Impact, prévention et gestion du risque infectieux épidémique (infections respiratoires et gastro-entérites aiguës) dans les Établissements d’hébergement pour personnes âgées d’Occitanie au cours de la saison hivernale 2016-2017
// Impact, prevention and management of epidemic infectious risk (acute respiratory infections and acute gastroenteritis) in the Occitanie (France) long-term care facilities for the elderly during the 2016-17 winter season
Résumé
Du fait de leur morbi-mortalité importante, les infections en Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) constituent une problématique majeure. Un système de surveillance des infections respiratoires aiguës (IRA) et des gastro-entérites aiguës (GEA) en Ehpad a été mis en place depuis 2010 en Occitanie et il convenait de l’évaluer.
Une enquête descriptive transversale a été réalisée durant l’été 2017 afin de décrire rétrospectivement les épisodes de cas groupés survenus entre le 1er octobre 2016 et le 30 avril 2017, la préparation des établissements au risque infectieux et leur perception du système de surveillance. Un échantillon stratifié de 412 Ehpad (50% des Ehpad de la région) a été constitué à partir du Fichier national des établissements sanitaires et sociaux. Les données étaient collectées au moyen d’un questionnaire en ligne.
Au total, 67% des Ehpad de l’échantillon ont participé à l’enquête. Concernant la survenue d’épisodes de cas groupés, 28,4% [22,7-34,2] des Ehpad ont connu au moins un épisode d’IRA et 20,6% [15,2-26,0] au moins un épisode de GEA. La majorité des caractéristiques de ces épisodes étaient proches de celles des épisodes signalés dans le cadre de la surveillance hivernale. Le renforcement des mesures d’hygiène et le maintien en chambre des malades ont été les mesures mises en place le plus rapidement, suivies des mesures d’informations, de la limitation des activités collectives et des visites. La couverture vaccinale antigrippale des soignants était encore très insuffisante (30,4% [26,4-34,3]), notamment dans le secteur public.
Différentes pistes d’amélioration sont évoquées dans cette enquête pour améliorer la prévention et la gestion du risque infectieux dans les Ehpad.
Abstract
Because of their significant morbidity and mortality, infections in long term care facilities for the elderly (LTCFE) are a major problem. A surveillance system of acute respiratory infections (ARI) and acute gastroenteritis (AGE) in LTCFE has been implemented since 2010 in Occitanie (France), which should be evaluated.
A cross-sectional descriptive survey was conducted during the summer of 2017 to retrospectively describe the outbreaks that occurred between 1 October 2016 and 30 April 2017, the preparation of LTCFE for risks of infections and their opinion about the surveillance system. A stratified sample of 412 LTCFE (50% of regional LTCFE) was constructed from the National File of Sanitary and Social Institutions. The data was collected using an online questionnaire.
In total, 67% of the LTCFE in the sample participated in the survey. Regarding the outbreaks, 28.4% [22.7-34.2] of LTCFE experienced at least one outbreak of ARI and 20.6% [15.2-26.0] at least one outbreak of AGE. Most of the characteristics of these outbreaks were close to those of the outbreaks reported during winter surveillance. The strengthening of hygiene measures and the isolation of the sick are the measures implemented most rapidly, followed by measures of information, the limitation of collective activities and visits. Influenza vaccine coverage among caregivers was still inadequate (30.4% [26.4-34.3]), especially in public LTCFEs.
Various lines of improvement are mentioned in this survey to improve the prevention and management of infectious risk in LTCFEs.
Introduction
Le risque infectieux dans les EHPAD
En janvier 2016 la France comptait, selon l’enquête EHPA 2015 de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et le Fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess), près de 7 400 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) permettant d’accueillir plus de 600 000 de ces personnes et de leur dispenser des soins médicaux et paramédicaux adaptés. Les infections en Ehpad constituent une problématique de santé publique majeure, dans la mesure où elles concernent une collectivité de sujets fragiles (polypathologie, immunosénescence, dénutrition). Les infections ont également un impact organisationnel en perturbant le bon fonctionnement des établissements. L’enquête Prev’Ehpad 2016 avait révélé un taux de prévalence des infections associées aux soins dans les Ehpad de 3,04% [2,65-3,42], dont 35,5% relevaient de la sphère pulmonaire (pneumonies et infection respiratoires basses), constituant ainsi la deuxième cause d’infection en Ehpad après les infections urinaires 1. De plus, les infections respiratoires aiguës (IRA) représentaient également la première cause de mortalité infectieuse en établissement pour personnes âgées et la première cause infectieuse de transfert vers l’hôpital 2,3. Dans l’enquête HALT 2010 sur la prévalence des infections associées aux soins en Ehpad en Europe, les infections gastro-intestinales représentaient quant à elles 1,6% des infections 4. Un nombre important de cas groupés de gastro-entérites aiguës (GEA) est observé chaque année en Ehpad, accompagné d’un risque de propagation rapide et de déshydratation sévère. Dans ce contexte, le Haut Conseil de la santé publique a émis des recommandations en 2010 et 2012 5,6 , reprises par la Direction générale de la santé en 2012 7.
Le dispositif de surveillance
Le dispositif de surveillance des cas groupés d’IRA et de GEA dans les Ehpad a été mis en place en 2010 en Midi-Pyrénées et en Languedoc-Roussillon, avec pour objectif d’en réduire l’impact sanitaire. Il était coordonné par la Cellule d’intervention en région (Cire) de l’Institut de veille sanitaire (devenu Santé publique France en mai 2016), en collaboration avec l’Agence régionale de santé (ARS) et le Centre régional d’appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPias, ex-Arlin : Antenne régionale de lutte contre les infections nosocomiales).
Chaque année, en début de saison hivernale, la Cire Occitanie fait parvenir aux Ehpad des outils de surveillance et de gestion des cas groupés d’IRA et de GEA (fiche de signalement, conduite à tenir, courbe épidémique…) utilisables toute l’année, mais avec un suivi particulier entre le 1er octobre et le 30 avril. Ces outils, élaborés conjointement avec le CPias et l’ARS, sont disponibles sur le site de l’ARS Occitanie (1).
Lors de la survenue d’un épisode de cas groupés, les Ehpad doivent réaliser un signalement auprès de la Cellule de veille, d’alerte et de gestion sanitaire (CVAGS) de l’ARS Occitanie. En présence de critères de gravité, un appui externe peut être proposé.
Au cours de la saison hivernale 2016-2017, les Ehpad ont été particulièrement impactés par l’épidémie grippale, quasi-exclusivement due au virus grippal A(H3N2), avec 1 903 épisodes d’IRA signalés à l’échelle nationale 8, dont 148 en Occitanie 9.
À l’heure de la fusion des régions Midi-Pyrénées (MP) et Languedoc-Roussillon (LR) et au vu de la saison échue, il semblait pertinent d’évaluer en 2017 le dispositif de surveillance, afin d’avoir une base de réflexion sur les pratiques dans la grande région Occitanie.
De plus, le signalement de cas groupés repose sur une participation volontaire des établissements et il semblait nécessaire d’évaluer l’exhaustivité de ces signalements parmi l’ensemble des épisodes réellement survenus.
Les objectifs de l’étude étaient de :
–quantifier et décrire rétrospectivement les épisodes de cas groupés (au moins 5 cas d’IRA ou de GEA en 4 jours) survenus au cours de la saison hivernale 2016-2017 dans l’ensemble des Ehpad de la région, et les comparer avec les épisodes déclarés dans le cadre de la surveillance ;
–décrire les mesures de gestion et d’appui mises en place durant ces épisodes ;
–décrire la préparation des établissements au risque infectieux en amont de la saison hivernale ;
–apprécier la perception des Ehpad concernant la surveillance et la gestion des cas groupés et recueillir des pistes d’amélioration.
Matériel – Méthodes
L’enquête était une étude descriptive transversale rétrospective portant sur la période du 1er octobre 2016 au 30 avril 2017.
La population cible était l’ensemble des Ehpad d’Occitanie. La population source était de 824 Ehpad inscrits dans le Finess au 15 mai 2017 et exerçant une activité d’hébergement permanent.
Les données étaient recueillies à l’aide d’un questionnaire électronique rempli par les médecins coordonnateurs, infirmiers ou hygiénistes référents entre juillet et septembre 2017. Le questionnaire relevait les caractéristiques des établissements, l’état des connaissances et les opinions sur la surveillance et la préparation au risque infectieux, ainsi que le bilan et la gestion des épisodes survenus au cours de la période. De même que lors de la surveillance hivernale, un épisode de cas groupés était défini comme la survenue d’au moins 5 cas d’IRA ou de GEA en 4 jours. À partir du recueil du nombre d’équivalents-temps-plein (ETP) de médecins coordonnateurs et du nombre de résidents, les établissements étaient classés comme ayant un temps de présence de médecin coordonnateur suffisant ou insuffisant au vu des seuils explicités dans l’article 1 du décret n° 2011-1047 10.
Après le lancement de l’enquête en juillet 2017, trois relances par courriel (en août) et deux relances téléphoniques (en septembre) étaient prévues afin de favoriser la participation et limiter les biais de sélection (taux de participation potentiellement supérieur parmi les Ehpad concernés ayant connu des épisodes de cas groupés).
Afin de disposer des moyens humains nécessaires à cette relance active des établissements, un échantillonnage à 50% a été décidé, soit 412 Ehpad. Pour cela, une stratification a été réalisée. Trois facteurs jugés comme pouvant avoir un effet potentiel sur la survenue et la gestion des cas groupés dans les Ehpad et présents dans la base de sondage ont été choisis comme variables de stratification : l’ancienne région (MP ou LR), la capacité d’accueil (<45 résidents, 45-99, >99) et le statut (public/privé). Douze strates ont ainsi été créées avec des fractions de sondage différentes (8 strates intégralement recensées parmi les petits et les grands établissements et 4 strates d’établissements de taille moyenne sondées avec une fraction de sondage entre 27% et 45%) (figure 1).
Une analyse descriptive a été réalisée en prenant en compte le plan de sondage et une correction en population finie, afin de présenter des estimations sur l’ensemble des Ehpad de la région. Le risque d’erreur admis pour les tests statistiques de comparaison de pourcentages (Chi2) ou de moyennes (Student) était de 5%. Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel Stata® 12.
Résultats
Caractéristiques des établissements
Parmi les 412 établissements de l’échantillon, 275 ont participé à l’enquête, soit 67% (voir la proportionnalité en figure 1).
Les distributions des Ehpad de la région obtenues à partir des 275 participants par ancienne région, taille et statut de l’établissement (région : 54,5% en ex-MP, 45,5% en ex-LR ; taille : 15,8% de petits, 74,1% de moyens et 10,1% de grands établissements ; statut : 45,4% publics, 54,6% privés) étaient comparables aux données de la base de sondage Finess sur l’ensemble des 824 Ehpad de la région (résultats non présentés). Deux départements étaient cependant légèrement sous-représentés dans l’enquête : le Tarn (3,8% [1,9-5,8] dans l’enquête vs 8,1% dans la base Finess) et l’Hérault (14,0% [10,3-17,8] vs 18,2%).
Le questionnaire a été renseigné en majorité par le médecin coordonnateur (52%), par un cadre infirmier ou infirmier référent (36%) et, plus rarement, par un hygiéniste (7%) ou par la direction ou administration (3%).
Un médecin coordonnateur était présent dans l’Ehpad en moyenne à 0,36 ETP [0,34-0,38] et son temps de présence était insuffisant par rapport au nombre de résidents dans 54,8% [48,7-61,0] des établissements. Parmi les établissements publics, 34,4% [28,3-40,5] étaient rattachés à un établissement de santé et, parmi les privés, 54,4% [44,4-64,4] appartenaient à un réseau ou à un groupe d’Ehpad. L’accès à une expertise en hygiène (convention avec un établissement, Équipe opérationnelle d’hygiène ou référent hygiène) était disponible pour 46,1% [40,8‑52,8] des Ehpad.
Bilan des épisodes de la saison hivernale 2016-2017
Entre le 1er octobre 2016 et le 30 avril 2017, on estime que 265 épisodes d’IRA [210-320] et 162 épisodes de GEA [111-213] sont survenus dans l’ensemble des Ehpad de la région. Ces nombres correspondent à, respectivement, 28,4% [22,7-34,2] des Ehpad qui auraient connu au moins un épisode d’IRA et 20,6% [15,2-26,0] au moins un épisode de GEA.
Concernant les caractéristiques de l’épisode principal (épisode avec le plus grand nombre de résidents touchés), le taux d’attaque moyen estimé chez les résidents (IRA : 27,5%, GEA : 28,6%) était cohérent avec le taux d’attaque moyen observé dans les épisodes signalés au cours de la surveillance hivernale (respectivement 28,8% et 32,7%). Chez les soignants, le taux d’attaque moyen estimé était supérieur au taux observé lors de la surveillance hivernale pour les épisodes d’IRA (13,4% vs 6,2%) mais en cohérence pour les épisodes de GEA (12,7% vs 10,8%). En termes de gravité, les taux d’hospitalisation estimés par l’enquête et observés dans le cadre de la surveillance étaient très proches pour les IRA (5,8% vs 6,4%) comme pour les GEA (0,6% vs 0,7%). En revanche, la létalité estimée était inférieure dans notre enquête par rapport à celle observée lors de la surveillance hivernale pour les épisodes de GEA (0,04% vs 0,3%), mais cohérente pour les IRA (3,3% vs 3,1%) (tableau).
Parmi les épisodes survenus, 73,9% [62,8-84,9] des épisodes d’IRA et 63,2% [48,2-78,3] des épisodes de GEA ont été signalés à l’ARS, soit une estimation de 196 épisodes d’IRA [151-240] et 106 épisodes de GEA [68-143] qui auraient été signalés par l’ensemble des Ehpad de la région. Ces chiffres sont proches des signalements parvenus à l’ARS dans le cadre de la surveillance hivernale durant la même période : 148 épisodes d’IRA et 101 épisodes de GEA (tableau). Les motifs de non signalement les plus fréquents étaient l’incertitude quant à l’origine de l’épisode, la surcharge de travail et l’identification tardive de l’épisode (notamment lorsque les cas étaient étalés dans le temps), mais très rarement une méconnaissance du système de signalement.
Mesures de gestion et d’appui lors des épisodes
Concernant la recherche étiologique, un test rapide d’orientation diagnostique (TROD) a été utilisé dans 41,7% [29,9-53,4] des épisodes d’IRA et une coproculture a été réalisée dans 54,6% [35,9-73,3] des épisodes de GEA. Le principal obstacle cité pour l’utilisation des TROD était leur coût et leur difficulté de réalisation sur certains patients non coopérants.
Au cours de l’épisode principal, on note que la mise en place des précautions complémentaires telles que le renforcement des mesures d’hygiène (renforcement de l’hygiène des mains, port de masque et tablier lors des soins) et le maintien en chambre des malades ont été les mesures appliquées le plus rapidement. Les mesures d’information (résidents, familles, affiches), la limitation des activités collectives et des visites ont été prises plus tardivement. Enfin, le report des admissions était la mesure la moins fréquemment mise en œuvre (figure 2).
Les principaux obstacles rencontrés dans la mise en place de ces mesures étaient les difficultés d’acceptation par les familles de la suspension des visites, et la non-compliance à l’utilisation de masques et solutions hydro-alcooliques (SHA) pour l’hygiène des mains par les familles mais aussi les intervenants extérieurs. Des difficultés ont également été rapportées pour le maintien en chambre de patients atteints de troubles cognitifs et le besoin en personnel supplémentaire pour réaliser ces isolements (portage de repas en chambre…).
Parmi les Ehpad ayant rapporté des cas groupés, 25,4% [15,5-35,3] ont demandé un appui. Ce soutien était demandé à l’ARS (43,5% [31,0-56,1]), à l’hygiéniste de proximité (équipes opérationnelles ou mobiles d’hygiène…) (40,1% [27,4-52,9]) ou au CPias (29,1% [2,4-55,8]), principalement afin de valider les mesures prises (86% [71-100]). Cet appui était jugé utile (note moyenne 8,9/10 [8,3-9,6]) et de qualité (9,1/10 [8,5-9,6]).
Préparation au risque infectieux en amont de la saison hivernale
La préparation des établissements au risque infectieux passe, en début de saison, par le rappel des bonnes pratiques (90,3% [86,4-94,1]) et par la promotion des vaccinations recommandées pour les résidents et le personnel ; puis tout au long de la saison, par la mise à disposition des moyens de protection et de diagnostic (masques, tabliers, TROD, SHA) ainsi que la surveillance des cas à l’aide d’un recueil systématique.
Concernant la vaccination, la couverture vaccinale antigrippale des résidents était de 86,0% [84,4-87,6] et l’objectif de 75% dans les groupes à risque (défini dans la loi de santé publique de 2004) était atteint dans 83,8% [78,7-88,9] des Ehpad. En revanche, pour le personnel soignant, bien que 94,7% [92,3-97,0] des Ehpad déclarent proposer la vaccination antigrippale à leur personnel, leur couverture vaccinale était encore très insuffisante (30,4% [26,4-34,3]), notamment dans le secteur public (25,7% [21,4-30,1] vs 33,6% [27,6-39,6] dans le privé ; p=0,038).
Concernant les moyens de protection, la disponibilité des masques (99,5% [98,6-100]), des tabliers (98,6% [97,0-100]) et de SHA (100%) était élevée. En revanche, la disponibilité des outils de diagnostic (TROD au sein de l’établissement, ou à défaut l’existence d’un accord formalisé avec un laboratoire) était insuffisante (51,5% [44,5-58,5]), notamment dans les plus petits établissements (48,7% et 49,5% dans les petits et moyens établissements vs 70,4% dans les grands établissements ; p=0,013).
Concernant le recueil des cas d’IRA et de GEA, respectivement 66,4% [60,4-72,3] et 65,2% [59,2‑71,2] des Ehpad ont organisé un recueil systématique des cas tout au long de la saison. La fréquence de ce recueil augmentait avec la taille des établissements (respectivement pour IRA/GEA : petits=57,8%/53,0%, moyens=67,4%/66,4% et grands=77,4%/80,0% ; p=0,019/0,001).
Connaissances des acteurs et opinion des Ehpad sur la surveillance
Les Ehpad avaient une bonne connaissance des acteurs de la surveillance puisque 94,1% [91,3-96,8] connaissaient le CPias, 80,1% [74,9-85,4] connaissaient la CVAGS et 64,2% [57,8-70,5] connaissaient la Cire. La Cire était mieux connue des plus grands établissements et, bien que non statistiquement significative, cette même tendance se retrouvait pour la CVAGS (respectivement petits=50,9%/76,1%, moyens=64,9%/80,0% et grands=77,6%/87,8% ; p=0,002/0,157).
Les Ehpad jugeaient la surveillance globalement utile (note moyenne 8,6/10 [8,3-8,9]) et efficace (8,0/10 [7,6‑8,3]) pour diminuer l’impact des épisodes infectieux, mais relevaient un manque de simplicité (7,1/10 [6,8-7,5]) et un manque d’intégration dans l’activité quotidienne de l’établissement (6,4/10 [6,0-6,8]).
Discussion – Conclusion
Avec un taux de participation de 67% sur un total de 412 Ehpad sollicités, la participation des établissements à l’enquête est très satisfaisante et supérieure aux taux de participation observés dans des études similaires dans d’autres régions 11,12,13,14. De plus, bien que la participation ait été basée sur le volontariat, l’échantillonnage ainsi que les relances par courriel et téléphone réalisées ont certainement permis de limiter au maximum les biais de sélection, même si on note une légère sous-représentation des Ehpad de deux départements. En outre, le remplissage quasi-exclusif du questionnaire par du personnel soignant (médecin coordonnateur, infirmier référent, hygiéniste) suggère également une bonne fiabilité des informations recueillies.
Cette enquête, réalisée durant l’été 2017, a permis de dresser un bilan d’une saison hivernale durant laquelle les Ehpad ont été particulièrement impactés par l’épidémie grippale 8,9. Le nombre et les caractéristiques des épisodes décrits sont relativement similaires aux épisodes signalés tout au long de la surveillance hivernale, ce qui suggère une bonne représentativité de cette surveillance. On note cependant que le taux d’attaque moyen des IRA chez les soignants estimé par l’enquête était supérieur à celui calculé lors de la surveillance hivernale. Ceci peut s’expliquer par une estimation partielle du nombre de soignants malades lors du signalement (les critères de signalement étant exclusivement basés sur le nombre de résidents malades) puis une absence d’actualisation de cette information lors de la clôture du signalement, minimisant ainsi l’impact final des IRA chez les soignants durant la surveillance hivernale. De la même manière, la létalité estimée par l’enquête pour les épisodes de GEA était inférieure à celle observée dans la surveillance, traduisant une potentielle sous-déclaration des épisodes les moins graves lors de la surveillance hivernale des GEA.
L’identification précoce des épisodes de cas groupés semble être un problème pour les établissements, notamment pour les épisodes d’IRA, lorsque les cas sont étalés sur plusieurs jours avec des symptomatologies pas toujours évocatrices, ou survenant le week-end en effectif soignant réduit. L’amélioration de la surveillance par la mise en place d’un recueil systématique et continu de tous les cas observés, parait nécessaire à rappeler afin de détecter précocement les épisodes et limiter ainsi leur impact. L’utilisation d’un tableur informatique pour recenser chaque cas observé, un rappel quotidien sur ordinateur ou un affichage dans la salle de soins pourraient être des suggestions d’organisation.
Le signalement semble également perfectible, notamment pour les épisodes de GEA. Les établissements ont pour cela suggéré une simplification de la déclaration, avec notamment une dématérialisation de la fiche de signalement, ce qui devrait être mis en place d’ici 2020.
La disponibilité en TROD et leur utilisation optimale pour la confirmation des cas groupés de grippe sont également à développer, notamment dans les petits établissements qui sont aussi ceux le moins souvent rattachés à un établissement de santé. Des solutions locales devraient être recherchées pour lever les principaux freins à leur utilisation, qui sont leur coût (par exemple, organiser en amont de la saison, un accord avec des laboratoires de ville ou hospitaliers ou une mutualisation entre Ehpad) et leur performance (respect des consignes de réalisation en période épidémique sur au moins trois malades depuis moins de 48 heures1, choix d’un TROD avec une sensibilité satisfaisante selon l’évaluation du CNR (2)).
Enfin, la mise en œuvre immédiate des mesures autour des premiers cas (notamment les précautions complémentaires gouttelettes (IRA) ou contact (GEA)) doit être systématique afin de garantir le contrôle de l’épidémie. Pour cela, des difficultés organisationnelles ont été rapportées par les Ehpad, comme la non-adhésion des familles et des intervenants extérieurs qu’il conviendrait de sensibiliser au maintien des malades en chambre, à l’intérêt de la limitation des visites, à la vaccination et à l’utilisation des masques et des SHA. Des courriers ou des réunions d’informations aux familles pour expliquer les mesures mises en place pourraient leur permettre de comprendre la démarche de l’établissement et ainsi d’améliorer leur adhésion. L’implication du médecin coordonnateur auprès des médecins traitants est également primordiale. Ceux-ci doivent être sensibilisés à la dimension collective du risque et aux enjeux du signalement interne.
On note une couverture vaccinale antigrippale du personnel très insuffisante et un taux d’attaque des IRA non négligeable parmi les soignants, ces derniers contribuant ainsi à la contamination des résidents dont l’immunité ne permet pas une protection vaccinale optimale. Au vu de ces éléments, il conviendrait d’augmenter significativement la couverture vaccinale antigrippale des soignants par des mesures incitatives adaptées : implication de la médecine du travail à la sensibilisation du personnel, campagne de vaccination organisée au sein de l’établissement…
Enfin, concernant la perception des Ehpad de la surveillance et de la gestion des cas groupés, on note une bonne connaissance des acteurs régionaux et une bonne appréciation de l’utilité et de l’efficacité du système de surveillance, mais des évolutions sont toutefois demandées concernant sa simplicité et son intégration à l’organisation locale, notamment aux logiciels de soin.
De manière plus globale, la prévention et la gestion du risque infectieux en Ehpad nécessiterait un ensemble de mesures de sensibilisation et de renfort en personnel et des échanges réguliers entre établissements et des hygiénistes. Le déploiement d’équipes mobiles en hygiène pour les Ehpad prévu en 2018 par l’ARS Occitanie devrait permettre d’améliorer la prévention et la gestion de ces épisodes.
Remerciements
Nous tenons à remercier l’ensemble des Ehpad de la région Occitanie, le CPias Occitanie et la CVAGS de l’ARS Occitanie.
Références
2?idArticle=JORFARTI000024532253&cidTexte=JORFTEXT000024532249&dateTexte=29990101&categorie
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