Les maladies à caractère professionnel chez les salariés de la grande distribution alimentaire en France. Résultats 2009-2016

// Work-related diseases among large-scale food retailing employees in France. 2009-2016 results

Aurélie Fouquet1 (aurelie.fouquet@santepubliquefrance.fr), Maëlle Robert1, Jean-Michel Wendling2, Martine Léonard3, Émilie Boiselet3, Loïc Garras1, Sabira Smaïli1, Julie Homère1, Emercia Sambany1, Juliette Chatelot1
1 Santé publique France, Saint-Maurice
2 Association de conseil en santé au travail (ACST), Strasbourg
3 Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) Grand Est, Nancy
Soumis le 30.04.2019 // Date of submission: 04.30.2019
Mots-clés : Surveillance épidémiologique | Maladies à caractère professionnel | Médecins du travail | Grande distribution alimentaire | France
Keywords: Epidemiological surveillance | Work-related diseases | Occupational physicians | Large-scale food retailing | France

Résumé

Introduction-objectifs –

 Les salariés de la grande distribution alimentaire (GDA) sont exposés à de nombreuses contraintes physiques et organisationnelles. L’objectif de cette étude était d’estimer les taux de prévalence des maladies à caractère professionnel (MCP) dans ce secteur, de les comparer à ceux des autres secteurs d’activité et d’en évaluer les tendances temporelles.

Matériels-méthodes –

 Le programme MCP s’appuie sur un réseau de médecins du travail volontaires et leurs équipes qui signalent sur quinze jours consécutifs appelés « Quinzaines », deux fois par an, tous les cas de MCP observés en consultation. En 2016, le programme était implanté dans onze ex-régions françaises. Des modèles de régression logistique multivariés ont été réalisés pour tester l’association entre le signalement de MCP et le fait de travailler dans ce secteur, ainsi que pour estimer des tendances moyennes annuelles.

Résultats –

 Entre 2009 et 2016, 3,5% des salariés vus dans le cadre du programme travaillaient en GDA. Ils présentaient un risque de se voir signaler un trouble musculo-squelettique (TMS) supérieur à celui des autres secteurs (odds ratio OR de 1,4 [1,2-1,6] pour les hommes et 1,9 [1,7-2,1] pour les femmes). Les salariées femmes de la GDA faisaient moins fréquemment l’objet d’un signalement de souffrance psychique, en comparaison des femmes travaillant dans les autres secteurs (OR de 0,8 [0,7-0,9]). Les analyses de tendances faisaient ressortir des résultats hétérogènes, s’orientant cependant vers une diminution des TMS dans le cas des femmes. Au sein de la GDA, chez les femmes, ce sont les métiers de caissière et d’employée de libre-service qui étaient les plus à risque sur les signalements de TMS en comparaison des « autres métiers ».

Discussion-conclusion –

La tendance à la diminution des TMS pourrait s’expliquer par des modifications des conditions de travail, en lien notamment avec la mise en place de nombreuses actions de prévention. Cette tendance pourrait également être renforcée par un effet de glissement des signalements vers ceux de souffrance psychique. Les actions de prévention restent primordiales dans ce secteur d’activité.

Abstract

Introduction-aims –

 Large-scale food retailing employees suffer from many physical and organizational constraints. This study aimed to estimate uncompensated work-related diseases (WRD) prevalence rates in this activity sector, to compare those to other sectors’ rates and to estimate temporal trends.

Materials and methods –

 The WRD program is based on a voluntary network of occupational physicians (OPs) and their teams who report all WRD cases observed during the health consultation for two consecutive weeks called “WRD fortnight”, twice yearly. In 2016, the program was implemented in eleven French ex-regions. Multivariate logistic regression models were performed to evaluate risks to report WRD between groups and to estimate yearly average trends.

Results –

Between 2009 and 2016, 3.5% of the employees examined within the framework of the French WRD program worked in large-scale food retailing. Their risk to be reported musculoskeletal disorder (MSD) was higher than for employees of other sectors (OR men=1.4 [1.2-1.6] and OR women=1.9 [1.7-2.1]). Large-scale food retailing women employees were less frequently subject of mental ill-health reports than women employees of other sectors (OR women=0.8 [0.7-0.9]). Trend analyses highlighted heterogeneous results pointing MSDs decrease in the case of women, however. Among women in the midst of the large-scale food retailing sector, cashiers and self-service employees were more at risk to report MSD compared to “other occupations”.

Discussion-conclusion –

The decreasing trend observed for musculoskeletal disorders could be explained by changes in occupational conditions, particularly related to the implementation of numerous preventive actions. This trend could evenly be strengthened by a sliding effect of reports to work-related mental ill-health. Prevention actions are therefore essential in the large-scale food retailing sector.

Introduction

En France, une maladie est considérée comme d’origine professionnelle si elle est la conséquence des conditions de travail auxquelles le travailleur est exposé. La reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ouvre droit à leur indemnisation par les branches professionnelles auxquelles sont rattachés les salariés.

Les maladies à caractère professionnel (MCP) sont définies comme toutes les pathologies ou symptômes susceptibles d’être causés ou aggravés par le travail et non reconnus en maladie professionnelle 1,2,3. Dans le cadre de sa mission de surveillance épidémiologique des risques professionnels, Santé publique France a mis en place, en partenariat avec l’inspection médicale du travail, un système de surveillance de ces MCP. Cette surveillance est complémentaire de celle faite sur les maladies professionnelles indemnisées (MPI) à partir de l’analyse des données des régimes de sécurité sociale.

La grande distribution alimentaire (GDA) « regroupe l’ensemble des grandes, moyennes et petites surfaces de commerce de détail de biens et de services en libre-service à prédominance alimentaire » 4. Les plus de 600 000 salariés de la GDA sont exposés à des contraintes physiques multiples (manutention, gestes répétitifs) et organisationnelles fortes : les horaires décalés, irréguliers, alternés ou coupés sont notamment courants dans ce secteur d’activité 5,6,7,8. Les contraintes psychosociales au travail sont également fréquentes dans ce secteur, notamment du fait du contact avec le public.

Selon les données d’indemnisation de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS) de 2016, avec 5,7 maladies pour 1 000 salariés, les maladies professionnelles sont environ deux fois plus fréquentes dans la GDA que dans l’ensemble des autres secteurs (2,6 maladies pour 1 000 salariés) 9. Ces travailleurs sont également plus fréquemment victimes d’accidents du travail (indice de fréquence de 55,4 accidents pour 1 000 salariés contre 33,8 tous secteurs confondus) 10.

Les études publiées pour cette population spécifique sont essentiellement ergonomiques ou sociologiques. Des études épidémiologiques locales, comme celles conduites en région Centre 11 ou dans le Rhône 12, ont exploré le lien entre les conditions de travail et leur retentissement possible sur la santé des salariés de la grande distribution. Celles-ci suggéraient de possibles liens entre le fait de travailler dans ce secteur et le signalement de troubles ostéoarticulaires, ou encore de souffrance psychique.

Ce travail avait pour objectifs de décrire les pathologies signalées en MCP et leurs déterminants parmi les salariés de la GDA vus dans le cadre du programme MCP (notamment pour les caissiers et les employés de libre-service, professions les plus fréquentes dans ce secteur), de les comparer à celles observées chez les autres salariés reçus en visite médicale et d’en évaluer les tendances temporelles.

Matériels et méthodes

Données du programme MCP

Le programme MCP s’appuie sur un réseau de médecins du travail volontaires et leurs équipes dans certaines régions en France, qui s’engagent à signaler pendant deux semaines consécutives, les « Quinzaines MCP », deux fois par an, toutes les pathologies qu’ils estiment en lien avec le travail – de par leur expertise et leur connaissance du milieu professionnel – ainsi que les agents d’exposition professionnelle associés. En complément, sont également recueillies les caractéristiques socioprofessionnelles de l’ensemble des salariés venus en visite médicale lors de la Quinzaine. Une description plus complète du programme MCP est disponible par ailleurs 3.

Le taux de signalement de MCP est défini comme le rapport entre le nombre de salariés présentant au moins une MCP sur le nombre total de salariés vus en visite dans le cadre des Quinzaines. Le taux de prévalence d’une pathologie spécifique est défini comme le rapport entre le nombre de salariés présentant au moins cette pathologie sur le nombre total de salariés vus en visite dans le cadre des Quinzaines.

Entre 7 et 15 régions ont participé chaque année sur la période 2009-2016 (tableau 1).

Tableau 1 : Programme MCP (maladies à caractère professionnel) – nombre de Quinzaines effectuées par les régions participantes chaque année entre 2009 et 2016, France
Agrandir l'image

Le repérage des salariés de la GDA a été effectué à partir du secteur d’activité des entreprises les employant, codé selon les nomenclatures d’activités françaises (NAF) (tableau 2). Entre 2009 et 2016, 514 859 salariés ont consulté un médecin du travail dans le cadre des Quinzaines MCP et ont été enregistrés dans la base nationale, dont 17 771 salariés (3,5%) travaillaient dans la GDA.

Les caissiers et les employés de libre-service ont été repérés à partir de leur profession, codée selon la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) 2003 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) (respectivement codés 552a et 551a).

Tableau 2 : Codes NAF d’intérêt pour la grande distribution alimentaire (GDA)
Agrandir l'image

Populations de référence

Les salariés de la GDA ont été comparés à l’ensemble des autres salariés vus dans le cadre du programme MCP. Les femmes caissières et employées de libre-service de la GDA ont été comparées aux salariées exerçant d’autres professions dans ce secteur, puis aux femmes de mêmes professions de l’ensemble des autres secteurs d’activité. Les effectifs n’étaient pas suffisants pour conduire ces mêmes analyses chez les hommes.

Pathologies d’intérêt

Dans cet article, les analyses ont porté uniquement sur les groupes de pathologies (codage CIM-10 (1)) les plus fréquemment signalés par les médecins dans le cadre des Quinzaines MCP : « affections de l’appareil locomoteur », « souffrance psychique », « irritations et allergies ». Dans le cas des « affections de l’appareil locomoteur », les sous-groupes « arthrose » et « troubles musculo-squelettiques » (TMS) ont été suivis séparément. Concernant les TMS, certaines localisations ont été analysées : coude, épaule, mains et poignets, rachis, membres inférieurs. Les localisations « coude », ainsi que « mains et poignets », comprennent les syndromes canalaires. L’ensemble des « syndromes canalaires » a également été isolé et étudié à part.

Analyses statistiques

Des taux de signalement et des taux de prévalence ont été calculés, et l’égalité des taux a été testée par le test du Chi2 de Pearson. Des régressions logistiques menées selon le sexe ont permis de mesurer l’association entre le signalement d’une pathologie et le fait d’être salarié de la GDA, en ajustant sur les facteurs de confusion : âge, année, PCS, type de visite médicale et type de contrat de travail. Des régressions logistiques multivariées ont également été effectuées pour estimer des tendances moyennes annuelles, en introduisant l’année en continu et en utilisant les mêmes variables d’ajustement.

Résultats 2009-2016

Parmi les 17 771 salariés de la GDA, 4 122 (23,2%) étaient identifiés comme caissiers et 4 988 (28,1%) comme employés de libre-service. Les femmes représentaient la majorité des salariés pour ces deux professions (3 835 caissières et 3 208 employées de libre-service).

Les salariés de la GDA

Les 17 771 salariés de la GDA constituaient une population plus féminine (63,9% de femmes versus 43,9% ; p<0,0001) et plus jeune (36,7 ans versus 39,7 ans) que les salariés des autres secteurs vus dans le cadre du programme MCP.

Chez les femmes

Sur la période 2009-2016, le taux de signalement de MCP était de 8,8% dans la GDA, supérieur à celui observé en population de référence (7,0% ; p<0,0001) (tableau 3). Une différence était également observée pour le taux de prévalence des TMS (respectivement 5,8% chez les salariées de la GDA versus 3,4% en population de référence ; p<0,0001). Ce résultat était observé quelle que soit la localisation, excepté pour les TMS des membres inférieurs. À l’inverse, le taux de prévalence de la souffrance psychique était moins élevé chez les femmes salariées de la GDA que chez celles de la population de référence (2,5% versus 3,0% ; p<0,01).

Chez les hommes

Sur la même période d’étude, le taux de signalement de MCP pour les salariés de la GDA était similaire à celui observé pour les salariés des autres secteurs (4,9% versus 5,1%). Des taux de prévalence proches entre les deux groupes étaient également observés pour les TMS (2,8% versus 2,8%), le rachis (1,6% versus 1,4%) et la souffrance psychique (1,2% versus 1,4%).

Sur la période 2009-2016, pour les femmes, les résultats des analyses multivariées montraient des associations statistiquement significatives entre le fait de signaler une MCP et celui d’être salariée dans la GDA (tableau 3). Cette association était également observée pour les signalements de TMS, chez les hommes comme chez les femmes (respectivement, OR de 1,4 [1,2-1,6] et 1,9 [1,7-2,1]). Chez les femmes, ce résultat était observé quelle que soit la localisation du TMS. En revanche, chez les hommes, seul le taux de prévalence des TMS du rachis était plus élevé pour les salariés de la GDA avec un OR de 1,5 [1,2-1,8]. Concernant la souffrance psychique, aucune association n’était observée chez les hommes, tandis que pour les femmes salariées de la GDA une baisse significative était observée (OR de 0,8 [0,7-0,9]). Pour les irritations et allergies, l’association était significative uniquement chez les hommes (OR de 1,7 [1,1-2,7]).

Tableau 3 : Taux de prévalence et associations entre le signalement d’une maladie à caractère professionnel (MCP) et le fait d’être salarié de la grande distribution alimentaire (GDA), selon le sexe, période 2009-2016, France
Agrandir l'image

Focus sur les caissières et employées de libre-service

Grande distribution alimentaire

Sur la période 2009-2016, parmi les 11 350 salariées de la GDA ayant consulté, 3 835 (soit 33,8%) étaient caissières et 3 208 (soit 28,3%) employées de libre-service.

Sur cette période, parmi les salariées de la GDA, les taux de signalement de MCP étaient respectivement de 8,1% chez les caissières, 10,6% chez les employées de libre-service et 8,0% chez les « autres métiers » de la GDA (figure 1). Les taux de prévalence des TMS étaient respectivement de 5,9% chez les caissières et 7,4% chez les employées de libre-service, plus élevés que celui observé chez les salariées de la GDA occupant un « autre métier » (5,0%).

Enfin, pour la souffrance psychique chez les salariées de la GDA, les taux de prévalence étaient de 2,0% chez les caissières, de 2,6% chez les employées de libre-service et de 2,9% pour les « autres métiers ».

Figure 1 : Taux de signalement d’une maladie à caractère professionnel (MCP) et taux de prévalence de troubles musculo-squelettiques (TMS) et de souffrance psychique (PSY), selon le secteur ou le métier, chez les femmes, 2009-2016, France
Agrandir l'image

Grande distribution alimentaire versus autres secteurs d’activité chez les caissières et les employées de libre-service

Sur la période 2009-2016, 5 443 caissières et 3 958 employées de libre-service ont été vues en visite dans le cadre du programme MCP. Parmi ces salariées, respectivement 70,5% et 81,1% travaillaient dans le secteur de la GDA.

On notait des taux de signalement MCP supérieurs pour les caissières et employées de libre-service de la GDA par rapport aux caissières et employées de libre-service des autres secteurs (caissières : 8,1% en GDA versus 6,6% hors GDA (p=0,05) ; employées de libre-service : 10,6% versus 6,7% hors GDA (p<0,01)). Des résultats similaires ressortaient pour les TMS (caissières : 5,9% en GDA versus 3,1% hors GDA (p<0,0001) ; employées de libre-service : 7,4% versus 2,9% hors GDA (p<0,0001) (tableau 4). Pour les caissières, ce résultat était observé pour toutes les localisations de TMS des membres supérieurs, excepté les syndromes canalaires et le rachis ; pour les employées de libre-service, il était retrouvé pour les TMS de l’épaule, du coude et du rachis. En revanche, aucune différence significative n’était relevée pour la souffrance psychique (caissières : 2,0% en GDA versus 2,8% hors GDA ; employées de libre-service : 2,6% versus 3,6% hors GDA).

Les analyses multivariées montraient des associations statistiquement significatives entre les signalements MCP et le fait d’être salariée de la GDA ou non, pour les caissières et les employées de libre-service. Ces résultats étaient observés pour les TMS (OR=1,7 [1,2-2,3] caissières GDA versus hors GDA ; OR=2,4 [1,5-3,7], employées de libre-service GDA versus hors GDA), ainsi que pour la souffrance psychique (OR=0,7 [0,5-1,0[ caissières GDA versus hors GDA ; OR=0,6 [0,4-0,9] employées de libre-service GDA versus hors GDA).

Tableau 4 : Taux de signalement d’une maladie à caractère professionnel (MCP) et taux de prévalence des troubles musculo-squelettiques (TMS) et de souffrance psychique chez les caissières et les employées de libre-service dans la grande distribution alimentaire (GDA) et dans les autres secteurs d’activité, 2009-2016, France
Agrandir l'image

Tendances

Sur les figures 2a et 2b sont présentées les évolutions des taux de prévalence des TMS et de la souffrance psychique sur la période 2009-2016, séparément selon le sexe et l’appartenance ou non au secteur de la GDA. Concernant les TMS, les résultats des analyses multivariées sur la période montraient des baisses moyennes annuelles de 7,0% chez les femmes de la GDA (OR=0,93 [0,9-1,0[), comparativement à une stabilisation dans les autres secteurs d’activité. Aucune tendance nette n’était mise en évidence pour les hommes (OR TMS=1,0 [0,9-1,0]), ni pour les deux sexes dans le cas de la souffrance psychique (OR femmes=1,0 [0,9-1,0] et OR hommes=1,0 [0,9-1,1]).

Figure 2a : Évolution des prévalences de troubles musculo-squelettiques (TMS) chez les salariés
de la grande distribution alimentaire (GDA) versus hors GDA, selon le sexe, 2009-2016, France
Agrandir l'image
Figure 2b : Évolution des prévalences de souffrance psychique chez les salariés
de la grande distribution alimentaire (GDA) versus hors GDA, selon le sexe, 2009-2016, France
Agrandir l'image

Discussion-conclusion

Notre article dresse un portrait général des MCP chez les salariés de la GDA entre 2009 et 2016, caractérisée par de fortes réorganisations au sein du secteur ainsi que par des liens entre MCP et contraintes de l’activité professionnelle.

Une population jeune et féminine pour le secteur de la grande distribution alimentaire

Les caractéristiques de la population de la GDA vue dans le cadre du dispositif MCP, plus jeune et plus féminine, sont également observées dans d’autres études s’intéressant à ce secteur 11,12. La forte proportion de salariés jeunes dans ce secteur pourrait s’expliquer par l’emploi d’un nombre important d’étudiants, surtout en caisse 13. La précarité et la pénibilité du travail dans la grande distribution pourraient également expliquer le départ des salariés les plus âgés vers d’autres secteurs d’activité.

Des niveaux de troubles musculo-squelettiques élevés pour le secteur
de la grande distribution alimentaire

Dans notre étude, une association significative a été observée entre le fait d’être salarié de la GDA et les signalements de TMS. Cette association était observée pour toutes les localisations de TMS chez les femmes, et principalement pour le rachis chez les hommes. Toutes les études s’accordent sur un risque plus élevé de TMS dans ce secteur, les localisations prédominantes concernant le plus souvent le rachis. Ainsi, dans l’étude réalisée dans la GDA en région Centre entre 2000 et 2001, 65,5% des salariés avaient souffert de douleurs dans l’année, essentiellement au niveau du dos, et dans l’étude Epigrandis sur l’état de santé des salariés de la GDA dans le département du Rhône dans les années 1998-1999, la localisation de TMS la plus fréquente était la colonne lombaire, avec cependant des différences selon l’emploi 11,12.

Des niveaux de troubles musculo-squelettiques élevés pour les caissières et employées de libre-service du secteur de la grande distribution alimentaire

Dans notre étude, parmi les salariés de la GDA, les taux de prévalence de TMS les plus élevés étaient observés pour les caissières et les employées de libre-service, notamment pour l’épaule et le rachis.

Ces salariées présentaient également des taux de prévalence de TMS du membre supérieur plus élevés que ceux enregistrés chez les femmes de même profession dans les autres secteurs d’activité.

Une fréquence plus élevée des troubles de l’épaule a été également mise en évidence dans plusieurs études s’intéressant aux caissières 8,14. Dans l’étude de Niedhammer et coll. portant sur 210 caissières de supermarché et d’hypermarché en 1993-1994, le sur-risque concernait particulièrement l’épaule gauche, en relation avec les spécificités de leur poste de travail. L’origine multifactorielle des douleurs de l’épaule, ainsi qu’une association avec des troubles psychologiques, étaient également mises en évidence. Une étude ergonomique, associée à des observations vidéos réalisées en 2014-2015 sur 40 caissières dans trois supermarchés, a mis en évidence que les contraintes posturales et gestuelles répétées des épaules pouvaient être favorisées par le pesage latéral des fruits et légumes, ainsi que par l’usage de l’écran tactile, tout particulièrement en posture assise 15.

Dans une investigation spécifique menée à partir des données 2008-2009 du dispositif Evrest (Évolution et relations en santé au travail), un employé de libre-service sur 10 souffrait de douleurs aux épaules, au rachis cervical et 26% au rachis dorsolombaire 16. Ces douleurs peuvent être favorisées par les caractéristiques de l’emploi des employés de libre-service : travail en position essentiellement debout, piétinement et positions extrêmes, accroupies ou bras en extension 17.

Des niveaux de souffrance psychique moins élevés pour les salariés
de la grande distribution alimentaire en comparaison des autres secteurs d’activité

Dans le programme MCP, les salariés de la GDA faisaient moins fréquemment l’objet d’un signalement en lien avec la souffrance psychique que les autres salariés. Ce résultat s’explique peut-être en partie par la part prépondérante des TMS, qui pourrait masquer la souffrance psychique dans cette population. Il est possible que le médecin du travail se focalisant sur un TMS omette de signaler la souffrance psychique, moins tangible et moins bien connue 18. À noter que ce constat s’applique à l’ensemble des secteurs d’activité. Cependant, les niveaux de TMS observés étant élevés pour la GDA, cet effet « masquage » pour la souffrance psychique peut être avancé. Surtout, les salariés de la GDA sont exposés à de nombreux facteurs de risque de signalement de souffrance psychique. En effet, le contact avec la clientèle concerne aujourd’hui près de 90% des salariés des grandes surfaces. Les pénibilités qui y sont liées se caractérisent par une adaptation des horaires et du rythme de travail en fonction de l’affluence et des sollicitations des clients, une pression des clients en attente, de l’agressivité, de brèves interventions et une interruption fréquente des tâches qui, comme de rares études l’ont montré, peuvent déboucher sur des formes d’épuisement émotionnel et de dépersonnalisation 19. Les évolutions organisationnelles touchent aussi de plus en plus ce secteur d’activité. En particulier, en lien avec le développement des plateformes de livraison, les délais se multiplient et s’accélèrent, ce qui accroît les situations de tension pour les salariés de la GDA. De plus, ces évolutions ne sont pas palliées par des moyens humains supplémentaires.

Analyses des tendances temporelles sur les signalements de souffrance psychique et de troubles musculo-squelettiques dans le secteur de la grande distribution alimentaire

En limitant les analyses à la période 2010-2016, une tendance à la hausse de la souffrance psychique était observée dans la GDA (résultats non présentés). La mise à jour ultérieure des données sera utile pour confirmer ou non cette tendance. Cette évolution, commune à l’ensemble des salariés vus dans le cadre de MCP, peut s’expliquer en partie par des modifications des conditions de travail (intensification, pression temporelle, organisation fonctionnelle…) et une plus grande sensibilisation des salariés et des médecins à cette problématique 20. Une étude menée au Royaume-Uni à partir des données 1996-2009 du réseau THOR mettait elle aussi en évidence une augmentation de l’incidence des troubles mentaux liés au travail, tandis que celle des TMS baissait 18. Pour la GDA, ces tendances à la hausse seraient aussi à mettre en parallèle des évolutions organisationnelles et structurelles propres à ce secteur. En effet les conséquences organisationnelles de la « fin de l’âge d’or de la grande distribution » 21 et son entrée en crise ont été caractérisées par les travaux d’économistes et de sociologues, qui soulignent les restructurations permanentes et discrètes de la GDA, la polyvalence et la flexibilité accrues des salariés, un nivellement par le bas des conditions de travail et d’emploi et les rapports de force autour desquels se joue la définition des risques psychosociaux, leur catégorisation et ainsi leur considération 22,23.

D’autres éléments d’évolution quant à l’organisation du secteur de la GDA peuvent aussi être décrits. Durant la période d’étude, des évolutions notables se sont produites : depuis les premières implantations de caisses dites automatiques en 2007, où les caissières sont désormais principalement chargées de contrôler des îlots de quatre à six caisses, ces dernières voient leur travail se transformer, entre relationnel et surveillance 24. Ces caisses « sans caissier ni caissière » – comme les qualifie l’étude de Nielsen (2) – sont présentes dans 57% des grandes surfaces alimentaires de plus de 2 000 m2 (hypermarchés et supermarchés), représentent aujourd’hui 10% des ventes et sont fréquentées par 18% des clients des magasins équipés. Les restructurations se sont accentuées avec la récession économique depuis 2008 22, et se caractérisent notamment par des baisses d’effectifs et des licenciements.

La tendance à la baisse des TMS observée chez les femmes du secteur sont à rapprocher des évolutions des conditions de travail (limitation du port de charge lourdes par les caissières par exemple) et plus généralement des actions de prévention mises en place dans ce secteur depuis plusieurs années, par exemple le Plan national d’actions coordonnées 2009-2012 de la CnamTS. Néanmoins, des investigations plus poussées seraient nécessaires pour conclure à de potentiels liens entre actions de prévention mises en place et tendances à la baisse dans un secteur donné.

Limites identifiées pour l’interprétation des résultats

La méthode du programme MCP présente plusieurs limites à prendre en compte pour l’analyse des résultats : biais de sélection (volontariat des médecins du travail, passage quasi-uniquement par les services de santé au travail interentreprises et autonomes), biais de saisonnalité (Quinzaines conduites sur deux périodes de quinze jours), biais géographique. Les données ne sont pas représentatives de ce qu’il se passe pour l’ensemble des salariés français, mais sont une image de ce que les médecins du travail des régions participantes voient en consultation pendant les Quinzaines.

Quelques pistes pour la prévention

Bien que la tendance soit à la baisse dans le programme MCP sur les signalements de TMS, cela ne doit pas faire oublier les niveaux élevés observés pour les salariés de la GDA, en particulier les femmes. Certaines actions de prévention initiées depuis quelques années semblent améliorer la situation, mais devraient être poursuivies en portant une attention particulière aux métiers les plus à risque (caissières et employées de libre-service). C’est l’exemple de l’étude Ergodistrib qui a notamment mis en lumière que, lorsque les professionnels de la grande distribution sont formés à leur tâche et bénéficient d’outils efficaces pour les aider, ils souffrent moins de mal de dos (3). Il serait souhaitable de les compléter par des actions de prévention des risques psychosociaux, pour leur rôle dans l’apparition des TMS d’une part, et plus généralement pour limiter les effets délétères sur la santé d’une organisation du travail particulièrement contraignante pour ces salariés.

Conclusion

Notre étude met en évidence des niveaux élevés de signalements de TMS des membres supérieurs pour les salariés de la GDA, hommes et femmes. Les métiers de caissières et d’employées de libre-service sont particulièrement à risque sur ces signalements. Sur la période d’étude, les taux de prévalence de TMS sont observés à la baisse, ce qui pourrait être mis en parallèle des actions de prévention conduites dans ce secteur. En revanche, les légères hausses observées sur les signalements de souffrance psychique en fin de période appuient la nécessité de poursuivre la surveillance des signalements de MCP pour le secteur de la GDA.

Remerciements

Nos remerciements vont à l’ensemble des participants au programme MCP, à savoir les médecins, les infirmières, les assistants, aux médecins inspecteurs régionaux du travail et aux épidémiologistes en région. Sans leur implication dans le programme MCP, ce travail n’aurait pas été possible.

Les membres du groupe MCP 2016

Dr James Alves, Dr Bernard Arnaudo, Patricia Bédague, Emilie Boiselet, Dr Laurence Capdeville, Juliette Chatelot, Claire Cherbonnet, Julie Debarre, Pauline Delézire, Dr Philippe Faillie, Emilie Fauchille, Dr Florence Fernet, Aurélie Fouquet, Marie-Reine Fradet, Dr Philippe Hamant, Julie Homère, Audrey Lemaître, Dr Martine Léonard, Dr Corinne Martinaud, Laurence Moine, Dr Daniel Peirone, Julie Plaine, Hélène Prouvost, Dorothée Provost, Dr Nadine Renaudie, Dr Marie-Christine Riol, Stéphanie Rivière, Audrey Rouchaud, Chloé de Sanzberro, Sabira Smaïli, Dr Brigitte Sobczak, Dr Véronique Tassy.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun liens d’intérêt au regard du contenu de cet article.

Pour en savoir plus sur les MCP

Dossier thématique MCP : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-liees-au-travail/maladies-a-caractere-professionnel/publications/#tabs
Géodes, l’Observatoire cartographique de Santé publique France : https://geodes.santepubliquefrance.fr/ Aller dans l’espace « Indicateurs », puis dans « Par pathologie ». A la lettre M, cliquer sur « Maladies à caractère professionnel (MCP) ».

Références

1 Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. 2004. https://www.legifrance.gouv.fr/
affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000787078
.
2 Valenty M, Homère J, Dourlat T, Plaine J, Chevalier C, Imbernon E, et le groupe MCP 2008. Surveillance des maladies à caractère professionnel en France. Résultats 2008. Bull Epidémiol Hebd. 2012(22-23): 255-9. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-liees-au-travail/maladies-a-caractere-professionnel/documents/article/surveillance-des-maladies-a-caractere-professionnel-en-france.-resultats-2008
3 Lemaître A, Valenty M. Programme de surveillance des maladies à caractère professionnel (MCP) en France. Résultats des Quinzaines MCP 2008 à 2011. Saint-Maurice: Institut de Veille sanitaire, 2014. 101 p. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-liees-au-travail/maladies-a-caractere-professionnel/documents/rapport-synthese/programme-de-surveillance-des-maladies-a-caractere-professionnel-mcp-en-france.-resultats-des-quinzaines-mcp-2008-a-2011
4 Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). La grande distribution. Travail & Securite. 2015;(759):15-27. https://www.travail-et-securite.fr/ts/pages-transverses/revue.html?numRevue=759
5 Waelli M, Fache P. La régulation de l’emploi dans les hypermarchés français. Stratégies de mobilisation de la main-d’œuvre et rapports à l’activité aux caisses. Travail et Emploi. 2013;(136):35-47. https://doi.org/10.4000/
travailemploi.6128
6 Guélaud F. Les diverses formes de gestion de la flexibilité dans les hypermarchés. Formation Emploi. 1991;(35):3-13.
7 Alonzo p. Les rapports au travail et à l’emploi des caissières de la grande distribution. Des petites stratégies pour une grande vertu. Travail et Emploi. 1998;(76):37-51. https://travail-emploi.gouv.fr/publications/Revue_Travail-et-Emploi/pdf/76_853.pdf
8 Niedhammer I, Landre MF, Leclerc A, Bourgeois F, Franchi P, Chastang JF, et al. Shoulder disorders related to work organization and other occupational factors among supermarket cashiers. Int J Occup Environ Health. 1998;4(3):168-78.
9 Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés/Direction des Risques Professionnels (CNAMTS/DRP). Risque Maladie professionnelle : statistiques sur la sinistralité de l’année 2016 suivant la nomenclature d’activités française (NAF). Étude 2017-202. 2018. 73 p. https://www.ameli.fr/sites/default/files/2016_
mp-indicateurs-selon-code-naf.pdf
10 Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés/Direction des Risques Professionnels (CNAMTS/DRP). Risque Accident du travail : statistiques sur la sinistralité de l’année 2016 suivant la nomenclature d’activités française (NAF). Étude 2017-134. 2017. 44 p. https://www.ameli.fr/sites/default/files/2016_at-indicateurs-selon-code-naf.pdf
11 Lasfargues G, Levery G, Charlanes D. Santé mentale et travail dans la grande distribution en région Centre. Tours: Institut de médecine du travail du Val de Loire. 2003. 93 p. http://imtvl.fr/files/file/Etudes/GD%20rapport%20definitif.pdf
12 Dousson C, Ferrand C, Grossetête A, Bierme J, Amar M, Balland E, et al. État de santé des salariés de la grande distribution: Epigrandis, une étude descriptive dans le département du Rhône. Documents pour le Médecin du Travail. 2002;(89):29-49. https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=TF%20111
13 Chappaz F, Bernard S. Hétérogénéité de l’emploi et compromis temporel: les emplois étudiants. Hétérogenéite de l’emploi et compromis temporel : les emplois étudiants. In: Vatin F. Le salariat : histoire, théorie et formes. Paris: La Dispute; 2007. p. 346.
14 Barbieri P, Pizzoni T, Scolari L, Lucchini R. Disturbi e patologie da sovraccarico biomeccanico degli arti superiori in un campione di 173 lavoratori addetti alle casse di supermercati. Med Lav. 2013;104(3):236-43.
15 Wendling JM, Jouvenet V. Impact du pesage fruits et légumes sur le risque TMS. Archives des Maladies professionnelles et de l’environnement. 2017;78(4):361.
16 Molinié AF, Leroyer A. Travail et santé des salariés de la grande distribution, une exploration à partir des données 2008-2009 du dispositif Evrest. Evrest résultats. 2011:1-4.
17 Goudifa P, Gueguen-Lafont S, Haentjens C, Munier A, Poher M, Pommet C. L’employé de libre-service dans les grandes surfaces. Cahiers de médecine interprofessionnelle. 1998;393-400.
18 Carder M, McNamee R, Turner S, Hodgson JT, Holland F, Agius RM. Time trends in the incidence of work-related mental ill-health and musculoskeletal disorders in the UK. Occup Environ Med. 2013;70(5):317-24.
19 St-Vincent M, Denis D, Trudeau R, Imbeau D. Commerce de détail – Phase II : Analyse ergonomique des activités de manutention et de service à la clientèle dans les magasins-entrepôts de grande surface. Montréal: Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST). Etudes et Recherches. 2005. 116 p. https://www.irsst.qc.ca/publications-et-outils/publication/i/100173/n/commerce-de-detail-phase-ii-analyse-ergonomique-des-activites-de-manutention-et-de-service-a-la-clientele-dans-des-magasins-entrep-ts-de-grande-r-441
20 Khireddine I, Lemaître A, Homère J, Plaine J, Garras L, Riol MC, et al. La souffrance psychique en lien avec le travail chez les salariés actifs en France entre 2007 et 2012, à partir du programme MCP. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(23):431-8. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/23/2015_23_2.html
21 Moati p. L’avenir de la grande distribution. Paris: Odile Jacob édition; 2001. 392 p.
22 Hocquelet M, Benquet M, Durand C, Laguérodie S. Les crises de la grande distribution. Revue française de socio-économie. 2016;1(16):19-35.
23 Gardes C. Un salariat à bas coût. Le travail dans une enseigne low-cost de bricolage. Thèse de doctorat Sciences de la société. Paris: EHESS; 2019. http://www.theses.fr/2019EHES0076
24 Bernard S, Tiffon G. De l’automatisation des caisses à la recomposition du travail des caissières. In: Tiffon G (coord.), L’innovation dans le travail. Toulouse: Octares éditions; 2014. 304 p.

Citer cet article

Fouquet A, Robert M, Wendling JM, Léonard M, Boiselet E, Garras L, et al. Les maladies à caractère professionnel chez les salariés de la grande distribution alimentaire en France. Résultats 2009-2016. Bull Epidémiol Hebd. 2021;(14):244-52. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2021/14/2021_14_1.html

(1) Organisation mondiale de la santé, dixième révision de la Classification internationale des maladies, 1994.
(2) Les Français passent à la caisse… sans caissier ni caissière. The Nielsen Company, 12 juillet 2019. 4 p.