Bilan de santé des enfants de 3-4 ans en école maternelle par la Protection maternelle et infantile en 2014-2016 : disparités départementales des pratiques
// Health assessment of 3-4 years old children in nursery schools by the child and maternal protection authorities (PMI) in 2014-2016: different practices within French departments
Résumé
Objectifs –
Cette étude a pour objectif de décrire les conditions de réalisation, par les services départementaux de Protection maternelle et infantile (PMI) ayant participé à l’enquête Elfe-PMI, du bilan de santé des enfants de 3 à 4 ans scolarisés en maternelle (BSEM).
Méthodes –
L’enquête Elfe-PMI a été menée chez des enfants nés en 2011 et scolarisés en petite et moyenne section de maternelle dans 30 départements volontaires de France métropolitaine en 2014-2016. Les fréquences des différents dépistages proposés lors du BSEM ont été décrites et analysées selon des données démographiques, des indicateurs socioéconomiques et des modalités de réalisation du BSEM.
Résultats –
Il existe des disparités territoriales dans le fonctionnement du bilan de santé des enfants de 3 à 4 ans réalisé par la PMI. Ces disparités ne sont pas en lien avec des facteurs sociodémographiques de précarité, d’accès aux soins ou de moyens disponibles pour la PMI. Elles affectent le nombre d’enfants dépistés et la façon de les dépister.
Conclusion –
Les organisations hétérogènes du BSEM semblent témoigner de choix départementaux. Une réflexion sur ce dispositif à l’échelle nationale devrait avoir lieu afin de garantir l’équité d’accès aux dépistages pour les enfants de 4 ans sur l’ensemble du territoire.
Abstract
Objectives –
The study aims to describe the implementing procedure of the health check of children aged 3 to 4 years in nursery school (BSEM) and performed by the local child and maternal protection authorities (PMI) who participated in the Elf-PMI survey.
Methods –
The Elf-PMI survey was conducted in 2014-2016 among children born in 2011 and schooled in kindergarten in 30 voluntary departments in metropolitan France. The frequencies of the different screenings proposed during the BSEM were described and analyzed according to demographic data, socio-economic indicators and the way to conduct the BSEM.
Results –
Large departmental differences exist among the implementation of health checkup of children aged 3 to 4 years performed by the child and maternal protection authorities. These geographical disparities are not related to socio-demographic, social disparities or health access factors. They have an impact on the number of children examined and the way they are screened.
Conclusion –
The different ways check-ups are performed in nursery school are linked to local decisions. A reflection on this mechanism at the national level should take place in order to guarantee the equitable access to screenings for 4-year-old children throughout the country.
Introduction
La loi de 1989 relative à la protection et à la promotion de la santé de la famille et de l’enfant demande aux services départementaux de Protection maternelle et infantile (PMI) d’organiser des consultations et des actions de prévention médico-sociale en faveur des enfants de moins de six ans, notamment en école maternelle 1. Le code de santé publique prévoit ainsi que soient réalisés « la surveillance de la croissance staturo-pondérale et du développement physique, psychomoteur et affectif de l’enfant, ainsi que le dépistage précoce des anomalies ou déficiences et la pratique des vaccinations » 1,2,3. En 2006, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la PMI et le rapport sur l’amélioration de la santé de l’enfant et de l’adolescent du Professeur D. Sommelet montrent que cette mission est difficilement mise en œuvre et très inégalement développée d’un département à l’autre 4,5. Le suivi médical des enfants est alors renforcé par la loi du 5 mars 2007, qui précise que les services de PMI doivent établir un bilan de santé pour tous les enfants de 3 à 4 ans, notamment en école maternelle 2. Très récemment les rapports de Mmes Stéphanie Rist et Michèle Peyron ont encore réaffirmé son rôle central 6,7. Ce bilan apparait essentiel dans le dépistage des « troubles d’ordre physique, psychologique, sensoriel et de l’apprentissage » à un âge où leur prise en charge améliorerait leur pronostic 8.
Il existe peu de mises en perspective des différences entre les départements 4,5,9,10. De rares publications locales viennent témoigner de nombres importants d’orientation vers un professionnel de santé lors du bilan de 4 ans (25-30%) et de son intérêt dans la lutte contre les inégalités sociales de santé (ISS), mais sans permettre qu’une réflexion nationale interroge les différences de pratique 11,12,13,14.
Les enfants nés en 2011 inclus et suivis depuis leur naissance dans la cohorte de naissance nationale Elfe (Étude longitudinale française depuis l’enfance) offrent une opportunité d’ampleur nationale pour analyser les différences d’organisation du BSEM, en décrire les résultats et en évaluer l’impact à court et moyen termes. L’équipe coordinatrice de la cohorte Elfe a donc impulsé en 2014 un projet avec les services de PMI départementaux métropolitains volontaires et conçu une enquête « Elfe-PMI » en partenariat. Cette enquête réalisée en 2014-2016 chez des enfants scolarisés en petite ou moyenne section de maternelle a pour premier objectif la description des modalités de réalisation du BSEM à 3-4 ans et ses éventuelles disparités territoriales.
Méthodes
Population
L’enquête a été réalisée en 2014-2016 avec la participation des médecins et infirmiers ou puéricultrices des services de PMI. L’ensemble des services départementaux de PMI de France métropolitaine avait été sollicité par l’équipe de la cohorte nationale Elfe et 30 départements ont finalement accepté de participer (figure 1).
Tous les enfants nés en 2011, l’un des 25 jours de naissance d’inclusion dans la cohorte Elfe 15, et scolarisés en petite ou moyenne section de maternelle dans l’un des 30 départements participants étaient éligibles, indépendamment de leur statut vis-à-vis de la cohorte Elfe.
Tous les parents des enfants concernés étaient informés de l’enquête par courrier. En cas de refus de transmission des données de santé de leur enfant, un formulaire d’opposition était retourné par les parents.
Données recueillies
Les données d’organisation du BSEM des enfants de 3-4 ans dans les 30 départements participants comprennent les données globales de cadrage pour l’ensemble des enfants nés en 2011 et domiciliés dans les départements concernés, ainsi que les données individuelles pour le sous-échantillon des enfants inclus nés l’un des 25 jours d’inclusion Elfe.
Les données de cadrage par département renseignaient : le nombre d’enfants nés en 2011 et scolarisés en maternelle ; le nombre d’enfants pour lesquels au moins un dépistage avait été réalisé ; le nombre d’enfants pour lesquels un examen médical complet avait été réalisé par un médecin (examen clinique et dépistages) ; les différents dépistages possibles (visuel, auditif, des troubles de langage, des troubles psychomoteurs, du statut vaccinal et bucco-dentaire et d’anomalie de l’indice de masse corporel (IMC) avec relevé des mesures anthropométriques, la mesure de la pression artérielle) ; la stratégie adoptée pour la proposition d’examen médical complet. Le listing des dépistages proposés en bilan infirmier était demandé, du fait des grandes variations attendues d’un département à l’autre, contrairement au bilan complet qui est plus standardisé.
Les données individuelles du BSEM renseignaient, pour chaque enfant, la réalisation et le résultat des dépistages et ont été regroupées par département. La présence ou non d’un parent et des professionnels impliqués était également indiquée. La présence d’un médecin est une donnée différente de la réalisation d’un bilan médical complet.
Analyses statistiques
Les données ont été décrites pour l’ensemble des départements et par département.
Nous avons calculé, à partir des données de cadrage départementales, les taux de couverture d’un examen médical complet et d’au moins un dépistage en rapportant le nombre d’enfants bénéficiaires déclarés au nombre total d’enfants scolarisés. Le taux de couverture estimé pour chaque type de dépistage a été calculé en multipliant la proportion d’enfants bénéficiaires dudit dépistage (taux de réalisation par dépistage obtenu à partir des données individuelles disponibles pour les enfants inclus dans l’enquête) par la proportion d’enfants bénéficiaires d’au moins un dépistage (taux de couverture par au moins un dépistage lors du BSEM obtenu à partir des données de cadrage qui concernent l’ensemble des enfants dépistés). En effet, tous les enfants dépistés n’ont pas été inclus dans l’enquête, mais nous avons retenu l’hypothèse que chaque échantillon départemental pouvait être considéré comme représentatif d’une politique moyenne de réalisation des dépistages.
La proportion d’enfants bénéficiaires d’un bilan médical complet a été corrélée à des indicateurs sociodémographiques départementaux ou liés à la gouvernance des services de PMI : le nombre de naissance en 2011 16, le taux de pauvreté infantile 0-5 ans en 2011 17, le taux de familles monoparentales 18, le budget des services de PMI et le nombre de médecins de PMI en équivalent temps plein (ETP) en 2015 rapportés au nombre de naissances en 2011 19. Le taux de réalisation des différents dépistages a été comparé, selon la présence d’un parent lors du BSEM d’une part et selon la participation d’un médecin au bilan d’autre part, au moyen d’un test de Chi2.
Les logiciels utilisés étaient R 4.4.2 et SAS®.
Autorisations
Le comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS) a émis un avis favorable sur la méthodologie de la recherche (dossier N°14386). La commission nationale informatique et liberté a autorisé la mise en œuvre du traitement des données (Avis DR-2014-524).
Résultats
Données départementales de cadrage
Le nombre de naissances en 2011 dans les 30 départements concernés était de 263 843, soit 33,7% des naissances en France métropolitaine 16. Parmi les enfants scolarisés en petite ou moyenne section de maternelle dans les 30 départements en 2014-2016, 81% (52%-100%) des enfants ont bénéficié d’au moins un dépistage et 17% (1%-74%) d’un bilan médical complet (figure 2). Vingt-six départements ont déclaré l’existence d’écoles non couvertes par le BSEM. Sur les 29 départements répondants, 28 effectuaient toujours un dépistage visuel ou auditif et 26 celui des troubles du langage. Un bilan infirmier complet (ensemble des dépistages) était proposé dans 13 départements et incomplet (dépistage dentaire ou autre(s) non réalisé(s)) dans 9 autres départements. Lors du bilan infirmier, 14 départements ont sollicité la présence des parents. Un examen complet par un médecin, avec présence parentale, était possible dans 27 départements. Les modalités de déclenchement de ce bilan médical complet étaient variables : 9 départements le proposaient systématiquement ; les autres pouvant le proposer à la demande des parents (14), ou en privilégiant les écoles en zone d’éducation prioritaire (16), ou de façon ciblée selon les résultats des dépistages infirmiers réalisés préalablement (22), et enfin selon les échanges avec les enseignants, le service social ou la PMI (23).
La figure 3 montre l’absence de relation entre la réalisation d’un examen médical complet et les facteurs sociodémographiques (monoparentalité, pauvreté) à l’exception du nombre de naissance départemental qui semble, quand il est faible, être un facteur favorisant. Les facteurs liés à la démographie médicale (pédiatres), ou à la gouvernance des services de PMI (nombre de médecins équivalent temps plein et budget) sont également sans lien avec la réalisation du bilan.
Données individuelles du BSEM des enfants inclus
Représentativité de la population des enfants nés en 2011 inclus dans l’enquête
Le nombre d’enfants inclus dans l’enquête Elfe PMI s’élevait à 9 939 soit 55% des enfants nés en 2011 dans les 30 départements participants 16. Le refus d’inclusion concernait 6,3% des enfants ayant bénéficié de l’examen. Les autres motifs de non-inclusion étaient : la non-scolarisation estimée à 1,5% 20, la non-réalisation du BSEM calculée à 19% sur la base des données de cadrage et, par déduction, l’absence de retour des données (estimée à 18,2% des enfants), alors que le BSEM avait bien été réalisé par la PMI (refus des équipes, perte des documents).
Contenu du BSEM selon les départements
Le tableau 1 montre les taux de réalisation de chaque dépistage lors du BSEM à partir des données individuelles et une estimation du taux d’enfants de 3-4 ans scolarisés couverts par ces dépistages (taux de couverture estimé pour l’ensemble des 30 départements). Environ 70% des enfants auraient bénéficié d’un dépistage visuel, auditif, du langage, psychomoteur, anthropométrique et vaccinal, alors que moins de deux tiers auraient bénéficié d’un dépistage dentaire et seulement un tiers d’une mesure de la pression artérielle. L’amplitude de variation entre les départements était la plus importante pour l’évaluation du statut vaccinal, la réalisation de la courbe d’IMC (indice de masse corporelle), l’examen dentaire et la mesure de la pression artérielle.
Contenu du BSEM selon la présence des parents et du médecin
Un parent était présent lors du BSEM dans 58,5% des cas (n=5 653/9 659), avec une variation allant de 2 à 97% selon les départements. Le dépistage visuel était un peu moins fréquent lorsque les parents étaient présents lors du BSEM (tableau 2). En revanche, les autres dépistages ont plus souvent été réalisés lorsqu’un parent était présent. Tout type de dépistage, à l’exception du dépistage auditif, était plus souvent réalisé lorsque le médecin était présent. Ce résultat était particulièrement marqué pour le dépistage dentaire.
Discussion
Les services départementaux de protection maternelle et Infantile (PMI) ont parmi leurs missions celle d’organiser chaque année un bilan de santé pour les enfants âgés de 3 à 4 ans, notamment en école maternelle (BSEM). Conçu pour le dépistage d’anomalies à un âge où leur prise en charge améliorerait leur pronostic 8, le BSEM permet diverses recommandations de santé aux parents pour leur enfant et orientations vers un professionnel de santé 11,12,13,14. Pourtant, des différences importantes sur la population dépistée, le contenu, les outils de dépistage et les professionnels mandatés existent entre les départements, comme le rapportent les expériences locales 10,11,12,13,14.
En France métropolitaine, cette mission a permis à 69,4% des enfants concernés de bénéficier d’au moins un dépistage, 67,2% d’un dépistage visuel et 18,7% d’un examen clinique complet 9.
L’enquête Elfe-PMI permet une analyse des différences d’organisation du BSEM. Bien que l’ensemble des régions de France métropolitaine soit représenté au travers des 30 départements participants, à l’exception d’une, la sélection de départements est néanmoins susceptible d’avoir majoré les taux de couverture de dépistage, reflétant une situation plus favorable que celle de l’ensemble des départements (les départements se trouvant en difficulté ont souvent renoncé à faire partie de l’enquête). Ce biais de sélection est vérifié pour la proportion des enfants bénéficiant d’au moins un dépistage (80,7% versus 69,4% selon la Drees), mais non pour la proportion d’enfants bénéficiant d’un bilan médical complet (17,2% versus 18,7%, Drees) 9. Notre taux de couverture estimé pour chaque dépistage est par conséquent majoré par rapport aux résultats que nous aurions pu obtenir pour la France entière. Par ailleurs, la quasi-totalité des services expriment des difficultés dans la réalisation des BSEM : que ce soit par des écoles non couvertes ou par l’impossibilité de réaliser un examen médical complet pour tous les enfants, y compris dans les départements qui affichent un taux élevé d’enfants vus.
L’hétérogénéité des modalités d’organisation du BSEM se retrouve à différents niveaux et de façon plus ou moins marquée. L’illustration la plus extrême en est la place donnée aux parents, dont la présence varie de 2 à 97% selon les départements. Pourtant, la présence des parents n’est pas neutre car elle est liée à davantage de contenus d’examens, hormis les dépistages visuels et auditifs pour lesquels les parents peuvent communiquer le résultat d’examens spécialisés antérieurs, rendant le dépistage alors inutile. La présence des parents permet en outre davantage d’explications et d’échanges autour de la santé de l’enfant. Il s’agit donc d’un élément d’organisation qui joue un rôle majeur et qui devrait être encouragé et documenté régulièrement.
Les autres éléments d’hétérogénéité entre départements tiennent au contenu de l’examen réalisé. Les dépistages très liés à la présence des médecins sont ceux qui demandent le plus de technicité et d’interprétation. Ces dépistages font pleinement partie des objectifs de santé publique du BSEM. Parmi les dépistages les moins souvent réalisés et avec la plus forte amplitude de variation entre les départements, trois concernent des indicateurs de santé fortement marqués par les inégalités sociales : l’examen dentaire, l’évaluation du statut vaccinal et l’évaluation de la surcharge pondérale 21. Moins de deux enfants sur trois ont bénéficié d’un examen dentaire. Compte tenu de la prévalence des caries évaluée à 16% à 6 ans 21, ce dépistage devrait être généralisé, comme le préconise la Haute Autorité de santé 22. La faible vérification du statut vaccinal, qui peut concerner jusqu’à moins d’un enfant sur trois, rend le contrôle des recommandations vaccinales inconstant. Il s’agit souvent à cet âge de rattraper certains rappels, voire des primo-vaccinations et cet examen est l’occasion d’un dialogue sur l’importance individuelle et collective de la vaccination. Le calcul de l’IMC et la recherche de rebond d’adiposité précoce sont essentiels au dépistage précoce du surpoids et de l’obésité à cet âge, où les enfants ont physiologiquement un faible pourcentage de masse grasse, ce qui rend ces pathologies peu visibles. Moins d’un enfant sur deux a une courbe d’IMC tracée, ce qui impacte le dépistage, l’orientation et les conseils, en particulier pour les enfants les plus à risque 21. Enfin, même si le dépistage visuel est largement pratiqué, comment assurer la prévention du risque d’amblyopie lorsque tous les enfants ne bénéficient pas de ce dépistage par la PMI et qu’il n’existe pas de programme national de dépistage systématique des troubles visuels actuellement recommandé autrement que par ce bilan ?
Cette hétérogénéité dans la réalisation du BSEM pose de façon plus générale trois questions : certaines pratiques d’examens incomplets peuvent-elles correspondre à l’application du principe d’universalisme proportionné ? Les examens sont-ils davantage complets lorsqu’il existe des indicateurs de fragilité des populations ? L’organisation dépend-elle des moyens dont disposent les services de PMI ?
Formulé en 2010, l’universalisme proportionné offre une solution aux approches antagonistes, universelle ou ciblée, qui inspiraient jusque-là les programmes médico-sociaux 23. Les études montrent que la vulnérabilité est plus importante dans les milieux défavorisés mais qu’elle existe bel et bien aussi dans les milieux favorisés. Il s’agit donc dans l’universalisme proportionné de combiner les deux approches, pour permettre à l’ensemble de la population d’accéder aux programmes de prévention et de soin, mais aussi accorder une attention particulière aux groupes les plus exposés. Le bilan de santé universel à 4 ans en maternelle s’inscrit bien dans cette stratégie. Les pratiques d’examen incomplet ne peuvent être justifiées que si elles permettent d’identifier tous les enfants qui ont besoin d’une attention supplémentaire, y compris dans les domaines non couverts par les dépistages proposés : on en comprend d’emblée la difficulté. L’importance de la présence des parents pour aiguiller le professionnel est alors fondamentale.
Nous montrons qu’il n’existe pas de lien entre le taux de pauvreté ou de monoparentalité d’un département et la réalisation de bilan médical complet, alors que l’on attendrait dans ces départements à une majoration du taux d’enfants bénéficiaires. De même, il n’y a pas de lien entre l’offre générale de consultations pédiatriques et la proportion de bilan médical complet. Les moyens mis en œuvre par la PMI relèvent exclusivement de la politique départementale. Ainsi, alors qu’il serait souhaitable que les missions PMI s’exercent en adéquation avec les besoins des populations, elles reflètent surtout les moyens ou les intentions des Conseils départementaux, comme le relevait déjà l’Igas en 2006 4, et récemment le rapport Peyron « Pour sauver la PMI agissons maintenant » 23. Au niveau régional, certains observatoires régionaux de santé (ORS) développent parfois des outils spécifiques, mais ces expériences restent marginales et toujours basées sur le volontariat 24. Nous constatons que les départements de petite taille (faible nombre de naissances) qui ont accepté de participer à notre étude ont tendance à mieux couvrir leur population par un bilan médical complet. L’absence de corrélation entre le taux de bilan médical complet et le budget global du service de PMI pour l’ensemble de ses missions ainsi que le lien plus faible qu’attendu entre le nombre de médecins ETP et le taux de réalisation de bilan médical complet montrent des stratégies départementales diverses quant à l’allocation des ressources médicales et financières au profit de la réalisation des BSEM par les médecins. Certes, des spécificités territoriales doivent être prises en compte, mais en sus d’un socle commun de dépistages sensoriels, du développement psychomoteur, du langage, dentaire, de l’IMC et de la vaccination. Les outils de dépistage utilisés, tout en tenant compte de spécificités, comme l’âge auquel est réalisé le bilan, devraient être davantage standardisés. Actuellement, l’absence de protocole unifié, possiblement en rapport avec l’absence de référentiel dans les recommandations existantes 11, favorise l’hétérogénéité constatée en matière de contenu des bilans de 4 ans.
Ainsi, l’harmonisation des moyens de mise en œuvre du bilan de santé en école maternelle avec un cadre national, comme proposé dans les rapports de S. Rist et M. Peyron 6,7, devrait également pouvoir intégrer des indicateurs de précarité en population et ainsi aller vers plus d’efficience.
Conclusion
Les travaux réalisés en partenariat entre la cohorte Elfe et 30 services départementaux de PMI mettent en évidence de fortes disparités territoriales pour le BSEM. Ces organisations hétérogènes semblent témoigner de choix départementaux, sans qu’il s’agisse nécessairement d’adaptation aux indicateurs de vulnérabilité sociale, d’accès aux soins ou d’adaptation aux moyens disponibles en PMI. Il paraît donc essentiel qu’un pilotage national du dispositif réaffirme les objectifs de santé publique du BSEM et garantisse l’équité d’accès aux dépistages et orientations pour les enfants de 4 ans sur l’ensemble du territoire. Parmi les recommandations du parcours de santé-accueil-éducation des enfants de 0 à 6 ans 6,7 figurent ainsi la mise en place d’un bilan de santé généralisé, avec un objectif de réalisation pour au moins 80% des enfants de moyenne section d’ici 2022, doté d’un référentiel national permettant harmonisation et efficience.
Remerciements
À l’ensemble des médecins, infirmières et puéricultrices de PMI des départements participants, Marina Tilly, Malamine Gassama,
Claire Neveu et l’ensemble de l’équipe Elfe. L’enquête Elfe est une réalisation conjointe de l’Institut national d’études
démographiques (Ined), de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’Établissement français
du Sang (EFS), de Santé publique France, de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), de la
Direction générale de la Santé (DGS, ministère en charge de la Santé), de la Direction générale de la prévention des risques
(DGPR, ministère en charge de l’Environnement), de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
(Drees, ministères en charge de la Santé et de l’Emploi) et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), avec
le soutien du ministère de la Recherche, du Comité de concertation pour les données en sciences humaines et sociales (CCDSHS)
et du ministère de la Culture (DEPS). Dans le cadre de la plateforme RECONAI, elle bénéficie d’une aide de l’État gérée par
l’Agence nationale de la recherche au titre du programme Investissements d’avenir portant la référence ANR-11-EQPX-0038.
Nous remercions les coordonnateurs scientifiques (B. Geay, H. Léridon, C. Bois, MN. Dufourg, JL. Lanoé, X. Thierry, C. Zaros),
les épidémiologistes et statisticiens (M. Gassama, M. Tilly, M. Cheminat, C. Ricourt, A. Candea, L. Germany, C. Neveu), l’équipe
chargée de la communication, les techniciens d’étude (C. Guevel, M. Zoubiri, L. Gravier, I. Milan, R. Popa) de l’équipe de
coordination de l’étude Elfe, ainsi que les familles qui ont participé à l’étude.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.