Incidence, prévalence et circonstances de découverte du diabète de type 1 chez l’enfant en Bretagne entre 2017 et 2019

// Incidence, prevalence and circumstances of discovery of type 1 diabetes in children in Brittany between 2017 and 2019, France

Mathilde Le Gall1 (mathilde.legall.18@gmail.com), Sylvie Nivot1, Marie-Aline Guitteny1, Marie-Béatrice Saade1, Karine Bourdet2, Cécilia Marques3, Céline Rivallain3, Katarzyna Marszal4, Nourredine Idres4, Fanny Duhamel4, Raphael Teissier5, Lénaïg Coustant6, Juliette Delpeut7, Aurélie Brasseur7, Anne Jossens8, Marc de Kerdanet1
1 Unité d’endocrinologie et diabétologie pédiatrique, CHU Rennes
2 Unité d’endocrinologie et diabétologie pédiatrique, CHRU Brest
3 Pédiatrie, Centre hospitalier Bretagne-Atlantique, Vannes
4 Pédiatrie, Centre hospitalier de Saint-Brieuc, Saint-Brieuc
5 Pédiatrie, Groupe hospitalier Bretagne Sud, Lorient
6 Pédiatrie, Centre hospitalier de Cornouaille, Quimper
7 Pédiatrie, Centre hospitalier du pays de Morlaix, Morlaix
8 Pédiatrie, Centre hospitalier de Saint-Malo, Saint-Malo
Soumis le 25.02.2021 // Date of submission: 02.25.2021
Mots-clés : Diabète de type 1 | Registre | Incidence | Prévalence | Acidocétose
Keywords: Type 1 diabetes | Register | Incidence | Prevalence | Ketoacidosis

Résumé

Introduction –

L’objectif de l’étude était d’estimer l’incidence et la prévalence du diabète de type 1 chez l’enfant en Bretagne entre 2017 et 2019. L’objectif secondaire était d’étudier les circonstances de découverte du diabète sur cette période.

Patients et méthode –

L’étude a été réalisée de manière rétrospective à partir des données du nouveau logiciel régional RegiDiab®. La période étudiée s’est étendue de 2017 à 2019. Les taux d’incidence et de prévalence ont été calculés par année et selon la catégorie d’âge : 0-4 ans, 5-9 ans, 10-14 ans. Les signes cliniques ou biologiques conduisant au diagnostic étaient représentés par un syndrome polyuro-polydipsique seul, une acidocétose, ou un coma acidocétosique. Ils ont été étudiés par année et selon la catégorie d’âge.

Résultats –

998 patients âgés de 0 à 18 ans et présentant un diabète de type 1 suivi en Bretagne ont été inclus dans le logiciel RegiDiab®. Le taux d’incidence entre 2017 et 2019 pour les enfants de moins de 15 ans était de 20,3 pour 100 000 personnes années (PA). Il était de 10,7 entre 0 et 4 ans, de 21,6 entre 5 et 9 ans et de 27,1 pour 100 000 PA entre 10 et 14 ans. Le taux de prévalence était de 0,12%. Au moment du diagnostic, il y avait 64,5% des patients présentant un syndrome polyuro-polydipsique seul, 33% une acidocétose et 2,5% un coma.

Discussion –

En comparant les résultats obtenus à ceux des études précédemment publiées, le taux d’incidence du diabète de type 1 paraît être toujours en augmentation, mais un ralentissement dans l’accroissement de l’incidence est observé. Le projet de registre RegiDiab® est un nouvel outil qui vise à permettre un suivi épidémiologique et de cohorte indispensable à la bonne connaissance de l’évolution de la maladie.

Abstract

Introduction –

The aim of the study was to analyse the incidence and prevalence of type 1 diabetes in children in Brittany between 2017 and 2019. The secondary objective was to study the circumstances in which diabetes was discovered.

Patients and method –

The study was carried out retrospectively using data from the new regional software RegiDiab®. The study period extended from 2017 to 2019. Incidence and prevalence rates were calculated by year and by age category: 0-4 years, 5-9 years, 10-14 years. The clinical or biological signs leading to the diagnosis were represented by a polyuro-polydipsia syndrome, ketoacidosis, or diabetic coma. They were studied by year and by age category.

Results –

998 patients aged between 0 and 18 years old with type 1 diabetes followed up in Brittany were included in the RegiDiab® software. The incidence rate between 2017 and 2019 for children under the age of 15 was 20.3 per 100,000 per year. It was 10.7 between 0 and 4 years old, 21.6 between 5 and 9 years old, and 27.1 per 100,000 per year between 10 and 14 years old. The prevalence rate was 0.12%. At the time of diagnosis, there were 64.5% of patients with only polyuro-polydipsia syndrome, 33% with ketoacidosis, and 2.5% with coma.

Discussion –

Comparing the results obtained with those of previously published studies, the incidence rate of type 1 diabetes appears to be still increasing, but a slowdown in the increase is observed. The RegiDiab® register project is a new tool that aims to enable epidemiological and cohort monitoring, which is essential for a good understanding of the disease evolution.

Introduction

Le diabète de type 1 (DT1) est une maladie chronique dont le diagnostic se fait le plus souvent à un âge pédiatrique 1. Son incidence a connu une importante augmentation depuis la fin du 20e siècle dans toutes les tranches d’âge en France et dans le monde 2,3,4,5,6. Une étude française réalisée entre 1988 et 1997 montrait déjà une augmentation de l’incidence de 4,2% par an chez les enfants âgés de moins de 15 ans, plus rapide chez les enfants de moins de 5 ans 2. Plus récemment, une autre étude estimait l’incidence du DT1 en France chez les enfants de moins de 15 ans à 15,4 cas pour 100 000 personnes années (PA) en 2010 et à 19,1 cas pour 100 000 PA en 2015, soit un accroissement du taux d’incidence de 4% par an 3. Des études internationales récentes font état d’un plateau ou d’une diminution récente dans la vitesse de croissance de l’incidence dans plusieurs pays 7,8,9,10,11,12.

Le DT1 se révèle classiquement par un syndrome polyuro-polydipsique. Le patient peut présenter dès la découverte de la maladie des complications sévères telles que l’acidocétose diabétique, pouvant mener à un coma acidocétosique mettant en jeu le pronostic vital. L’un des enjeux majeurs dans ce domaine est de diagnostiquer la maladie au plus vite afin d’éviter ces risques. Une étude menée sur 13 pays du monde entre 2006 et 2016 estimait à 29,9% les cas d’acidocétose inaugurale 13. En France, cette part d’acidocétose au diagnostic est plus élevée que dans d’autres pays européens. Elle était évaluée à 43,9% des cas lors d’une étude menée par l’observatoire de l’association Aide aux Jeunes Diabétiques (AJD) dans 146 centres en 2009 14.

Diverses sources d’information peuvent être utilisées pour étudier l’épidémiologie du DT1. Quand ils existent, les registres constituent une base de données fiable et aisée d’exploitation.

En France, un registre utilisé dans quatre régions reflétant la diversité de la population française a permis une estimation du taux d’incidence national du DT1 jusqu’en 1997 2. Depuis, et en l’absence de registre national, l’utilisation des bases de données médico-administratives via le Système national des données de santé (SNDS) ou le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) a permis d’obtenir des estimations d’évolution d’incidence et d’étudier les variations interrégionales 3,5.

Le projet RegiDiab® est un travail sur la mise au point d’un nouveau registre régional en Bretagne financé par l’Agence régionale de santé (ARS). Il permet l’élaboration d’une base de données unique, au moyen d’un logiciel commun (RegiDiab®) et à partir des données des différents centres hospitaliers présents dans la région. Le suivi des enfants atteint de DT1 se fait exclusivement en milieu hospitalier, selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) 15. Son but est de réaliser un recensement de tous les cas de diabète chez l’enfant suivis en Bretagne et de permettre un suivi de cohorte.

L’objectif de l’étude était d’analyser l’incidence et la prévalence du DT1 chez l’enfant de moins de 15 ans dans la région Bretagne entre 2017 et 2019.

L’objectif secondaire de l’étude était d’analyser les circonstances de découverte de la maladie et d’estimer la part d’acidocétose et de coma au moment du diagnostic.

Patients et méthode

Il s’agit d’une étude épidémiologique descriptive et rétrospective.

Inclusion dans le logiciel RegiDiab®

La première étape de ce travail a été de recueillir les données au moyen du logiciel RegiDiab® et d’y inscrire tous les patients diabétiques âgés de 0 à 18 ans actuellement suivis en pédiatrie en Bretagne. Les enfants dont le suivi avait été initié en Bretagne mais poursuivi ailleurs ont également été inscrits dans le registre. Il existe actuellement huit services pédiatriques assurant le suivi du diabète en Bretagne. Chaque centre possédait sa propre base de données recensant tous les patients diabétiques suivis et toutes les découvertes de diabète par année. L’inclusion dans le logiciel s’est faite de manière rétrospective par les diabétologues dans chaque centre entre novembre 2019 et mai 2020. Une première sélection d’informations a été inscrite pour chaque patient dans le logiciel, afin de permettre la réalisation de cette étude : nom, prénom, sexe, date de naissance, date de découverte du diabète, signes cliniques présents à la découverte du diabète. Ces informations étaient recueillies via les bases de données préexistantes dans chaque centre et dans le dossier informatique des patients.

Population d’étude

La population de cette étude était constituée des enfants diabétiques de type 1 de moins de 15 ans suivis en Bretagne entre 2017 et 2019. Les critères d’exclusion étaient une découverte du diabète après l’âge de 14 ans et un diagnostic de diabète différent du DT1. Certains patients ont ainsi été inscrits dans le logiciel, mais non inclus dans l’étude. Les patients dont la prise en charge à la découverte avait été faite en Bretagne alors qu’ils vivaient dans une autre région ont été exclus.

Analyses

Les informations entrées dans le logiciel ont pu être extraites pour chaque centre sous la forme d’un tableur Excel.

L’incidence et la prévalence du DT1 ont été calculées pour les patients âgés de de 0 à 14 ans entre 2017 et 2019. Cette limite d’âge a été choisie pour permettre la comparaison avec les précédentes études françaises et internationales. Ces trois années d’étude ont été choisies pour assurer l’exhaustivité du recueil. Un patient âgé de 14 ans lors de la découverte de son diabète en 2017 avait 16 ou 17 ans au moment du recueil de données, et était donc toujours suivi en pédiatrie et inclus dans l’étude. Étudier les années précédant 2017 exposait à l’exclusion de patients concernés, mais depuis suivis par un endocrinologue non-pédiatre et ne faisant plus partie des bases de données de chaque centre.

Les incidences et prévalences ont été présentées par tranche d’âge : 0-4 ans, 5-9 ans et 10-14 ans. La date de découverte de diabète était définie par la date de la première administration d’insuline. L’âge au moment du diagnostic était l’âge atteint au jour de la découverte du diabète.

Les taux d’incidence ont été calculés à partir du nombre d’enfants nouvellement diagnostiqués diabétiques de type 1 sur l’année étudiée, divisé par le nombre de personnes années (PA). Les personnes années étaient estimées par la population âgée de moins de 15 ans résidant en 2017 en Bretagne, évaluée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Les mêmes chiffres ont été utilisés pour les années 2018 et 2019, en l’absence de données récentes disponibles.

Les taux de prévalence ont été calculés en pourcentage à partir du nombre d’enfants diabétiques de type 1 de moins de 15 ans suivis à la fin de l’année étudiée, par rapport à l’ensemble de la population de moins de 15 ans résidant en Bretagne en 2017.

L’objectif secondaire était d’étudier les circonstances de découverte du diabète. Elles ont été divisées en trois groupes : un syndrome polyuro-polydipsique, une acidocétose ou un coma acidocétosique. Les trois groupes étaient exprimés en pourcentage, selon l’année de découverte et selon la tranche d’âge. Une acidocétose était définie selon les recommandations de la Société internationale pour le diabète de l’enfant et de l’adolescent (Ispad) comme la présence d’un pH sanguin inférieur à 7,3 ou d’un dosage de réserve alcaline inférieur à 15 mmol/L. Le coma acidocétosique était ici défini par l’association d’une acidocétose et d’un trouble de la conscience.

Les statistiques ont été réalisées centre par centre, puis ont été mises en commun pour une analyse au niveau régional. Les analyses descriptives ont été réalisées sur le logiciel Excel. Les intervalles de confiance à 95% (IC95%) ont été calculés selon la méthode standard.

Les trois groupes de circonstance de découverte ont été comparés selon l’âge en analyse univariée à l’aide d’un test du Chi2 sur le logiciel R studio version 4.0.2.

RegiDiab® est un outil informatique de support des données de soins de diabétologie pédiatrique, qui présente un traitement de données en conformité avec le Règlement général européen de protection des données 2016/679, dit RGPD, et avec les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Le traitement de données “RegiDiab®” est décrit dans le registre de chaque établissement de soins.

Résultats

Les données de 998 patients ont été entrées dans le logiciel RegiDiab®. Les patients étaient nés entre 2002 et 2019, leur diabète avait été découvert entre l’âge de 0 et 14 ans. Il y avait 487 filles et 511 garçons, soit un sex-ratio garçons/filles de 1,05.

L’âge moyen au moment du diagnostic était de 8,6 ans (IC95%: [7,9-9,2]) pour les nouveaux cas diagnostiqués en 2017, 8,5 ans [7,8-9,2] en 2018 et 9,3 ans [8,6-10] en 2019. La médiane d’âge au moment du diagnostic était de 9 ans en 2017 et 2018 et de 10 ans en 2019.

Taux d’incidence

Le nombre de cas incident entre 2017 et 2019 était de 355 patients. Il y a eu 118 nouveaux cas en 2018, 119 en 2018 et 118 en 2019.

Le taux d’incidence rapporté sur les trois années était de 20,3 pour 100 000 PA [18,2-22,4]. Il était de 20,3 pour 100 000 PA chez les filles [17,3-23,4] et de 20,2 pour 100 000 PA chez les garçons [17,3-23,2]. Ce taux était très stable sur les trois années étudiées, comme indiqué dans le tableau.

Tableau : Incidence et taux d’incidence du diabète de type 1 en Bretagne entre 2017 et 2019
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Le nombre de cas incidents par groupe d’âge cumulé sur les trois années était de 56 nouveaux patients âgés de 0 à 4 ans, soit 15,8% du nombre de nouveaux cas total, 130 nouveaux patients âgés de 5 à 9 ans, soit 36,6%, et 169 nouveaux patients âgés de 10 à 14 ans, soit 47,6%.

Le taux d’incidence selon la tranche d’âge pour chaque année est détaillé dans la figure 1. Ces taux étaient croissants entre 2017 et 2019 chez les patients âgés de 10 à 14 ans. Pour les patients âgés de 0 à 4 ans et de 5 à 9 ans, l’évolution des taux était variable.

Le sex-ratio garçons/filles des nouveaux cas de DT1 entre 2017 et 2019 était de 1,04.

Figure 1 : Taux d’incidence pour 100 000 personnes années du diabète de type 1 en Bretagne entre 2017 et 2019 selon l’âge
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Taux de prévalence

Il y avait 686 patients de 0 à 14 ans suivis pour un DT1 en Bretagne en 2017, 689 en 2018 et 698 en 2019. Cela représente le même taux de prévalence à 0,12% [0,11-0,13] pour les trois années. Le taux de prévalence selon la tranche d’âge par année est représenté dans la figure 2. Ces taux étaient globalement stables sur les trois années. Ils étaient les plus faibles chez les patients âgés de 0 à 4 ans et les plus importants chez les patients âgés de 10 à 14 ans.

Figure 2 : Taux de prévalence en % du diabète de type 1 en Bretagne entre 2017 et 2019 selon l’âge
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Circonstances de découverte

Entre 2017 et 2019, 64,5% [59,5-69,5] des patients ont présenté un syndrome polyuro-polydipsique seul au diagnostic, 33% [28,1-37,8] une acidocétose, et 2,5% [0,9-4,2] un coma acidocétosique. Aucun décès n’a été constaté. Les différentes circonstances de découverte selon l’année sont représentées en pourcentage dans la figure 3. Elles ont été étudiées selon la tranche d’âge, les résultats sont présentés dans la figure 4.

Les circonstances de découverte du DT1 et la fréquence de l’acidocétose ne différaient pas de manière significative selon la catégorie d’âge étudiée (p=0,65) en analyse univariée.

Figure 3 : Circonstances de découverte du diabète de type 1 chez l’enfant en Bretagne entre 2017 et 2019
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Figure 4 : Circonstances de découverte du diabète de type 1 chez l’enfant selon l’âge en Bretagne entre 2017 et 2019
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Discussion

Le projet RegiDiab®

L’outil informatique RegiDiab®, mis au point par la société PC Pal en coopération avec notre équipe, est aisé d’utilisation et permet un suivi de cohorte. On rappelle que selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), le suivi du DT1 en pédiatrie se fait uniquement en milieu hospitalier 15. Chaque service possédait sa propre liste de patients suivis, tenue à jour à chaque nouvelle découverte de diabète. Le recueil de données via RegiDiab® est donc conçu pour être exhaustif. Une des limites de notre étude est que nous n’avons pas mis en œuvre de moyens pour vérifier cette exhaustivité, donc l’absence de biais de sélection. Une estimation d’incidence sur ces mêmes années en Bretagne à partir des bases de données médico-administratives, comme réalisé par C. Piffaretti et coll. 3,5, pourrait être effectuée, afin de comparer les résultats. Cela permettrait de valider l’exhaustivité de notre base de données et également de tester la fiabilité des algorithmes utilisés dans ce type d’étude. Ces méthodes présentent l’inconvénient, par rapport au suivi de cohorte assuré par les registres, d’être longues à réaliser, le délai entre le recueil des données et les contrôles de fiabilité étant souvent de plusieurs années. Un travail devra être réalisé par le groupe de ce registre, afin de travailler en collaboration avec les Départements d’information médicale (DIM) et les Caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM) pour établir une procédure continue de vérification d’exhaustivité. Afin que cette base de données soit considérée comme un registre régional, il s’agira également de formaliser son organisation avec la constitution d’une cellule de direction et de coordination, d’un comité de pilotage, d’un comité scientifique, et de mener un travail sur les procédures, la gouvernance, le financement, les recueils de données et leur vérification.

Évolution de l’incidence et de la prévalence du DT1

Cette étude concernait uniquement les patients diabétiques résidant en Bretagne. L’estimation par C. Piffaretti coll. 5 de l’incidence du DT1 en France et de ses disparités régionales entre 2013 et 2015 avait retrouvé d’importantes différences interrégionales, mais un taux d’incidence en Bretagne de 18,1 pour 100 000 PA similaire au taux d’incidence national moyen de 18 pour 100 000 PA. Les résultats retrouvés dans notre étude régionale peuvent donc avec prudence être extrapolés afin de permettre une comparaison avec des études nationales. Il faut relever cependant qu’à la différence de notre étude, un patient dont seule la découverte de diabète avait été prise en charge en Bretagne était pris en compte dans l’analyse de la région Bretagne.

L’augmentation de l’incidence du DT1 depuis la fin du 20e siècle est un fait observé dans toutes les études portant sur le sujet, en France et à l’international 2,3,4,5,6. Depuis les années 2000, un plateau ou un ralentissement dans la vitesse de croissance de l’incidence a parfois été décrit 7,8,9,10,11,12. Le taux d’incidence observé en Bretagne entre 2017 et 2019 était plus important que tous les taux d’incidence nationaux estimés auparavant, y compris dans les dernières estimations de 2015. En considérant prudemment ces résultats comme un reflet de la situation nationale, ils confirmeraient que l’incidence du DT1 est toujours en augmentation sur ces dernières années. Cependant, la différence avec les derniers taux d’incidence observés en France et en Bretagne reste modérée, et la vitesse d’accroissement paraît moindre que celle observée au début des années 2000. Dans notre étude, il n’était pas retrouvé d’augmentation du taux d’incidence entre 2017 et 2019. Notre évaluation ne concernant pas les enfants âgés de 15 à 18 ans, une augmentation d’incidence sur cette tranche d’âge reste possible. La période étudiée est certainement trop courte pour confirmer l’hypothèse d’un plateau dans l’augmentation de l’incidence du DT1, mais ces résultats sont cohérents avec l’impression de ralentissement déjà décrite dans plusieurs pays.

En 2012, Santé publique France estimait la prévalence du diabète traité par insuline en France à 0,02% chez les enfants âgés de 0 à 4 ans, à 0,09% chez les enfants âgés de 5 à 9 ans et à 0,18% chez les enfants de 10 à 14 ans 16. Comme visualisé sur la figure 2, notre étude retrouvait un taux de prévalence en Bretagne entre 2017 et 2019 similaire chez les patients âgés de 0 à 4 ans et de 5 à 9 ans, et discrètement plus important chez les patients âgés de 10 à 14 ans. Les données pédiatriques par région n’étant pas renseignées dans l’étude de 2012, la comparaison entre ces données doit rester prudente.

L’âge au moment du diagnostic du DT1 se serait abaissé depuis 30 ans d’après les études françaises 3,6. Notre étude ne parvient pas au même constat. En France, l’âge médian au diagnostic était estimé à 10 ans dans les années 1990 6, puis à 8 ans entre 2010 et 2015 3. Notre étude retrouvait un âge médian de 9 ans en 2017 et 2018 et 10 ans en 2019. L’étude de C. Piffaretti et coll. montrait une augmentation continue du taux d’incidence dans la tranche d’âge 0-4 ans entre 2010 et 2015 3. Notre étude ne parvient pas aux mêmes conclusions. Comme le montrent les résultats présentés dans la figure 1, le taux d’incidence chez les enfants âgés de 0-4 ans était variable entre 2017 et 2019, mais inférieur au taux d’incidence de 14,2 pour 100 000 PA estimé au niveau national en 2015. Les effectifs étaient cependant particulièrement faibles dans cette catégorie, et les intervalles de confiance larges.

Circonstances de découverte

La fréquence de la présence d’une acidocétose et d’un coma acidocétosique au moment du diagnostic du DT1 varie de manière importante selon les études, les pays et l’âge 13,14,17,18,19. Une étude française menée par l’observatoire de l’AJD a étudié les signes cliniques présents à la découverte du DT1 dans 146 centres sur l’année 2009. Il était retrouvé une acidocétose dans 43,9% des cas, et elle était plus fréquente chez les enfants âgés de moins de 5 ans 14.

Plusieurs études retrouvent un pourcentage d’acidocétose plus fort chez les enfants plus jeunes 13,14,19. La présentation clinique du DT1 est moins évidente à ces âges, la maladie plus rare, et la vitesse de progression vers l’acidocétose et le coma est par ailleurs plus élevée.

Dans notre étude réalisée sur la population bretonne, la présence d’une acidocétose au moment du diagnostic sur les trois années étudiées et toutes tranches d’âge confondues représentait 33% [28,1-37,8] des découvertes de DT1, et celle d’un coma acidocétosique 2,5% [0,9-4,2]. Contrairement aux résultats attendus, la tranche d’âge 0-4 ans était celle ou l’acidocétose était la moins fréquente. Les acidocétoses sévères avec coma étaient cependant plus fréquentes chez les 0-4 ans. Notre étude n’a pas permis de mettre en évidence une différence significative entre les circonstances de découverte et la fréquence de l’acidocétose selon l’âge, la faible puissance de l’étude pouvant expliquer ce résultat.

Conclusion

Cette étude permet une estimation récente de l’évolution de l’incidence et de la prévalence du DT1 en Bretagne chez les enfants de moins de 15 ans. Elle est cohérente avec certains résultats internationaux montrant un ralentissement dans l’accroissement du taux d’incidence. Les résultats ne confirment pas dans cette population l’augmentation de l’incidence précédemment décrite chez les enfants âgés de moins de 5 ans. Une étude sur l’incidence du DT1 à partir des bases de données médico-administratives sur les mêmes années permettrait de valider l’exhaustivité du recueil de données via le logiciel RegiDiab®. Le projet RegiDiab® vise à mettre en activité le premier registre régional en France depuis le début des années 2000, qui permettrait un suivi épidémiologique et de cohorte du DT1 en pédiatrie, diffusable dans d’autres régions, indispensable pour une meilleure connaissance de la pathologie.

Remerciements

Nous remercions Bertrand Gagnière (Santé publique France – Bretagne) et Pierre Gary-Bobo (CHRU Rennes).

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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Citer cet article

Le Gall M, Nivot S, Guitteny MA, Saade MB, Bourdet K, Marques C, et al. Incidence, prévalence et circonstances de découverte du diabète de type 1 chez l’enfant en Bretagne entre 2017 et 2019. Bull Epidémiol Hebd. 2021;(13):226-32. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2021/13/2021_13_1.html