Épidémie de dermatophytoses à Trichophyton tonsurans dans une école maternelle de l’ouest de la France, novembre 2018

// An outbreak of Trichophyton tonsurans dermatophytosis in a nursery school, Western France, November 2018

Myrtille Richard1, Ronan Ollivier1 (ronan.ollivier@santepubliquefrance.fr), Ludovic de Gentile2, Marie-Paule de Rusunan3, Geneviève Rollet4, Gérard Boussin5, Jean-Philippe Bouchara2, Lisa A. King1
1 Santé publique France - Pays de la Loire, Nantes, France
2 Laboratoire de parasitologie-mycologie du Centre hospitalier universitaire, Angers, France
3 Agence régionale de santé des Pays de la Loire, Cellule de veille et d’alerte, Nantes, France
4 Direction des services départementaux de l’Éducation nationale de Maine-et-Loire, France
5 Direction santé publique, Ville d’Angers, France
Soumis le 12.01.2020 // Date of submission: 01.12.2020
Mots-clés : École maternelle | Trichophyton tonsurans | Tapis de repos | Épidémie
Keywords: Nursery school | Trichophyton tonsurans | Rest mat | Outbreak

Résumé

Introduction –

Le 14 novembre 2018, une épidémie de dermatophytoses était signalée dans une école maternelle du Maine-et-Loire, avec plus de 15 malades depuis la rentrée scolaire. Des investigations épidémiologique, microbiologique et environnementale ont été conduites.

Matériel et méthodes –

Une étude transversale répétée a été menée auprès des 109 élèves et 10 adultes de l’école. Une enquête initiale par questionnaire a été réalisée sur place le 30 novembre, associée à une visite des classes. Des prélèvements mycologiques des lésions et sur tapis de repos ont été réalisés. Une recherche active de cas avec dépistages cliniques a été menée secondairement jusqu’au 18 janvier 2019.

Résultats –

Sur la période, 35 élèves et 3 adultes ont été malades. La prévalence globale était de 35% (38/109 personnes vues et/ou examinées) et diminuait avec l’âge passant de 53% chez les moins de 4 ans à 17% chez les 5 ans et plus. Les lésions étaient majoritairement localisées sur la partie supérieure du corps (85%) et se présentaient sous la forme d’épidermophyties circinées dans trois quarts des cas. Les modes de couchage ont été identifiés comme source probable de contamination indirecte. Le dermatophyte anthropophile Trichophyton tonsurans a été isolé chez 21 cas et sur 16 des 18 tapis de repos prélevés.

Discussion –

T. tonsurans est une espèce résurgente en France métropolitaine, incitant à une vigilance accrue. Les mesures de prévention comprenant information et sensibilisation des parents, enseignants et professionnels de santé devraient être renforcées dans tous les établissements publics comme privés accueillant des enfants (écoles, centres de loisirs).

Abstract

Introduction –

On 14 November 2018, an outbreak of dermatophytosis was reported within a nursery school in Maine-et-Loire, Western France, with more than 15 sick people since the beginning of the school year. Epidemiological, microbiological and environmental investigations were performed.

Material and methods –

A cross-sectional study was repeated among 109 students and 10 adults. A primary survey by questionnaire was performed on-site on 30 November, associated with a class visit. Skin lesions and rest mats were sampled. An active case research with clinical screening was subsequently carried out until 18 January 2019.

Results –

Over the period, 35 students and 3 adults were ill. The overall prevalence was 35% (38/109 people seen) and decreased with age from 53% for those under 4 to 17% among those 5 years and older. The lesions were mostly located on the upper part of the body (85%) and were tinea corporis in three quarters of cases. Sleeping habits have been identified as a likely source of indirect contamination. The anthropophilic species Trichophyton tonsurans was isolated for 21 cases and on 16 of the 18 rest mats sampled.

Discussion –

T. tonsurans is a resurgent species in metropolitan France, requiring increased vigilance. Preventive measures including information and awareness of parents, teachers, and healthcare practitioner should be strengthened in all public and private institutions with children (schools, leisure centers).

Introduction

Les dermatophytoses sont des mycoses cutanées dues à des champignons filamenteux microscopiques aux propriétés kératinophiles et kératinolytiques. Chez l’homme, ces champignons provoquent des lésions de la peau glabre (épidermophyties circinées), des plis (intertrigos), du cuir chevelu (teignes), des poils (folliculites) ou des ongles (onychomycoses) 1. La contamination est directe, via un malade ou porteur sain, ou indirecte via les squames parasitées présentes sur les surfaces souillées (salles de sport, piscines) ou les objets partagés (tondeuses, vêtements, literie) 2. Les espèces diffèrent selon leur réservoir (anthropophiles, zoophiles ou géophiles) et leur localisation géographique 3. En France, comme dans les autres pays européens, les teignes sont dues principalement à des espèces anthropophiles. Les plus fréquemment isolées sont Microsporum audouinii, Trichophyton soudanense et Trichophyton tonsurans 4,5,6. T. tonsurans semble avoir un potentiel épidémique important 6,7.

Alerte

Le 14 novembre 2018, un médecin de l’Éducation nationale du Maine-et-Loire signalait à l’Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire une épidémie de dermatophytoses survenue depuis la rentrée scolaire de septembre 2018 chez plus de 15 élèves et adultes d’une école maternelle du département. Un premier cas de teigne à T. tonsurans et 13 cas d’épidermophyties circinées non documentées avaient déjà été détectés en mars et juin 2018 respectivement.

Face à cette résurgence, l’ARS a saisi la cellule régionale de Santé publique France pour coordonner une investigation épidémiologique, microbiologique et environnementale en collaboration avec le laboratoire de parasitologie-mycologie du Centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angers, l’Éducation nationale et la Ville d’Angers. Les objectifs étaient de mesurer l’ampleur de l’épisode, retrouver l’agent pathogène, rechercher une source de contamination et mettre en place des mesures de contrôle adaptées.

Matériel et méthodes

Investigation épidémiologique

Une étude transversale répétée a été menée auprès des élèves, enseignants et agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) des quatre classes de l’école maternelle, entre le 30 novembre 2018 et le 18 janvier 2019. La répartition des classes était la suivante :

classe 1 : très petite et petite sections (enfants âgés de 2 à 3 ans) ;

classe 2 : très petite, petite et moyenne (2-4 ans) ;

classe 3 : moyenne (4-5 ans) ;

classe 4 : grande (5-7 ans).

Un cas était défini comme toute personne exposée à l’école ayant présenté entre le 1er septembre 2018 et le 18 janvier 2019 une ou plusieurs lésion(s) cutanée(s) traitée(s) par un antifongique. Un cas était confirmé lorsque l’espèce T. tonsurans était isolée. Un cas était considéré comme guéri s’il était un cas, confirmé ou non, au 30 novembre 2018 et ne présentait plus de lésion visible au 18 janvier 2019.

Enquête initiale

Un questionnaire a été administré le 30 novembre 2018, auprès des parents pour les élèves. Le questionnaire recueillait la date de naissance, le sexe, la classe fréquentée, les lésions cutanées traitées par antifongique depuis le 1er septembre 2018 (date d’apparition, localisation et réalisation ou non d’un prélèvement), les expositions intrafamiliales (lésions mycosiques, voyage récent hors France métropolitaine, animaux familiers) et sportives.

Recherche active de cas

À la suite de l’enquête, une surveillance a été instaurée jusqu’au 18 janvier 2019. En accord avec la médecine scolaire et les laboratoires de ville, toute nouvelle lésion détectée chez une personne exposée à l’école était signalée à l’ARS. Par ailleurs, trois médecins diligentés par le CHU, l’Éducation nationale et la Mairie et supervisés par le mycologue du CHU ont examiné la partie supérieure du corps des enfants et adultes à deux occasions : le 26 décembre 2018 (lors des activités extrascolaires) et le 18 janvier 2019. Les parents ont été informés par écrit. Ces examens étaient associés à un questionnaire allégé (sans recherche de facteurs d’expositions) administré auprès des parents.

Diagnostic mycologique

Des prélèvements et analyses des lésions ont été effectués par les laboratoires de ville ou du CHU selon les techniques usuelles de recherche de dermatophytes 1,2. Les lésions cutanées étaient grattées et écouvillonnées en périphérie. Pour les teignes, le prélèvement était précédé par un examen du cuir chevelu sous lampe de Wood. Les croûtes, squames et cheveux cassés étaient recueillis. L’examen direct immédiat était suivi d’un ensemencement sur milieu de Sabouraud additionné de chloramphénicol et de cycloheximide et d’une incubation à 25°C pendant trois semaines minimum.

Analyses

Une analyse descriptive a été réalisée. Le risque d’être malade a été étudié :

selon l’âge, avec un test de tendance ;

selon les expositions intrafamiliales et sportives recherchées le 30 novembre avec un rapport de prévalence (RP), son intervalle de confiance à 95% et sa significativité avec le test exact de Fisher.

Le résultat des tests était considéré comme significatif si p<0,05.

Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata© version 14.2.

Cadre règlementaire

Les données des questionnaires et des prélèvements ont été saisies informatiquement sur une plateforme sécurisée de gestion de données de santé. L’étude a été menée avec l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés dont dispose Santé publique France pour « identifier la source et maîtriser une épidémie » (avis n° 341194).

Investigation environnementale

Une visite des quatre classes de l’école a été organisée le 30 novembre en présence du mycologue du CHU, de l’ARS et de Santé publique France. Les pratiques concernant les modes de couchage et les objets partagés, ainsi que les mesures d’hygiène et de nettoyage des locaux ont été observées. La direction de l’école, les enseignants et Atsem, la Ville, ont été interrogés plus avant sur ces pratiques. Des prélèvements sur les tapis de repos d’une classe – devant des contraintes de temps, matérielles et humaines – et les peluches collectives et individuelles ont été effectués par le laboratoire du CHU. Pour chaque tapis, quatre boîtes contacts de 25 cm2 contenant un milieu de Sabouraud additionné de chloramphénicol et cycloheximide ont été appliquées, chacune sur cinq sites différents. Pour les peluches, un écouvillonnage humide sur toute la surface a été réalisé.

Résultats

Investigation épidémiologique

Au total, 91% des élèves (99/109 inscrits) et tous les enseignants et Atsem (10/10) ont été vus par l’équipe d’investigation et/ou examinés par un mycologue au moins une fois.

Enquête initiale

Le questionnaire du 30 novembre a été renseigné pour 55 élèves et 10 adultes. Le taux de participation des élèves était de 50%. Parmi les participants, 16 élèves et 3 adultes répondaient à la définition de cas, soit une prévalence de 29% (19/65) (tableau 1). Les trois adultes étaient un enseignant, un Atsem et une personne en service civique.

Tableau 1 : Prévalence de la dermatophytose selon la période de l’étude, école maternelle, Maine-et-Loire, France, novembre 2018-janvier 2019
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Recherche active de cas

La surveillance a identifié 19 élèves nouvellement infectés entre décembre 2018 et janvier 2019 :

4 signalés par les laboratoires (ville et CHU) ;

1 parmi les 26 examinés le 26 décembre ;

14 parmi les 82 personnes (77 élèves et 5 adultes) examinées le 18 janvier.

Diagnostic mycologique

Sur 38 cas, 29 ont fait l’objet de prélèvements : T. tonsurans a été isolé chez 21 d’entre eux (n= 21 cas confirmés). T. soudanense a été isolé chez un cas de teigne (espèce identifiée chez un autre enfant de la fratrie ne fréquentant pas l’école, orientant vers une contamination intrafamiliale). Seul l’examen direct était positif, en faveur d’une dermatophytose, pour 3 des 7 cas restants dont 1 avait reçu un traitement antifongique préalable ; l’examen direct et les cultures étaient négatifs pour les 4 autres.

Caractéristiques et expositions scolaires des malades

Sur la période d’étude, 35 élèves et 3 adultes ont été définis comme cas, soit une prévalence globale de 35% (38/109).

L’âge médian des enfants atteints était de 3,5 ans (min=2, max=5). Le sex-ratio H/F était de 0,8 (34% des garçons et 39% des filles malades).

Les symptômes avaient débuté entre les mois de septembre et décembre 2018 (S36 à S52) avec 10 cas avant les vacances de la Toussaint et 12 au retour, suggérant une source commune persistante (figure 1). Un cas a déclaré des symptômes perdurant depuis le mois de juin (S25). Près de la moitié des cas (42%) fréquentaient la classe 1, 26% la classe 3 et 21% la classe 2. Seuls 11% étaient dans la classe 4. Les trois adultes malades, dont les lésions sont apparues à un mois d’intervalle (septembre, octobre et novembre 2018), travaillaient chacun dans une classe différente (2, 1 et 3 respectivement).

Figure 1 : Distribution des cas de dermatophytoses selon la semaine de début des signes et la classe,
école maternelle, Maine-et-Loire, novembre 2018-janvier 2019 (n= 25*)
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La prévalence diminuait avec l’âge, passant de 53% chez les moins de 4 ans à 17% chez les 5 ans et plus (test de tendance, p<0,01, figure 2).

Figure 2 : Prévalence de la dermatophytose selon l’âge des enfants, école maternelle, Maine-et-Loire, novembre 2018-janvier 2019 (n=96*)
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Les lésions étaient majoritairement localisées sur la partie supérieure du corps (85%) dont la moitié au niveau du visage. Il s’agissait principalement d’épidermophyties circinées (75%). Moins d’un quart des cas (24%), uniquement des enfants (6 garçons et 5 filles), présentaient une teigne. Pour 20% des cas, plusieurs parties du corps ont été touchées (deux pour 5 cas et trois pour 2 cas).

L’évolution du statut vis-à-vis de la maladie était connue pour les personnes vues en début puis en fin d’étude, soit 41 enfants et 5 adultes. Parmi eux, 6 nouveaux cas ont été identifiés (comptant parmi les 19 de la recherche active) et 4 ont présenté des lésions supplémentaires. Plus de la moitié d’entre eux (25/46) n’ont jamais présenté de lésions et un quart (11/46) ont guéri.

Au final, 72% (71/99) des enfants et 70% (7/10) des adultes sont restés indemnes.

Autres expositions

Parmi les expositions intrafamiliales, la présence de lésions mycosiques était significativement associée à la survenue de la maladie avec un RP de 2,8 [1,3-6,3] (tableau 2). Neuf familles étaient concernées dont cinq avaient un enfant défini comme cas. Les expositions sportives n’étaient pas associées à la maladie.

Tableau 2 : Prévalence de la dermatophytose selon les facteurs d’expositions recherchées lors de l’enquête du 30 novembre 2018 (n=65), école maternelle, Maine-et-Loire
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Investigation environnementale

Visite des classes

La fréquence de nettoyage des lits (classe 1), tapis de repos, tapis d’animation, draps et couvertures et plans de travail n’était pas satisfaisante. Leur rangement n’était pas optimal avec des lits et tapis de repos non nominatifs. Les doudous étaient mélangés dans une même boîte.

Prélèvements

Les 18 tapis de repos de la classe 3 ont été prélevés : 16 sont revenus positifs à T. tonsurans. La contamination était généralement faible (1 à 5 colonies par boîte). Une forte contamination a été observée sur deux tapis (jusqu’à 50 colonies par boîte). Les trois peluches collectives de l’école ont été prélevées : aucune espèce n’a été isolée. Sur trois peluches individuelles prélevées, une est revenue positive à T. tonsurans.

Mesures de gestion

Préconisations des autorités sanitaires

Plusieurs préconisations ont été émises :

Un renforcement des mesures d’hygiène collective et de nettoyage sur trois mois avec :

nettoyage régulier des plans de travail (détergent-désinfectant-fongicide), des lits, tapis de repos et draps ;

caractérisation d’espaces de rangement appropriés pour la literie ;

nettoyage approfondi des classes pendant les vacances scolaires ;

formalisation des modalités d’utilisation et d’entretien des locaux (usage mutualisé sur les temps scolaires péri, et extra-scolaires) ;

suppression des tapis d’animation et des boîtes à doudous ;

identification des lits, draps et couvertures (nom et prénom) ;

Une éviction scolaire de cinq jours après début du traitement (certificat médical non obligatoire);

La destruction et le remplacement des tapis de repos (avec housses de rangement individuelles) ;

Des consignes d’hygiène individuelle à remettre aux familles.

Si la majorité des mesures ont pu être appliquées, un retard d’approvisionnement des nouveaux tapis de repos, le changement du prestataire de nettoyage et l’absence de formalisation écrite de procédures ont été des obstacles à leur instauration rapide.

Renforcement de l’information

Au lendemain de l’alerte, une réunion a été organisée, avec l’appui de l’ARS, par le mycologue du CHU à l’intention des parents et enseignants les informant de l’épidémie et les sensibilisant sur les modes de contamination, mesures d’hygiène et conduite à tenir devant toute lésion suspecte. Un courrier a été envoyé à toutes les familles. Une rétro-information écrite, sur les mesures de contrôle mises en place et le résultat de l’examen clinique de leur enfant, a été réalisée.

Les médecins traitants ont été informés de l’épisode via les parents invités à les consulter. Une lettre leur rappelait l’importance du prélèvement avant traitement. Dès confirmation de l’origine fongique, ils recevaient un appel téléphonique du CHU pour une prise en charge thérapeutique rapide et adaptée.

Une réunion de sensibilisation a été organisée par le laboratoire du CHU à l’intention des médecins généralistes, pédiatres, dermatologues et biologistes des laboratoires de ville le 26 février 2019.

Discussion

Les investigations ont permis d’identifier T. tonsurans comme seul agent pathogène responsable de l’épidémie et de suspecter les tapis de repos comme source de contamination indirecte probable des 35 élèves. Les trois adultes ont été contaminés directement via les enfants.

T. tonsurans, espèce originaire d’Afrique intertropicale et des Antilles maintenant établie en Amérique du Nord et en Europe, est responsable d’épidémies intrafamiliales, scolaires ou sportives. En France métropolitaine, on observe, depuis les années 2000, une constante augmentation de l’incidence de cette espèce 8,9,10. Ses caractéristiques intrinsèques, responsables de lésions particulièrement squameuses, pourraient expliquer son extension et sa plus grande virulence 9,10,11. Une nouvelle souche a été isolée pour la première fois en France en 2016 lors d’une épidémie scolaire 10.

Sur un mois et demi, l’ampleur de l’épidémie a été mesurée avec précision : la quasi-totalité des élèves a été vue. L’enquête épidémiologique et environnementale a permis rapidement :

de suspecter une contamination scolaire ;

de confirmer l’existence d’une source ponctuelle persistante (courbe épidémique) ;

de constater des défauts dans les mesures d’hygiène collective et d’identifier les modes de couchage comme source probable de contamination (visite) ;

de suspecter une dissémination intrafamiliale du champignon avec un risque presque trois fois plus important de lésions dans les familles des cas ;

d’infirmer l’hypothèse d’une contamination sportive ;

d’identifier parallèlement une contamination intrafamiliale à T. soudanense.

La surveillance a permis de s’assurer de la mise en place des mesures de contrôle et de cibler un plus grand nombre d’élèves.

Le nombre élevé de cas pourrait s’expliquer par :

un retard et des difficultés dans l’application des mesures d’hygiène collective ;

une prise en charge diagnostique tardive liée à la mise en place de traitement présomptif sans confirmation biologique ;

une prise en charge thérapeutique tardive, voire inadaptée, liée à la réticence à la prescription, par certains médecins, du traitement antifongique oral (griséofulvine recommandé à une posologie de 20 mg/kg/jour) en raison de ses effets indésirables 12 ;

une mauvaise observance du traitement (devant être administré sur six à huit semaines).

Le risque d’être infecté diminuait avec l’âge ; les enfants en bas-âge étant probablement plus souvent en contact avec la literie avec des temps de repos fréquents et prolongés. Ils se déplacent facilement d’un lit à l’autre et ont des contacts rapprochés, attitudes favorisant la dissémination du champignon. Leurs lésions cutanées étaient d’ailleurs majoritairement localisées sur les parties les plus exposées (visage ou membres supérieurs). L’examen exclusif de la partie supérieure du corps lors des dépistages a pu surestimer ce constat. Cependant, la quasitotalité des lésions prélevées était localisée à ce niveau.

Les épidermophyties circinées étaient prédominantes par rapport aux teignes, situation plutôt inhabituelle. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, T. tonsurans est la principale espèce responsable de teignes chez l’enfant 7,13,14,15. En France, les teignes prédominent aussi lors des épidémies et études en milieu scolaire 10,16,17,18,19. Une proportion élevée de porteurs asymptomatiques (20 à 50%) a été mise en évidence, justifiant l’intérêt d’associer l’examen clinique à un dépistage mycologique. Un dépistage n’a pu été réalisé dans notre étude conduisant sûrement à une sous-évaluation du nombre de teignes. Cette hypothèse serait cohérente avec les résultats d’une étude récente où T. tonsurans a été identifié comme l’espèce la plus fréquemment isolée chez des élèves porteurs asymptomatiques 20. Ce portage asymptomatique et la survie prolongée du champignon sur les surfaces inertes rendent difficile l’évaluation de leur contagiosité réputée de forte 21 à faible 22. L’éviction scolaire est aujourd’hui recommandée par le Haut comité de santé publique jusqu’à présentation d’un certificat médical attestant d’une consultation et de la prescription d’un traitement adapté 22. Le certificat n’a pas été imposé dans l’école, mais une éviction de cinq jours a été respectée.

Jusqu’à ce jour, aucun cas extérieur en lien avec l’école maternelle n’a été repéré. Ce résultat est étroitement lié à la coopération des parents mais aussi des partenaires. Il montre l’importance d’un renforcement de l’information délivrée aux parents et enseignants et de l’implication de tous les acteurs intervenant sur l’école. Une communication régulière et précise est indispensable pour maintenir l’adhésion et éviter des interprétations néfastes à une mobilisation coordonnée que nécessite ce genre de situation.

Quelques cas dans l’école maternelle ont continué à être identifiés sur le mois de février 2019, incitant à maintenir la vigilance. Un système de surveillance locale a été mis en place via un partenariat entre l’ARS et le CHU associant la médecine scolaire. Les laboratoires de ville sont incités à signaler tout diagnostic de dermatophytoses et à centraliser les souches isolées au CHU pour des études génotypiques.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier les parents, les élèves et la direction de l’école maternelle pour leur coopération, ainsi que Pascaline Loury de Santé publique France pour ses conseils et sa relecture.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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20 Allahdadi M, Hajihossein R, Kord M, Rahmati E, Amanloo S, Didehdar M. Molecular characterization and antifungal susceptibility profile of dermatophytes isolated from scalp dermatophyte carriage in primary school children in Arak city, Center of Iran. J Mycol Med. 2019;29(1):19-23.
21 Agence pour une vie de qualité. Fiche informative sur la teigne. AVIQ Wallonie. 2016. [Internet]. https://www.wiv-isp.be/matra/Fiches/Teigne.pdf
22 Haut Conseil de la santé publique. Survenue de maladies infectieuses dans une collectivité. Conduites à tenir. Guide des conduites à tenir en cas de maladies infectieuses dans une collectivité d’enfants ou d’adultes. Paris: HCSP; 2012. 97 p. https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=306

Citer cet article

Richard M, Ollivier R, de Gentile L, de Rusunan MP, Rollet G, Boussin G, et al. Épidémie de dermatophytoses à Trichophyton tonsurans dans une école maternelle de l’ouest de la France, novembre 2018. Bull Epidémiol Hebd. 2020;(17):344-50. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/17/2020_17_2.html