Inégalités entre hommes et femmes face au risque d’infection par le virus SARS-CoV-2 durant le confinement du printemps 2020 en France
// Gender inequalities due to the risk of SARS-CoV-2 infection during the lockdown of spring 2020 in France
Résumé
Introduction –
La distribution sociale de l’infection au SARS-CoV-2 et le rôle du genre ont été largement négligés en France, principalement en raison du manque de données. L’objectif de cet article est d’analyser le risque d’infection au SARS-CoV-2 en fonction du sexe, en étudiant l’influence d’autres dimensions sociales dans cette relation, en particulier la profession.
Méthodes –
Nous avons utilisé les données du Baromètre Covid-19. Chaque semaine, une vague de sondage était administrée sur Internet auprès d’un échantillon de 5 000 personnes représentatif de la population française métropolitaine âgée de 18 ans et plus, établi par la méthode des quotas. Au total, 25 001 participants ont été interrogés entre le 7 avril et le 11 mai 2020. La relation entre le sexe, la profession et l’infection au SARS-CoV-2 a été étudiée par des modèles de régression logistique emboités.
Résultats –
Durant la période du premier confinement en 2020 en France, les femmes déclarent plus souvent que les hommes un diagnostic médical d’infection au SARS-CoV-2 (4% vs 3,2%). Cependant, lorsque l’on prend en compte la relation entre le sexe et les professions et catégories socioprofessionnelles, le sur-risque d’infection chez les femmes ne s’observe plus. Plus spécifiquement, les hommes cadres sont plus à risque de déclarer l’infection que ceux appartenant aux autres professions et catégories socioprofessionnelles, ce qui n’est pas observé chez les femmes.
Conclusions –
Le lien entre sexe et infection au SARS-CoV-2 est modifié par la prise en compte de la profession, suggérant que la distribution des professions par sexe est une dimension importante à considérer. Les différences de risque d’infection entre hommes et femmes méritent donc d’être analysées au regard des facteurs socioéconomiques et des rôles sociaux qui leur sont dévolus.
Abstract
Introduction –
The social distribution of SARS-CoV-2 infection among men and women and the role of gender have been largely neglected in France, mainly due to a lack of data. The aim of this article is to describe and analyse the risk of SARS-CoV-2 infection with respect to sex, and the influence of other social factors, especially occupation, in this relationship.
Methods –
We used data from the “COVID-19 Barometer”. Each week, a cross-sectional survey was administered via Internet to a sample of 5,000 people representative of the French metropolitan population, aged 18 and over, established by the quota method. A total of 25,001 participants were questioned between 7 April and 11 May 2020. The relationship between sex, occupation and SARS-CoV-2 infection was studied using multivariate nested logistic regression modelling.
Results –
During the first lockdown of spring 2020 in France, women reported a medical diagnosis of SARS-CoV-2 infection more often than men (4% vs 3.2%). However, when taking into account the relationship between sex and socioeconomic variables (occupation), the additional risk of infection for women was no longer observed. Specifically, while men in executive positions were more likely to report a diagnosis of infection compared to those in other occupations, this association was not observed amongst women.
Conclusions –
The relationship between gender and SARS-CoV-2 infection was modified by the inclusion of occupation, suggesting the distribution of occupations by sex is important to consider. The differences in the risk of infection between men and women therefore require further exploration with regard to socioeconomic factors.
Introduction
Le syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-2) donnant lieu à la maladie Covid-19 a été signalé pour la première fois le 31 décembre 2019 à Wuhan, en Chine, se propageant rapidement et causant la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes dans le monde. Face à cette pandémie, de nombreux pays ont mis en place des mesures de santé publique pour limiter la propagation du virus, dont l’instauration d’un confinement total en France du 17 mars au 11 mai 2020. Ce confinement de la population était accompagné d’autres mesures : la fermeture d’établissements et commerces, le recours au télétravail, la mise en place d’allocations de chômage technique et partiel, etc. Ces mesures ont permis de réduire fortement la circulation du virus, le fardeau sur le système de soins et le nombre de personnes contaminées. Depuis, différentes mesures ont continué d’être appliquées au gré de l’évolution de l’épidémie, comme des mesures de couvre-feu suivies d’un nouveau confinement du 30 octobre au 15 décembre pour faire face à une deuxième vague de l’épidémie, et la remise en place de mesures de couvre-feu depuis le 16 janvier 2021.
L’âge, le fait d’avoir des maladies chroniques telles que le diabète, les maladies respiratoires, les maladies rénales et cardiovasculaires ou encore l’obésité ont été liés à une évolution défavorable et à la mortalité par la Covid-19 1. Des différences ont également été observées entre hommes et femmes face au risque d’infection et son évolution. Des explications biologiques, notamment liées à une réponse immunologique différente, qui pourrait expliquer que le SARS-CoV-2 entraîne une maladie plus sévère chez les hommes 2, ont rapidement été évoquées. Cependant, l’explication sociale de l’infection au SARS-CoV-2 a été largement négligée en France, à l’exception de l’étude EpiCov 3, ceci principalement en raison du manque de données. Les données provenant des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la Suède 4,5,6,7 suggèrent que l’appartenance à un groupe minoritaire, une classe sociale défavorisée, des conditions de logement défavorables telles que le surpeuplement du logement ou la densité de population du quartier, le côtoiement de voisins ou de membres du foyer en âge de travailler et la pauvreté sont tous des facteurs associés au risque d’infection, à la gravité et à la surmortalité.
Du fait de la division sexuée du travail, les femmes se retrouvent plus souvent dans les différents groupes suscités, ce qui pourrait augmenter leur risque d’exposition au SARS-CoV-2 et d’infection 8. En effet, le rôle social des hommes et des femmes, à la fois en dehors du foyer en termes d’activité professionnelle et au sein du foyer dans les rapports intrafamiliaux, peut potentiellement être impliqué dans l’exposition au risque d’infection. Pour éclairer cette question, nous avons utilisé les données de la base de données nationale « Baromètre Covid-19 » (disponible sur https://datacovid.org/) en nous concentrant sur les vagues de données recueillies pendant la période du premier confinement. L’objectif de cet article est de décrire et d’analyser le risque d’infection au SARS-CoV-2 en fonction du sexe, en étudiant l’influence que peuvent avoir d’autres dimensions sociales dans cette relation, en particulier la profession.
Matériel et Méthodes
Données
Le Baromètre Covid-19 est une initiative de science citoyenne qui vise à fournir en accès libre à l’ensemble de la population française des données issues d’un sondage hebdomadaire permettant d’éclairer la lutte contre l’épidémie de Covid-19, à partir de mesures sur la dynamique de l’épidémie de Covid-19, ses déterminants et ses impacts. Sponsorisé par mécénat (https://datacovid.org/partenaire/) (1), ce Baromètre est le fruit d’un partenariat privilégié avec Ipsos et Agalio. Chaque semaine, une vague de sondage était administrée sur Internet par l’institut de sondage Ipsos auprès d’un échantillon de 5 000 personnes représentatif de la population française métropolitaine âgée de 18 ans et plus (pseudo-panel), établi par la méthode des quotas (sexe, âge, professions et catégories socioprofessionnelles, région et catégorie d’agglomération). Les données analysées dans cet article correspondent aux cinq premières vagues d’enquête qui couvrent la période entre la quatrième et la huitième semaine de confinement. Elles sont accessibles librement à l’adresse suivante : https://datacovid.org/data/. Au total, 25 001 participants ont été interrogés sur la période du 7 avril au 11 mai 2020. Les analyses reposent sur des données auto-déclarées par les répondants.
Critère de jugement
La variable d’intérêt principal est le statut d’infection au SARS-CoV-2, auto-déclaré par les participants entre avril et mai 2020 en deux modalités : infection diagnostiquée (par un test ou un examen médical) et absence d’infection.
Variable d’exposition principale
Notre variable d’exposition principale est le sexe (femme ; homme).
Variable modératrice
Parmi les variables socioéconomiques susceptibles d’influencer la relation entre le sexe et le statut d’infection au SARS-CoV-2, nous avons considéré les professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) (cadres ; agriculteurs ; indépendants ; professions intermédiaires ; employés ; ouvriers ; retraités ; inactifs) 9.
Covariables
Ces variables ont été choisies en rapport avec leur capacité potentielle à influencer le lien entre le sexe, la profession et le risque d’infection. Elles couvrent :
–les caractéristiques sociodémographiques et géographiques : la classe d’âge, la région de résidence (France métropolitaine) et la taille de l’agglomération (rural ; 2 000-19 999 habitants ; 20 000-99 999 habitants ; plus de 100 000 habitants ; Paris) ;
–la situation professionnelle pendant la période de confinement issue des questionnaires administrés et distinguant les professions hors domicile considérées « à risque » (travail en dehors du domicile et secteur de la santé) et les professions non à risque (travail à domicile habituel ; télétravail ; arrêt maladie ; chômage partiel ; congé ; retraités ; inactifs).
–les conditions de vie liées à l’épidémie de Covid-19 : une variable de surpeuplement dans le logement a été définie en utilisant le nombre de pièces et le nombre de personnes vivant dans le logement. Cette variable a été dichotomisée (> ou non à 1,5 personnes par pièce) pour les analyses descriptives et gardée en continu dans les modèles multivariés ;
–les comorbidités rapportées par les participants qui incluent le diabète, les cancers, les maladies respiratoires, l’insuffisance rénale chronique dialysée, la maladie chronique du foie, l’hypertension ou les maladies cardiaques, les maladies immunitaires et la prise de traitement immunosuppresseur. Dans les modèles multivariés, une variable comorbidité en trois classes (pas de comorbidité ; une ; deux ou plus) a été utilisée. Par ailleurs, l’indice de masse corporelle (IMC) déclaré par les participants a été codé en quatre classes selon les seuils de l’OMS (<18 kg/m², [18-25[ kg/m², [25-30[ kg/m² et >30 kg/m²).
Analyses statistiques
Les comparaisons des caractéristiques des participants selon le statut d’infection à la Covid-19 ont été réalisées en utilisant le test du Chi2 de Pearson. Pour étudier l’association entre le sexe, la PCS et le statut d’infection au SARS-CoV-2, des modèles emboîtés de régression logistique ont été réalisés sur cas complets.
Modèle 1 : Infection SARS-CoV-2~ Sexe + variables de confusion.
Modèle 2 : Infection SARS-CoV-2~ Sexe + PCS + variables de confusion.
Modèle 3 : Infection SARS-CoV-2~ Sexe + PCS + sexe*PCS + variables de confusion.
Ce modèle inclut un terme d’interaction entre la catégorie socioprofessionnelle et le sexe.
Modèle 4 : Infection SARS-CoV-2~ Variable construite (sexe-PCS) + variables de confusion. Ce modèle inclut une variable construite en croisant la PCS avec le sexe.
Les modèles présentés sont ajustés sur les variables de confusion potentielles à savoir l’âge, la région de résidence, la catégorie d’agglomération et la période (numéro de la vague d’enquête), ainsi que les comorbidités et l’IMC, la densité de personnes dans le logement et la situation professionnelle pendant la période de confinement.
Les analyses ont été réalisées avec un seuil de significativité à 5%.
Résultats
Caractéristiques sociodémographiques des participants au Baromètre Covid-19 et prévalence des individus diagnostiqués positifs au SARS-CoV-2 (tableau 1)
Parmi les 25 001 participants, 55,5% sont des femmes, environ un tiers ont moins de 40 ans et 24% ont 65 ans ou plus. Environ 2% des individus vivent dans un logement surpeuplé (i.e. avec plus de 1,5 personnes par pièce). Près de 21% des participants vivent en milieu rural et 32% habitent dans des villes de plus de 100 000 habitants. Près de la moitié des participants déclarent un surpoids ou une obésité (46%). Enfin, environ 27% des individus rapportent au moins une comorbidité.
Les femmes sont en moyenne plus jeunes et présentent moins de comorbidités que les hommes. En termes de caractéristiques socioéconomiques, les femmes occupent plus fréquemment des professions intermédiaires, des postes d’employées ou se déclarent plus souvent inactives que les hommes tandis que les hommes occupent plus souvent des postes de cadres, d’ouvriers ou se déclarent plus souvent retraités comparativement aux femmes. Pendant le confinement, 16% des individus interrogés ont pratiqué le télétravail et 16% des participants ont poursuivi leur activité professionnelle hors domicile, dont 0,7% dans le secteur de la santé, un secteur surreprésenté chez les femmes (1,1%).
En ce qui concerne le risque d’infection au SARS-CoV-2, 3,7% des individus rapportent un diagnostic médical d’infection. Les femmes sont surreprésentées parmi les individus avec un diagnostic médical (4% chez les femmes 3,2% contre chez les hommes).
Caractéristiques des individus diagnostiqués positifs au SARS-CoV-2 (tableau 2)
Chez les hommes comme chez les femmes, les individus qui déclarent avoir été diagnostiqués au SARS-CoV-2 sont plus jeunes, habitent plus souvent dans les grandes agglomérations et à Paris, déclarent plus fréquemment une situation professionnelle « hors domicile » et vivent plus souvent dans des logements plus peuplés comparativement à ceux ne rapportant pas d’infection. Ces individus présentent aussi plus fréquemment au moins une comorbidité que ceux n’étant pas infectés. Des différences entre hommes et femmes sont observées vis-à-vis de la PCS. Chez les personnes rapportant un diagnostic médical d’infection au SARS-CoV-2, les cadres, les ouvriers et les professions intermédiaires sont surreprésentés chez les hommes, tandis que chez les femmes, ce sont surtout les professions intermédiaires et les employées.
Facteurs associés au diagnostic médical de Covid-19
Le tableau 3 présente les modèles de régression logistique multivariés des facteurs associés au diagnostic médical d’infection au SARS-CoV-2 en France lors du confinement du printemps 2020.
Dans le modèle 1 prenant en compte les facteurs de confusion, les femmes ont 23% plus de risque de déclarer une infection au SARS-CoV-2 que les hommes (odds ratio, OR=1,23 IC95%: [1,06-1,42]). Après ajustement sur les variables socioéconomiques (modèle 2), la probabilité de déclarer un diagnostic médical d’infection au SARS-CoV-2 augmente chez les femmes (OR=1,26 [1,09-1,47]) et tend à être plus faible pour toutes les professions autres que cadres et agriculteurs, toutes choses égales par ailleurs.
Lorsque l’on introduit la variable d’interaction entre le sexe et la PCS dans le modèle 3, cette interaction apparaît significative (p<0,05) tandis que l’effet indépendant du sexe sur la probabilité de déclarer une infection au SARS-CoV-2 s’inverse et n’est plus significatif (p=0,327). L’effet indépendant de la PCS est modifié par l’inclusion du terme d’interaction (diminution des OR des différentes catégories). Le dernier modèle 4 qui intègre cette interaction montre que, comparativement aux hommes cadres, les hommes de professions intermédiaires (OR=0,69 [0,49-0,98]), employés (OR=0,62 [0,42-0,91]), ouvriers (OR=0,62 [0,43-0,91]), retraités (OR=0,45 [0,28-0,74]) ou inactifs (OR=0,42 [0,25-0,71]) ont un risque moins élevé de déclarer un diagnostic positif d’infection au SARS-CoV-2, tandis que ce sous-risque n’est pas observé pour les femmes de professions intermédiaires, les femmes employées, ouvrières ou retraitées.
Discussion
Cette étude présente des différences de risque d’infection au SARS-CoV-2 entre les hommes et les femmes pendant le premier confinement du printemps 2020 en France. L’exploitation des données du Baromètre Covid-19 montre que globalement, le risque d’un diagnostic médical d’infection au SARS-CoV-2 est plus élevé chez les femmes (4% vs 3,2%). Cependant, lorsque l’on prend en compte la relation entre le sexe et la PCS, le sur-risque d’infection chez les femmes ne s’observe plus. Ce résultat suggère que la prise en compte d’autres déterminants liés au sexe, en particulier la profession, influence fortement ce lien. Cet effet croisé entre le sexe et la profession est en faveur d’un effet du genre dans l’infection au SARS-CoV-2 10.
Le genre étant un principe de différenciation et de hiérarchisation entre les sexes, qui aboutit à une division sexuée du travail à la fois dans la sphère marchande et la sphère domestique 11, nos résultats multivariés intégrant la variable construite sexe-PCS soulignent que : i) comparativement aux hommes cadres, les hommes appartenant aux autres PCS sont moins à risque de déclarer l’infection ; ii) les femmes, quelle que soit leur PCS, ne sont pas statistiquement moins à risque de déclarer l’infection que les hommes cadres. La PCS intégrant par construction de multiples dimensions, ce résultat suggère que la nature des métiers exercés dans ces différentes classes, mais aussi le secteur d’activité économique, la qualification, la position hiérarchique et le statut ne sont pas les mêmes entre les femmes et les hommes en termes d’exposition au risque d’infection durant la période du premier confinement en 2020 en France.
Dans notre échantillon, les cadres et les ouvriers sont surreprésentés chez les hommes, tandis que les professions intermédiaires, les employées et les personnes sans activité professionnelle sont surreprésentées chez les femmes. En France, les professions intermédiaires regroupent notamment les métiers du soin (infirmier, sage-femme), les métiers de l’éducation et de l’animation (instituteur, éducateur) ainsi que certains métiers de l’administration publique. Ainsi, les femmes sont surreprésentées dans l’exercice de professions qui nécessitent une exposition au public, exposition qui n’a pas été forcément suspendue pendant le confinement, notamment pour les métiers du soin et pour les emplois essentiels tels que caissier par exemple. On constate de fait qu’avant l’épidémie de la Covid-19, les femmes faisaient moins souvent du télétravail que les hommes 12. Pour les hommes, les cadres ont pu bénéficier du télétravail tandis que les ouvriers exercent plutôt dans le secteur du bâtiment, moins exposé au public et surtout fortement impacté par le premier confinement. En effet, de nombreux chantiers ont été fermés, ce qui a conduit un nombre important d’ouvriers au chômage technique 13.
Cet effet du genre est retrouvé dans d’autres pays 14,15. Plusieurs études confirment des taux d’infection au SARS-Cov2 plus élevés chez les femmes par rapport aux hommes 16. Cette forte proportion de femmes infectées par le SARS-CoV-2 s’explique en partie par le fait que les femmes représentent environ 70% du personnel travaillant dans le système de soins 17,18, ce qui les expose à un risque accru de contamination via des contacts plus fréquents avec des patients positifs pour le SARS-CoV-2. Les femmes représentent ainsi jusqu’à 70% des cas confirmés parmi les travailleurs de la santé 16. Les femmes sont également surreprésentées dans des secteurs d’activités très affectés par l’épidémie de Covid-19, comme par exemple la vente. En France, les femmes représentent en effet 60% des emplois dans ce secteur 19.
Nos résultats intégrant le terme d’interaction entre le sexe et la PCS mettent en évidence l’absence de lien significatif persistant entre le sexe et le risque d’infection au SARS-CoV-2, écartant possiblement l’effet du sexe « biologique » au profit d’un effet du genre. Des études complémentaires sur l’effet du genre comme déterminant structurel des inégalités sociales d’infection au SARS-CoV-2 seraient intéressantes à développer.
Limites
La limite la plus importante de notre travail est liée à la mesure de l’infection au SARS-CoV-2, qui est rapportée par les participants via le questionnaire en ligne. On ne peut donc exclure que parmi les personnes déclarant avoir été malades de la Covid-19, certaines soient non malades et, plus probablement, que parmi les personnes se déclarant non malades, certaines soient infectées. Une étude, réalisée durant la même époque du premier confinement en 2020 sur un échantillon représentatif de la population résidente en France, a montré une séroprévalence du SARS-CoV-2 à 4,5%, à partir d’une mesure biologique 3. Dans notre travail, 3,7% des participants ont déclaré avoir été diagnostiqués positifs pour le SARS-CoV-2, ce qui correspond à une prévalence cohérente malgré une mesure basée sur l’auto-déclaration. La deuxième limite de l’échantillon est due au plan de sondage par la méthode non-probabiliste des quotas, avec un questionnaire effectué en ligne. Bien que l’échantillon ait été construit pour représenter la population française selon sa structure d’âge, de répartition géographique, de sexe et de PCS, cet échantillon n’est pas un échantillon aléatoire de la population française. Ceci est d’autant plus vrai que la méthode de recueil par Internet est potentiellement biaisée. Ainsi, par rapport aux chiffres de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) de 2020 20, on note dans le Baromètre Covid-19 une légère surreprésentation des catégories employées (19% contre 14% pour l’Insee), tandis que les catégories ouvrières sont sous-représentées (8% contre 11% pour l’Insee). Une troisième limite de notre étude est son aspect transversal. De futures analyses longitudinales permettraient d’explorer les effets causaux de ces relations. Une quatrième limite concerne la mesure de la densité de personnes dans le logement. Avec les données à disposition, nous avons utilisé une méthode classiquement retrouvée dans la littérature, mais qui reste néanmoins moins précise que l’indice de peuplement des logements proposé par l’Insee 21. En effet, nous ne disposions pas d’informations assez précises (entre autres, le type et la surface des pièces, la composition précise du foyer en termes de statut marital, âge et sexe des enfants) pour calculer l’indice de peuplement des logements de l’Insee. Ceci laisse penser que nous sous-estimons cette condition dans notre échantillon par rapport à la population française et que les différences rapportées dans cette étude sont probablement plus importantes dans la population générale. De plus, nous n’avons pas distingué les enfants des adultes dans les foyers. Or, les femmes vivent en moyenne dans des logements plus petits, avec plus souvent des enfants à charge, donc des risques de contamination au domicile plus forts 22,23.
Notre étude présente cependant des forces comme une taille d’échantillon importante, de nombreuses informations recueillies, notamment sur les conditions de vie (région de résidence, catégorie d’agglomération, densité de personnes dans le logement et situation professionnelle pendant le confinement), et peu de données manquantes.
Conclusion
Notre analyse sur un échantillon représentatif de la population française selon la méthode des quotas, durant le confinement du printemps 2020, révèle des différences genrées face au risque d’infection, les hommes de professions autres que cadres étant moins à risque d’infection, ce qui n’est pas le cas chez les femmes. Les différences de risque d’infection entre les hommes et les femmes méritent donc d’être analysées au regard des facteurs socioéconomiques et des conditions de vie, qui sont des facteurs majeurs à prendre en compte lorsque l’on s’intéresse au risque d’avoir été diagnostiqué positif au SARS-CoV-2. La distribution de l’infection au SARS-CoV-2 peut donc se comprendre aussi selon l’intersection des catégories sociales où le genre, la profession et d’autres variables que nous n’avons pas pu mesurer expliquent en partie la répartition non aléatoire du virus, reflétant des inégalités structurelles. Ce travail souligne l’intérêt et l’importance d’une approche intersectionnelle pour mieux comprendre ces mécanismes, une approche encore peu utilisée aujourd’hui en France, comparativement à d’autres pays.
Remerciements
Les recherches menant à ces résultats ont reçu un co-financement de l’Agence nationale de la recherche en France (n° ANR-20-COVI-0088-01) et de la région Occitanie (arrêté n° 2000-7460). Ces résultats s’inscrivent dans le programme interdisciplinaire EPIDEMIC (2020-2021) de l’Institut fédératif d’études et de recherches interdisciplinaires santé société – Iferiss-Fed 4241. Nous remercions également tous les participants et toutes les participantes aux enquêtes et études utiles aux analyses présentées ici.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
publications/etudes-et-resultats/en-mai-2020-45-de-la-population-vivant-en-france-metropolitaine
worldbank.org/bitstream/handle/10986/33622/Gender-Dimensions-of-the-COVID-19-Pandemic.pdf
QSP40.web_.pdf
2381478
c1236
1372778?sommaire=1372781.
Citer cet article
2021/11/2021_11_2.html