Première vague épidémique de SARS-CoV-2 en Nouvelle-Aquitaine : approche descriptive des mesures de contrôle, parcours de soins et respect des mesures barrières, mars-avril 2020

// First epidemic wave of SARS-CoV-2 in Nouvelle-Aquitaine: Descriptive analysis of control measures, care pathways and compliance with barrier measures, March-April 2020

Christine Castor1 (christine.castor@santepubliquefrance.fr), Gaëlle Gault1, Sophie Larrieu1, Sullivan Evain1, Anna Siguier1, Viviane Ramel2, Martine Vivier Darigol2, Alice Herteau1, Karine Trouvain2, Laurent Filleul1
1 Santé publique France – Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux
2 Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux
Soumis le 15.07.2021 // Date of submission: 07.15.2021
Mots-clés : Covid-19 | Pandémie | Mesures barrières | Accès aux soins | Étude transversale
Keywords: COVID-19 | Pandemic | Barrier measures | Access to care | Cross-sectional study

Résumé

Contexte –

L’enquête Score 19, menée en Nouvelle-Aquitaine auprès des foyers familiaux concernés par la Covid-19 lors de la première vague épidémique, avait pour premiers objectifs de décrire les mesures de contrôle mises en place par l’Agence régionale de santé (ARS), l’accès aux soins et le respect des mesures barrières.

Méthode –

Une étude transversale a été menée auprès des personnes ayant eu un prélèvement positif pour la recherche de SARS-CoV-2 entre le 1er mars et le 30 avril 2020 et de l’ensemble des membres de leur foyer, qu’ils aient présenté ou non des symptômes. Ceux-ci ont été interrogés de mi-juin à mi-juillet 2020.

Résultats –

Avec un taux de participation d’environ 40%, 940 foyers et 2 536 individus ont été inclus. Parmi eux, 68,3% auraient été atteints par la Covid-19, dont 63,5% étaient des cas biologiquement confirmés. Les femmes et les personnels soignants ont été plus souvent confirmés biologiquement (72,3% et 94,1%). La confirmation biologique augmentait en fonction de l’âge et était plus fréquente en présence d’au moins un facteur de risque et lors d’une hospitalisation.

Parmi les foyers inclus, 79,0% ont été contactés par l’ARS et parmi eux, 92,3% ont reçu des recommandations et 58,9% des masques à leur domicile. Parmi les cas, 80,9% ont contacté un professionnel de santé, dont 83,3% leur médecin généraliste, 20,2% les urgences et 31,3% le Samu. Plus de la moitié aurait bénéficié d’une téléconsultation avec leur médecin généraliste, majoritairement les 15-44 ans. Pour les cas confirmés, les mesures barrières ont été généralement bien respectées pendant leur infection, hormis le port du masque au domicile (38,9%) et l’isolement dans une pièce (50,6%). Pour toutes les personnes incluses dans l’étude, après le confinement, les principales mesures barrières semblaient bien assimilées (supérieures à 80,0%), contrairement à la limitation des interactions sociales (54,0%). Le port du masque en public, la distanciation sociale ou le fait de saluer à distance étaient moins suivis par les enfants. Les femmes auraient mieux respecté le port du masque en public et la limitation des interactions sociales. Il n’y avait pas de différence selon le niveau d’étude ou le statut soignant.

Conclusion –

Lors de la première vague épidémique, l’ARS s’est fortement investie dans le contact-tracing. Les médecines libérale et d’urgence ont été fortement sollicitées, soulignant l’importance de la télémédecine et d’une régulation adaptée des appels. Les mesures barrières ont globalement bien été respectées, néanmoins certaines ont été plus difficilement applicables et d'autres moins suivies par certaines catégories de population. Les messages de prévention pourraient évoluer et mieux cibler les populations concernées.

Abstract

Background –

Score 19 is an epidemiologic survey that was conducted among households in Nouvelle-Aquitaine affected by COVID-19 during the first epidemic wave. Primary objectives were to describe control measures implemented by the regional health agency, access to care and compliance with barrier measures.

Method –

A cross-sectional study was conducted among individuals biologically confirmed as COVID-19 cases between March and April 2020, plus all members of their household, whether they had presented symptoms or not. The survey was administered from mid-June to mid-July 2020.

Results –

With a participation rate close to 40%, 940 households and 2,536 individuals were included. Among them, 68.3% had been identified as positive COVID-19 cases, of which 63.5% were biologically confirmed. Women and caregivers were more often biologically confirmed (72.3% and 94.1%). Biological confirmation increased with age and was associated with presence of risk factors and hospitalization.

Among included households, 79.0% had been contacted by the regional health agency, 92.3% of these received recommendations and 58.9% received masks at home. Among cases, 80.9% had contacted a health professional, of which 83.3% contacted their general practitioner, 20.2% the emergency department and 31.3% the emergency medical service. More than half of the cases, mostly in the 15-44 age group, had a teleconsultation with their general practitioner.

For confirmed cases, barrier measures were generally well respected during their infection, except for wearing a mask at home (38.9%) and self-isolation in a separate room (50.6%).

Following the lockdown period, the main barrier measures were well assimilated (above 80%) for all individuals, in contrast to limiting social interactions (54.0%). Wearing a mask in public, social distancing or waving from a distance were less followed by children. Women seemed to show better compliance with wearing a mask in public and limiting social interactions. There was no difference according to education level or care status.

Conclusion –

During the first epidemic wave of COVID-19, the regional health agency was strongly involved in contact-tracing. General practitioners and emergency services were heavily solicited, highlighting the importance of telemedicine and adapted call regulation. While barrier measures were generally respected, some were more difficult to apply and others less followed by certain categories of the population, possibly calling for better targeting of prevention messages.

Contexte et justification

Le premier cas de Covid-19 survenu en Europe a été identifié le 24 janvier 2020 en Gironde 1. En Nouvelle-Aquitaine, comme dans d’autres régions métropolitaines, le pic de l’épidémie au cours de la première vague a été atteint en semaine 13 (du 23 au 29 mars 2020) 2, soit une semaine après le confinement mis en place par les autorités françaises le 17 mars 2020. Au 11 mai, date du déconfinement, l’épidémie de Covid-19 dans notre région se caractérisait par une décrue importante marquant la fin de la première vague. Au cours de cette première vague, la Nouvelle-Aquitaine a été une des régions françaises les moins impactées par l’épidémie 3.

Le contact-tracing de tous les nouveaux cas de Covid-19 a été mis en place dès le premier cas par la cellule régionale de Santé publique France en Nouvelle-Aquitaine (CR NA) puis par l’Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine (ARS NA) et a été maintenue le plus longtemps possible jusqu’en mai 2020.

L’ARS NA et la CR NA ont mis en place une étude épidémiologique, Score 19 (Parcours de santé Covid-19 et taux de reproduction (1)), auprès des familles touchées par la Covid-19 au cours de cette première vague. Les objectifs de cette étude étaient d’une part, de décrire les caractéristiques cliniques et sociodémographiques des personnes infectées, leur recours aux soins dans ce contexte particulier de pandémie et de confinement, le respect des mesures barrières préconisées et les mesures de contrôle mises en place par l’ARS NA et, d’autre part, d’identifier les facteurs ayant favorisé la transmission du virus au sein des foyers.

Dans cet article, seuls les résultats portant sur le recours aux soins, le respect des mesures barrières et les mesures de contrôle mises en place par l’ARS sont présentés. Les résultats relatifs aux aspects cliniques et aux facteurs associés à la transmission feront l’objet d’une publication ultérieure.

Matériel et méthodes

Score 19 est une étude transversale menée auprès des personnes résidant en Nouvelle-Aquitaine et ayant eu un prélèvement positif pour la recherche de SARS-CoV-2 entre le 1er mars et le 30 avril 2020, ainsi qu’auprès de l’ensemble des membres de leur foyer, qu’ils aient ou non présenté des symptômes.

Lors de la première vague épidémique de Covid-19 au printemps 2020, soit avant le développement des outils actuels permettant le suivi des indicateurs épidémiologiques de la Covid-19 (SI-DEP et Contact-Covid notamment), une base de données régionale des personnes ayant été infectées par la Covid-19 a été constituée pour le suivi (recommandations et distribution de masques) et le contact-tracing (appel et suivi au 7e et 14e jour des cas) par l’ARS NA et la CR NA. Cette base a été élaborée à partir de la transmission quotidienne de données sur les personnes ayant eu un prélèvement RT-PCR positif pour la recherche de SARS-CoV-2 diagnostiqué par les laboratoires publics et privés de la région. À partir de cette base, les personnes infectées par la Covid-19 ont été appelées par des étudiants en médecine du 15 juin au 10 juillet 2020. Lors de l’appel, il était demandé d’inclure et d’interroger l’ensemble des membres composant le foyer, permettant ainsi d’inclure le foyer dans l’étude.

Toutes les personnes infectées par la Covid-19, et les membres de leur foyer ont été inclus selon les critères suivants.

Critères d’inclusion :

Personne :

présentant une RT-PCR positive au SARS-CoV-2 entre le 1er mars et le 30 avril 2020 ;

domiciliée en Nouvelle-Aquitaine ;

âgée de moins de 85 ans (facilité d’administration du questionnaire) ;

vivant à domicile ;

n’étant pas hospitalisée au moment de l’enquête ;

Et toute personne vivant dans le foyer d’une personne répondant aux critères d’inclusion ci-dessus (quel que soit son statut vis-à-vis du Covid-19, et quel que soit son âge).

Critères d’exclusion :

Personne :

vivant en collectivité (Ehpad, foyer d’accueil médicalisé, foyer pour personnes handicapées, accueil de migrants, etc.) ;

ne maîtrisant pas le français ou en incapacité de répondre ;

numéro de téléphone non disponible ;

décédée.

Le questionnaire d’enquête était composé de trois volets : un volet commun sur les caractéristiques du foyer (type d’habitat, composition du foyer, contact ARS) et des volets individuels pour les adultes d’une part, et les enfants de moins de 18 ans d’autre part (données sociodémographiques, signes cliniques, prise en charge médicale, confirmation biologique, facteurs de risque, respect des mesures barrières).

Les personnes incluses dans l’étude comprenaient ainsi des non malades, et des cas de Covid-19 (confirmés, probables, possibles), définis selon l’avis relatif aux signes cliniques d’orientation diagnostique du Covid-19 d’avril 2020 de la Haute Autorité de santé et de la définition de cas proposée par Santé publique France 4,5 (tableau 1). La période d’infection correspondait aux 14 jours suivant la date de confirmation par RT-PCR ou de début des signes.

Tableau 1 : Classification des individus dans l’enquête selon leur statut vis-à-vis de l’infection à la Covid-19 et/ou la présence de signes cliniques, étude Score 19, Nouvelle-Aquitaine, mars-avril 2020
Agrandir l'image

Une analyse descriptive de la population d’étude a été réalisée, ainsi qu’un descriptif des caractéristiques sociodémographiques des cas. Une description du recours aux soins des cas a été réalisée avec une comparaison de leurs caractéristiques. Pour les analyses portant sur le parcours de soins, la description était basée uniquement sur les cas confirmés et probables, en raison d’une définition trop sensible des cas possibles dans notre étude. Le respect des mesures barrières a été décrit selon le statut vis-à-vis de la maladie et selon les caractéristiques sociodémographiques pendant et après le confinement.

Les données ont été analysées sous Stata 14®. Une différence était considérée comme statistiquement significative pour toute valeur de p<0,05.

Cette étude a été menée conformément aux dispositions de l’autorisation n° 341194V42 délivrée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pour les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre d’investigations urgentes par Santé publique France.

Résultats

Description de la population d’étude

Parmi les 2 395 foyers comprenant au moins une personne infectée par la Covid-19 répondant aux critères d’inclusion, 940 (39,2%) ont été inclus dans l’étude, ce qui représentait 2 536 individus. Parmi ces individus, 52,0% étaient des femmes et 21,9% avaient moins de 18 ans. Sur les 2 492 personnes pour qui cette information était renseignée, 1 703 (68,3%) auraient été atteintes par la Covid-19 ou auraient souffert de symptômes pouvant évoquer une infection au SARS-CoV-2 et 789 (31,7%) ont été considérés non malades (tableau 2).

Tableau 2 : Répartition des répondants selon leur statut Covid-19 (n=2 492), étude Score 19, Nouvelle-Aquitaine, mars-avril 2020
Agrandir l'image

Description des cas de Covid-19

Les cas étaient majoritairement des femmes (56,7%) et des personnes âgées de 15 à 44 ans (43,4%), et plus d’un tiers étaient des soignants (tableau 3). Parmi l’ensemble des cas, 14,2% ont été hospitalisés. Les femmes et les personnels soignants ont été plus souvent confirmés biologiquement (72,3% et 94,1%) (p<0,001). La confirmation biologique augmentait en fonction de l’âge et était plus fréquente en présence d’au moins un facteur de risque et lors d’une hospitalisation (p<0,001).

Tableau 3 : Caractéristiques de l’ensemble des cas de Covid-19 et proportion des cas confirmés (n=1 703), étude Score 19, Nouvelle-Aquitaine, mars-avril 2020
Agrandir l'image

Mesures de contrôle de l’ARS

Parmi les 928 foyers ayant répondu aux questions relatives aux mesures de contrôle, 79,0% ont confirmé avoir été contactés par l’ARS NA, et parmi ces derniers, 92,5% ont bien reçu les recommandations en matière de mesures barrières. Parmi les foyers contactés par l’ARS, plus de la moitié (58,9%) ont reçu des masques à leur domicile. Parmi ceux n’en ayant pas reçu alors qu’ils avaient été contactés (n=279), 39,1% ne souhaitaient pas en recevoir car en avaient déjà, pouvaient s’en procurer ou n’en voulaient pas. Ainsi, 23,2% des foyers contactés par l’ARS qui auraient souhaité recevoir des masques à domicile n’ont pas pu bénéficier de ce service. Pour les foyers qui n’avaient pu être contactés par l’ARS (n=201), la grande majorité d’entre eux (78,6%) avaient pu se procurer des masques par leurs propres moyens.

Les sites Internet dédiés et le numéro vert mis en place par l’ARS ont été peu utilisés par les foyers (respectivement 15,3% et 7,1%). Pour les cas confirmés adultes, seuls 1,8% (n=18) auraient bénéficié d’une aide à domicile pendant leur maladie ou leur convalescence et 3,7% de portage de repas à domicile (n=38). Il s’agissait majoritairement de personnes âgées de 45 à 64 ans.

Parcours de soins des personnes infectées par la Covid-19

Parmi l’ensemble des cas confirmés et probables ayant renseigné cet item, 80,9% ont fait appel à un professionnel de santé en raison de leurs symptômes (tableau 4). Parmi ces personnes, 83,3% ont contacté leur médecin généraliste dont plus de la moitié (54,0%) ont pu bénéficier d’une téléconsultation, 20,2% ont eu recours à un service d’urgences et 31,3% au Samu ou aux pompiers (plusieurs professionnels pouvant être contactés). Parmi les cas ayant appelé le Samu, 41,3% ont été orientés vers un service d’urgences et pour 24,9%, un maintien à domicile a été préconisé.

Tableau 4 : Type et modalités de recours aux soins chez les cas de Covid-19 confirmés ou probables, et proportion de cas confirmés (n=1 581), étude Score 19, Nouvelle-Aquitaine, mars-avril 2020
Agrandir l'image

Le recours à un professionnel de santé augmentait avec l’âge, il était quasi systématique chez les personnes de 75 ans et plus (94,7%) et de près de deux tiers chez les enfants de moins de 15 ans (64%) (p<0,001). Les 75 ans et plus ont plus souvent fait appel à un service d’urgences (40,0%) ou au Samu (41,7%) que les moins de 15 ans (respectivement 11,7% et 18,0%) (p<0,001). En revanche, l’âge des cas n’avait pas d’influence sur la sollicitation de son médecin généraliste. Toutefois, les 15-44 ans ont plus souvent eu une téléconsultation (62,8% d’entre eux), alors que les plus de 65 ans ont plus souvent bénéficié d’une visite à domicile ou au cabinet du médecin (p <0,001). Les cas ayant fait appel à un professionnel de santé ont été plus souvent confirmés biologiquement que ceux n’en ayant pas contacté (p<0,001).

Respect des mesures barrières des cas confirmés pendant leur infection (2)

Pour les cas confirmés, pendant l’infection (dont la majorité a eu lieu pendant le confinement), les mesures barrières telles que le lavage des mains régulier, le port du masque dans les lieux publics ou le respect du confinement à la maison étaient globalement très bien respectées (respectivement 97,9%, 95,1% et 97,9%). Pour les personnes ne vivant pas seules, le port du masque à la maison était respecté par plus d’un tiers des personnes ayant eu une Covid-19 confirmée (38,9%), et la moitié (50,6%) indiquait s’être s’isolée dans une pièce pendant sa maladie.

Respect des mesures barrières après le confinement

Les mesures barrières les mieux assimilées à l’issue du premier confinement, que les personnes aient été malades ou non, étaient : le lavage des mains régulier (95,6%), se saluer à distance (90,2%), tousser dans son coude et utiliser un mouchoir jetable (87,2%), porter un masque en public (83,6%) ou respecter la distanciation sociale (82,6%) (tableau 5). En revanche, la limitation des interactions sociales telles que les réunions de famille ou entre amis (54,0%) semblait plus difficile à respecter. Chez les personnes pouvant être concernées par le télétravail, 31,7% ont continué à privilégier cette modalité de travail.

Tableau 5 : Respect des mesures barrières pour l’ensemble des cas de Covid-19 (confirmés, probables, possibles) et des non malades après la période de confinement (n=2 492), étude Score 19, Nouvelle-Aquitaine, mars-avril 2020
Agrandir l'image

Les personnes ayant souffert de la Covid-19 (confirmée ou non) portaient le masque en public plus souvent que les personnes n’ayant pas été atteintes (p<0,01) (tableau 5). En revanche, la distanciation sociale dans les lieux publics était moins bien respectée par les cas (p<0,05), celle-ci étant bien mieux respectée par les personnes n’ayant pas été malades. Toutefois, il n’y avait pas de différence significative pour les autres mesures barrières.

Quel que soit le statut vis-à-vis de la maladie, le port du masque en public était moins bien appliqué par les enfants de moins de 15 ans (62,9%) alors que dans les autres classes d’âge, cette proportion était supérieure à 85% (p<0,001). Une différence identique était observée selon l’âge pour le respect d’une distance d’au moins 1 mètre dans les lieux publics (77,0% vs plus de 82% pour les autres, p<0,05) ou le fait de se saluer à distance (84,4% vs plus de 89% pour les autres, p<0,001). Le lavage des mains régulier était suivi par plus de 90% des personnes quel que soit l’âge, mais il était mieux suivi par les 45-64 ans (97,8%) (p<0,05). La limitation des interactions sociales était plus respectée par les personnes âgées de 75 ans et plus (82,6% vs plus de 50% pour les autres, p<0,001).

Les femmes disent avoir mieux respecté le port du masque dans les lieux publics (85,5% vs 81,3%, p<0,05) et ont plus limité les interactions sociales (56,2% vs 52,0%, p<0,05). Il n’y avait pas de différence significative du respect des mesures barrières selon le niveau d’étude ou du statut soignant.

Discussion

Ces premiers résultats de l’étude Score 19 ont permis d’apporter des éléments descriptifs concernant les mesures de gestion mises en place par l’ARS, le parcours de soins des malades et le respect des mesures barrières à l’issue de la première vague de Covid-19 en 2020.

Cette enquête a pu souffrir d’un certain nombre de biais propres à ce type d’étude. Le fait que l’entretien ait été mené par téléphone à distance du premier pic épidémique a pu entraîner des biais de mémorisation et prévarication. De plus, 39% des foyers initialement identifiés ont finalement pu être interrogés, ce qui limite les possibilités d’extrapolation des résultats, étant donné que les répondants ont pu avoir des caractéristiques et des comportements, notamment au niveau des gestes-barrières, différents de ceux des non répondants. Malgré ces limites, cette étude a permis de dégager des résultats intéressants qui ont constitué des pistes d’amélioration, dont certaines ont d’ailleurs été adoptées par l’ARS lors des vagues épidémiques ultérieures.

À cette période de l’épidémie, les tests RT-PCR n’étaient pas encore largement utilisés, puisqu’ils étaient réservés aux personnels soignants et/ou aux patients présentant des signes de gravité. Cette étude, portant sur des cas confirmés ainsi que sur l’ensemble des personnes vivant dans leur foyer, confirme la sous-estimation de l’ampleur de la première vague épidémique 6. En effet, au sein des foyers des 1 703 cas confirmés inclus dans cette étude, 1 581 cas probables et possibles ont été identifiés, à savoir des personnes qui ont présenté une symptomatologie compatible avec l’infection au SARS-CoV-2, mais qui n’ont pas pu bénéficier d’un prélèvement biologique. Certains de ces cas probables ou possibles ont pu ne pas être réellement été infectés et leurs symptômes ont pu être liés à une autre cause. Cependant, à l’inverse, d’autres personnes non identifiées comme cas probables ou possibles du fait de l’absence de symptômes ont pu être des cas asymptomatiques de SARS-CoV-2.

La prise en charge du contact-tracing par l’ARS lors de la première vague épidémique a mobilisé de manière conséquente les équipes. Si près de 20% des foyers n’ont pu être contactés, un certain nombre d’appels n’a certainement pu aboutir en raison de l’absence des personnes à leur domicile et d’autres ont pu oublier l’appel de l’ARS. Néanmoins, cet investissement très lourd des équipes de l’ARS a rapidement trouvé ses limites et a conduit à mobiliser les équipes de l’Assurance maladie pour la prise en charge systématisée du contact-tracing lors des vagues ultérieures. En revanche, la mise à disposition de masques de protection par l’ARS auprès des malades et de leur famille, et dont l’efficacité en termes de mesure de freinage de l’épidémie n’est plus à prouver 7, a pu contribuer, aux côtés des autres mesures, à une moindre circulation virale dans notre région, même si d’autres hypothèses sont étudiées. Toutefois, parmi les foyers contactés et ayant exprimé leur souhait de recevoir des masques, près d’un quart n’a pas pu en recevoir par le biais de l’ARS (pénurie de masques sur cette période en France).

En ce qui concerne le recours aux soins, la grande majorité des cas (confirmés et probables) a fait appel à un professionnel de santé, et plus souvent les personnes âgées de 75 ans et plus, plus à risque de formes sévères. Les médecins généralistes ont été particulièrement sollicités. Leur recours a été probablement favorisé par la téléconsultation avec plus de la moitié des cas ayant fait appel à leur médecin par ce moyen. Cette modalité de consultation à distance, certainement plus appropriée aux formes les moins sévères et aux patients les plus jeunes, est un levier particulièrement important pour éviter des risques de transmissions secondaires, et doit être encouragé et développé. Les services d’urgences et les Samu ont également été très sollicités, et plus particulièrement par les personnes plus âgées à risque de formes graves. Or, près des deux tiers des cas ayant contacté le Samu n’ont pas été orientés vers les urgences, ceux-ci ayant généralement été invités à rester confinés à leur domicile. En revanche, le numéro vert mis à disposition par les autorités sanitaires a été peu utilisé. Ces éléments incitent à améliorer la stratégie de régulation des malades en période de crise sanitaire, afin de ne pas surcharger inutilement les services de médecine d’urgence.

Lors du premier confinement de 2020, les mesures barrières semblent avoir été globalement bien respectées en Nouvelle-Aquitaine dans le cadre de cette étude. Dans l’enquête CoviPrev nationale, lors de cette même période, ces mesures étaient moins bien respectées en population générale, avec par exemple 77% pour le respect du port du masque et 58% pour le respect des mesures de distanciation sociale 8. Ces différences peuvent s’expliquer par des populations d’étude différentes, les résultats de Score 19 concernant pour cette phase des personnes ayant toutes eu la Covid-19, donc plus sensibilisées au risque de transmission. En outre, la forte proportion de soignants dans l’échantillon de l’étude, plus sensibilisés aux respects des mesures barrières, peut expliquer en partie ces meilleurs résultats. Néanmoins, certaines mesures barrières, telles que l’isolement dans une pièce ou le port du masque à l’intérieur de son foyer, semblaient difficilement réalisables pour la majorité des personnes infectées.

Lors de la première période post-confinement de 2020, les mesures barrières semblent également avoir été mieux suivies dans l’étude Score 19 en comparaison des résultats de l’étude nationale Coviprev 8. Néanmoins, les résultats régionaux de l’enquête CoviPrev en Nouvelle-Aquitaine (échantillonnage par quotas d’environ 200 adultes sur plusieurs vagues d’enquête afin d’évaluer des tendances) restent inférieurs à ceux de l’étude Score 19 9. Ces différences peuvent encore s’expliquer par des populations enquêtées différentes, l’étude Score 19 portant sur des foyers familiaux ayant tous été concernés par la survenue d’au moins un cas de Covid-19. Néanmoins, les résultats de l’étude Score 19 mettent en évidence un moindre respect de certaines mesures barrières chez des catégories de population (limitation des interactions sociales et port du masque chez les hommes, distanciation sociale et port du masque chez les enfants) qui pourraient être pris en compte lors de l’élaboration de campagne de prévention.

Des analyses complémentaires dans le cadre de l’étude Score 19 vont permettre d’évaluer le rôle de différents facteurs sociodémographiques, mais également celui du respect des mesures barrières dans la transmission du SARS-Cov-2 au sein des foyers.

Remerciements

Nous tenons à remercier l’ensemble des étudiants du call center de l’ARS Nouvelle-Aquitaine pour leur contribution à la réalisation de l’enquête, les internes de santé publique superviseurs et Jean-Marc Beauvieux pour sa contribution dans l’organisation de cette enquête.
Nous remercions Michel Laforcade et Hélène Junqa de la Direction de l’Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine pour leur soutien à la mise en œuvre de cette étude.
Nous remercions Hélène Maïzi, pour sa contribution dans la réalisation des enquêtes et la saisie des données, ainsi que Martine Casseron pour la saisie des données.
Nous remercions également Bertrand Dubois (ARS Nouvelle-Aquitaine) et Clothilde Hachin (Santé publique France) pour les aspects réglementaires et Pascal Vilain pour sa relecture attentive de l’article.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Bernard Stoecklin S, Rolland P, Silue Y, Mailles A, Campese C, Simondon A, et al. First cases of coronavirus disease 2019 (COVID-19) in France: Surveillance, investigations and control measures, January 2020. Euro Surveill. 2020;25(6):2000094
2 Cellule régionale Nouvelle-Aquitaine – Santé publique France. Point épidemio-régional spécial Covid-19. 4 juin 2020. https://www.santepubliquefrance.fr/regions/nouvelle-aquitaine/documents/bulletin-regional/2020/covid-19-point-epidemiologique-en-nouvelle-aquitaine-du-4-juin-2020
4 Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif aux signes cliniques d’orientation diagnostique du Covid-19, 20 avril 2020. Paris: HCSP; 2020. 18 p. https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=812
5 Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à la conduite à tenir en cas de contact d’une personne ayant des antécédents évocateurs de Covid-19 avec une personne malade du Covid-19, 7 mai 2020. Paris: HCSP; 2020. 12 p. https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/AvisRapportsDomaine?clefr=819
6 Salje H, Tran Kiem C, Lefrancq N, Courtejoie N, Bosetti P, Paireau J, et al. Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France. Science. 2020;369(6500):208-11. Erratum in: Science. 2020;26;368(6498):eabd4246.
7 Chu DK, Akl EA, Duda S, Solo K, Yaacoub S, Schünemann HJ. COVID-19 systematic urgent review group effort (SURGE) study authors. Physical distancing, face masks, and eye protection to prevent person-to-person transmission of SARS-CoV-2 and COVID-19: A systematic review and meta-analysis. Lancet. 2020;395(10242):1973-87.
8 Santé publique France. Résultats de l’étude CoviPrev sur l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l’épidémie de COVID-19. https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-covid-19
9 Cellule régionale Nouvelle-Aquitaine – Santé publique France. CoviPrev : Adoption des mesures de prévention et santé mentale au cours de l’épidémie de COVID-19, Nouvelle-Aquitaine – Point épidémiologique spécial, Février 2021. https://www.santepubliquefrance.fr/regions/nouvelle-aquitaine/documents/bulletin-regional/2021/
coviprev-point-epidemiologique-en-nouvelle-aquitaine.-fevrier-2021

Citer cet article

Castor C, Gault G, Larrieu S, Evain S, Siguier A, Ramel V, et al. Première vague épidémique de SARS-CoV-2 en Nouvelle-Aquitaine : approche descriptive des mesures de contrôle, parcours de soins et respect des mesures barrières, mars-avril 2020. Bull Epidémiol Hebd. 2022;(1):2-9. http://beh.santepubliquefrance.fr/
beh/2022/1/2022_1_1.html

(2) La période d’infection correspond aux 14 jours suivant la date de confirmation par RT-PCR.