Variations spatio-temporelles interdépartementales de l’incidence des cas chirurgicaux de hernie discale lombaire, de 2006 à 2014, dans la population en âge de travailler, en France métropolitaine
// Spatiotemporal variations of lumbar herniated disc surgery incidence from 2006 to 2014, in the working age population, in France
Résumé
Introduction –
La lombalgie constitue un problème majeur de santé publique, aussi bien en France qu’à l’échelle mondiale. L’objectif de cette étude était d’analyser la tendance temporelle nationale et les variations spatio-temporelles interdépartementales du taux d’incidence des cas chirurgicaux de hernies discales lombaires (HDL), considérés comme traceur de la lomboradiculalgie et plus généralement de la lombalgie, selon le sexe, parmi la population en âge de travailler, entre 2006 et 2014, en France métropolitaine.
Matériels et méthode –
Les cas ont été sélectionnés à partir de la base du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) en utilisant les codes « actes d’intervention chirurgicale de HDL de la classification commune des actes médicaux ». Le taux d’incidence a été modélisé par un modèle spatio-temporel bayésien hiérarchique de régression de Poisson comprenant des effets aléatoires au niveau du département et ajusté sur l’année, l’âge, les secteurs d’activité, la densité médicale et le taux d’urbanisation.
Résultats –
Le taux d’incidence national des cas chirurgicaux de HDL avait baissé chez les hommes comme chez les femmes, respectivement de -3,8% en moyenne par an, intervalle de crédibilité à 95% (ICr95%) [-4,6% ; -2,9%] et de -3,3% [-4,2% ; -2,3%]. Les risques les plus élevés étaient observés dans les départements du Sud-Ouest, Sud-Est, Nord-Est et Nord-Ouest.
Discussion –
Une diminution du taux d’incidence des cas chirurgicaux de HDL a été observée pour les deux sexes sur la période. Les disparités interdépartementales mises en évidence étaient en partie expliquées par les facteurs contextuels.
Abstract
Background –
Low back pain is a major public health problem in France and worldwide. Lumbar herniated disc surgery (LHDS) was selected as a tracer for our epidemiological surveillance system of low back pain. The aim of this study was to estimate the temporal trend of LHDS cases national incidence rate in France and to investigate the spatiotemporal variations of the LHDS incidence rate in France at the department-level from 2006 to 2014 in the working-age population, separately by gender.
Methods –
The French national medical and administrative hospital database (PMSI) was used to capture hospital admissions of patients who had undergone LHDS each year using procedure codes related to LHDS from the French common classification of medical acts. We used a hierarchical Bayesian spatiotemporal Poisson regression with random effects at the department-level to model LHDS cases incidence rate adjusted for year, age and variables at department-level as industrial sectors, healthcare provision and urbanization rate.
Results –
A decline in the overall incidence rate in France from 2006 to 2014 was observed for males –3.8% per year 95% Credible Interval [-4.6%;-2.9%] and for females -3.3% per year 95% Credible Interval [-4.2%;-2.3%]. The highest LHDS risks were observed in departments of the southwest, southeast, northeast and northwest parts of France.
Conclusion –
A decreasing trend of LHDS cases incidence rate was observed in France from 2006 to 2014 for both genders. The spatial heterogeneity of LHDS observed was partly explained by department characteristics included in the model.
Introduction
La lombalgie est définie par une douleur de la région lombaire. Il s’agit de la localisation la plus fréquente des rachialgies, le plus souvent sans gravité. Cependant, la lombalgie constitue un problème majeur de santé publique en France ainsi qu’à l’échelle mondiale 1,2,3. Plus de 80% des personnes souffriront un jour ou l’autre de lombalgie 4. D’après l’étude Global Burden of Diseases de 2017 5, les lombalgies étaient responsables du plus grand nombre d’années de vie en incapacité dans le monde depuis plus de 20 ans.
D’après la 6e Enquête européenne sur les conditions de travail (Eurofound) 6, en 2015, 44% des travailleurs européens avaient souffert de maux de dos au cours des 12 mois précédents.
En France, la part des lombalgies dans les accidents de travail représentait en 2015 près de 20% du nombre total des accidents de travail et 7% du nombre total des maladies professionnelles reconnues, selon le rapport sur les risques professionnels publié par l’Assurance maladie 7.
La manutention répétée de charges lourdes, les postures inconfortables, l’exposition aux vibrations, les chutes, l’insatisfaction au travail ou encore le stress sont connus comme étant des facteurs de risque professionnel de lombalgie 8,9,10. Les facteurs de risque professionnel sont importants mais peuvent s’y ajouter des facteurs intrinsèques tels que le surpoids ou l’obésité, des expositions aux facteurs de risque biomécaniques lors des activités domestiques et de loisirs ainsi que des expositions à des facteurs de risque psychosociaux extra-professionnels 11.
De façon pratique, les phénomènes analysés dans un programme de surveillance en santé au travail doivent être des pathologies clairement identifiées comme ayant une composante professionnelle importante et des facteurs de risque dont les effets sont suffisamment établis, ou au contraire permettre d’identifier des déterminants ou des phénomènes méconnus.
Dans le cadre de la mise en place d’une surveillance épidémiologique d’un phénomène de santé, il est envisageable d’étudier un ensemble homogène de pathologies, comme il est possible de n’étudier que certains événements particuliers, dits événements-sentinelles, ou traceurs, tels que définis par Rutstein et coll. en 1983 12, comme cela a été largement développé dans divers secteurs de la santé et de la santé au travail. Cependant, le choix de l’indicateur qui pourrait le mieux représenter l’épidémiologie de la lombalgie est complexe en raison de sa prévalence élevée dans la population, de la forte variabilité en fonction de l’indicateur utilisé (douleurs rapportées, données chirurgicales, données de réparation, etc.) mais aussi de l’absence d’un diagnostic clinique standardisé, du fait de l’usage du modèle bio-psycho-social, à la différence par exemple des troubles musculo-squelettiques (TMS) du membre supérieur 13,14 répondant plus à un modèle anatomoclinique. En complément des douleurs déclarées par auto-questionnaire lors d’enquêtes, la pathologie retenue comme traceuse des lomboradiculalgies, et plus généralement des lombalgies, dans le système de surveillance mis en place par Santé publique France et l’Université d’Angers à partir du réseau pilote en Pays de la Loire a été la hernie discale lombaire ayant nécessité une intervention chirurgicale pour lomboradiculalgie. En effet, cet indicateur semblait être l’événement sentinelle le plus opérationnel disponible pour la surveillance des lomboradiculalgies, et plus généralement de la lombalgie, car son incidence est inférieure à celle de la lombalgie et son estimation, facilitée par l’usage de la base de données du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), permet un suivi temporel et géographique.
Une étude du réseau pilote en Pays de la Loire 15 avait estimé la part attribuable à l’activité professionnelle des cas chirurgicaux de hernies discales lombaires (HDL) à 69% chez les hommes et 50% chez les femmes. Cette étude avait également estimé la part attribuable à l’activité professionnelle à 50% pour le secteur « information et communication » chez les hommes et à plus de 50% pour le secteur « hébergement et restauration » et pour le secteur « arts, spectacles et activités récréatives » chez les femmes. Des études ont également montré des différences en termes d’incidence ou de prévalence ou encore des associations statistiques selon la profession ou le secteur d’activité 16,17,18.
Une étude préliminaire portant sur la population en âge de travailler en France métropolitaine avait montré une baisse du taux d’incidence au niveau national des cas chirurgicaux de HDL entre 2006 et 2014 19. L’objectif de cette nouvelle étude était d’analyser l’influence des facteurs contextuels au niveau du département, comme les secteurs d’activité, la densité médicale et le taux d’urbanisation, pour l’estimation des variations spatio-temporelles interdépartementales dans la population en âge de travailler (20-64 ans) en France métropolitaine sur la période 2006-2014.
Méthode
Sélection des cas chirurgicaux incidents de hernie discale lombaire
La sélection des cas chirurgicaux de HDL, à partir de la base de données du PMSI, a porté sur la période 2006-2014, parmi la population en âge de travailler (de 20 à 64 ans) et résidant en France métropolitaine.
Pour chaque séjour d’un patient hospitalisé dans un établissement public ou privé, il est réalisé un résumé de sortie anonyme (RSA). Il contient notamment le code géographique PMSI produit par des logiciels d’anonymisation à partir du code postal réel de résidence du patient, l’âge calculé à la date d’entrée, la durée de séjour, un diagnostic principal, qui est le problème de santé qui a motivé l’admission du patient déterminé à la sortie, et des « diagnostics associés » au motif du séjour correspondant aux comorbidités. Les diagnostics sont codés d’après la Classification internationale des maladies − 10e révision (CIM-10) – éditée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il peut aussi contenir des actes médicaux codés d’après la Classification commune des actes médicaux (CCAM).
Une procédure de chaînage des résumés de séjours permet de relier les différentes hospitalisations d’un même patient grâce à un numéro anonyme, généré à partir du numéro d’assuré social, de la date de naissance et du sexe du patient, et commun à toutes les hospitalisations d’un même patient. Les RSA des séjours des patients hospitalisés pour une intervention de HDL ont été chaînés de sorte que, pour un même patient, seul le premier séjour de l’année soit comptabilisé.
Les RSA pour chirurgie de HDL ont été identifiés à partir de codes actes d’intervention CCAM sélectionnés (tableau 1) en se référant à l’étude conduite dans la région Pays de la Loire 18 et avec la consultation de neurochirurgiens et de chirurgiens orthopédistes. Les actes CCAM de hernie discale sans précision sur l’étage du rachis ont été retenus si le diagnostic principal se rapportait à une hernie discale lombaire elle-même ou une comorbidité lombaire.
Analyses statistiques
Les taux d’incidence bruts des cas chirurgicaux de HDL ont été calculés en rapportant le nombre de cas à la population française métropolitaine des 20-64 ans estimée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) : nombre de personnes-années à risque, pour chaque année et chaque sexe. La tendance temporelle de 2006 à 2014 des taux bruts a été estimée par une régression de Poisson pour chaque sexe.
Sur la période 2006-2014, les variations spatio-temporelles du taux d’incidence départemental des cas chirurgicaux de HDL ont été analysées avec un modèle Besag-York-Mollié (BYM) 20 ajusté sur l’âge, avec l’introduction d’un terme d’interaction entre l’année et le département afin de tenir compte de l’évolution temporelle du taux d’incidence qui peut être différente selon les départements. Ce modèle (encadré 1) permet de prendre en compte la dépendance spatiale des départements, c’est-à-dire que les risques de HDL opérées dans les départements géographiquement proches sont similaires.
Équation du modèle
Soit yijt le nombre de cas chirurgicaux de HDL dans le département i dans la classe d’âge j (neuf classes d’âge quinquennales de 20-24 ans à 60-64 ans) et observé l’année t = 0,...,8 (t=0 correspondant à 2006), alors :
Avec :
–α l’intercept fixe (taux d’incidence moyen sur l’ensemble du territoire en 2006 dans la classe d’âge des 20-24 ans),
–µi + ϑi les effets spatiaux non structuré et spatialement structuré respectivement au niveau du département i selon le modèle Besag-York-Mollié 17,
–β0 la pente de l’effet temps (relation supposée linéaire),
–δi un terme d’interaction aléatoire entre l’année et le département,
–αj le paramètre de l’effet âge (classe de référence : 20-34 ans),
–log(Eijt) le logarithme des estimations de la population du département i, dans la classe d’âge j pour l’année t et introduit en offset du modèle (paramètre contraint à être égal à 1).
Ce modèle a permis d’estimer des rapports de taux d’incidence ou incidence rate ratio (IRR) (en prenant au numérateur le taux d’incidence du département et au dénominateur le taux d’incidence de la France métropolitaine) et d’estimer leurs intervalles de crédibilité à 95% (ICr95%).
Afin d’étudier l’influence de facteurs contextuels pour l’estimation des variations spatio-temporelles des cas chirurgicaux de HDL, les variables suivantes ont été ajoutées au modèle : secteurs d’activité à risque de HDL 15,18,21, l’offre de soins et le taux d’urbanisation classiquement considérés dans les études écologiques 22,23,24. Ainsi, pour chaque année de l’étude, ont été ajoutées au modèle :
–la proportion des travailleurs dans chaque secteur d’activité identifié à risque de lombalgie 15,18,21, codés selon la Nomenclature d’activités française à 21 postes (NAF21), révision 2, 2008 25 : « construction », « transports et entreposage », « information et communication » et « santé humaine et action sociale » pour les hommes ; « commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles », « activités financières et d’assurance », « enseignement » et « santé humaine et action sociale » pour les femmes. Les proportions ont été calculées pour chaque sexe et par classe d’âge dans la population âgée de 20 à 64 ans ;
–l’offre de soins a été approchée par la densité des médecins, en calculant une densité pour chaque groupe composé de :
•chirurgiens orthopédistes et neurochirurgiens ;
•médecins adresseurs aux chirurgiens : médecins de médecine physique et de réadaptation, rhumatologues et généralistes ;
•kinésithérapeutes.
La densité pour 100 000 habitants a été calculée en rapportant le nombre de professionnels de santé de chaque spécialité au nombre d’habitants (source : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Drees).
–Le taux d’urbanisation : rapport de la population des communes urbaines de 2007 à la population totale (source Insee, recensements de la population 2007).
Ces variables ont été introduites dans le modèle de manière linéaire.
Afin d’évaluer l’influence des facteurs contextuels, la proportion de variance 26 expliquée par la composante spatiale structurée du modèle sans ajustement a été calculée et comparée à celle obtenue dans le modèle avec ajustement sur les facteurs contextuels.
Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS® guide 7.1 et R version 3.4.3 (package R-INLA).
Résultats
Description des données
Sur l’ensemble de la période 2006-2014, 258 357 actes chirurgicaux de HDL ont été comptabilisés après chainage des séjours hospitaliers par année. En 2006, 31 180 personnes en âge de travailler (20-64 ans) avaient bénéficié de ce traitement dont 58% d’hommes. En 2014, 25 711 personnes en avaient bénéficié dont 57% d’hommes. Les répartitions par âge étaient constantes pour chaque année de l’étude ; parmi l’ensemble des personnes opérées, tous sexes confondus, 50% étaient âgées entre 35 et 49 ans et 29% avaient 50 ans et plus.
Entre 2006 et 2014, le taux d’incidence brut a diminué de 10 à 8 cas pour 10 000 personnes-années chez les hommes, soit une baisse annuelle moyenne de -3,1% (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [-3,3% ; -2,9%]) et de 7 à 6 cas pour 10 000 personnes-années chez les femmes, soit une baisse annuelle moyenne de -2,3% [-2,5%;-2,1%] (figure 1).
Tendance temporelle nationale du taux d’incidence des cas chirurgicaux de hernie discale lombaire ajustée entre 2006 et 2014
Le modèle spatio-temporel a montré une diminution du taux d’incidence des cas chirurgicaux de HDL au niveau national pour les deux sexes qui s’est accentuée après ajustement sur les facteurs contextuels passant de de -3,0% à -3,8% ICr95%: [-4,6%;-2,9%] en moyenne par an chez les hommes et de -2,3% à -3,3% [-4,2%;-2,3%] chez les femmes (tableau 2).
Associations entre risque de chirurgie de hernie discale lombaire et covariables
Le risque de chirurgie de HDL le plus élevé était observé pour les 35-50 ans par rapport à la classe d’âge de référence 20-34 ans, pour les hommes (IRR=1,90 ICr95%: [1,87 ; 1,93]) ainsi que pour les femmes (IRR=2,42 [2,38 ; 2,47]). Après ajustement sur les facteurs contextuels, les 35-50 ans avaient toujours un risque plus élevé par rapport aux 20-34 ans pour les deux sexes mais les rapports de taux d’incidence étaient plus faibles que dans le modèle sans ajustement (tableau 2).
La densité médicale des chirurgiens était associée positivement et significativement au risque de chirurgie de HDL chez les hommes uniquement (IRR=1,020 [1,002 ; 1,038]). Les autres spécialités médicales ainsi que le taux d’urbanisation n’étaient pas associés pour les deux sexes.
Tous les secteurs d’activité identifiés à risque et introduits dans le modèle, à l’exception du secteur de l’information et de la communication chez les hommes, étaient associés positivement et significativement au risque de chirurgie de hernie discale. Soit les secteurs de la construction, du transport et de l’entreposage, de la santé humaine et de l’action sociale chez les hommes ; et les secteurs du commerce, de la réparation d’automobiles et de motocycles, des activités financières et d’assurance, de l’enseignement, de la santé humaine et de l’action sociale chez les femmes (tableau 2).
Variations temporelles interdépartementales des taux d’incidence des cas chirurgicaux de hernie discale lombaire entre 2006 et 2014
Une baisse significative du taux d’incidence des cas chirurgicaux de HDL était observée dans presque tous les départements (figure 2). Les départements montrant les baisses significatives les plus importantes (comprises entre -12,3% et -5,1% chez les hommes et entre -11,7% et -5,1% chez les femmes) étaient, du Nord-Ouest au Sud-Ouest, les départements suivants : 22-Côtes-d’Armor, 56-Morbihan *, 53-Mayenne **, 49-Maine-et-Loire, 79-Deux-Sèvres, 37-Indre-et-Loire, 17-Charente-Maritime, 33-Gironde, 24-Dordogne, 09-Ariège *, 11-Aude ** et 66-Pyrénées-Orientales ; et, du Nord-Est au Sud-Est, les départements suivants : 67-Bas-Rhin *, 57-Moselle, 54-Meurthe-et-Moselle, 55-Meuse, 88-Vosges **, 52-Haute-Marne **, 21-Côte d’Or, 89-Yonne 71-Saône-et-Loire *, 58-Nièvre **, 74-Haute-Savoie, 26-Drôme **, 04-Alpes-de-Haute-Provence *, 13-Bouches-du-Rhône *, 2A-Haute-Corse *, 2B-Corse-du-Sud *.
La baisse était la plus importante dans le département 49-Maine-et-Loire pour les deux sexes. Pour le reste de la France la tendance temporelle était stable.
Variations spatiales interdépartementales des taux d’incidences des cas chirurgicaux de hernie discale lombaire entre 2006 et 2014
Les figures 3 et 4 illustrent les variations spatiales interdépartementales des taux d’incidence des cas chirurgicaux selon l’année quantifiée par des rapports de taux d’incidence, en considérant le taux d’incidence de la France métropolitaine comme référence, sans ajustement sur les facteurs contextuels (figure 3a, b, c chez les hommes et figure 4a, b, c chez les femmes) et avec ajustement sur les facteurs contextuels (figure 3d, e, f chez les hommes et figure 4d, e, f chez les femmes).
Après ajustement, ces variations spatiales étaient localement atténuées, notamment dans les départements du Sud-Ouest et Sud-Est. La proportion de variance expliquée par la composante spatiale structurée est passée de 98% à 78% pour les hommes et de 97% à 77% pour les femmes après prise en compte des facteurs contextuels, indiquant que 20% de ces variations étaient expliquées par les facteurs contextuels. Par ailleurs, ces disparités interdépartementales étaient globalement stables au cours du temps pour les deux sexes et étaient comparables entre les hommes et les femmes.
En 2014, après ajustement, les risques les plus élevés – IRR compris entre 1,3 et 1,9 – étaient observés du Nord-Ouest au Sud-Ouest dans les départements suivants : 14-Calvados, 27-Eure **, 76-Seine-Maritime **, 61-Orne *, 72-Sarthe, 87-Haute-Vienne, 40-Landes, 64-Pyrénées-Atlantiques, 65-Hautes-Pyrénées, 09-Ariège, 81-Tarn * ; et, du Nord-Est au Sud-Est, dans les départements suivants : 59-Nord, 08-Ardennes, 51-Marne, 10-Aube **, 67-Bas-Rhin, 68-Haut-Rhin, 70-Haute-Saône *, 73-Savoie **, 42-Loire *, 06-Alpes-Maritimes **, 83-Var **, 84-Vaucluse **, 30-Gard. À noter que le taux d’incidence des départements 65-Hautes-Pyrénées et 64-Pyrénées-Atlantiques était le plus élevé et près de deux fois plus élevé que le taux d’incidence national pour les deux sexes (figure 3f et figure 4f).
entre 2006 et 2014
Discussion
Cette étude a montré une baisse du taux d’incidence des cas chirurgicaux de HDL en France métropolitaine dans la population en âge de travailler entre 2006 et 2014. Le taux d’incidence était en baisse ou stable pour les deux sexes dans tous les départements. L’analyse a également mis en évidence des risques plus élevés pour des départements du Nord-Ouest, Nord-Est, Sud-Ouest et Sud-Est et une bande de territoire allant du Nord-Ouest (Normandie) au Sud-Ouest (Occitanie). La classe d’âge 35-49 ans avait le risque le plus élevé par rapport à la classe d’âge de référence 20-34 ans pour les deux sexes.
Les rares études internationales disponibles ont montré, contrairement à notre étude, que le taux d’incidence des actes chirurgicaux du rachis lombaire entre 1999 et 2013 était stable 27 ou avait augmenté 28, notamment chez les 60 ans et plus. Cependant, ces études ne se limitaient pas aux interventions de hernies discales lombaires mais incluaient également d’autres pathologies dégénératives du rachis lombaire. La baisse observée du taux d’incidence des cas chirurgicaux de HDL en France pourrait de manière concomitante refléter d’une part une réelle baisse du taux d’incidence, car celui-ci avait effectivement baissé dans la majorité des départements et, d’autre part, refléter un potentiel changement dans les pratiques médicales. Les médecins pourraient avoir tendance à proposer plus volontiers un traitement conservateur, par exemple dans le cas d’une lombalgie chronique dégénérative d’origine discogénique, facettaire ou mixte, sans radiculalgie en l’absence de bénéfice de la chirurgie comparée à ce type de traitement associé à une rééducation intensive et une thérapie cognitive (Recommandation Haute Autorité de santé, 2015) 29. Ceci contribuerait à la baisse progressive des cas chirurgicaux sur la période. Des études 30,31 ont en effet montré un pronostic à long terme équivalent entre les patients qui avaient été traités par chirurgie et ceux traités sans recours à la chirurgie.
Concernant les associations des facteurs contextuels avec le risque de chirurgie de HDL, notre étude a montré des associations positives et significatives avec certains secteurs d’activité : la construction, le transport et l’entreposage, pour les hommes ; le commerce, les activités financières et d’assurance et l’enseignement, pour les femmes, ainsi que la santé humaine et action sociale, pour les deux sexes. L’étude de Joines et coll. 23 avait aussi retrouvé une association positive avec le secteur du transport. Notre étude a également montré que la densité médicale des chirurgiens était associée positivement au risque de chirurgie de HDL, chez les hommes uniquement. L’étude de Cherkin et coll. 24 avait également retrouvé ce résultat contrairement aux études de Weinstein et coll. 22 et de Joines et coll. 23. En revanche, notre étude n’a pas montré d’association avec les autres spécialités médicales ni avec le taux d’urbanisation.
La prise en compte de ces caractéristiques a permis d’expliquer 20% des disparités spatiales observées.
Le recours à la chirurgie pour le traitement de la hernie discale lombaire étant multifactoriel, d’autres facteurs non mesurés par le modèle pourraient également contribuer à cette variabilité spatiale. Il est possible que la prise en charge médicale (non chirurgicale) des patients puisse être hétérogène selon les départements. Citons par exemple, les programmes de restauration fonctionnelle du rachis ou encore le réseau Lombaction 32 dans la région des Pays de la Loire qui s’inscrit dans cette démarche en proposant une prise en charge globale des patients souffrant de lombalgie chronique, quel que soit leur statut professionnel, avec notamment un programme de rééducation active en centre de réadaptation ou en kinésithérapie libérale. Ce type de réseau de prise en charge, à notre connaissance, n’est pas présent sur tout le territoire français.
De plus, il est probable qu’il existe une hétérogénéité des pratiques de codage des diagnostics et en particulier des actes pour notre étude. En effet, dans certains cas, si la hernie discale lombaire est associée à de l’arthrose, qui est traitée simultanément pendant l’intervention, un acte de recalibrage unilatéral ou bilatéral de la colonne vertébrale lombale peut être codé plutôt que l’acte d’exérèse de hernie discale lombaire ou de remplacement du disque intervertébral. Cet aspect a été observé lors d’une étude exploratoire non publiée. Selon les régions, cela pourrait représenter une proportion variable des actes de hernie discale lombaire sur la période.
Enfin, nous rappelons que l’utilisation des données du PMSI dans les études épidémiologiques présente certaines limites car le PMSI est initialement un outil de description et de mesure médico-économique de l’activité hospitalière.
L’indicateur cas chirurgicaux de HDL comme traceur épidémiologique de la lombalgie, bien qu’il caractérise les formes avec retentissement sévère de lomboradiculalgie et radiculalgie par hernie discale lombaire 33, avait comme principal intérêt de permettre de suivre au cours du temps et sur l’ensemble du territoire métropolitain l’évolution de la lombalgie dans la population des adultes en âge de travailler. La surveillance épidémiologique de la lombalgie à travers ce seul indicateur ne permet pas de caractériser complètement la population souffrant de lombalgie. D’autres études sont nécessaires pour compléter la description de cette affection.
Cette étude est à notre connaissance l’unique en France à avoir analysé les variations spatio-temporelles interdépartementales du taux d’incidence des cas chirurgicaux de HDL en France métropolitaine dans la population en âge de travailler.
Elle a permis de quantifier la baisse du taux d’incidence des cas chirurgicaux de HDL pour les deux sexes entre 2006 et 2014 au niveau national et départemental, de mettre en évidence des disparités interdépartementales de risque d’intervention chirurgicale de HDL et d’expliquer une partie de la variabilité spatiale observée.
Les départements dont les taux d’incidence sont les plus élevés par rapport au taux national ont ainsi été identifiés et des actions spécifiques de prévention pourraient être mises en place par les politiques territoriales en ciblant les secteurs d’activité à risque, en considérant notamment les conditions de travail liées à ces secteurs 34.
Des investigations supplémentaires sont nécessaires pour caractériser davantage les déterminants des variations spatiales observées. Une perspective de cette étude serait ainsi, lors d’une prochaine mise à jour, d’analyser les données à un niveau infra-départemental et d’exploiter d’autres données disponibles comme les caractéristiques des établissements de soin pratiquant la chirurgie de HDL et les données individuelles sur les comorbidités des patients.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
france.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-liees-au-travail/troubles-musculo-squelettiques/donnees/lombalgie-et-hernie-discale#block-239249.
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