®, et tout particulièrement les urgentistes ayant répondu à cette enquête. Nous remercions enfin toute l’équipe Sursaud de la Direction appui, traitements et analyses des données de Santé publique France.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Santé publique France. Bulletin épidémiologique grippe, semaine 22. Bilan préliminaire. Saison 2021-2022. Saint-Maurice: Santé publique France; 2022. 10 p. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/
maladies-et-infections-respiratoires/grippe/documents/bulletin-national/bulletin-epidemiologique-grippe-semaine-22.-bilan-preliminaire.-saison-2021-2022
2 Santé publique France. Point épidémiologique Covid-19 du 9 juin 2022 : augmentation du taux d’incidence après huit semaines de baisse ; les hospitalisations poursuivent leur diminution. Saint-Maurice: Santé publique France; 2022. 7 p. https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2022/point-epidemiologique-covid-19-du-9-juin-2022-augmentation-du-taux-d-incidence-apres-huit-semaines-de-baisse-les-hospitalisations-poursuivent-l
3 Santé publique France. Bulletin épidémiologique bronchiolite, semaine 15. Saison 2021-2022. Saint-Maurice: Santé publique France; 2022. 2 p. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/bronchiolite/documents/bulletin-national/bulletin-epidemiologique-bronchiolite-semaine-15.-saison-2021-2022

Citer cet article

Cazaubon J, Bernard-Stoecklin S, Thiam MM, Fouillet A, Forgeot C, Caserio-Schönemann C, et al. Pratiques de tests diagnostiques grippe, Covid-19 et virus respiratoire syncytial dans les services d’urgence hospitaliers, en France métropolitaine, entre décembre 2021 et mars 2022. Bull Épidémiol Hebd. 2022;(21):376-9. http://beh.sante
publiquefrance.fr/beh/2022/21/2022_21_2.html

(1) Le virus respiratoire syncytial est responsable, entre autres infections respiratoires, de la bronchiolite de nourrisson.
(2) Insee, Tableaux de l’économie française 2020. Personnels et équipements de santé. https://
www.insee.fr/fr/statistiques/
4277748?sommaire=4318291
(3) Réseau CHU, page « Qui sommes-nous ». https://www.
reseau-chu.org/qui-sommes-nous/